La séance est ouverte à quinze heures cinq.
Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux, en accueillant cet après-midi M. Michel-Édouard Leclerc, président de l'Association des centres distributeurs E. Leclerc, plus communément appelée Acedelec, ainsi que M. Alexandre Tuaillon, directeur des affaires publiques.
Avant de vous donner la parole, monsieur Leclerc, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite à lever la main droite et à dire « Je le jure ».
M. Michel-Édouard Leclerc et M. Alexandre Tuaillon prêtent successivement serment.
L'audition est ouverte à la presse. Mais si nous abordions des questions d'ordre confidentiel ou hautement stratégiques pour vous, nous pourrions sans difficulté organiser un huis clos.
Pour commencer, je voudrais vous remercier d'avoir reporté cette audition. J'ai été très sensible à votre geste.
C'est avec passion, sincérité et pugnacité que je me présente devant vous. Sans vouloir nourrir le moindre sentiment d'anti-parlementarisme, ni vous donner des leçons, je trouve, à l'instar d'Alexandre Bompard de Carrefour, que votre commission est « à charge » contre mon métier de distributeur. Vous ne faites pas trop dans la nuance : ni dans vos questions et vos investigations, ni dans vos commentaires sur les réseaux sociaux. C'est un parti pris, qui m'incite à défendre le mien, c'est-à-dire à valoriser mon métier. Celui-ci, comme beaucoup d'autres, est dans une phase de mutation considérable, du fait de la digitalisation, de la mondialisation, du changement de dimension et de l'accroissement du nombre d'acteurs.
En vous focalisant sur la distribution, plus particulièrement dans sa relation commerciale avec l'industrie, notamment au regard de la négociation, vous avez pas mal dérivé par rapport au projet initial. Vous ne pouvez pas, de ce fait, resituer ces points dans un contexte qui les explique.
La spécificité française a une explication. Or, à vous concentrer exclusivement sur la distribution, vous exonérez dans votre étude les autres acteurs économiques et, peut-être, vous-mêmes.
La loi EGAlim, que M. Stéphane Travert, ici présent, a fait voter lorsqu'il était ministre de l'agriculture, se fonde sur des principes qui avaient été définis par le Président de la République dans son discours de Rungis : il avait fait appel au bon vouloir de tous et interpellé les acteurs de la filière pour que chacun se bouge. Je n'ai, alors, ni entendu ni vu Monsieur Macron donner de coup de pied à la distribution. Même si Leclerc a été présenté comme le mouton noir de l'opération, la distribution est le vecteur sur lequel tout le monde a compté, pendant les États généraux de l'alimentation, pour faire évoluer le modèle alimentaire français, en matière de durabilité, de qualité, de sécurité ou de valorisation. Tout le monde a bien vu qu'avec cette narration collective fédérant l'ensemble des acteurs, nous avions les arguments pour mieux rémunérer les agriculteurs et les producteurs.
De fait, ce référent fonctionnait plutôt positivement puisqu'il a participé à l'accélération des ventes de bio ou encore à la prise en compte de la diversité des modèles alimentaires – et des disputes auxquelles ils donnaient lieu –, ce qui a permis de créer, pour reprendre vos mots, monsieur le Président Benoit, des « poches de valeur » qu'ont très bien assumées les producteurs et qui ont trouvé preneurs chez les consommateurs. Tout ce qui suscite le débat attire l'attention et, pour peu qu'elle soit bien rattachée à l'histoire collective qu'on est en train de bâtir, toute allégation nouvelle est positive. Leclerc, par exemple, a tout de suite adhéré au système d'étiquetage Nutri-Score. Nous avons également été parmi les premiers à souscrire au plan santé du Gouvernement ou encore aux plans relatifs aux énergies alternatives et à l'économie circulaire. Tout cela constituait un socle positif pour participer à la construction du nouveau monde.
Par la suite, les états généraux de l'alimentation ont été la cible d'une « OPA » (offre publique d'achat). Peut-être aurait-il fallu, pour équilibrer la toute-puissance du ministre de l'agriculture, son aura et son efficacité, qu'existe un ministre de la consommation qui aurait représenté l'intérêt des consommateurs et permis un arbitrage. Il n'aurait pas été mal non plus de voir au Gouvernement un ministre du commerce. Cela fait au moins quatre ou cinq ans que je n'ai pas rencontré de ministre du commerce – je ne m'en plains pas s'il doit être à charge. En tout cas, ce serait bien que les intérêts de notre profession puissent être défendus, voire que nos initiatives puissent être stimulées, au lieu de nous diviser.
J'ai écouté, très scrupuleusement, toutes les auditions de votre commission, ce qui m'a permis d'étudier aussi bien le contenu de vos interventions et vos postures que vos questions. Entre nous soit dit, vous ne nous avez pas beaucoup mobilisés pour la prochaine négociation, ni donné beaucoup de crédit pour participer aux prochaines filières. Alors que nous sommes censés travailler à trois, plus l'administration, vous n'avez pas valorisé le travail de l'ancien ministre ici présent ni celui du ministre actuel. Il sera compliqué de rabibocher tout le monde à la rentrée…
Un distributeur a une activité propre, qui n'est pas seulement de distribuer des produits agricoles. Un distributeur a un métier qui ne se limite pas à la négociation : il choisit des offres et fait des sélections de produits, et le consommateur tranche. On a attisé les querelles corporatistes, alors que le politique – législatif ou exécutif – aurait dû essayer de fédérer les hommes.
Par ailleurs, il est incroyable de voir à quel point vous avez oublié, dans tous vos travaux, le paramètre de la concurrence. Les producteurs sont concurrents entre eux. Le concurrent du producteur de porcs breton, c'est le producteur du Sud-Ouest, le producteur espagnol, belge ou allemand.
Les industriels sont concurrents ! Le rival de Coca-Cola, c'est Pepsi, ce n'est pas Leclerc. Le rival de Herta, c'est Fleury-Michon, ce n'est pas Carrefour. Le rival de Danone, c'est Sodiaal, ce n'est pas Casino ! Réduire la relation entre l'industrie et le commerce à la description des relations interprofessionnelles, c'est oublier qu'il existe des relations horizontales et, partant, c'est oublier que c'est vous qui avez façonné le droit de la concurrence, avec cinq lois en dix ans. Il est donc paradoxal que vous espériez nous voir nous entendre sur nos marges et sur nos prix avec l'amont, alors que vous nous l'avez interdit et que l'Autorité de la concurrence et la Commission européenne le sanctionnent. Vous n'avez pas suffisamment pris en compte la place de la concurrence dans votre questionnement. Vous ne pouvez pas demander aux salariés de filiales de Leclerc ou de Carrefour marchandises que vous interrogez, qui sont en bout de chaîne et ont des demandes contradictoires, d'appliquer un morceau de la loi que vous n'avez pas forcément bien écrite au détriment de l'application d'autres lois que vous avez faites.
Qui plus est, vous ramenez tout à la négociation. La négociation est un métier noble. Après tout ce que vous avez dit, vous aurez du boulot pour réhabiliter cette fonction, y compris dans le service public et au Parlement. La négociation, c'est ce qui fait que, dans votre rôle de gestionnaire de collectivité locale, vous ne prenez pas n'importe qui dans les cantines scolaires, pour construire les hôpitaux ou pour faire les ronds points. Vous respectez une certaine codification, faites des appels d'offres, puis sélectionnez. Vous ne choisissez pas systématiquement le plus cher : vous ou vos négociateurs, qui ne sont pas des Bisounours et qui, je l'espère pour nous, citoyens et contribuables, n'y vont pas en enfants de choeur, négociez. Dans nos métiers, nous avons des négociateurs. Si ce n'est pas facile de négocier en période de déflation, ils ne méritent pas, pour autant, d'être stéréotypés.
Enfin, j'ai lu, monsieur le président, il y a deux jours, votre commentaire sur Twitter, selon lequel « C'est fini les prix bas ! ». Vous pouvez peut-être dire cela et ne pas être réélu. Mais si je me mets, moi, à le dire, non seulement je perds mes clients, mais ceux de vos électeurs qui viennent chez moi m'attribueront le fait que vous m'empêchez de faire des prix bas. Le prix bas n'est pas l'ennemi. Le législateur a prévu la possibilité d'établir des prix de crise. Si vous estimez que les prix sont trop bas, prenez des dispositions et venez nous chercher pour aller plaider tous ensemble à Bruxelles en faveur de nouvelles dispositions. Dans le contexte européen de déflation, vous êtes très peu nombreux à avoir plaidé en faveur de la création d'un système de prix bas que nous aurions tous pu respecter, dans la mesure où il n'y aurait pas eu de discrimination. Vous n'avez pris aucune disposition sur les prix bas. Notre métier, chez Leclerc, notre différence, notre revendication, c'est d'essayer d'être moins chers que nos concurrents. Moins cher, cela ne signifie pas le prix le plus bas sur n'importe quoi. Mais notre idée est d'être le plus bas, que l'on vende une 2 CV ou une DS, ce qui ne veut pas dire que nous ne vendons pas de DS !
Vous parlez indifféremment du prix pour le consommateur et du prix tarif du fournisseur, alors que ce n'est pas la même chose. Si Leclerc, Intermarché ou Lidl sont moins chers sur le marché de 25 % par rapport à Monoprix, ce n'est pas parce que Monoprix a acheté 25 % plus cher à l'agriculteur ou à l'industriel, c'est parce que nous n'avons pas le même modèle économique, ni les mêmes clients. À Landerneau, le Monoprix a fermé, parce que personne n'est capable d'y vendre à un tel prix. C'est pourquoi il me semble injuste de nous reprocher de vendre moins cher, parce que nous avons une clientèle dont on a désindexé les salaires et qui rame pour finir le mois. Il y a un paradoxe à exiger de nous que nous augmentions nos prix, quand le politique ne l'assume pas. Lors de son audition, monsieur Philippe Chalmin vous a dit, de manière très imagée, comme à son habitude, que le prix de la tranche de jambon vendue en magasin ne faisait pas le prix du porc versé à l'agriculteur. Le président de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC) vous a dit la même chose. Il faudrait donc arrêter de cibler le distributeur pour dire le contraire !
Monsieur Benoit, il y a deux jours, vous vous interrogiez sur la destruction de valeur. Là aussi, nous sommes en pleine confusion sémantique. Victor Hugo est enseigné dans toutes les écoles françaises. Est-ce que cela le dévalorise qu'il soit vendu en livre de poche ou que son oeuvre soit accessible gratuitement dans sa version numérique ? Est-ce que c'est le prix de vente du livre de Victor Hugo qui fait la valeur de Victor Hugo ? Cela dévalorise-t-il le livre que Leclerc fasse une remise systématique de 5 %, comme la loi Lang l'y autorise, et qu'un libraire ne la fasse pas systématiquement ? Une telle terminologie renvoie à une idéologie soviétique très planificatrice. Chaque profession peut créer de la valeur.
Quand j'étais adolescent et que j'accompagnais mon père, des viticulteurs ont mis le feu aux chais de M. Doumeng, à Sète. À cette époque, dans la presse locale, il y avait une page consacrée au cours du vin qui déterminait le revenu des viticulteurs. Ils se sont pris en main ; ils ont arraché les mauvaises vignes, fait de la qualité, travaillé les AOC et développé des labels. Tous ne sont pas Crésus, mais il n'y a pas un viticulteur pour venir demander aux distributeurs, même à l'occasion des foires au vin, de faire un transfert de valeur ajoutée de l'aval vers l'amont. Nous travaillons bien ensemble, parce que chacun a pris sa part dans le processus de création de valeur. Le rôle du distributeur est précisément de promouvoir le travail de l'agriculteur sur la valeur.
Leclerc, qui est devenu votre mouton noir, est d'accord pour travailler avec l'ensemble des professionnels à une meilleure rémunération des agriculteurs. Par ailleurs, M. Travert pourra vous le dire, on m'avait mis de côté, mais j'ai signé…
Je vous ai arraché des mains la version numéro vingt-sept, la veille de la signature !
Soit, quatre jours avant ! Pour la petite histoire, c'est quand même grâce à Mme Lambert qui a fait une erreur de sms que j'ai su que vous étiez tous d'accord pour signer la charte…
Nous ne voulons pas être le mouton noir des accords de la loi Egalim et des états généraux, auxquels nous avons participé et dont nous sommes aujourd'hui un très bon acteur. Vous avez dit, et votre successeur après vous, que les choses bougeaient lentement, mais que le temps de l'entreprise n'était pas celui des médias. Nous nous sommes associés, avec Intermarché, au sein de la Fédération du commerce associé (FCA) pour être représentés dans les filières – nous n'avons d'ailleurs pas encore reçu beaucoup de réponses des personnes concernées. Je voudrais que nous retrouvions un peu de sérénité et que le politique cherche à nous rassembler, pour atteindre l'objectif d'une meilleure rémunération grâce à une plus grande valorisation des produits français, dans le respect du métier de chacun.
