La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.
Nous accueillons une délégation du groupe Casino : M. Hervé Daudin, membre du comité exécutif et président des achats marchandises du groupe, Mme Esther Bitton, directrice juridique « marchandises et concurrence », M. Jean-Yves Haagen, directeur juridique du groupe, et M. Jean-Claude Risac, directeur des relations extérieures.
S'agissant d'une commission d'enquête, il me revient, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de vous demander de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Monsieur Hervé Daudin, madame Esther Bitton, monsieur Jean-Yves Haagen, monsieur Jean-Claude Risac, veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure. »
(M. Hervé Daudin, Mme Esther Bitton, M. Jean-Yves Haagen et M. Jean-Claude Risac prêtent successivement serment.)
Je suis accompagné de Grégory Besson-Moreau, rapporteur de notre commission d'enquête. Celle-ci est ouverte à la presse, l'audience est publique. Si une partie de nos échanges le nécessite et que vous souhaitez aborder des points d'ordre hautement stratégique ou confidentiel, nous sommes disposés à organiser le huis clos.
Nous sommes à votre entière disposition, les autres représentants du groupe Casino ainsi que moi-même, pour répondre à toutes vos questions.
Depuis le début des auditions, j'imagine que tous les intervenants ont présenté les changements profonds que notre secteur connaît, tant en amont qu'en aval. J'insisterai simplement sur ceux qui sont à l'oeuvre dans notre groupe, avec trois orientations fortes :
- tout d'abord, nous adaptons notre portefeuille de formats et d'enseignes à la demande des consommateurs. Nous continuons à réduire notre exposition au format des hypermarchés – qui représenteront seulement 15 % de notre chiffre d'affaires à un horizon de trois ans – et nous allons continuer à nous développer dans les formats de proximité, bio ou qualitatifs. Il y a une dizaine d'années, nous avions lancé la notion de « commerce de précision », par opposition à un commerce de masse. Nous continuons dans ce sens, en adaptant en permanence notre parc de près de 10 000 magasins en France, animés par près de 80 000 salariés ;
- ensuite, nous faisons croître nos activités digitales. Notre objectif est qu'elles atteignent 30 % de notre volume d'affaires en 2021. Dans trois ans, près d'un tiers de l'activité du groupe sera donc digital. Nous nous appuierons pour ce faire sur la montée en puissance de Cdiscount, mais nous triplerons aussi notre activité en e-commerce alimentaire, notamment grâce à nos partenariats stratégiques avec Ocado et Amazon. Nous digitalisons également la relation avec nos clients, en lançant des applications qui permettent par exemple des promotions ciblées. Celles-ci sont beaucoup plus efficaces et globalement moins dispendieuses que des promotions massiques et identiques pour tous ;
- enfin, de nouvelles préoccupations produits voient le jour, et nous essayons d'y répondre. Par exemple, nous sommes les leaders dans la vente de produits bio, en pourcentage de chiffre d'affaires. Et nous allons préserver notre avance, en visant 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires à horizon 2021.
La fonction achats, et plus largement la relation fournisseur-distributeur, est partie intégrante des changements profonds que le groupe connaît et que je viens d'énoncer. Lorsque le modèle dominant est celui du commerce de masse et de la standardisation, le prix d'achat est naturellement le référent essentiel de la relation fournisseur-distributeur, coûte que coûte. Et, pour obtenir le meilleur prix, il y a une course à la masse, à la puissance, des deux côtés : côté fournisseur comme côté distributeur. La standardisation appelle la puissance, et la puissance appelle la standardisation. L'acheteur est alors à l'image de ce mouvement, souverain, univoque.
De notre point de vue, ce modèle de distribution, avec comme corollaire sa fonction achats, est dépassé. Lorsque le modèle de la précision ou de la différenciation de l'offre l'emporte – ce qui est le cas dans le groupe Casino, avec la diversité de ses enseignes et de ses formats –, c'est une tout autre relation distributeur-fournisseur qui se met en place. La puissance n'est plus la qualité essentielle, mais c'est l'agilité et la capacité à trouver des compromis collaboratifs, en intégrant beaucoup d'autres dimensions que le seul prix, en incluant la santé, l'innovation, la différenciation, la taille, la proximité.
Le basculement en cours du modèle de commerce de masse, aujourd'hui dépassé, vers celui de la précision s'accompagne ainsi d'une refonte complète de la fonction achats. Aussi, de notre point de vue, il convient de juger le métier d'acheteur non tant au regard de ce qu'il faisait hier, lorsque le modèle du commerce de masse dominait, mais au regard de ses nouvelles pratiques conforme au nouveau modèle dit « de la précision ».
Pour mettre en oeuvre ces changements aux achats, nous avons lancé il y a près de deux ans un plan d'action modèle drastique, dont nous commençons à percevoir les premiers effets. Et, même si ce plan est antérieur à la loi EGAlim, il a trouvé de notre point de vue son plein accomplissement avec une loi que nous jugeons complètement salutaire. Au cours des deux dernières années, nous avons ainsi fait trois avancées essentielles.
