Intervention de Thierry Benoit

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit, président :

Je vous remercie, monsieur Leclerc. Je vais vous donner quelques éléments pour resituer le contexte de notre commission d'enquête et des auditions. Cela fait des années que je souhaitais la création d'une telle commission. Député depuis 2007, j'ai suivi d'assez près les travaux de la loi de modernisation de l'économie (LME), que l'on appelait, à l'Assemblée nationale, « la loi Michel-Édouard Leclerc » – sans être affectueux, ce n'était pas non plus méchant. Les députés disaient que Michel-Édouard Leclerc était venu faire son marché à l'Élysée…

Depuis cette époque, il a toujours subsisté une interrogation autour du déséquilibre dans les relations commerciales. Comme moi, vous avez connu les lois Royer, Galland, LME, Sapin 2 et EGAlim. Je pense qu'il n'y a rien de mieux, pour un parlementaire, que de réaliser un travail de fond, et c'est ce que nous faisons, avec Grégory Besson-Moreau, depuis le 26 mars.

Nous avons décidé d'auditionner l'ensemble des acteurs, de l'amont à l'aval, en commençant par les fédérations professionnelles, les interprofessions, les PME, les entreprises de taille intermédiaire et les multinationales, pour arriver aux enseignes de la distribution et à leurs regroupements. Depuis plusieurs années, des députés sont interpellés sur la question du regroupement à l'achat. Cela fait quatre mois que la quasi-totalité des acteurs que nous auditionnons nous disent que le contexte français des négociations commerciales est très tendu, mais également qu'il existe des pratiques que l'on peut qualifier d'abusives et de déloyales, qui ont tendance à se déporter des multinationales, qui sont les interlocutrices des centrales européennes et internationales, vers les entreprises de taille intermédiaire et les PME.

Il est vrai que votre nom, et celui de vos centres, a été cité à plusieurs reprises. Mais vous aurez pu constater sur mon fil Twitter que j'ai bien pris garde de ne faire aucun commentaire personnel. J'attends pour cela, volontairement, la fin des auditions. Si j'ai procédé à quelques retweets et parfois retweeté également quelques journalistes qui avaient repris certaines expressions, monsieur Leclerc, je n'ai jamais parlé de la fin des prix bas. Je pense que le consommateur doit payer le « juste prix ». Le nom de Leclerc apparaît, parce que vous êtes, en matière de communication, le n° 1 ! Cela me fait un peu plaisir, parce que vous êtes un Breton, comme moi. J'aime l'entrepreneur breton qu'est Michel-Édouard Leclerc ! Mais vous êtes aussi le chantre du prix cassé, du prix bas à tout prix.

Sans être le porte-parole du Gouvernement ni du Président de la République, je sais que ce qui a animé Emmanuel Macron et son ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, pour créer les états généraux de l'alimentation. C'était l'idée que chacun des acteurs devait prendre ses responsabilités. Le Président a aussi encouragé chacun à tirer la production française, plus particulièrement la production agricole et agroalimentaire, vers l'excellence sanitaire, alimentaire et environnementale, des enjeux qui ont été au coeur du débat des États généraux de l'alimentation. Ce qui me peine, monsieur Leclerc, comme je vous l'ai dit dans le TGV un jour, c'est de voir les agriculteurs trimer et avoir du mal à tirer un revenu correct du fruit de leur travail, notamment dans l'élevage, qui nécessite un travail sept jours sur sept, alors même qu'ils répondent à toutes les attentes des gouvernements et des politiques publiques depuis l'après-guerre : du volume, de la qualité, de la sécurité sanitaire, de l'environnement, du bien-être animal.

Pour mon troisième mandat de député, j'ai considéré qu'il était de ma responsabilité de créer une commission d'enquête pour travailler sur le fond de cette question. Votre nom apparaît, mais c'est normal, puisque vous êtes le fer de lance de la distribution en France et celui qui communique le plus. Vous n'hésitez d'ailleurs pas à piquer, voire à moucher les pouvoirs publics, notamment politiques.

Pour revenir aux négociations commerciales, ce que nous appelons de nos voeux, avec le rapporteur, ce sont des négociations collaboratives et non plus menées dans la confrontation. Le bas prix à n'importe quel prix détruit de la valeur. Je comprends le principe du regroupement à l'achat, il y a trente ou quarante ans, pour travailler sur les volumes, les délais de paiement, les marges arrière, le seuil de revente à perte (SRP) ou les promotions – il y a, dans ce cas, une connexion directe avec le produit. Mais, aujourd'hui, la question des centrales et de leurs services m'interpelle, surtout lorsque, comme on nous l'a souvent dit, la nature des services est mal définie et que l'on sent qu'elles sont là pour jauger la capacité de leur interlocuteur à faire de la croissance et capter des contributions financières en fonction de leur état de santé. J'ai peur pour la production industrielle en France. De fait, les multinationales qui investissent chez nous pourraient aussi le faire ailleurs : si les négociations commerciales deviennent trop difficiles, elles limiteront leurs investissements en France.

Vous m'aurez aussi entendu dire à plusieurs reprises, monsieur Leclerc, que l'Union européenne, les parlementaires européens, doivent faire le même boulot. Je comprends la mondialisation et la globalisation du commerce. Hier, nous avons auditionné le délégué général d'Amazon – une firme emblématique de l'évolution du commerce. Pour ma part, je considère que faire du commerce, c'est communiquer. Vous-même êtes un excellent commerçant parce que vous êtes un excellent communicant. Mais, bon sang, il me semble qu'on doit pouvoir s'adapter au monde moderne dans le respect de l'humain !

C'est d'ailleurs un peu votre angle d'attaque, puisque ce qui ressort de votre discours, c'est votre volonté d'apprendre aux personnes ayant de faibles revenus comment mieux vivre en achetant des denrées alimentaires à bon marché. De mon côté, je préférerais que les gens perçoivent des salaires plus élevés, que chacun puisse tirer un revenu décent de son travail, et que la valeur ajoutée, la richesse créée, soient équitablement réparties entre l'ensemble des acteurs – les producteurs, les industriels et vous autres, les commerçants.

Monsieur le président, j'ai sous les yeux l'organigramme du groupe Leclerc. Il me semble complexe : il y a l'Association des centres distributeurs Leclerc, le groupement d'achats Leclerc, Scamark, les centrales régionales territorialisées – notamment la SCAOuest dans l'ouest –, la Scabel en Belgique, Coopelec et Coopernic. Vous qui êtes le président de l'Association des centres Leclerc, pouvez-vous nous préciser qui est le patron de ces centres en France ?

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