Je vous remercie, monsieur Leclerc. Je vais vous donner quelques éléments pour resituer le contexte de notre commission d'enquête et des auditions. Cela fait des années que je souhaitais la création d'une telle commission. Député depuis 2007, j'ai suivi d'assez près les travaux de la loi de modernisation de l'économie (LME), que l'on appelait, à l'Assemblée nationale, « la loi Michel-Édouard Leclerc » – sans être affectueux, ce n'était pas non plus méchant. Les députés disaient que Michel-Édouard Leclerc était venu faire son marché à l'Élysée…
Depuis cette époque, il a toujours subsisté une interrogation autour du déséquilibre dans les relations commerciales. Comme moi, vous avez connu les lois Royer, Galland, LME, Sapin 2 et EGAlim. Je pense qu'il n'y a rien de mieux, pour un parlementaire, que de réaliser un travail de fond, et c'est ce que nous faisons, avec Grégory Besson-Moreau, depuis le 26 mars.
Nous avons décidé d'auditionner l'ensemble des acteurs, de l'amont à l'aval, en commençant par les fédérations professionnelles, les interprofessions, les PME, les entreprises de taille intermédiaire et les multinationales, pour arriver aux enseignes de la distribution et à leurs regroupements. Depuis plusieurs années, des députés sont interpellés sur la question du regroupement à l'achat. Cela fait quatre mois que la quasi-totalité des acteurs que nous auditionnons nous disent que le contexte français des négociations commerciales est très tendu, mais également qu'il existe des pratiques que l'on peut qualifier d'abusives et de déloyales, qui ont tendance à se déporter des multinationales, qui sont les interlocutrices des centrales européennes et internationales, vers les entreprises de taille intermédiaire et les PME.
Il est vrai que votre nom, et celui de vos centres, a été cité à plusieurs reprises. Mais vous aurez pu constater sur mon fil Twitter que j'ai bien pris garde de ne faire aucun commentaire personnel. J'attends pour cela, volontairement, la fin des auditions. Si j'ai procédé à quelques retweets et parfois retweeté également quelques journalistes qui avaient repris certaines expressions, monsieur Leclerc, je n'ai jamais parlé de la fin des prix bas. Je pense que le consommateur doit payer le « juste prix ». Le nom de Leclerc apparaît, parce que vous êtes, en matière de communication, le n° 1 ! Cela me fait un peu plaisir, parce que vous êtes un Breton, comme moi. J'aime l'entrepreneur breton qu'est Michel-Édouard Leclerc ! Mais vous êtes aussi le chantre du prix cassé, du prix bas à tout prix.
Sans être le porte-parole du Gouvernement ni du Président de la République, je sais que ce qui a animé Emmanuel Macron et son ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, pour créer les états généraux de l'alimentation. C'était l'idée que chacun des acteurs devait prendre ses responsabilités. Le Président a aussi encouragé chacun à tirer la production française, plus particulièrement la production agricole et agroalimentaire, vers l'excellence sanitaire, alimentaire et environnementale, des enjeux qui ont été au coeur du débat des États généraux de l'alimentation. Ce qui me peine, monsieur Leclerc, comme je vous l'ai dit dans le TGV un jour, c'est de voir les agriculteurs trimer et avoir du mal à tirer un revenu correct du fruit de leur travail, notamment dans l'élevage, qui nécessite un travail sept jours sur sept, alors même qu'ils répondent à toutes les attentes des gouvernements et des politiques publiques depuis l'après-guerre : du volume, de la qualité, de la sécurité sanitaire, de l'environnement, du bien-être animal.
Pour mon troisième mandat de député, j'ai considéré qu'il était de ma responsabilité de créer une commission d'enquête pour travailler sur le fond de cette question. Votre nom apparaît, mais c'est normal, puisque vous êtes le fer de lance de la distribution en France et celui qui communique le plus. Vous n'hésitez d'ailleurs pas à piquer, voire à moucher les pouvoirs publics, notamment politiques.
Pour revenir aux négociations commerciales, ce que nous appelons de nos voeux, avec le rapporteur, ce sont des négociations collaboratives et non plus menées dans la confrontation. Le bas prix à n'importe quel prix détruit de la valeur. Je comprends le principe du regroupement à l'achat, il y a trente ou quarante ans, pour travailler sur les volumes, les délais de paiement, les marges arrière, le seuil de revente à perte (SRP) ou les promotions – il y a, dans ce cas, une connexion directe avec le produit. Mais, aujourd'hui, la question des centrales et de leurs services m'interpelle, surtout lorsque, comme on nous l'a souvent dit, la nature des services est mal définie et que l'on sent qu'elles sont là pour jauger la capacité de leur interlocuteur à faire de la croissance et capter des contributions financières en fonction de leur état de santé. J'ai peur pour la production industrielle en France. De fait, les multinationales qui investissent chez nous pourraient aussi le faire ailleurs : si les négociations commerciales deviennent trop difficiles, elles limiteront leurs investissements en France.
Vous m'aurez aussi entendu dire à plusieurs reprises, monsieur Leclerc, que l'Union européenne, les parlementaires européens, doivent faire le même boulot. Je comprends la mondialisation et la globalisation du commerce. Hier, nous avons auditionné le délégué général d'Amazon – une firme emblématique de l'évolution du commerce. Pour ma part, je considère que faire du commerce, c'est communiquer. Vous-même êtes un excellent commerçant parce que vous êtes un excellent communicant. Mais, bon sang, il me semble qu'on doit pouvoir s'adapter au monde moderne dans le respect de l'humain !
C'est d'ailleurs un peu votre angle d'attaque, puisque ce qui ressort de votre discours, c'est votre volonté d'apprendre aux personnes ayant de faibles revenus comment mieux vivre en achetant des denrées alimentaires à bon marché. De mon côté, je préférerais que les gens perçoivent des salaires plus élevés, que chacun puisse tirer un revenu décent de son travail, et que la valeur ajoutée, la richesse créée, soient équitablement réparties entre l'ensemble des acteurs – les producteurs, les industriels et vous autres, les commerçants.
Monsieur le président, j'ai sous les yeux l'organigramme du groupe Leclerc. Il me semble complexe : il y a l'Association des centres distributeurs Leclerc, le groupement d'achats Leclerc, Scamark, les centrales régionales territorialisées – notamment la SCAOuest dans l'ouest –, la Scabel en Belgique, Coopelec et Coopernic. Vous qui êtes le président de l'Association des centres Leclerc, pouvez-vous nous préciser qui est le patron de ces centres en France ?
J'ai bien noté, en visionnant les auditions précédentes, que vous aviez un problème avec notre organigramme, mais le problème vient vraiment de vous ! Une coopérative, c'est une coopérative. J'ai vu que vous aviez parfois fait des remarques aux agriculteurs et à certains représentants des coopératives agricoles, en émettant des doutes sur la transparence de leur mode de fonctionnement et en soulignant que certains agriculteurs ne savaient pas combien leur coopérative vendait les biens qu'ils avaient contribué à produire. De tels reproches ne sauraient nous être adressés, car nous sommes une vraie coopérative.
Olivier Huet, que vous avez reçu, est le président de la coopérative nationale. Il y a, par ailleurs, seize coopératives régionales en France, et nous sommes présents dans quatre autres pays au moyen de représentations coopératives.
Au cours de notre histoire, il nous est arrivé d'acheter des sociétés anonymes. Vous connaissez les règles de l'exclusivisme coopératif : on ne peut pas toujours vendre à des tiers à partir d'une coopérative et une coopérative ne peut pas toujours posséder une société anonyme. Mes cours de droit remontent à assez loin, mais je me rappelle tout de même qu'il existe des organes intermédiaires permettant à une coopérative d'acheter une société anonyme. La société agroalimentaire Kermené, dans les Côtes-d'Armor, qui emploie 3 500 personnes dans le secteur de la charcuterie et des plats transformés, est une société anonyme, filiale du groupement d'achats Leclerc – qui, à l'origine, n'en était pas un.
Le groupement coopératif des centres Leclerc a aussi acheté une banque, qui était l'une des dernières sociétés en nom collectif (SNC) de France – je ne sais même plus ce que la Commission bancaire avait exigé à l'époque. Ce que je veux dire, c'est que notre organigramme est hyper facile à lire par rapport à d'autres, par exemple ceux de Nestlé, de Total, de Procter, d'Unilever ou de Sodiaal. Il ne faut pas exagérer ! Si vous avez vraiment besoin d'un tableau récapitulatif, je vous le ferai tout à l'heure sur un coin de table, mais franchement, il n'a rien de très compliqué, et il est même enseigné dans toutes les écoles de commerce !
Ce que vous devez retenir, c'est que ni mon père ni moi n'avons jamais été président du groupement des centres Leclerc, ni au niveau local, ni au niveau régional, ni au niveau international. La seule mission que j'assume actuellement est celle de membre fondateur de Coopernic, notre alliance internationale. Cette alliance est née de la rencontre d'hommes qui ont estimé que, quelles que soient leurs fonctions, ils devaient être là pour assurer un montage un peu chaotique d'une entité dont nous ne savions pas trop, à l'heure où les technologies digitales arrivaient, ce qu'elle ferait. Je note que vous avez consacré une dizaine d'heures à auditionner des représentants de notre groupe – à ce jour, celui que vous avez ausculté le plus minutieusement.
Leclerc est aussi l'organisation la plus tentaculaire, du niveau régional au niveau européen !
Je ne suis pas d'accord. Mes principaux fournisseurs et ceux que vous avez reçus à huis clos ont des organisations beaucoup plus complexes que la nôtre, du fait qu'ils entretiennent une séparation entre le management financier et l'actionnariat.
Le groupe de Jean-Charles Naouri, par exemple, est tellement complexe que je connais plus d'un banquier qui a du mal à s'y retrouver ! Notre organisation est simple, mais vous devez comprendre qu'elle s'est forgée au cours d'une histoire de soixante-dix ans. Quand vous interrogez des salariés qui ne sont là que depuis quatre ou cinq ans, il est évident qu'ils ne connaissent pas toujours cette histoire.
D'ailleurs, si je peux me permettre une petite pique, je note que vous n'interrogez pas Bernard Arnault, qui est le principal actionnaire de Carrefour ; vous n'interrogez pas davantage Jean-Charles Naouri, à la tête d'un groupe immense. Or ils sont tous deux concepteurs d'une organisation ayant des finalités fiscales et financières, et faisant intervenir des fonds d'investissement. Par rapport à eux, notre organisation actuelle porte peut-être un peu la marque des tâtonnements ayant présidé à son élaboration au fil du temps. D'aucuns diront que nous sommes une armée mexicaine, oubliant, d'ailleurs, que l'armée mexicaine a battu celle de Napoléon III et repris le Nouveau-Mexique à la France !
Monsieur le président Leclerc, je vous remercie de vous être déplacé aujourd'hui. Je ne suis guère convaincu par le numéro de victimisation auquel vous vous livrez ici. Vous vous doutez bien que je ne peux qu'être étonné de vous entendre dire qu'on ne vous appelle pas, alors qu'au moment de l'examen de la loi EGAlim, j'ai fait cinq tentatives, restées vaines, pour contacter vos services ! Vous aviez beau dire et répéter qu'il n'y avait pas de meilleure méthode que celle de Leclerc, on vous sentait un peu fébrile à l'annonce du relèvement du seuil de revente à perte ; c'est pourquoi j'aurais souhaité que vous vous exprimiez sur ce point. Or, à cinq reprises, on m'a répondu que vous ne souhaitiez pas travailler avec moi – mais c'est le passé, et je ne m'appesantirai pas sur ce point.
Vous parlez souvent de courage politique au sujet des prix bas. Pour ma part, j'ai le courage politique de dire que le prix bas n'est peut-être pas l'avenir, mais que le prix juste et le prix éthique le sont. La politique consistant à menacer ses partenaires et à chercher à se soustraire à la réglementation française n'est pas la mienne, et je ne doute pas qu'avec la bonne foi qui vous caractérise, vous saurez convaincre le tribunal devant lequel vous irez prochainement qu'elle n'est pas la vôtre non plus.
Vous avez évoqué tout à l'heure les revenus du monde agricole. Aujourd'hui, un caddie de grande surface est composé aux trois quarts de produits agroalimentaires. Selon vos services, environ 60 % de ces produits sont achetés à la baisse, en moyenne de 10 % à 15 %, depuis cinq ans. Même si votre méthode est enseignée dans les meilleures universités, monsieur Leclerc, je suis curieux de comprendre comment une addition de moins peut aboutir à plus de revenus pour les agriculteurs. J'aimerais surtout savoir quelle sera leur situation dans dix ans, quand la poursuite de cette logique déflationniste aboutira à une baisse de 30 % ou 35 % des prix qui leur sont servis. Peut-être que quelque chose m'échappe, mais j'ai vraiment envie de comprendre cette mécanique.