Tout d'abord, nous avons différencié notre stratégie d'achat en fonction de la taille de nos fournisseurs et de la nature de nos marchés. Nous avons en effet trois stades possibles de négociation : au stade d'une enseigne, au stade de la centrale d'achats du groupe Casino – c'est-à-dire au stade de l'ensemble des enseignes du groupe – ou au stade d'un partenariat avec des concurrents, en l'occurrence Horizon. Nous avons aussi plusieurs méthodes d'achat possibles : appels d'offres, gré à gré, contrats pluriannuels. L'objectif est d'adapter le bon niveau de négociation – un de ces trois niveaux – à la bonne méthode d'achat au fournisseur et au marché.
Comme exemple des changements récents que nous avons opérés, les achats fruits et légumes, boulangerie-pâtisserie, boucherie et marée ont récemment été sortis de la centrale d'achats du groupe, pour être confiés en direct aux enseignes, pour plus de réactivité et de différenciation sur l'offre. Pour prendre un autre exemple, notre marque distributeur ne se distribue plus de gré à gré – cela conduisait trop souvent à privilégier le fournisseur en place, au détriment de l'innovation –, mais via des appels d'offres transparents et ouverts. Autre exemple : nous avons développé des filières, dans le cadre d'accords tripartites ou pluriannuels. À ce jour, il existe plus de 110 accords au sein du groupe, dans tous les domaines.
Pour prendre un dernier exemple, pour la centaine de nos plus gros fournisseurs, de dimension internationale, nous avons changé de partenaire et créé une centrale d'un nouveau type. Abel Mercier est le directeur général délégué de cette entité. Il ne s'agit pas de s'allier uniquement pour baisser les prix, au profit ultime du consommateur, mais pour promouvoir plus efficacement un nouveau mode de relation, plus collaboratif et plus apaisé, pour favoriser aussi l'innovation.
Nous nous sommes également dotés de nouvelles règles comportementales. Tous nos acheteurs reçoivent désormais lors de leur recrutement un kit juridique et éthique. Je peux citer également tous les engagements pris par Horizon sur la façon collaborative de négocier.
Nous avons formalisé nos engagements en matière de qualité, afin qu'ils puissent être respectés par toutes les parties prenantes, y compris en interne. Il s'agit d'engagements santé, d'engagements goût, d'engagements précurseurs.
Tout n'est pas fini dans le changement à opérer dans les modes de relation entre distributeurs et industriels. Il y a encore beaucoup à faire, tant la restructuration de notre secteur est profonde, mais de premières étapes importantes ont été franchies.
Comment se porte le groupe Casino ? L'on dit en effet que les indépendants se portent mieux que les intégrés. Comment peut-on expliquer cet état de fait ?
Le groupe se porte bien. Nous présenterons dans une quinzaine de jours les résultats semestriels du groupe, je ne pourrai donc vous en dire plus sur la conjoncture des derniers mois. Mais les résultats que nous avons présentés au titre de 2018 montrent un groupe en pleine transformation, qui continue à faire croître sa rentabilité et qui a une maîtrise complète de son endettement. L'endettement en 2014 était deux fois celui que nous avions en 2018. Cette baisse drastique est notamment liée à un plan de réduction d'endettement, consécutif à des cessions d'actifs. Ce sont des actifs non stratégiques aujourd'hui, principalement dans l'immobilier.
La situation du groupe Casino est bonne tant en ce qui concerne les opérations que sur le plan financier. Lors de ces résultats annuels, nous avons eu l'occasion de présenter la trésorerie du groupe, qui est également tout à fait satisfaisante. Vos questions font probablement allusion à la procédure de sauvegarde qui a été engagée.
Elle ne concerne en rien le groupe Casino. Elle est relative au groupe Rallye. Cette procédure que la loi, via la représentation nationale, a mise en oeuvre en 2005 lui a permis de se protéger des attaques spéculatives excessives au cours des trois dernières années et demie.
Dans vos propos liminaires, vous avez évoqué les magasins qui peuvent acheter en circuit court, la centrale française, et vous avez fait une allusion à Horizon, pour les achats des 100 plus gros fournisseurs. Quid de Horizon International ? Vous n'avez pas parlé de la dimension internationale. Faites-vous partie d'une centrale qui propose des services à l'international ?
Tout à fait. Nous avons également une centrale internationale, que nous partageons avec Auchan monde, Metro monde et Dia monde. Il s'agit de notre partenaire espagnol Horizon International Services. Il propose des services qui s'inscrivent dans l'esprit « originel » des centrales d'achats internationales. Ils permettent d'aider l'ensemble des gros industriels à se développer à l'international, en particulier dans les 40 pays représentatifs de cette alliance.
Ma fiche mentionne le chiffre d'affaires global de Casino. Casino Europe représente quelle part de ce chiffre d'affaires ?
Casino en Europe, c'est Casino en France, puisque le groupe n'est présent en Europe qu'à travers la France. Le chiffre d'affaires s'élève à 19 milliards d'euros. Casino est en revanche très présent à l'international. C'est par exemple le leader de la distribution en Amérique latine :
- il est présent en Colombie en tant que leader ;
- il est présent au Brésil en tant que coleader ;
- il est présent en Uruguay en tant que leader ;
- il est également présent en Argentine.
Le chiffre d'affaires de l'international représente un peu moins de 50 % du chiffre d'affaires du groupe.
Mais il me semble que les services d'Horizon International concernent principalement l'Europe ?