Sachez que si vous avez besoin de ma contribution pour aider à améliorer le revenu des agriculteurs, j'ai des idées ; mais vous ne les avez, malheureusement, jamais reprises. Je suis d'accord avec M. Biero, le directeur exécutif achats et marketing de Lidl, pour souhaiter l'instauration de prix minimum. Quand le marché ne rémunère pas suffisamment les hommes, il faut savoir faire de la politique pour y remédier – c'est précisément votre rôle. De notre côté, nous pouvons respecter un prix minimum, mais nous demander de le mettre en place sans consacrer ce principe par la loi, ce n'est pas correct !
Avant votre arrivée, c'est-à-dire dans l'ancien monde – où l'on croisait néanmoins les mêmes hommes –, Leclerc et Intermarché ont eu droit à un beau chantage, pratiqué en haut lieu – j'aurai l'élégance de ne pas citer de noms –, pour les obliger à soutenir le cours du porc à Plérin. Nous l'avons fait, montrant ainsi que nous sommes mobilisables. C'est pourquoi je trouve malvenu de sous-entendre aujourd'hui que nous serions systématiquement opposés à la mise en oeuvre de solutions visant à soutenir le revenu des agriculteurs. Vous pourrez en demander confirmation à M. Le Foll et à M. Le Drian, nous avons proposé les prix minimums, nous avons proposé de participer à un fonds d'entraide aux producteurs, auquel auraient contribué tous les distributeurs et les industriels de l'agroalimentaire. Cela me paraissait une bonne idée, et je crois que vous y étiez également favorable, Monsieur Travert.
Mais l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) et l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) se sont prononcés contre, et cette proposition n'a pas été retenue. J'insiste sur le fait que nous acceptions de prendre sur nos marges, sans répercussion sur les consommateurs, afin de participer à ce fonds. Nous avions déjà bien fait avancer ce projet, notamment avec Guillaume Roué, le président d'INAPORC, que vous avez reçu.
Il serait temps d'arrêter de prendre la grande distribution pour le cache-sexe couvrant l'absence d'une politique agricole qui soutiendrait les revenus des agriculteurs, par exemple en répartissant les subventions en fonction des objectifs alloués. On voudrait bien comprendre où sont passés les 100 milliards d'euros de subventions à l'agriculture – une somme payée par les consommateurs et les contribuables – et comment il se fait qu'avec cette somme colossale, il y ait encore des pauvres dans l'agriculture. Pour ma part, je suis prêt à prendre part à une réflexion sur ce point.
Monsieur Leclerc, je veux bien croire que vous feriez un excellent ministre du commerce, mais nous devons avancer et je constate que vous n'avez pas répondu à la question posée par notre rapporteur.
Si vous avez retenu ma bonne volonté, c'est déjà ça, monsieur le président.
Monsieur le président, je n'ai jamais douté de votre capacité de collaborer avec nous de manière constructive. Ce que je veux, c'est que nous puissions sortir un rapport en septembre. En attendant, je me garde bien de communiquer de quelque manière que ce soit. Je veux que ce rapport soit utile, que l'on puisse y puiser des choses intelligentes.
Par conséquent, pouvons-nous revenir à la question précise qui vous a été posée par M. le rapporteur, portant sur les notions de prix bas et de prix juste ? Nous devons être concis et avancer, car d'autres membres de cette commission ont des questions à vous poser.
Après en avoir discuté avec nombre de chefs d'entreprise des centres Leclerc ainsi qu'avec plusieurs de nos concurrents – qui, comme nous, en ont assez de jouer les boucs émissaires –, je peux vous répondre très clairement sur ce point. La législation que vous avez façonnée nous oblige tous à travailler au prix du marché. On peut déroger à ce prix quand le produit est transformé, argumenté, et qu'il peut dire son originalité : du point de vue du marketing et de la psychologie du consommateur, personne ne trouve à redire que l'on doive payer plus cher un produit bio, un produit régional, ou un produit bénéficiant d'une appellation justifiant de son origine.
À l'inverse, qu'est-ce qui justifie de payer plus cher un produit de mass market, sur un marché désormais largement ouvert – par la volonté du législateur – à l'Europe, voire au monde entier ? Dans ce contexte, conclure une entente verticale avec des producteurs, c'est compliqué. Je vous réponds donc très simplement que oui, nous acceptons de payer les produits un peu plus chers. D'ailleurs, quand nous avons dû signer des accords avec Danone et Lactalis – à l'aveugle, puisqu'il n'y avait pas moyen de faire autrement –, nos acheteurs avaient compris que le surprix payé à Danone et à Lactalis permettrait une meilleure rémunération du producteur. Nous n'avons pas bénéficié de la transparence dans cette intermédiation, et je m'étonne que vous m'interrogiez puisque vous avez reçu, dans le cadre d'une audition à huis clos, Danone et Lactalis, qui nous ont interdit eux-mêmes – je peux le prouver – de communiquer au sujet de l'obligation sur laquelle ils s'étaient engagés. Le groupe Bel, qui avait signé un accord avec Intermarché, a été le seul à le faire ; pour ce qui est de l'industriel ayant contracté avec Lidl, il ne l'a fait que quinze jours après la clôture des négociations.
Je vous redis donc très clairement, même si je n'ai pas un mandat pour cela, que, dans le cadre des discussions, les centres Leclerc sont prêts à acheter plus cher certains produits, même ceux issus du mass market, qui peinent à dire leur différence. Pour ce qui est du reste, notre position est actée depuis les états généraux de l'alimentation, et même si vous considérez que 5 % en deux ans ne sont rien, je trouve que les choses évoluent rapidement. Nous sommes prêts à travailler sur des formes d'entente et à les soutenir devant la Communauté européenne, avec vous. Vous nous encouragez à conclure des accords tripartites ; savez-vous combien on nous en a proposé ? Je peux vous dire que c'est négligeable : seuls quelques grands industriels que j'ai cités tout à l'heure l'ont fait.
C'est un fait, le prix de marché peut ne pas être juste, mais une fois ce constat effectué, comment fait-on pour en sortir sans être sanctionnable dans le cadre de la législation actuelle ?
Pour ma part, je propose qu'on nous autorise à conclure des ententes : quand les prix sont trop bas pour nourrir les hommes et les femmes, les centres Leclerc, qui ne sont pas des partisans outranciers du libéralisme et ne prônent pas le prix bas à tout prix – il faut arrêter de dire ça, monsieur le président –…
Qu'il y ait des butoirs sur les prix ne nous choque pas, d'autant qu'il y en a un sur les salaires, à savoir le SMIC.
Vous tenez des propos à caractère très politique, et votre dernière intervention me donne l'impression d'avoir entendu deux propos liminaires de votre part. Reste que vous n'avez pas répondu à ma question, qui est simple : quand 60 % d'un caddie a été payé à la baisse aux industriels, comment les agriculteurs font-ils pour vivre ? Vous nous parlez de contrats tripartites, d'achats directs, d'alliances locales permettant des prix planchers, soit, mais ces marchés ne représentent au total que 1 % ou 2 % de votre chiffre d'affaires.
Moi, je vous parle des cent plus grands industriels, qui fabriquent des biscuits, des céréales pour le petit-déjeuner, de la lessive, des produits transformés, et recourent pour cela à de la R&D et à du marketing. Ces acteurs-là, qui représentent la plus grosse partie de vos achats et fabriquent pour la plupart en France – c'est le cas de tous ceux que nous avons entendus dans le cadre de nos auditions – signent en déflation depuis cinq ans.
Monsieur Leclerc, pouvez-vous m'expliquer comment, alors que vous achetez tous les ans moins cher depuis cinq ans, celui qui est en bout de ligne, c'est-à-dire l'agriculteur, pourrait être mieux rémunéré par l'industriel ?
Vous nous parlez de Lactalis, un industriel qui commercialise un produit essentiellement brut, sur lequel on peut facilement mettre un prix plancher. Mais il en va autrement des produits ultra-transformés : quand vous négociez en déflation depuis des années, comment voulez-vous que l'agriculteur soit rémunéré correctement ? Vous achetez et vendez moins cher, tant mieux pour le consommateur, mais il faut bien comprendre qu'à terme, le prix bas nous emmène dans le mur, car à force d'être soumis au régime que vous leur imposez, les industriels finiront par aller fabriquer ailleurs.
À l'inverse, je pense que le prix éthique et le prix juste sont bons pour le consommateur, pour l'industrie française et pour la grande distribution, qui est un modèle à sauver. En disant cela, j'espère vous convaincre que notre commission n'est pas à charge. Nous avons d'ailleurs reçu des représentants d'Amazon, et des propositions vont être faites, allant dans le sens d'une protection du modèle de la grande distribution. J'espère qu'en cette occasion, vous répondrez à mes appels, et que nous pourrons travailler ensemble de façon constructive. En attendant, j'aimerais que vous m'expliquiez comment une addition de moins peut aboutir à un plus, c'est-à-dire à une amélioration du revenu des agriculteurs.
Monsieur le rapporteur, je tiens à vous dire que je me tiens à votre disposition si vous rencontrez la moindre difficulté pour contacter les centres Leclerc. Je crois que vous connaissez très bien le cabinet de lobbying qui nous représente mais, en tout état de cause, je vous laisserai mon numéro de portable pour que vous puissiez me joindre très facilement – nous avons d'ailleurs au moins un point commun, puisque nous avons tous deux vécu dans la même ville.
Je vais vous répéter ce que nous avons déjà eu l'occasion de vous dire à plusieurs reprises, car j'ai l'impression que nous refaisons sans cesse le même débat. Si, comme vous le dites, le contenu d'un caddie a connu des baisses, il a également connu des hausses. Comme les représentants du Galec vous l'ont dit ici même il y a deux semaines, ce sont des hausses de près de 110 millions d'euros qui ont été passées cette année au titre des accords relatifs à la loi EGAlim, et 31 millions d'euros sur les marques de distributeurs pour les consommateurs.
Il faut donc prendre conscience du fait que, s'il y a des baisses, il y a aussi des hausses – et quand il y a de fortes baisses sur le cours du café ou du sucre, elles tiennent compte de l'analyse des cours effectuée par nos acheteurs, ainsi que du suivi du flux de matière première des producteurs.
Selon certains documents fournis par Bercy, 332 opérations de concentration ont été dénombrées dans le secteur de l'industrie agroalimentaire. Rien qu'en dix-huit mois, Lactalis a pris le contrôle de Parmalat et de Nuova Castelli en Italie, ainsi que d'Itambé au Brésil – ce qui en fait l'un des acteurs majeurs de l'agroalimentaire –, Pepsico de SodaStream, Lavazza de Mars Drinks, Danone de WhiteWave aux États-Unis – une entrée fracassante sur le marché américain pour Danone –, et Coca-Cola de Tropico… Si la situation est si catastrophique que vous le disent les industriels, où trouvent-ils les moyens d'investir jusqu'à plusieurs milliards d'euros pour effectuer ces rachats ?
Je trouve cette logique pour le moins étonnante : parce que l'autre réussit, il faut que je récupère une partie de sa valeur.
Ce ne sont pas les produits directement issus de l'agriculture que vous nous avez fait augmenter, mais ceux fabriqués par les grandes multinationales. On aurait pu trouver logique que vous nous obligiez à acheter plus cher les produits agricoles, mais ces produits agricoles français n'entrent pas dans la composition des produits que vous nous avez fait augmenter : s'il peut y avoir un peu de sucre français dans le Coca-Cola, il n'en est pas de même des oranges pressées pour obtenir le jus de la marque Joker, du café Nescafé ou des ingrédients entrant dans la composition du Ricard.
Par ailleurs, vous n'avez prévu aucun mécanisme de redistribution. Je vous rappelle qu'en ce qui concerne le SRP que vous m'avez fait signer, les industriels n'ont, eux, pas engagé leurs entreprises. Ils n'en ont d'ailleurs pas la capacité : comment voulez-vous que des actionnaires de Nestlé à Vevey, en Suisse, signent un accord s'appliquant à sa filiale Herta, dont la production est composée à 50 % de cochon français, et pour le restant de cochon espagnol et allemand, et distinguant la hausse que Leclerc ou Carrefour aura appliquée sur le cochon français, qui ne devra pas rémunérer les actionnaires suisses, mais aller directement aux agriculteurs français ? Cette mesure, c'est du pipeau ! Il est de l'intérêt de tous que nous sortions de la situation actuelle si nous voulons que chacun retrouve sa crédibilité. Je n'ai jamais cru à l'efficacité de l'augmentation du seuil de revente à perte mais, si elle s'était appliquée aux produits agricoles, au moins aurait-on eu quelque chose à dire aux agriculteurs. Ce n'est pas le cas en l'état actuel des choses, où elle ne sert qu'à enrichir les grands industriels.
Selon l'étude d'impact de la loi EGAlim – un document rédigé par le Gouvernement –, « Cette majoration est justifiée par les acteurs de la grande distribution par la nécessité de contribuer à l'effort généralisé de rétablissement du niveau de marge moyen requis par l'équilibre financier des enseignes ». Comme on le voit, l'augmentation du SRP n'était pas destinée à améliorer la situation des agriculteurs.