Non. De tout temps – c'est un fonctionnement qui existe depuis plus de vingt ans –, le groupe Casino a essayé d'offrir à ses gros partenaires qui voulaient se développer à l'international la possibilité de le faire. Ils le faisaient donc dans les pays où le groupe était présent. Le groupe a été présent un certain nombre d'années en Asie, des services leur ont ainsi été proposés pour se développer en Asie, mais aussi en Amérique latine. Nous avons complété notre dispositif en faisant en sorte que, par cette centrale d'achats internationale, nous puissions offrir cette possibilité à l'ensemble des pays du groupe, mais aussi à l'ensemble des pays des autres partenaires d'Horizon International Services :
- Metro, très présent à travers le monde ;
- Auchan, très présent à travers le monde ;
- Dia, très actif en Amérique latine.
Il ne s'agit pas de disposer d'une centrale européenne qui serait la somme d'acteurs présents uniquement sur leurs marchés d'origine. L'esprit initial de ces alliances internationales, c'est de faire en sorte de proposer à des acteurs de premier plan toute une série de services qui leur permettent de se développer dans les 40 pays constitutifs de cette centrale internationale.
Quels sont ces services ? Certains interlocuteurs ont en effet bien du mal à évoquer précisément la nature des services qui représentent une valeur ajoutée par rapport à ce qui peut déjà exister dans des entreprises au rayonnement international.
J'ai devant moi la liste des dix plus importants services qui sont proposés par cette centrale, je la tiens à la disposition de la commission d'enquête. Ce tableau précise de plus quelle est la valeur de ces services et quel est le pourcentage de cette valeur dans la valeur globale des services délivrés. Les principaux services sont :
1) un service de développement de la catégorie, qui pèse pour 23 % de l'ensemble des services offerts. Il offre aux industriels à l'international la possibilité de se développer dans des catégories qui parfois existent dans un pays mais non dans un autre. Il leur permet de développer la diffusion de leurs produits dans tous les pays où sont présents les divers partenaires de Horizon International ;
2) un service de promotion à hauteur de 22 %. Il offre aussi la possibilité d'exposer la marque de ces grands industriels, via des campagnes promotionnelles plusieurs fois dans l'année et en même temps dans l'ensemble des pays constitutifs de Horizon International.
Nous allons vous demander la liste par écrit, de façon à l'analyser avec le président et le commissaire. Précisez-nous si vous souhaitez que nous la reprenions dans l'intégralité ou si des chiffres doivent rester confidentiels. Par rapport à ces chiffres, 22 % représentent donc du promotionnel. Mais les industriels nous disent qu'ils négocient les prix. Les centrales d'achats nous disent : « Nous négocions les prix, mais le plan d'affaires et le plan promotionnel sont élaborés localement, dans chaque pays. » Le prospectus que l'on reçoit dans la boîte aux lettres, on pense qu'il est envoyé par Casino France. À quoi ressemble donc un plan promotionnel international ?
Ces activités ne sont absolument pas redondantes. Un plan promotionnel est élaboré au niveau national, mais nous parlons là d'un plan promotionnel élaboré au niveau international. Au même moment, l'ensemble des pays exposent une gamme de produits dans le cadre d'une opération. C'est souvent une opération originale, qui fait parfois l'objet de l'achat d'une licence. Par exemple, quand Disney lance un nouveau film dans le cadre d'une sortie mondiale, il profite de l'achat de cette licence pour mettre en place une opération promotionnelle liée à cette licence. La notoriété internationale de Disney est donc utilisée pour lancer une opération transversale. Celle-ci expose le produit et, ainsi, le promeut partout à l'international, et promeut de fait la marque de l'industriel partout.
Mais, concrètement, en quoi consiste le plan promotionnel à l'international pour le produit initial ? En quoi consiste le partenariat ? Par exemple, si je suis brésilien et que je reçois un plan promotionnel qui a été payé dans un pays européen par un industriel français, comment cela se présente-t-il ?
Là, il s'agit vraiment d'un niveau international, ce n'est donc pas quelque chose qui viendrait de la France et qui serait un oukase adressé à l'ensemble des pays. Ce ne seraient du reste pas forcément des pays du groupe Casino. C'est une liste de produits, un catalogue, une animation commerciale sous-jacente, en s'appuyant notamment sur cette licence. Au-delà de cela, nous organisons même des concours dans les divers magasins pour récompenser celui qui mettra le mieux en valeur la promotion liée à Disney. Cette promotion n'aurait aucun rapport avec la promotion qui aurait été négociée localement avec un industriel.
Cela signifie que si je suis un citoyen brésilien et que je reçois régulièrement un prospectus de la part de Casino et qu'à un moment donné je reçois un autre prospectus – avec un personnage Disney et une série de produits de marques internationales – ce prospectus n'a pas été payé à Casino au Brésil ? Il ne fait pas partie du plan d'affaires de Casino au Brésil, il fait partie du plan d'affaires promotionnel Horizon ? Il n'a pas été payé dans le pays ?
Il ne doit pas l'être, non. Ce n'est pas redondant, c'est quelque chose de supplémentaire qui correspond à un service supplémentaire : une opération promotionnelle supplémentaire. L'ensemble des recettes récoltées par ce service promotionnel précis passent par Genève, où se trouve notre centrale, et sont entièrement reversées – notamment les frais de fonctionnement de cette centrale à Genève – aux pays qui sont chargés de mettre en oeuvre cette promotion.
Je suis désolé d'insister, mais je voudrais que tout le monde comprenne bien. Quand l'on reçoit un prospectus, qui paye l'imprimeur : Horizon à Genève ou Casino au Brésil ?
Pour ce cas précis, le papier est payé par le Brésil, la Colombie, l'Uruguay, l'Argentine… En revanche, la licence – qui représente la somme la plus importante – est payée par Genève, en contrepartie d'un service vendu par Genève.
La façon dont fonctionnent ces prospectus nous est parfaitement détaillée par des documents. Ce que l'on nous dit, c'est qu'un plan promotionnel mis en oeuvre localement – avec « x » prospectus, telle bannière sur internet, telle scénographie, etc. – à tel coût et n'engendre globalement pas beaucoup de plaintes. Même si c'est difficile, le service est rendu.
En revanche, l'on nous dit que les plans promotionnels d'Horizon International sont complètement disproportionnés. En pratique, cela signifie par exemple que deux plans promotionnels vont être mis en place, pour un vague produit envoyé, avec quelques bannières, deux ou trois rendez-vous catégoriels, et il faut faire un chèque de « x » millions. Si on les compare aux plans promotionnels nationaux, cela n'a rien à voir, en regard de la somme injectée. Si l'on compare les sommes, il y a une véritable disproportion. De fait, en tant que parlementaires, nous nous interrogeons sur la proportionnalité du coût de ces services.
Je vous transmettrai des photos relatives à ces opérations, puisque ces concours font l'objet d'une mobilisation de l'ensemble des équipes. Vous verrez que ces opérations sont théâtralisées de façon exceptionnellement plus forte que des opérations standard et nationales.
Par ailleurs, ces opérations ont pour objectif de développer les marques internationales. Cela signifie que des marques n'auraient probablement pas eu l'opportunité de faire l'objet d'un catalogue, et d'un catalogue attractif, dans un pays où elles étaient peu représentées. Par cette opération, nous leur offrons la possibilité de bénéficier de la visibilité nécessaire, qu'une opération promotionnelle, y compris nationale, ne leur aurait pas forcément donnée.
Monsieur Daudin, puisque vous êtes le président des achats, comment se passent concrètement les discussions ? Si une entreprise veut voir ses produits distribués par Casino, comment sont conduites les négociations, sachant qu'il y a plusieurs niveaux de discussion ? Sont-elles conduites parallèlement : Casino, l'enseigne, discute les achats ; Horizon International négocie parallèlement ses coordonnées ? Est-ce vous qui donnez le tempo aux négociations ?
Achats marchandises Casino (AMC), la structure que je préside, se charge des conditions d'achat, mais aussi et surtout du référencement des produits. Ou bien AMC le fait lui-même, ou bien il délègue cette fonction, selon un mandat très clair pour les plus gros fournisseurs, à Horizon National, ou bien il le garde pour lui-même. D'une certaine façon, il a reçu mandat de la part des enseignes du groupe pour négocier, et il négocie à la place des enseignes du groupe. Dans les négociations, tout part systématiquement d'un plan d'affaires. Le plan d'affaires est centralisé, analysé par Achats marchandises Casino. AMC synthétise, en quelque sorte, l'ensemble des plans d'affaires du groupe.
Un plan d'affaires est pour nous un plan de création de valeur, à la fois pour le groupe Casino et pour les industriels. Tout part de l'idée qu'en référençant un produit nous allons créer de la valeur pour eux et pour nous. Ce que nous confions comme mission à Horizon National ou que nous gardons pour nous-mêmes, une fois que nous avons identifié la création de valeur – via le plan d'affaires que nous aurons négocié et défini –, c'est de faire en sorte que mandat soit confié aux acheteurs pour « se répartir » cette création de valeur, par une négociation ad hoc entre l'industriel et le distributeur. Tout part de la création de valeur : j'insiste sur ce point. Et nous avons un seul objectif : créer la valeur. Une fois qu'elle est créée, nous nous la répartissons.
Lorsque l'on vous entend, cela paraît simple et sain. Comment expliquez-vous que, à la quasi-unanimité, les personnes que nous avons auditionnées nous ont décrit les négociations commerciales comme rudes, tendues, difficiles ? L'on nous a aussi dit que la France se caractérisait par ce contexte de négociations difficile. Vous nous expliquez qu'il y a une phase de négociation, d'achat et de référencement des produits dans l'enseigne Casino. Ensuite a lieu l'élaboration d'un plan d'affaires. Le plan d'affaires est in fine un plan stratégique, avec une recherche de création de valeur. Si possible, l'on vend mieux et plus. Et on en tire tous un bénéfice, l'enseigne Casino et ses fournisseurs. Comment expliquez-vous que ce n'est pas ce qui transpire en France ni ce qui nous a été expliqué par les fournisseurs ? Ressentez-vous ce contexte de tensions ?