Vous avez auditionné M. Richard Panquiault, directeur général de l'ILEC, qui a déclaré devant vous, sans états d'âme : « Nous avons soutenu cette mesure qui allait plutôt à l'encontre des intérêts des acteurs que nous représentons, parce que nous voyions bien que la distribution avait des difficultés et nous avons considéré qu'elle lui procurerait une forme de bouffée d'oxygène. ». En fait, on a enfumé les agriculteurs, et à nos dépens car, la mesure devant être appliquée par la grande distribution, c'est à elle qu'on a reproché cette mesure n'apportant rien à l'agriculture ! Si vous n'avez pas cautionné cette mesure, vous avez à tout le moins été instrumentalisés ! Il ne faut pas poursuivre sur cette voie.
Oui, nous devons travailler à l'amélioration du revenu des agriculteurs mais, conformément à ce qu'avait déclaré le Président de la République et à ce qu'ont souhaité M. Travert, puis M. Guillaume, cela doit se faire par le contrat tripartite et par la mise en place d'indicateurs de prix de référence. Nous disons banco à de telles mesures ! Mais, compte tenu des délais qui nous étaient impartis, vous ne sauriez nous reprocher de ne pas l'avoir déjà fait : votre commission d'enquête a commencé ses travaux en mars, les négociations avaient pris fin en février, et nous n'avons même pas disposé d'un exercice comptable entier pour nous pencher sérieusement sur cette question !
Notre commission d'enquête n'a nullement pour objet de procéder à l'évaluation des États généraux de l'alimentation. Pour moi, les choses sont très claires.
Hier encore, Monsieur le rapporteur, dans le cadre d'une question au Gouvernement, déclarait : « Le groupe Leclerc n'a pas souhaité utiliser la loi EGAlim et a décidé de se passer du nécessaire équilibre dans les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs. » Vous avez beau dire que votre commission d'enquête ne porte pas sur la loi EGAlim, vous y revenez pourtant sans cesse.
Dans le cadre des questions au Gouvernement, Grégory Besson-Moreau a posé, hier, une question à la Secrétaire d'État, Madame Pannier-Runacher, mais cela n'a rien à voir avec les travaux de notre commission d'enquête. Dans mon esprit, lorsque j'ai suscité la création de cette commission d'enquête, le coeur de son travail devait porter sur les relations commerciales et le déséquilibre les caractérisant. Il s'agit de comprendre le rôle joué par les enseignes de la grande distribution et les centrales d'achat dans ces relations commerciales. À ce titre, nous évoquerons tout à l'heure les pratiques parfois qualifiées d'abusives ou de déloyales.
J'ai, pour ma part, toujours été réservé sur le relèvement du seuil de revente à perte. J'avais d'ailleurs fait remarquer, au cours des débats, que, selon l'étude d'impact, cette mesure avait pour objectif de rétablir les marges de la grande distribution, ce qui était en complet décalage avec le discours officiel du Gouvernement, selon lequel il s'agissait de rétablir le pouvoir d'achat des agriculteurs.
Cela dit, nous n'allons effectivement pas refaire tout le débat de la loi EGAlim. Notre commission d'enquête porte sur les pratiques de la grande distribution, et j'ai des questions très concrètes à vous poser à ce sujet. Le ministre de l'économie vient justement de décider de saisir les tribunaux à propos de certaines de vos pratiques. Alors que celles-ci apparaissent très clairement illégales, tant au regard du code de commerce que de la jurisprudence, désormais constante, comment se fait-il que vous vous trouviez « en état de récidive courante », pour reprendre les termes employés par le ministère ?
Il vous est notamment reproché d'imposer des tarifs sans contrepartie et d'exiger des remises aux fournisseurs ; pour cela, vous avez fait l'objet de sept assignations en quatorze ans, ce qui fait beaucoup. D'autant que les fournisseurs, par crainte des représailles que vous pourriez exercer, ne saisissent pas la justice, et que les pratiques qui vous sont reprochées le sont uniquement parce qu'elles ont été repérées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : on peut donc penser qu'elles ne constituent que la partie émergée de l'iceberg ! Nous sommes ici pour nous dire les choses clairement : comment expliquez-vous que votre groupe, qui se veut exemplaire, se trouve si régulièrement mis en cause par la DGCCRF et condamné par les tribunaux ?
J'ai une seconde question, portant sur la dimension européenne de votre groupe. Aujourd'hui, certaines des pratiques imputées à Leclerc sont le fait de votre centrale d'achat située en Belgique, Eurelec Trading, que vous avez créée avec le groupe allemand Rewe, et qui est sans doute la première centrale d'achat en Europe. Vous avez réagi au communiqué du ministre de l'économie en déclarant que vous alliez saisir la Cour de justice de l'Union européenne sur ce point mais, sur le fond, que répondez-vous à ceux qui vous accusent d'avoir créé cette centrale d'achat en Belgique pour contourner la loi française ? Par ailleurs, dans la mesure où les centrales d'achat sont de plus en plus souvent créées à l'échelle européenne, quelles réponses pourrait-on trouver, selon vous, sur le plan européen ?
Je ne vais pas répondre sur l'aspect judiciaire de l'affaire, et je pense que vous ne devriez d'ailleurs même pas m'interroger sur ce point.
Au demeurant, je m'étonne que vous invoquiez une affaire qui n'a pas encore été jugée. Un reproche ne fait pas une condamnation – vous devriez le savoir, vous qui, dans le monde politique, êtes souvent victimes de ce genre de raccourci !
L'ère des assignations a commencé avec Hervé Novelli et s'est poursuivie avec Benoît Hamon, et il semble bien que cette pratique soit aujourd'hui devenue un nouvel outil de la politique économique : quand on ne sait pas quoi donner aux agriculteurs, on tape sur le distributeur ! Je vous fais tout de même remarquer que, si chaque enseigne a été assignée, et même quand les contrats ont été disqualifiés, jamais les industriels n'ont été condamnés. Je veux bien qu'on défende les plus faibles, mais quand Système U se retrouve face à Danone ou à Nestlé, j'ai du mal à voir ces multinationales comme des victimes ! Même associé à Rewe, Leclerc ne représente que 2 % du chiffre d'affaires de Nestlé au niveau mondial. Nous aurions tous à gagner en sortant de la caricature selon laquelle l'industriel serait « le gentil », le distributeur, « le méchant » et le consommateur, « le payeur ».
Cela dit, ce qui est mal fait doit être sanctionné. Cette phrase que l'on m'attribue, « La loi, je m'assois dessus ! », ne correspond pas du tout à ce que j'ai dit – je vous invite à réécouter mon interview par Thomas Sotto sur Europe 1 pour le vérifier. Ce qui n'était, à l'origine, qu'un tacle de ma part contre feu Jean-Paul Charié, un député avec qui j'avais d'ailleurs des rapports exempts d'agressivité, est devenu, sous l'effet des réseaux sociaux, une phrase qui me colle à la peau.
Nous sommes légalistes. Vous ne nous avez pas pris en défaut sur l'augmentation du SRP et nous avons respecté la loi EGAlim. Vous avez reçu, ici, des membres de la Commission européenne qui vous ont rappelé que la constitution de centrales d'achat européennes est légale et que l'on ne peut pas déduire de ces initiatives une volonté de contournement de la loi. Au demeurant, la loi française est adaptée de la loi européenne.
Les centres Leclerc, nous l'avons dit tout à l'heure, sont des coopératives. Nous n'avons pas de centre de profit extérieur aux magasins. Toutes les conditions d'achat, tous les services et les rémunérations obtenues dans la chaîne des centres Leclerc ont pour mission d'aller vers le coopérateur, au profit, je le souhaite, du consommateur. Nous n'avons jamais été mis en défaut sur ce point, jamais !
À la différence de la commission d'enquête, ce que je comprends, nous sommes transparents. Les administrations le savent, qui ont tout pompé dans nos ordinateurs. D'ailleurs, Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances l'a revendiqué : elle dispose de tous les mails, de tous les éléments. Ce qu'elle nous adresse aujourd'hui, c'est un reproche en opportunité sur des contrats, mais la société Eurelec n'est pas une filiale du mouvement Leclerc.
Si vous voulez remettre en cause toutes les opérations communes au niveau européen, c'est l'Europe que vous reniez : l'alliance entre Deutsche Telekom et Orange, Airbus, le groupe Avril, que dirigeait feu le président de la FNSEA et qui a des filiales partout. Ce n'est pas parce que vous vous mettez à la dimension de vos industriels que vous avez tort.
Je l'ai dit, j'ai été membre fondateur de Coopernic. J'ai toujours participé à des travaux sur le droit à la concurrence, dès 1986, lorsque M. Balladur a créé le Conseil de la concurrence. À cette époque, professionnels, journalistes et analystes pouvaient se parler sans que cela pose des problèmes déontologiques, et nous avons travaillé ces questions.
Lorsque nous avons voulu développer les centres Leclerc à l'international, nous nous sommes rapprochés du groupe italien, Conad. Nous avons eu cette idée simple de rechercher des fournisseurs locaux pour le marché local, des fournisseurs nationaux pour le marché national et des fournisseurs internationaux à l'international. Ce n'était pas plus compliqué que cela.
Lorsque nous avons créé Coopernic, M. Collot vous l'a dit, nous avons décidé de ne retenir qu'un nombre de fournisseurs limité, de dimension internationale. Jamais un agriculteur ou une coopérative agricole nationale ou régionale n'a été appelé à venir discuter avec nous à la même table que Nestlé, Procter & Gamble ou Unilever.
Il faut que vous soyez pro-français. Si vous nous ramenez en permanence à la dimension nationale, vous faites le jeu du cloisonnement de chaque marché européen contre lequel la Commission européenne se bat, car il empêche les consommateurs français de bénéficier du meilleur prix pratiqué sur le marché européen.
Si Eurelec, qui négocie l'achat à l'échelon européen, facture à Scabel, dans la mécanique, celle-ci se tourne vers les centrales d'achat régionales ou territoriales. Reconnaissez, monsieur Leclerc, que tout cela est tout de même compliqué.
Non, franchement, c'est une organisation très simple. Il est normal que nos seize coopératives se regroupent face à une société allemande. Point barre. Cela peut vous évoquer des tas d'intentions frauduleuses, mais reconnaissez que c'est une interrogation que vous-mêmes avez ; n'en faites pas un fait.
Ce n'est pas moi, Michel-Édouard Leclerc, qui fais ces constructions. Nous avons les mêmes cabinets juridiques que nos fournisseurs : ce sont les cabinets de consultants internationaux de la place. Nous essayons de faire simple, ne serait-ce que pour nous y retrouver nous-mêmes. Ce n'est pas bien de votre part d'introduire le doute ! C'est un peu fort de café, alors que nous sommes déjà beaucoup sous la pression. Permettez-moi de dire, car je connais mon monde, que l'on veut aussi nous faire payer notre attitude sur le SRP. On me l'a assez signifié. Ce qui aura été mal fait sera sanctionné, mais acceptez que nous le plaidions devant les juridictions compétentes. Et ne faites pas le procès avant le procès.
Il est tout aussi fort de café d'entendre le directeur d'Eurelec expliquer que les négociations et les achats sont effectués à Bruxelles, conformément au droit belge, car il est plus pratique pour les fournisseurs de se rendre dans les bureaux par le train ! D'ailleurs, puisque nous parlons aujourd'hui des relations commerciales, ces industriels craignent de se rendre chez Eurelec. Ricard s'est ainsi fait déréférencer, car il refusait d'accéder à votre invitation de participer à Eurelec.
Bien que le directeur d'Eurelec affirme ne pas le faire, il dit qu'il serait capable de renégocier tous les deux mois des prix ou pénalités logistiques, de référencer ou déréférencer comme il le souhaite, car le droit belge est beaucoup plus flexible que le droit français. Mais, effectivement, il ne le fait pas et Eurelec s'est installée à Bruxelles parce qu'il est plus pratique pour les fournisseurs d'y venir en train…
La représentation nationale a besoin de comprendre pourquoi vous êtes présents en Belgique. De quatre industriels au départ, vous êtes maintenant quatorze, l'objectif étant d'arriver à vingt-quatre, pour finir, comme l'a dit le directeur d'Eurelec, à cinquante ou soixante-dix. Si ces industriels représentent les trois quarts des produits d'un caddie, nous sommes en droit de nous inquiéter : derrière un paquet de céréales, de gâteaux pour enfants, de pâtes, de fromage se trouve non seulement un grand groupe comme Kellogg's ou Lactalis, mais aussi, toujours, un agriculteur producteur. Bien sûr, vous n'emmenez pas les agriculteurs directement chez Eurelec, mais ils y vont, finalement, à travers l'industriel qui s'y rend.
Donc, hormis la praticité des transports, pour quelle raison Eurelec est-elle présente à Bruxelles ?
Si j'étais agriculteur, je me poserais des questions à entendre un député défendre Ricard plutôt que l'agriculture française !