Nous ressentons bien entendu le contexte de tensions, qui nous amène à nous interroger. Dans ce propos liminaire, j'ai essayé de montrer que les choses changent. Quand le métier est basique, autour de produits standardisés, avec un format roi qui est celui des hypermarchés – un commerce de masse –, il n'y a quasiment pas de plan d'affaires à établir. Tous les magasins ont en effet à distribuer les mêmes produits, les plus standardisés possibles, etc. Il reste alors simplement une négociation sur le prix. Nous avons une vision différente du commerce.
Au sein du groupe Casino, nous avons une certaine expérience du non-alimentaire. De notre point de vue, le non-alimentaire représente l'avant-garde de ce qui va se passer pour l'alimentaire. Avec Cdiscount, nous sommes très présents sur le non-alimentaire depuis quelques années. Dans le non-alimentaire, nous observons un transfert progressif des clients vers internet. Cdiscount est le n 2 en France derrière Amazon. Dans un premier temps, voilà une dizaine d'années, Cdiscount se positionnait – un peu comme un hypermarché – sur le prix, le discount, l'agressivité, etc.
Très vite, nous nous sommes rendu compte que rivaliser avec Amazon était peine perdue. La seule chose qui permettait de l'emporter était la diversité de l'offre. À titre d'exemple, en 2010, quand Cdiscount était clairement numéro 2 face à Amazon qui montait en puissance, entre 35 000 et 50 000 références étaient vendues sur le site. Désormais, le site de Cdiscount vend 55 millions de références différentes. Quand l'on met en vente 55 millions de références, l'on ne peut pas faire une négociation de produits standardisés. Elles sont vendues en direct, ou plutôt sur la marketplace, avec la participation de vendeurs.
L'évolution du métier va forcément se développer également sur l'alimentaire, avec une montée en puissance de la diversité de l'offre. De plus en plus de produits alimentaires seront proposés, pour correspondre à la « fragmentation » des besoins des clients, vers des produits très qualitatifs par exemple. La nature même de la négociation, qui correspond à la nature même du référencement du produit, va changer. Et nous devons alors nous inscrire dans une relation totalement différente, beaucoup plus complexe, beaucoup plus flexible. Cette relation différente nécessite également un plan d'affaires. L'on sort complètement de la stratégie classique qui était liée à l'acheteur, mais selon un ancien modèle. Elle était peut-être critiquable, mais vraiment liée à l'ancien modèle, univoque.
Désormais, c'est différent. Le plan d'affaires va d'une certaine façon être nécessaire. Du fait de notre histoire, nous sommes en avance – même si cela va paraître un peu présomptueux – sur la diversité des formats, le nombre de magasins, la diversité des enseignes. Nous n'avons par exemple pas fait converger nos enseignes en France : nous avons toujours Leader Price, Monoprix, Franprix, Vival, Petit Casino, etc. Nous avons toujours maintenu cette diversité, qui correspond aussi à une diversité des assortiments. De fait, nous avons eu un avantage historique pour travailler ces assortiments différents, travailler ce référencement différent, travailler cette création de valeur différemment. C'est ce qui explique que nous abordons un peu différemment les négociations ces dernières années, par rapport au temps où le modèle de l'hypermarché était le modèle-roi. Ce n'est certes pas parfait, et l'on peut toujours faire mieux.
Monsieur le président, je me permets d'apporter un éclairage juridique à votre question initiale. Il faut préciser que la France est l'un des seuls pays, sinon le seul, à imposer autant de contraintes législatives et réglementaires à l'appui des négociations commerciales dans la grande distribution. Cet élément doit être pris en compte. Les acteurs économiques faisant face à la nécessité impérative de conclure leurs négociations avant le 1er mars de l'année civile, la discussion sur le prix est exacerbée – toutes choses égales par ailleurs. Il n'y a en effet pas vraiment de négociation sur les autres éléments de l'offre.
Par nature, la négociation commerciale porte essentiellement sur le prix. Ayant compris cela, chez Casino, nous cherchons à inverser le rapport de force, vers un système beaucoup plus qualitatif, et avec une anticipation beaucoup plus prononcée. Mais je crois que le « carcan » juridique est aussi une des raisons qui, depuis une vingtaine d'années, ont détruit le rapport équilibré que l'on aurait pu imaginer et qui existe dans beaucoup d'autres pays, y compris à nos frontières, entre les acteurs économiques.
La date butoir constitue effectivement un problème, qui est source de tensions. Étant dans un groupe international, nous pouvons comparer la façon dont les négociations se passent avec les mêmes gros industriels dans d'autres pays et en France. Et il y a un autre problème, celui du 1er mars versus une date butoir qui serait plus avancée. Je m'explique : quand l'on fait un budget dans une entreprise, il faut que l'exercice fiscal soit terminé le 31 décembre de l'année précédente. Et le 1er janvier on commence à investir.
Dans la grande distribution, les choses se passent différemment. En France par exemple nous achetons pour 12 milliards d'euros chaque année. Nous ne savons pas quels vont être les prix d'une grande partie de ces 12 milliards – ceux qui sont liés à la négociation annuelle – pour l'année à venir. Mais, pour le budget, nous mettons un chiffre. L'on va vous dire : « Tu vas bien être capable d'obtenir tant cette année. Et, si l'année dernière tu as obtenu tant, tu dois être capable de faire un peu mieux, puisque tu dois progresser année après année. »
Les négociations annuelles sont donc des négociations précontraintes par l'exercice budgétaire que chaque distributeur a dû préalablement mener avant le 31 décembre de l'année en cours. Dans le cadre de la négociation, l'on se rend compte que l'inflation des matières premières, par exemple, peut être différente de ce qui était initialement prévu dans le budget. Il faut quand même aller au combat, avec une contrainte.
Le 1er mars est en soi une date butoir qui nous met de la pression, par rapport à d'autres pays, mais le fait que ce soit le 1er mars et non par exemple le 15 décembre crée une pression encore plus forte.
Je le comprends bien, et, avec le président et les différents commissaires, nous menons une réflexion sur la date. Il faut en effet aussi prendre en compte le cycle des productions du blé, de tout ce que l'on récolte. Cela paraît donc décorrélé de signer à fin février. Quant au fait de mettre une date ou de ne pas en mettre, c'est à double tranchant. Si nous n'en fixons pas une, vous être libres de négocier en permanence. Vu la qualité des personnes qui négocient chez vous, cela va engendrer une tension permanente.
Si nous ne fixons pas de date, il peut être indiqué dans les contrats que les prix pourront évoluer en fonction de l'évolution des indicateurs de coût de revient, pour les produits agroalimentaires, de l'évolution du coût du pétrole pour le DPH, etc. Cela permettra de remettre des innovations en route. Aujourd'hui les industriels nous disent que cela revient à rouvrir la boîte à claques et à renégocier tout ce qui a été négocié le 28 février, et qu'ils vont attendre septembre ou octobre pour commencer à parler du nouveau produit. C'est ce qui se passe. J'entends bien votre demande de ne pas mettre de date, mais, si nous n'en mettons pas, cela signifie que vous pourrez négocier tout le temps.
Le marché français n'est peut-être pas suffisamment mature pour passer d'une date à pas de date. Un premier mouvement pourrait consister à avancer cette date. Ensuite, lorsque le marché aura atteint la maturité qu'il a parfois dans d'autres pays, la suppression de la date pourra être envisagée.
Nous avons évoqué avec d'autres distributeurs le fait d'avancer la période de négociations, mais aussi de la réduire. Elle va actuellement de la Toussaint au 28 février ; elle pourrait commencer à la Toussaint et se terminer au 31 décembre de l'année civile. Cela expliquerait un lien entre, notamment, tout ce qui concerne les denrées alimentaires et les périodes de récolte, qui ont lieu en ce moment. Pour les denrées alimentaires, cela pourrait être connecté avec la volonté du gouvernement d'avoir des indicateurs de production pour le maillon amont, c'est-à-dire les producteurs, les agriculteurs, les discussions avec les industriels.
Ensuite, les industriels se tournent vers les enseignes de la distribution, négocient le plan stratégique : le plan d'affaires, la stratégie de développement. Ils négocient le prix et donc les achats, en tenant compte d'un indicateur réel, même s'il prend en compte les aléas climatiques, les aléas politiques, l'embargo en Russie, la fièvre porcine africaine… Nous pourrions parler davantage de ces réalités dans les négociations commerciales. Elles seraient intégrées non seulement dans le prix d'achat, mais aussi dans le plan stratégique, dans le plan d'affaires. Cela aurait un peu plus de sens.
D'un point de vue pratique, si nous voulons être ambitieux sur le plan d'affaires, je pense qu'il faut donner du temps au plan d'affaires. A contrario il faut réduire le temps post-plan d'affaires, qui conduit à la négociation stricto sensu, à la répartition de valeur. Une assez longue phase d'alignement stratégique – sur comment allons-nous créer de la valeur ? – est nécessaire. Une fois que cette valeur est créée, il faut s'interroger à deux niveaux : comment nous répartissons-nous de la valeur entre un distributeur et un industriel, mais surtout entre l'industriel et ce qui est en amont de l'industriel ? C'est le point-clé. Il faut que cette période soit restreinte, mais il faut aussi laisser suffisamment de temps à l'industriel pour qu'il ait le temps de discuter en amont.
Nous sommes d'accord sur ces négociations en amont pour les denrées alimentaires, et ensuite on se tourne vers les distributeurs.
Dans votre discours, vous apparaissez comme des acteurs raisonnables. La guerre des prix est pourtant une réalité. Un bon nombre d'interlocuteurs que nous avons auditionnés nous ont expliqué que la guerre des prix détruisait de la valeur. En fin de compte, cela va à l'encontre de ce qui est bénéfique pour le consommateur. Déjà, cela dénature sa relation au produit. Quand l'on voit 70 % de réduction sur du Nutella, ça n'apparaît pas comme raisonnable.
Ensuite, cela fragilise les filières industrielles. Même les multinationales qui négocient avec les centrales nationales ou internationales, et notamment ces dernières, ont des groupes qui ont de la production industrielle en France. Et nous les fragilisons si nous tirons trop sur la ficelle. Enfin, pour le maillon amont, à force de tirer sur les industriels, non seulement on détruit de la valeur, mais les prix ne rémunèrent plus les producteurs. Nous avons connu l'exemple du lait il y a quelques années. Selon vous, la guerre des prix est-elle quelque chose de spécifique à notre pays ? Cette destruction de valeur va-t-elle finalement à l'encontre de ce qui est bon pour le consommateur, la production industrielle, l'emploi industriel en France, mais aussi les producteurs, les agriculteurs ?