On parle de Pepsi, d'Unilever, de Procter, qui sont des sociétés internationales. Tout le monde sait que ces entreprises segmentent leurs politiques tarifaires sur les marchés européens. L'Union fédérale des consommateurs, qui était contre l'augmentation des prix et dont on n'a pas tenu compte de l'avis, a déjà comparé les prix sur les marchés européens. Contrairement à ce que vous dites, le marché français n'est ni le moins cher, ni le plus en déflation. La guerre des prix, ce n'est pas ici.
Quand bien même il y a la séparation des pouvoirs, n'y a-t-il pas quelque inconséquence de la part d'hommes publics de pousser à des regroupements au niveau européen dans l'automobile, le ferroviaire, les transports, le multimédia et la pharmacie, et de les interdire aux acteurs de la distribution ? Avec ce tandem franco-allemand, j'ai dit, de manière un peu fanfaronne, que nous voulions créer l'« Airbus de la distribution ». Au fait, le siège d'Airbus n'est pas à Paris ! À plusieurs, il faut procéder à des arbitrages pratiques, c'est aussi simple que cela. Au départ, lorsque nous étions peu de partenaires, le groupe italien a voulu installer le siège à Bologne.
Nos partenaires allemands, hollandais et autres nous regardent en ce moment. Pensez-vous franchement qu'ils aient envie de venir à Paris ?
Il est vrai qu'il y fait chaud.
Des auditions auxquelles nous avons procédé ces dernières semaines, nous retirons le sentiment que les discussions menées en France sont bien différentes de celles qui ont lieu en Allemagne ou dans d'autres pays. Il semble que vos associés allemands n'agissent pas en Allemagne, comme vous le faites en France, et cela nous interpelle.
Vous et vos confrères avez souvent évoqué les industries agroalimentaires dont les marges sont bien supérieures aux vôtres, mais je veux parler des coopératives, des artisans, des petites et moyennes entreprises de nos régions, dont les marges sont extrêmement faibles. Celles-ci passent à la moulinette de la négociation de la même manière que les grosses entreprises, car elles sont néanmoins des acteurs importants du marché national, que d'autres ont abandonné car non rentable. Nous avons donc l'impression que toutes les entreprises sont logées à la même enseigne, qu'elles affichent des marges de 0,5 %, 1 %, ou entre 15 et 20 %.
Nous avons reçu ces industriels ou ces coopératives – de vraies coopératives d'agriculteurs. J'ai du mal à concevoir la coopération à votre niveau, car cela ne correspond pas à ce que j'en connais sur le terrain. Ces coopératives nous ont dit demander des aides, notamment aux régions, car elles n'arrivaient plus, alors même qu'elles ont une dimension nationale, à se maintenir sur les marchés au niveau national. De telles situations ne sont pas normales, qui font subir aux agriculteurs des conditions très défavorables.
Vous parliez de Herta qui est lié à Nestlé, mais Herta n'est pas le seul acteur de la filière porcine. Vous savez très bien, à travers Kermené, que les situations de l'aval ne sont pas les plus lucratives. Vous gagnez sûrement plus d'argent avec vos autres activités qu'avec Kermené. Vous dites avoir pleinement conscience des difficultés des éleveurs. J'ai le sentiment qu'un effort incontestable a été consenti sur le marché du lait mais que, sur le reste, les attentes restent considérables.
On a beau s'en défendre, dans les jeux de rôles, on force le trait. Aujourd'hui, j'aimerais que vous entendiez mon souhait réitéré de participer à la revalorisation des revenus agricoles à travers mon métier, chacun prenant sa responsabilité.
J'ai beaucoup souffert d'avoir tu ma vie privée. Sachez que, pendant vingt-sept ans, j'ai été marié à une éleveuse. J'étais les pieds dans le pédiluve, à répondre à des tas de questions, y compris de la part de la FNSEA, qui me considérait comme le massacreur d'agriculteurs, alors que je voyais bien quelle était la situation de mes voisins. Dans toute mon activité professionnelle, j'ai joué le rôle de facilitateur, de médiateur, non seulement au sein des centres Leclerc, mais aussi auprès de concurrents, pour essayer de résoudre des problèmes de revenus et de débouchés.
Quant à agir au sein même de la profession, c'est très compliqué. Il faudrait revoir bien des mécanismes de mises en marché. Je ne suis pas celui qui a fait sauter les quotas laitiers. Certains ont soutenu cela, et aujourd'hui, des petites exploitations n'arrivent pas à suivre après l'ouverture des marchés. La grande distribution n'achète que 12 % du lait de consommation. Elle n'est pas d'une grande aide lorsque, avec l'ouverture des marchés à tout vent, on laisse entrer la poudre de lait de Nouvelle-Zélande. Certes, on peut faire des laits « C'est qui le patron ?! » ou des laits de montagne mais, M. Benoit a raison, cela reste marginal ; on n'est pas dans le traitement du mass market. On démontre une volonté ; c'est toujours ça.
Les alliances locales fonctionnent entre les hommes. Elles ne rémunèrent pas assez encore, comme sur le marché du boeuf, mais on évolue.
C'est le cas du seul label « Les Alliances locales ». C'est en construction. Le bio ne représentait que 1 %, il y a cinq ans ; aujourd'hui, sa part est proche de 4,5 %.
Puisque vous parlez du bio, estimez-vous normal de trouver, dans un rayonnage de supermarché, un litre de lait bio moins cher qu'un litre de lait conventionnel ? Voilà l'anomalie à laquelle nous conduit tout ce système de négociations commerciales.
N'hésitez pas à retirer votre veste, monsieur Leclerc. Je ne comprends pas pourquoi la climatisation a été arrêtée…
Ou pour simuler un box de négociation. (Nouveaux sourires.)
Je pense que les négociations tripartites dont vous avez parlé sont le bon schéma. Le Gouvernement a travaillé sur la partie amont, des producteurs vers les industriels, pour avoir un accord sur des indicateurs de coûts de production, qui aident à déterminer le prix. Serait-il crédible que, sur la partie aval, des industriels vers les distributeurs, la base de négociation tienne aussi compte d'indicateurs de coût de fabrication et de transformation ? Il s'agirait de prendre en compte notamment l'évolution du prix de l'énergie et du coût des matières premières. Ainsi, nous allons avoir un été vraisemblablement très chaud qui aura, pour les céréales, par exemple, des conséquences sur les volumes et les prix.
Dans les centrales, à Bruxelles, en Suisse ou je ne sais où, on parle de tout sauf du produit qui fait l'objet de la négociation. Ou alors, cela signifie qu'il y a une connexion entre les centrales européennes, les centrales nationales et les échelons locaux. On nous a expliqué que ce sont les coopérateurs, propriétaires des magasins, qui consacrent une partie de leur temps, parfois jusqu'à un tiers, aux négociations nationales et internationales. Mais, tout de même, le coeur de la négociation devrait être le produit assorti d'indicateurs de coûts de production.
Peut-on avancer comme piste de travail une connexion du distributeur à l'industriel et de l'industriel au producteur, de sorte qu'il y aurait une corrélation entre le prix payé à la production et le prix payé par le consommateur en magasin ? Cela est-il envisageable ?
La réponse est oui. Cela existe.
L'agriculture n'est pas à la ramasse ; il existe des groupements de producteurs qui fonctionnent très bien. Sur le marché de la volaille, les éleveurs des poulets de Loué ou des poulets des Landes ont fait un excellent travail. Ils ne vivent peut-être pas comme Crésus, mais au moins, ils maîtrisent leur marque et leurs campagnes publicitaires. C'est nous qui leur courons après pour les référencer. La SICA de Saint-Pol-de-Léon ou des groupements comme Savéol – que l'on aime ou pas le produit, cela n'est pas le sujet – aussi ont fait un vrai travail.
Non, c'est énorme. Nous travaillons, par exemple, avec Bonduelle pour les marques de distributeurs. Pour toutes ces marques, aujourd'hui, nous sommes engagés avec les industriels dans un processus long de diminution, voire de substitution, des pesticides, avec rémunération de la période transitoire.
C'est ce que l'on appelle le modèle haute valeur environnementale (HVE). Il est marginal, c'est certain, puisqu'il n'en est qu'au démarrage. Cette période transitoire durera quatre à cinq ans. Un dialogue est noué entre des hommes qui s'entendent bien ; il ne faut pas les discréditer. Sur le marché de la viande, principalement à l'initiative des éleveurs de Charolais, une démarche a été engagée pour mieux rémunérer les races à viande. En Bretagne, nous devons gérer la vache de réforme, qui n'est pas une race à viande. Si vous commencez à augmenter l'un, l'autre réclamera aussi une augmentation. Néanmoins, en termes de marketing, il faut bien un écart entre les deux, sinon le consommateur ne comprend plus.
Globalement, depuis les États généraux de l'alimentation, et bien avant pour les distributeurs – Carrefour avait monté ses filières il y a vingt ans –, le travail qui a été accompli en deux ou trois ans est énorme.
Je remarque que l'on parle tantôt des agriculteurs ou des groupements de producteurs, tantôt de Ricard ou de Pepsi. Ce que vous avez entendu à propos des négociations internationales concerne des groupes qui, comme Pepsi, atteignent des marges de 15 à 18 %. Ni moi ni les centres Leclerc n'avons d'états d'âme les concernant. Ricard est le roi de la marge en Europe, sinon dans le monde, où il peut représenter 90 % de sa catégorie. Arrêtez de défendre Ricard ! La défense de l'agriculture française ne passe pas par celle de Ricard. Si des choses ont été mal faites dans les contrats, je comprends que la justice soit saisie, mais n'en faites pas un dossier emblématique.
Savez-vous que l'augmentation du prix du lait dont on a fait valoir qu'elle avait été obtenue de Lactalis et Danone dans le cadre de la loi EGAlim, a été négociée à Eurelec, avec les Allemands ? Ne cassons donc pas l'outil pédagogique qui a été le creuset de cette réalisation. Tant mieux si nos amis allemands nous apprennent à négocier autrement. Si ce sont eux le modèle, pourquoi nous reprocher de nous être alliés avec le modèle ?
Le problème, ce sont les fameuses centrales services, qui nous ont été décrites unanimement comme un outil qui jauge l'entreprise multinationale et sa capacité à faire du profit afin d'en obtenir des contributions financières.
Si certains distributeurs fournissent une liste précise de services concrets, qui font l'objet d'une négociation commerciale, donc, logiquement, d'une contribution financière, chez d'autres – le rapporteur l'a indiqué dans sa question au Gouvernement, hier, mais je ne dis pas que c'est le cas chez Leclerc –, ces services sont fictifs ou facturés à des prix prohibitifs et totalement disproportionnés par rapport à leur nature. Ce sont là ce que certains ont appelé « des pratiques déloyales abusives ».
Il faut distinguer entre les services tels que la loi française a demandé de les qualifier, qui sont les fameuses contreparties « effectives et proportionnées », et les services que les distributeurs peuvent apporter dans le cadre de leur métier et de leur savoir-faire.
Dans la loi française, vous le savez, pour négocier un prix, il faut proposer un service. Je trouve cela incongru, mais c'est la loi ! Cela revient à autoriser un concessionnaire Renault à proposer à un client une remise plus importante que celle offerte par un de ses concurrents à condition qu'il lui demande de lui nettoyer son garage. Il faut offrir une prestation de services qui soit effective, c'est la loi française. Nous devons la respecter, même si cela semble incongru – du point de vue du négociateur, il s'agit bien de deux offres, l'une plus chère, l'autre moins chère.
Ce qu'ont essayé de dire les salariés des entités Leclerc qui sont venus vous voir. Ce n'était pas facile pour eux, vous êtes impressionnants !
Non ! Vous avez d'excellents disciples. Vous pouvez leur faire confiance, ce sont des professionnels et ils n'ont pas été impressionnés, croyez-moi.
Un informaticien ou un spécialiste de l'internet n'est pas Michel-Édouard Leclerc avec quarante ans de passages devant les commissions de l'Assemblée nationale à son actif. Ils voulaient vous dire que toutes les données qu'Amazon, Google, Facebook vendent, avec des commissions allant parfois jusqu'à 8, 10 ou 15 %, ne valent pas rien. Ne venez pas nous dire que ce que le fournisseur accepte de payer dans un réseau de distribution, qui n'est même pas encore effectif, ne fonctionne pas.
Il y a quatre ans, Jean-Paul Agon, patron de L'Oréal, et Franck Riboud, patron de Danone, me disaient que leur premier client en Chine était Auchan. Aujourd'hui, Emmanuel Faber, qui a succédé à Franck Riboud, et Jean-Paul Agon vous diront que leur premier client y est Alibaba. Vous voyez, au passage, que nous avons tout de même intérêt à soutenir la distribution – je parle là de mes concurrents. Vous ne convoquerez pas comme cela les patrons d'Alibaba et d'Amazon dans les ministères pour signer des accords sur l'énergie ou l'économie circulaire. De ce point de vue, nous sommes tout de même d'assez bons Français ! Cela pour dire qu'Alibaba et Amazon sont des plateformes qui vendent leurs services très chers. Même si cela est complexe, je voudrais que vous compreniez que les services apportés par un distributeur, qui dispose aujourd'hui d'un excellent réseau, d'une notoriété et de la confiance des consommateurs, valent beaucoup d'argent. Que certains ne veuillent pas les payer alors qu'ils les achètent à Amazon m'incite à vous demander de ne pas vous laisser instrumentaliser.