Des débats ont eu lieu sur la guerre des prix en 2013-2014, lorsque Géant – notre enseigne hypermarchés – a réduit drastiquement ses prix. On a parfois commenté cette réduction en considérant que le groupe Casino était à l'origine de cette guerre des prix. Je n'entre pas dans cette polémique. Notre part de marché en matière d'hypermarchés est de 3,5 %. Penser qu'avec ces 3,5 % nous aurions orienté la politique prix de nos concurrents paraît relativement absurde, d'autant que cette guerre des prix se constatait partout ailleurs en Europe. Ce qui est important pour nous, c'est que, demain, il ne pourra pas s'agir d'une guerre des prix. Ce sera une guerre des prix-services-offres.
Il y aura toujours des éléments comparatifs en matière de prix, mais c'est la guerre des offres qui va l'emporter, comme le montre l'exemple du e-commerce. Pour Cdiscount, c'est la possibilité de l'emporter sur ses concurrents, et son concurrent principal, en étant le « seul » à proposer sur son site des produits qui ne sont pas proposés ailleurs. C'est cela qui va l'emporter plus que le prix du produit. Tellement de coûts vont être engagés pour que ce produit soit disponible que le prix de ce produit en soi qui va répondre très précisément à la demande d'un consommateur ne sera finalement pas la variable essentielle. C'est la variable de l'offre et du service qui risque de l'emporter. Il restera toujours une attention sur les prix, mais nous sommes persuadés que prix-service-offre sera la variable déterminante du commerce de demain.
Vous êtes le seul à ne pas avoir commencé vos propos liminaires en disant : « Les industriels sont très gros, et avec Amazon nous allons tous mourir. » Je pense que le commerce en ligne du DPH ou des produits agroalimentaires a un avenir, surtout le DPH et un peu moins l'agroalimentaire. Beaucoup de personnes ont des habitudes d'achat en magasin, et tout le monde n'a pas le réseau internet ou simplement l'envie de commander en ligne. Surtout, il faudrait déporter tant de savoir-faire de la grande distribution à l'intérieur même d'un entrepôt Amazon que je n'imagine pas Amazon se développer seul aujourd'hui. Il est obligé de se développer avec quelqu'un. Quand j'entends « Amazon va tous nous tuer », dois-je donc comprendre « Amazon-Casino va tous nous tuer » ?… Je crois que vous avez un accord avec Amazon. Quelle est votre relation avec Amazon aujourd'hui ? Êtes-vous in fine « le nouveau prédateur » ?
Non. Amazon est d'abord un concurrent frontal, direct de Cdiscount, sur le non-alimentaire.
C'est un combat de tous les jours, et qui nous pousse à l'excellence. Cette concurrence est donc en un sens profitable pour le groupe. En ce qui concerne l'alimentaire, nous avons un accord avec Amazon, qui a plusieurs dimensions. C'est un peu ce que nous appelons la « coopétition » : la capacité à trouver des accords qui soient à la fois des accords de coopération et des accords de compétition. C'est la « coopération-compétition ». Nous sommes en l'occurrence persuadés que la refonte, la transformation du e-commerce fait que nous n'y arriverons pas tout seul. Nous avons besoin de nous appuyer sur d'autres. Et ces autres ont besoin de s'appuyer sur nous.
Nous considérons que le e-commerce alimentaire comprend deux types de marché :
- le marché que nous appelons le « J + 1 » : celui des courses hebdomadaires, qui nécessite beaucoup de références. Les paniers moyens sont généralement importants. Les livraisons sont effectuées à partir d'entrepôts souvent le lendemain, ou plutôt six heures après la préparation dans l'entrepôt. Pour cela, nous considérons que seuls nous n'avons pas les moyens d'être les meilleurs sur le marché français. Nous avons donc trouvé un accord avec Ocado, le leader en Grande-Bretagne dans ce domaine ;
- le marché que nous appelons le « J + 0 » : plutôt celui des courses de dépannage. Il doit être livré immédiatement, dans les deux heures. La préparation est différente et n'a pas lieu dans l'entrepôt, puisqu'il faut être le plus proche possible du client. Cette préparation s'effectue donc dans les magasins, et s'appuie sur la qualité de notre réseau de magasins.
Là aussi, pour être les meilleurs ou pour monter en puissance sur ce marché du J + 0 en e-commerce alimentaire, nous nous sommes dit que nous devions avoir un partenaire. Ce partenaire, c'est Amazon. Nous pensons que le couple Casino-Amazon est le couple gagnant, qui s'appuie sur les meilleures pratiques de l'un et les meilleures pratiques de l'autre.
Les meilleures pratiques de l'un se réfèrent à notre réseau très dense de magasins. En plus, en Île-de-France, nous avons avec Monoprix une enseigne de magasin très qualitative, très appréciée des Franciliens.
À côté se trouve Amazon. Grâce notamment au partenariat qu'il a avec Morrisons en Grande-Bretagne, avec Dia en Espagne, il a une maîtrise de la livraison, de la préparation, de la logistique qui est inégalée dans le monde. Ce mariage entre la connaissance de l'offre, la connaissance intime du client alimentaire, le réseau de magasins dont nous disposons en Île-de-France et plus largement en France, plus l'expérience inégalée d'Amazon en matière de logistique – j'y ajoute le trafic qu'Amazon peut procurer à un site comme celui de Monoprix – tout cela nous conduit à considérer que ce mariage est un mariage parfait pour nous développer.