Cela, je peux le comprendre. Je veux parler des entreprises qui, en audition à huis clos, nous ont expliqué comment se passaient les négociations avec des centrales services – je ne vise pas nécessairement celles de Leclerc. Je pense qu'il est de notre responsabilité de vous dire, à vous, président d'un grand groupe parmi les acteurs majeurs de la distribution en France, la même chose que nous avons déjà dite à Alexandre Bompard. Certaines entreprises nous ont dit qu'on leur avait tordu le bras pour signer un prétendu accord pour exporter alors qu'elles ne vendent pas à l'international, qu'elles n'y ont pas de marchés. On leur a pourtant demandé de payer. Ces pratiques existent ; elles sont abusives et déloyales, et doivent être sanctionnées.
Depuis quatre mois, nous en avons entendu, des choses, en procédant à des auditions à huis clos ! Je vous assure que tout cela n'est pas très catholique ! Il y a de quoi semer des questionnements dans l'esprit du rapporteur, des membres de la commission et dans mon esprit.
Les conditions générales de vente (CGV) de l'industriel et les conditions générales d'achat sont-elles le socle de la négociation ?
Sans vouloir me défiler, je ne participe plus aux négociations depuis dix ans. Aujourd'hui, la loi fixe les conditions pour l'une et l'autre des parties ainsi que leur statut respectif. Je respecte la loi même si je ne suis pas d'accord avec elle et que je n'en comprends pas certains aspects. Mais les lois évoluent aussi. J'étais fier que l'on m'attribue la paternité de la loi de modernisation de l'économie pour le combat que j'avais mené contre les marges arrière que les parlementaires avaient créées. J'étais tout seul, avec les centres Leclerc et quelques députés alliés. C'est le Parlement qui avait créé les marges arrière, avec interdiction de les répercuter sur les prix au consommateur. Je suis fier, avec les centres Leclerc, de les avoir fait sauter. Par contre, je ne revendique pas la paternité des sanctions à l'égard de la distribution et de la discrimination des sanctions entre industriels et distributeurs dans la loi LME. C'est la limite de ma paternité.
J'aimerais connaître la philosophie du président de l'association que vous représentez. Pour vous, Michel-Édouard Leclerc, les conditions générales de vente et les conditions générales d'achat représentent-elles le socle d'une négociation avec un industriel, une entreprise de taille intermédiaire (ETI) ou une PME ?
C'est ainsi que l'organise la loi française, mais, sur le marché international, si vous achetez à des Chinois, des Japonais, des Coréens, des Américains, ils considèrent que le marché est libre. En France, il est formalisé de cette manière, et il faut le respecter.
Les industriels – mais ils seront invités à venir nous le dire – ont fait remonter jusqu'à notre commission que, justement, tel n'est pas le cas du droit belge. Et le directeur général d'Eurelec nous a bien expliqué que, pour lui, les conditions générales de vente et les conditions générales d'achat ne forment pas le socle de la négociation.
Pour un industriel qui réalise 97 % de son chiffre d'affaires en France, dont les fournisseurs sont français et produisent en grande partie en France, il est normal de s'inquiéter de la concurrence lorsque certaines transactions se font selon une autre réglementation que le droit français, dans laquelle le contrat est secondaire. Telle est la difficulté que rencontrent certains industriels.
Si la réglementation était identique dans l'ensemble de l'Europe, vous ne seriez peut-être pas là, Monsieur Leclerc. Or chaque pays a la sienne propre, et c'est là où le bât blesse. Les industriels commercialisent, achètent, vendent et font vivre des Français dans nos territoires, mais les consommateurs achètent dans vos magasins ces produits qui y sont arrivés sous un droit différent. Voilà ce que je n'arrive pas à comprendre. Peut-être devrions-nous faire évoluer le droit belge, en fin de compte.
Le directeur général d'Eurelec n'a pas dit que les CGV ne constituent pas le socle de la négociation ; il a dit que la loi belge ne l'imposait pas. Les contrats négociés par Eurelec avec Danone ou Lactalis tiennent compte du contexte français et de la loi Egalim ; n'opposez pas toujours l'un à l'autre. Par ailleurs, les conditions générales de vente sont un des éléments de départ de la négociation, et le fournisseur a tout intérêt à y faire figurer toutes ses demandes. Tout n'est donc pas aussi négatif ; ce n'est, en tout cas, pas ce j'ai entendu des propos du directeur d'Eurelec.
Monsieur Pellois, il doit y avoir un malentendu à propos des bases de négociations évoquées par un collègue, qui n'appartient d'ailleurs pas au réseau Leclerc. Si nous partions vraiment de la marge de rentabilité, du résultat net du fournisseur, nous fermerions vite nos magasins. Nous négocions d'abord en fonction des souhaits des clients, de la gamme et des assortiments que nous souhaitons leur présenter, et de notre politique commerciale. Ensuite, nous nous intéressons aux qualités gustatives et nutritives des produits, au marketing talentueux de nombreux industriels qui donne envie aux clients. C'est tout cela qui entre dans la discussion de la négociation. Les coopérateurs de notre réseau qui s'occupent des achats n'étudient pas le bilan d'un fournisseur avant de le recevoir pour savoir ce qu'ils vont pouvoir lui demander ; ils étudient les cours. Maintenant que nous fabriquons nos propres marques de distributeur, nous avons accès à diverses mercuriales et autres cours de marchés, et nous savons ainsi comment se fabrique la valeur. Nous pouvons en déduire le budget de marketing des fournisseurs, et nous avons donc une vue globale qui nous est utile dans la négociation. Et puis, entrent aussi en ligne de compte, sans que ce soient des gros mots, la rentabilité et la profitabilité d'un produit – les conditions offertes par Lactalis sont-elles plus intéressantes que celles consenties par son concurrent Danone ? Tous ces éléments entrent dans la négociation, pas le résultat net de l'entreprise.
Pourquoi mettons-nous toujours en avant le résultat net des multinationales ? Parce qu'on nous accuse constamment de les étrangler. Tous les ans, l'ANIA publie un communiqué en décembre puis un autre en février, et c'est toujours le même discours. Pourtant, 332 opérations de fusion-acquisition ont été recensées dans le secteur l'année dernière. Les choses ne vont pas si mal !
S'agissant enfin des PME, l'atout que nous avons en tant que coopérative, c'est que nos négociateurs, à Paris ou à Bruxelles, sont adhérents. Lorsqu'ils ne sont pas en train de travailler au sein des structures nationales, ils sont sur le terrain, dans les chambres de commerce, dans les clubs d'entreprises ; ils visitent, le dimanche, des clubs de football que nous sponsorisons, et ils rencontrent les dirigeants des PME. Le dialogue se noue.
Nous le savons bien, et nous avons rappelé l'importance de la dimension territoriale lors de l'audition d'Amazon, hier.
Le lien avec les PME existe dans les territoires. Lorsqu'ils ont des difficultés, ils éprouvent moins de problèmes à nous joindre que M. le rapporteur !
Monsieur Leclerc, vous êtes l'un des administrateurs de Coopernic. J'ai l'exemple d'une entreprise de ses membres – vous tomberiez sans doute de votre chaise en apprenant de laquelle il s'agit –, qui n'a aucune activité internationale, mais à qui Coopernic a facturé des services à l'international pour une somme proche de 200 000 euros. Cela nous a été rapporté à huis clos. Il y a donc des pratiques abusives chez Coopernic.
Nous ne sommes pas saisis d'une telle affaire, mais si ce n'est pas bien, ce n'est pas bien ; je ne vais pas défendre l'indéfendable. Toutefois, cela n'est ni la norme ni la majorité des situations. L'ensemble des opérations commerciales effectuées pendant dix ans par le groupe Leclerc représente un chiffre d'affaires de 43 milliards d'euros – cela en fait des produits et des contrats ! Lorsque des dérapages et des problèmes sont constatés, je ne demande qu'à les corriger. Et si je peux jouer un rôle de médiateur, j'y suis prêt. Toute ma vie, on m'a demandé d'être médiateur, seulement, parfois, je m'en mords les doigts.
À huis clos, certains nous ont dit qu'il leur était arrivé de vous solliciter. Même si vous n'êtes pas au coeur des négociations, il semble que vous soyez parfois la personne idoine pour fluidifier les négociations et apaiser les conflits.
Un peu comme vous, j'ai toujours tendance à me placer du côté de la victime. Si je peux être utile, je le fais mais, honnêtement, je me suis souvent fait avoir par le discours des industriels, même si je reconnais qu'ils n'ont pas la tâche facile en période de déflation.
Les entreprises entendues à huis clos, sous serment, ont donné des exemples précis et communiqué des éléments factuels. Ces éléments nous conduisent à nous interroger sur le fonctionnement et le rôle des centrales de services, qui n'ont rien à voir avec les regroupements d'achat.
Toutes les entreprises en relation avec Coopernic ont des activités à l'international. Il n'est donc pas possible qu'un fournisseur soit dans le cas que vous nous rapportez. Nous sommes prêts à en discuter, mais une telle situation n'est pas possible.
Nous avons auditionné la DGCCRF. Selon elle, les entreprises, dont celles qui nous ont parlé, ne portent pas plainte contre des clients aussi importants que le groupe Leclerc, Carrefour ou Casino, au risque d'entrer en conflit pendant un certain nombre d'années et de se trouver déréférencées.
En matière de pratiques contestables ou discutables, quasiment toutes les entreprises auditionnées nous ont rapporté, de manière récurrente, les unes, des déréférencements abusifs, les autres, des suspensions de commandes abusives ou encore des pénalités, des demandes de paiement pour compensation de marge – celle qu'un distributeur a perdue du fait de conditions commerciales plus profitables consenties à un distributeur concurrent. Ce n'est pas spécifique au groupe Leclerc, mais toutes les entreprises en ont fait état.
Par respect pour les institutions et les personnes, il ne faut pas se fonder sur les on-dit. L'administration dispose de tous les éléments, et si l'on discute, faisons-le à partir de faits avérés. Le discours que vous relayez, je l'entends depuis que je travaille dans la distribution, alors même que nous étions tout petits. Quand mon père a commencé à vendre moins cher, je l'ai accompagné dans une chambre de commerce. Il s'y disait qu'il vendait les petits pois moins cher parce qu'il y avait dans les boîtes un gros oignon, qui coûte moins cher que les petits pois.
Quand, avec les centres Leclerc, je me suis attaqué au prix des carburants, tout le monde a dit que le carburant que je vendais n'était pas le même. Pour pouvoir vendre l'essence moins cher, il a fallu que j'aille défendre devant la Cour de justice de l'Union européenne – quel plaisir de l'entendre, pour le Breton que je suis ! – l'affaire Leclerc contre l'État français, car celui-ci m'empêchait de vendre l'essence moins cher et cautionnait le discours d'Elf et Total prétendant qu'il ne s'agissait pas de la même essence alors même qu'ils nous la livraient !
Tout au long de notre vie, les fédérations d'industriels nous ont discrédités. Je vous demande de prendre du recul par rapport à ces critiques, car, aujourd'hui que nous avons des alliés hollandais ou belges, nous voyons comment ils travaillent sur les autres marchés ; de telles polémiques n'y existent pas. Cette spécificité française vient d'une culture de nos élites, qui ne touche pas que la fonction publique, selon laquelle le commerce est parasite et ne crée pas de valeur. On en est encore aux physiocrates, aux industrialistes ou aux agrariens, qui ne reconnaissent pas la société postindustrielle.
Je n'accepte plus les arguments non démontrés. Toute ma vie, dans les émissions de télévision ou de radio qui m'ont fait connaître, on m'a opposé des industriels qui m'ont tenu ce discours. Au fond, ce qui nous est reproché, c'est de vendre moins cher. Nous sommes prêts à régler un problème de non-respect de la loi par un adhérent ou une société, mais, pour le reste, je relève que ces polémiques se sont accélérées depuis les discussions sur la loi Egalim et notre refus de discuter du seuil de revente à perte.
Monsieur le président, j'en appelle à votre âme et conscience pour prendre de la hauteur par rapport aux dires et ne considérer que les faits.
Je ne souhaite pas m'appuyer sur des on-dit, et les responsables et patrons d'entreprises que nous auditionnons s'expriment sous serment. Au passage, j'ai eu le plaisir de les entendre confirmer ce que je pensais : notre beau pays abrite de belles entreprises industrielles menées par d'excellents dirigeants, quelle que soit la taille des entreprises. Mais, monsieur Leclerc, pendant des mois, nous avons entendu dérouler une litanie de mauvaises pratiques, dont l'Autorité de la concurrence et la DGCCRF nous ont dit avoir connaissance sans que personne ait déposé plainte.
Je comprends les industriels : comment se mettre en délicatesse avec les sept ou huit grands groupes qui ont le monopole de la distribution en France ? Vous prétendez qu'il s'agit d'un règlement de comptes suite aux États généraux de l'alimentation, mais c'est vous qui montiez au créneau sur les plateaux de télévision ou de radio en disant que le Gouvernement voulait faire augmenter le prix du Ricard ! Pour ma part, je n'ai jamais défendu le Ricard.
Mais vous nous avez fait augmenter les prix, il faut que vous l'assumiez !
Vous pourrez vous adresser à l'ancien ministre de l'agriculture. Moi, je suis député, je ne suis pas porte-parole du Gouvernement, et je ne suis ni dans la majorité ni dans l'opposition.
Je me suis abstenu lors du vote de la loi EGAlim, même si je reconnais que la volonté de prendre en compte les indicateurs de prix de production va dans la bonne direction.
En tout cas, je vous dis que l'Autorité de la concurrence et la DGCCRF n'ont pas été saisies officiellement, mais ces pratiques existent ; elles ont été dénoncées ici, sous serment, à huis clos.
Je souhaite rééquilibrer la balance. Je n'aime pas la délation, et je ne trouve pas correct que vous ayez reçu certains à huis clos. Il ne s'agit pas d'une enquête judiciaire.
Si vous le demandez, nous organisons le huis clos. Le traitement est le même pour tout le monde.
Je veux vous dire ce qui suit. En 2018, dans un cartel du jambon, quatorze industriels se seraient coordonnés pour faire baisser le prix du jambon auprès des abatteurs. En 2015, vingt et un industriels formant un cartel de la volaille ont été condamnés. En 2015, neuf industriels du cartel des yaourts ont été condamnés d'une sanction de 192 millions d'euros – tous avaient prêté serment. En 2014, il y a eu le cartel de l'hygiène et des produits d'entretien, pour lequel treize industriels ont été condamnés à des amendes allant de 345 à 605 millions d'euros, et le cartel du porc, avec cinq abatteurs condamnés. En 2011, quatre industriels ont été condamnés à payer 361 millions d'euros pour entente formant le cartel des lessives. En Espagne, le 12 juillet 2019, a été révélé le cartel des produits laitiers impliquant trois multinationales – Danone, Nestlé et Lactalis.
Entre la parole des uns et la parole des autres, je me permets donc de vous inviter à prendre de la hauteur. Chacun peut faire les dossiers noirs de l'autre. Dans le monde politique, vous n'aimez pas cela, car les généralisations à partir des dossiers noirs de chacun éclaboussent tout le monde.
Aujourd'hui, je veux justifier l'organisation actuelle des coopérateurs des centres Leclerc. Quand mes parents ont créé les centres Leclerc, ils ne pensaient pas qu'ils prendraient une telle dimension. Des désaccords d'ordre organisationnel ont conduit à la scission du groupement, de laquelle est née Intermarché, de construction plus intégrée que Leclerc. Ces groupes coopératifs ont néanmoins gardé ce fonctionnement commun – ce n'est donc pas une spécificité du groupe Leclerc puisqu'on la retrouve aussi chez Système U – de l'assemblée des hommes – la Société civile des Mousquetaires, pour Intermarché – et le groupe coopératif.
Nous ne sommes que trois mouvements d'indépendants à avoir survécu à cinquante ans de concurrence dans la distribution. Nous avons survécu à la fusion de Carrefour et Promodes, alors que tout le monde écrivait que nous allions disparaître et que les hommes politiques avaient tiré un trait sur nous. Puis les hard discounters sont arrivés, et nous nous sommes organisés en créant une gamme « Premiers prix » qui n'existait pas auparavant. Aujourd'hui, des plateformes digitales apparaissent, qui vendent des marques sans être des logisticiens, et qui prélèvent 8 à 10 % pour figurer sur leur portail internet. Nous, distributeurs français, nous sommes capables de relever ce défi ! Et nous allons le faire. Je ne vous téléphonerai pas pour vous reprocher de n'avoir pas encore su taxer Amazon. J'aimerais pourtant que la concurrence se fasse à conditions égales, et je comprends que d'autres aient le même discours à notre égard. Nous allons relever ce défi, mais ne discréditez pas nos outils de collaboration et d'alliances, nos coopératives grâce auxquelles nous allons le faire.
Aujourd'hui, Leclerc achète 97 % de porc français et autant de lait français. Il en résulte des situations très compliquées, car nous sommes le débouché principal pour beaucoup de producteurs, ce qui nous fait porter une très lourde responsabilité. Mais on ne peut pas à la fois nous demander d'aider la production française et nous reprocher d'être trop gros !
Si les prix étaient plus rémunérateurs à l'étranger pour les industriels français, nos résultats à l'export seraient spectaculaires. Si les distributeurs allemands ou belges – que nous connaissons bien – rémunéraient mieux leurs agriculteurs, la France n'aurait pas de problème d'exportations.
La France est un pays de corporations qui se cherchent querelle, et je vous demande, plutôt que de faire le procès général de la distribution, d'aider à les fédérer. Venez à nos côtés !
C'est aussi l'intérêt des consommateurs. Vous nous avez fait augmenter les prix alors que les gilets jaunes descendaient dans la rue. Il en a coûté au Président de la République et au Gouvernement 11 milliards d'euros en mesures d'aides au pouvoir d'achat non financées, alors même que vous avez longtemps nié les problèmes de pouvoir d'achat. Ne nous mettez pas cela sur le dos !
Ce n'est certes pas votre projet, mais comprenez que cela joue sur nos rapports avec le Gouvernement. Nous ne nous posons pas en victimes, mais nous ne sommes pas naïfs non plus. N'oubliez pas que nous avons eu des réunions avec les responsables politiques, et, monsieur le rapporteur, lorsque vous dites que nous n'étions pas joignables, c'est une plaisanterie : nous nous sommes vus !
Je note que lorsque vous êtes dans une salle, la chaleur grimpe ! (Sourires.) Vous venez de répondre à la question que je souhaitais poser, je vais laisser la parole à mes collègues.
Nous avons beaucoup travaillé ensemble, monsieur Leclerc, je n'ai donc pas de question à vous poser aujourd'hui. Je souhaite rappeler ce que cette commission d'enquête représente et comment ses travaux sont conduits par son rapporteur et son président. Je leur fais entièrement confiance, et je sais qu'ils ne sont pas guidés par un désir de vengeance contre la grande distribution. Eux comme moi, et bien d'autres ici, vivons dans des territoires ruraux où la grande distribution est bien souvent le premier employeur du canton.
La grande distribution a toujours été considérée comme un partenaire essentiel dans le triptyque producteur-transformateur-distributeur. L'intention à l'origine des états généraux de l'alimentation était de ramener autour de la table des négociations des acteurs qui ne savaient plus se parler ni se mettre d'accord, et faire en sorte qu'ils sachent, comme dans d'autres pays, terminer une négociation. En France, une négociation n'est jamais terminée. Industriels, producteurs et distributeurs nous l'ont dit, les négociations se concluent au moment du Salon de l'agriculture, qui offre une énorme caisse de résonance, mais continuent par la suite. Jamais cela ne s'arrête de sorte qu'on puisse commercer sur des bases saines et durables. Il est donc important de rassembler ces partenaires.
Vous vous souvenez que, le 17 novembre 2017, lorsque nous avons signé la charte, 16 % du PIB français était rassemblés autour de la table. Vous êtes venu parce que, comme ministre de l'agriculture et de l'alimentation, j'ai souhaité qu'on vous sollicite. Nous étions réunis avec l'ensemble des interlocuteurs habituels – la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), l'ANIA, les organisations syndicales de producteurs – et nous nous étions mis d'accord sur un texte. Mais il manquait un acteur qui représente 20 % du marché. Fallait-il continuer sans en tenir compte ou fallait-il chercher à atteindre l'objectif des états généraux de l'alimentation, d'avoir une chaîne qui, du producteur au consommateur, permette de dialoguer, de négocier et de mettre en place la contractualisation assurant une juste rémunération et une répartition équitable de la valeur ?
Cette charte a été signée ; elle constitue un engagement. Puis la loi a été adoptée, suivie par la négociation de trente-cinq plans de filière. J'ai toujours considéré que les filières devaient être les plus longues possibles, car les filières courtes qui ne comptent qu'un producteur et un transformateur ne fonctionnent pas toujours bien. En revanche, si l'on réunit les producteurs, les transformateurs et les distributeurs, comme dans la filière porcine, on peut travailler sur les indicateurs de coût de production, qui déterminent le prix sur lequel il faut se mettre d'accord.
La loi a créé un certain nombre de mécanismes. Vous n'étiez pas d'accord sur le SRP, mais vous l'appliquez car c'est la loi. Or le SRP n'est pas prévu pour imposer au distributeur d'augmenter les prix de manière générale. Ce dispositif porte uniquement sur les produits à prix cassés, qui représentent 6,6 % des produits alimentaires ; il a pour objet de mieux rémunérer les agriculteurs. Nous avons toujours demandé de ne pas confondre les prix de vente dans les magasins et la marge que le distributeur réalise. Nous souhaitions que ces marges soient mieux réparties, pour augmenter celle des agriculteurs. Ce rééquilibrage peut se faire sans modification du prix.
La commission d'enquête n'a pas pour objet de refaire les états généraux de l'alimentation. Aujourd'hui, mon successeur veille à la bonne application de la loi ; les négociations se passent mieux dans certaines filières comme celles du lait, de la volaille, des oeufs. Chacun a su faire des efforts. Dans certaines filières, les contrats tripartites donnent pleine satisfaction, à l'exemple de la filière « Qualité Race Normande », chez Carrefour. Tous ces éléments nous permettent d'avoir une agriculture riche, innovante et rentable.
La commission d'enquête a été créée pour comprendre les mécanismes internationaux de négociation qui nous ont été expliqués par bon nombre d'interlocuteurs. Pourquoi les entreprises sont-elles conduites à créer un groupement à l'étranger, avec des répercussions très importantes sur le revenu de nos producteurs ? Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur qui que ce soit, car nous avons besoin de tout le monde pour conduire cette réforme.
Notre discours a toujours été le même : la juste répartition de la valeur doit se faire chez le producteur, chez le distributeur et chez le transformateur.
Chacun doit y trouver profit, car distributeurs et transformateurs sont également des employeurs. On a vu des entreprises industrielles faire faillite, poussées, sous la pression excessive de la distribution, à faire des achats à l'étranger. Quant au consommateur, il était souvent schizophrène : il voulait des produits de qualité mais ne se souciait pas de leur provenance. Aujourd'hui, on lui demande de faire des choix, en privilégiant le revenu des agriculteurs, la traçabilité et la qualité de travail des entreprises françaises, et de faire confiance aux marques de distributeurs qui proposent les meilleures productions aux meilleurs prix.
Nous souhaitons comprendre pourquoi des blocages apparaissent à un moment. Nous en connaissons certains. Dans le secteur de la viande bovine, que les accords internationaux ont mis sous les feux de l'actualité cette semaine, nous savons que lorsqu'un opérateur peut bloquer le référencement d'abattoirs et n'envoie pas vers la Chine ce que demandent les consommateurs chinois, des entreprises françaises perdent de l'argent. Dans la restauration collective, 70 % de la viande ne vient pas de France, et chacun, du producteur, du transformateur et du distributeur, en porte une part de responsabilité. Les débouchés commerciaux existent, je pense qu'il y a des moyens de s'entendre pour faire avancer les choses.
Ne vous méprenez pas sur les intentions de cette commission d'enquête : elle cherche à comprendre les mécanismes de fonctionnement des relations commerciales, et à proposer des solutions pour que les choses se passent mieux au sein du triptyque producteur- transformateur-distributeur, dont les membres sont condamnés à travailler ensemble.
Monsieur le ministre, j'adhère à vos propos. Je ne fais d'ailleurs de procès d'intention à personne. En outre, nous nous sommes affrontés mais je vous apprécie. Ce n'est pas un problème de personne. Reconnaissez tout de même qu'avant cette commission d'enquête qui cible la distribution, vous-même, monsieur le ministre, vous n'avez pas fait signer les accords des États généraux aux industriels ; seuls les distributeurs sont venus apposer leur signature.
Franchement, c'est facile pour les fédérations ! On n'est pas chez les soviets, tout de même ! Il n'y avait ni Emmanuel Faber ni Emmanuel Besnier. Pourquoi cette mise en scène sur les distributeurs ? C'est là que ça a démarré et c'est ce que je vous reproche. Dans les magasins, nous avons eu ensuite la visite des agriculteurs qui attendaient les effets du ruissellement parce que les distributeurs sont les seuls à avoir signé. C'est cela qui est compliqué. Nous allions à la casse et c'est ce que je vous ai reproché. Nous connaissons tous les deux les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à signer. Je ne mens pas et vous pourrez en témoigner.
Vous êtes venu me chercher parce qu'il en manquait un. Je n'y étais pas avant et ma venue n'était pas de mon fait. Je voudrais que les députés ici présents l'entendent.