Il n'existe pas que ce type de partenariat avec Amazon. Nous avons également un partenariat sur les lockers. Plus de 1 000 lockers vont être implantés dans nos magasins. Cela crée aussi du trafic en magasin.
Un autre accord avec Amazon va nous permettre de diffuser nos produits de marque distributeur sur les trois sites principaux d'Amazon. Ce sera l'occasion pour nous de mettre en évidence notre marque – la marque Casino – et de bénéficier de ventes additionnelles de nos produits de marque distributeur.
L'on nous parle beaucoup de Amazon – j'essaie de parler plutôt de business on line –, mais je pense que le véritable compétiteur n'est pas Amazon. Pour moi, le véritable compétiteur est Ocado. Je pense que les Français n'ont pas encore découvert la puissance du groupe Ocado. Ce groupe m'a l'air très intelligent, avec sa gestion industrielle de la façon de préparer des paniers. Cela nécessite tellement moins de personnels. Ocado est à un niveau beaucoup plus avancé que simplement mettre un produit dans un papier, puis dans un caddie, pour qu'il soit ensuite livré. Je pense que les Français découvriront très rapidement Ocado.
C'est également notre avis.
En ce qui concerne Ocado et Amazon, l'on nous dit toujours que les négociations chez Amazon sont catastrophiques, qu'ils achètent à des prix extrêmement bas, etc. Je ne comprends pas, car Ocado comme Amazon ne font finalement que distribuer des produits que vous achetez pour eux. Est-il donc vrai de dire qu'Amazon a des conditions que n'a pas la grande distribution ? Ou est-ce que 100 % de ce qui est vendu par Amazon aujourd'hui en Prime ou par Ocado a été négocié par le groupe Casino ?
Nous n'apportons effectivement aucune de nos conditions d'achat à Amazon. Ce n'est pas un accord aux achats que nous avons avec Amazon. L'accord que nous avons porté sur Prime Now, ce qui signifie que nous mettons à disposition notre offre, et c'est Amazon en tant que « prestataire technique » qui livre les produits. Mais à aucun moment Amazon n'a connaissance de nos conditions d'achat.
C'est la même chose pour Ocado qui est en quelque sorte un prestataire logistique. Il va nous apporter son savoir-faire relatif à la robotisation des entrepôts. Les produits seront préparés par ses robots. Lorsque notre entrepôt de Fleury-Mérogis sera inauguré et entièrement prêt, au premier trimestre 2020, je vous invite à venir le visiter. C'est très impressionnant. C'est un prestataire logistique et, dans le cadre de cette « coopétition », à aucun moment nous ne faisons part de nos conditions d'achat au partenaire.
En fin de compte, Amazon est pour l'instant le seul à pouvoir commercialiser, avec Cdiscount, du DPH ? Pour l'agroalimentaire, il passe par vous, pour la livraison rapide. Le DPH ou de gros produits comme l'eau et le lait sont les seuls que l'on peut trouver. Si l'on achète un kiwi sur Amazon, il vient de chez Casino ?
Quand vous l'achetez sur Prime Now, vous avez accès à cette offre, qui vous est proposée via Monoprix. On est redirigé vers le site de Monoprix. Amazon a néanmoins un sourcing en propre, principalement sur le DPH, mais il a aussi des accords spécifiques en direct avec les fournisseurs. Il n'a probablement pas la masse qu'un distributeur installé peut avoir, et je ne sais pas de quelle façon il négocie avec ses industriels ni quelles sont ses conditions d'achat, mais c'est une négociation en propre, qui ne passe pas par la centrale Casino.
L'on nous parle toujours d'internet qui tue la grande distribution, mais les chiffres montrent qu'internet ne tue pas encore la grande distribution. Pouvez-vous nous donner des chiffres sur la répartition de l'achat de produits agroalimentaires sur internet ? Je n'arrive pas à les obtenir de la part de vos concurrents. Les Français cliquent sur un site internet : Leclerc Drive, Carrefour Drive, Auchan Drive, Cdiscount… Comment se répartit aujourd'hui cette masse d'argent issue des produits commandés par nos concitoyens ? Qui est leader ? J'ai l'impression qu'il y a un grand leader de l'achat sur internet.
Je vous propose de vous transmettre des éléments plus précis ultérieurement, mais les chiffres sont pour l'instant de quelques pourcents. La vente de produits agroalimentaires via le e-commerce représente une part modeste. Le drive est le leader incontesté, porté par l'ensemble des distributeurs. Il représente quelque 3 ou 4 %, maximum, de leur chiffre d'affaires. Au-delà du drive, il y a peu d'activité e-commerce alimentaire.
Ce n'est pas nous. Je pense que celui qui l'est n'a pas encore été auditionné…
Ce sera le mot de la fin. Nous vous remercions tous les quatre d'avoir participé à notre audition.
L'audition s'achève à dix-sept heures quarante.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 16 heures
Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, M. Yves Daniel, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Cendra Motin, M. Hervé Pellois