Intermarché et Système U n'y étaient pas non plus. À présent, l'histoire est écrite et j'ai envie d'en sortir par le haut. Entendez-le, même si vous avez parfois l'impression que j'en fais trop. Les centres Leclerc veulent sortir de cette affaire par le haut. Cela dit, nous avons trouvé la situation injuste : les agriculteurs étaient envoyés déverser du lisier dans nos magasins alors que nous ne sommes pas ceux qui ont développé la théorie du ruissellement. Je ne sais même pas si vous vous y croyiez à l'époque. Comme vous êtes très malin, je pense que ce n'est pas possible.
La théorie du ruissellement ne peut se vérifier que dans le domaine public, car seul l'État peut se permettre de prendre à un endroit pour le redéposer dans un autre, par le biais des transferts sociaux ou de la fiscalité. Comment imaginer, en revanche, que le conseil d'administration d'une entreprise privée comme Carrefour puisse décider, en plein plan social, de payer les agriculteurs plutôt que des salariés ? Cela n'existe pas !
C'est pourtant ce que vous avez vendu et que vous vouliez nous faire faire en pleine période de tension sur le pouvoir d'achat dans la société française. Il était normal que nous vous disions que nous n'étions pas d'accord. Je n'ai pas apprécié la manière dont nous avons été désignés à la vindicte, peut-être pas par vous – je ne sais pas comment les choses se sont passées. Depuis, ça n'arrête pas.
Aujourd'hui, je vous propose une sortie par le haut, positive. Je pense qu'Alexandre Bompard de Carrefour, Michel Biero de Lidl ou Thierry Cotillard d'Intermarché vous disent la même chose que moi. Les industriels sont confrontés à une déflation qui touche tout l'Occident et qui dure depuis très longtemps. Les entreprises exportatrices savent travailler avec des chiffres d'affaires en baisse, car elles ont l'habitude des variations monétaires. Ce n'est pas le cas des entreprises nationales et des PME : on n'apprend pas à gérer des chiffres d'affaires en baisse à l'école.
Quoi qu'il en soit, il ne faut pas attribuer la déflation à la distribution. Vous ne disposez d'aucune étude montrant que les distributeurs français ont payé moins cher que les distributeurs allemands ou belges – je le tiens de députés.
La guerre des prix et les négociations à la baisse ne contribuent pas à inverser la tendance.
On en revient à la même confusion. En matière de concurrence par les prix de vente, la France se situe dans la moyenne européenne. Depuis l'adoption de la LME, elle n'a d'ailleurs repris sa place dans la moyenne que récemment. La France n'est pas le pays le moins cher. S'agissant de la rémunération des producteurs, les indices sur les grands acheteurs dont disposent les industriels, le MEDEF – et d'autres, ne montrent pas que les distributeurs français sont ceux qui rémunèrent le moins les agriculteurs. Vous n'avez pas d'indicateur en ce sens, vous ne pouvez donc pas dire cela.
Le fil conducteur de toutes nos auditions a tout de même été la guerre des prix, les négociations commerciales. Tout le monde nous a dit que cette tension lors des négociations n'avait pas son pareil en Europe.
Curieusement, monsieur Leclerc, vous venez de tenir le même discours qu'Alexandre Bompard de Carrefour, Thierry Cotillard d'Intermarché et Marc Schoelcher de Système U. En vous écoutant, je comprends que vous convenez que le schéma actuel des négociations n'est pas idéal. Il doit en effet évoluer pour tous les acteurs. Je me souviens très bien des propos de Thierry Cotillard, qui fait partie des jeunes dirigeants. Je constate avec satisfaction que vous faites le même constat qu'eux, ce qui signifie qu'il ne tient pas au seul renouvellement de génération dans la distribution. Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut retricoter les liens, créer un climat plus serein et plus propice à des négociations dites collaboratives, constructives dans l'intérêt de tous.
Il ne faut pas non plus attiser les antagonismes comme depuis les états généraux de l'alimentation. Vous nous reprochez souvent de ne parler que de prix et jamais de produits, mais vous faites la même chose. En réalité, à l'occasion des états généraux de l'alimentation, on s'est mis à parler du bio, des filières, des labels. Dans l'intérêt de tous, disons aussi ce qui a été positif. Ensuite, que chacun prenne sa part de responsabilité.
Moi, j'habite en Bretagne. Vous avez reçu le président de l'INAPORC. Ce n'est pas moi qui ai fermé les frontières russes aux débouchés porcins, et je vous ferais remarquer que c'est le résultat d'un arbitrage politique.
Oui, nous sommes d'accord, monsieur le président, et c'est enregistré. Pendant ce temps-là, on a sacrifié l'agriculture pour faire tirer nos satellites par des fusées Soyouz à partir de Kourou, parce que c'était moins cher. On a aussi ménagé tout ce qui concernait le gaz et le pétrole. Je ne vous refile pas le bébé, mais…
Je pense que nous le faisons et que nous le ferons. J'espère que notre rapport y contribuera.
Pour ma part, je vais partir d'un raisonnement très simple, car je suis un peu simple. Je suis de la campagne et j'ai beaucoup participé à EGAlim, parce qu'à la campagne, on croyait beaucoup à EGAlim. Nous ne pensions pas au ruissellement, monsieur Leclerc, mais nous voulions construire le prix de vente par rapport au coût de production.
Cette année est un peu particulière puisque vous avez négocié avant que les contrats ne soient signés. Je ne suis absolument pas d'accord avec mon collègue Travert quand il estime que ça a bien fonctionné. Vous n'ignorez pas, monsieur Leclerc, que les contrats avec les producteurs de lait ne sont toujours pas signés.
Dans la grande majorité des cas, ils ne sont pas encore signés. Le médiateur est saisi mais ils ne seront probablement pas signés à la fin du mois de juillet.
Bien sûr. Les industriels font évidemment valoir qu'ils ne peuvent pas payer plus, compte tenu des négociations avec les distributeurs. Ils expliquent qu'ils doivent, eux aussi, gagner leur vie et qu'ils ne peuvent pas redonner plus que ce qu'on leur laisse. Comme il n'y a aucune transparence dans les négociations entre les industriels et les distributeurs, on ne peut pas savoir qui se taille la meilleure part.
Vous nous dites, monsieur Leclerc, que vous allez jouer le jeu. Nous attendons donc de vous que, l'an prochain, vous jouiez EGAlim. En même temps, vous nous dites que la loi EGAlim vous a conduit à augmenter les prix, ce qui a déclenché la crise des gilets jaunes : les prix bas sont nécessaires pour les braves gens qui ne peuvent pas acheter cher.
À ce stade, nous sommes en échec. Va-t-on y arriver ou pas ? Comment voyez-vous les choses ?
Madame, il y a un problème : on se réfère tantôt au prix payé par le consommateur, tantôt à celui payé à la coopérative, au groupement de producteurs ou au producteur. Ce n'est pas le même prix.
Précisément, vous ne nous avez pas fait augmenter les prix agricoles. Pour pouvoir augmenter les prix d'achat agricoles…
Ne refaisons pas le débat que nous avons déjà eu. C'est toujours le problème, certains députés, qui ont d'autres obligations, ne peuvent pas assister à toute l'audition. Nous avons déjà bien débattu de ce sujet.
J'avais une autre question avant de passer la parole au rapporteur. Cet écosystème des centres Leclerc vise à faire redescendre le fruit des négociations au niveau local. Pourriez-vous nous décrire la manière dont les contributions financières circulent entre Coopernic, Coopelec, Eurelec, Scabel et Galec ?
Tout redescend ? Si vous pouviez expliciter de manière simple. Nous pouvons vous entendre à huis clos, si vous le souhaitez, car ce n'est pas une question piège.
Dans mon propos introductif, je disais que vous avez une belle organisation, mais elle est quand même subtile.
Non, elle est très simple. Il n'y a aucune rétention de profit dans aucun des outils. Aucun acheteur n'est rémunéré au pourcentage de gains sur l'achat de biens ou de services vendus. Notre modèle est vraiment coopératif. Comme mon père l'a voulu, ce sont les patrons des magasins qui s'organisent en groupes de travail – cela pourrait être les agriculteurs dans une coopérative. La famille Leclerc n'intervient pas.
Les propriétaires de magasins s'organisent en groupes de travail et fonctionnent par délégation, par mandat. Quel que soit le produit référencé – ils achètent, par exemple, du pétrole par l'intermédiaire de la société Siplec –, tout va au point de vente. Tous les outils sont transparents ; ils ne fonctionnent que par adoption d'un budget. Avant chaque exercice, nous votons sur un budget : salariés, investissements, etc. À la fin, nous redistribuons tout et il ne reste rien. En fait, la redistribution s'effectue de plus en plus en temps réel, car l'informatique le permet. Tout est transparent pour nos adhérents. Il n'y a pas de ponction en cours de route.
Mon rôle actuel est celui d'un influenceur. Je ne supporterais pas de partir à la retraite alors que le nom ne nous appartiendrait plus. C'est une marque collective. Je n'aimerais pas qu'elle soit dézinguée. Je n'arriverais pas à rester à la pointe de Trévignon, à regarder la mer, si le groupe ne respectait pas la charte.
Par convention, les centres Leclerc me demandent de les guider, de les inspirer, de prendre des initiatives et de fédérer les hommes afin de réaliser nos projets. Au passage, vous allez voir que je ne crache pas sur les États généraux de l'alimentation !
Nous voulons, dès 2022, mettre les centres Leclerc sur le podium des enseignes les « mieux-disantes » en matière de responsabilité sociétale des entreprises – RSE – et de développement durable. J'y insiste et vous pourrez me convoquer si vous me prenez en défaut. Nous nous engageons à réduire l'usage des plastiques, à lutter contre le gaspillage et à développer les énergies renouvelables. J'ai signé un accord avec M. Lecornu et je vais en signer un autre avec Mme Poirson sur le Nutri-Score. Je souhaite que Leclerc soit une marque d'excellence dans ce domaine.
Je n'ai pas parlé de prix, mais je vais y venir : il faut que le beau, le bon et le bien-être soient accessibles.
Comme certains d'entre vous, je pense qu'il ne suffit pas de soutenir le pouvoir d'achat par le biais des transferts sociaux et qu'il faut revoir collectivement la rémunération du travail. Certains ne voient pas d'augmentation de salaire depuis cinq ans et il faut répondre à leur aspiration en rémunérant mieux le travail. Les centres Leclerc joueront sur la participation et l'intéressement, qui font partie de la RSE.
S'agissant de l'organisation, je vous ai entendu émettre des critiques ou des réserves sur le modèle coopératif, notamment sur le mien. Pour ma part, je souhaite que les centres Leclerc puissent rivaliser avec les plateformes logistiques, avec Amazon, Alibaba et autres, tout en restant des coopérateurs ancrés dans leur territoire local, régional, national. En bon Breton, je veux que les impôts, les emplois, les salaires et les investissements restent en France.
Les centres Leclerc ont investi près de 1 milliard d'euros en trois ans dans des bases logistiques qui vont pouvoir faire des livraisons à domicile, développer les Drives, rivaliser avec le commerce digital. C'est très important. Du coup, j'ai l'impression que nos adhérents sont complètement dans le mouvement que vous avez voulu initier, monsieur le ministre, lors des États généraux de l'alimentation et que M. Guillaume reprend aujourd'hui.
C'est pourquoi je ne voudrais pas que l'on fasse la part belle aux grandes sociétés multinationales, par une critique systématique de nos métiers de négociation et de distribution, par la négation par avance de la valeur ajoutée et du service que nous créons. Je voudrais que l'on reste consumériste, que l'on pense au consommateur. Je voudrais que l'on arrête d'opposer l'intérêt du consommateur à celui des agriculteurs.
C'est un vaste débat. Monsieur le rapporteur, je ne vous ai pas facilité la tâche si vous vouliez faire une conclusion courte. Les centres Leclerc m'ont mandaté pour vous dire cela. Nous pouvons certainement mieux faire, mais ne nous faites pas passer pour les plus mauvais de la classe ! En tout cas, nous sommes volontaires.
Loin de moi l'envie de vous faire passer pour un mauvais élève, monsieur le président.
Revenons au sujet de la commission d'enquête, c'est-à-dire aux relations commerciales entre les distributeurs et les industriels quels qu'ils soient, qu'ils approvisionnent le rayon alimentaire ou le rayon droguerie, parfumerie, hygiène – DPH. Le nerf de la guerre, c'est le prix tarif, le « triple net ». Vous avez dû le connaître et peut-être le connaissez-vous encore.
Les industriels nous disent que vos centres commencent en permanence à la baisse : le fournisseur envoie les CGV et vous réclamez directement une baisse de 4 %. La grande distribution rétorque que les industriels réclament d'emblée une hausse de 5 % dans leurs CGV. On sent les frères ennemis obligés de travailler ensemble.
Nous allons vous faire des propositions. Êtes-vous prêt à justifier vos demandes de baisse de prix ? Si les centres Leclerc demandent une baisse de 2 % sur une référence donnée, ils pourraient invoquer une chute de cours ou autres. À l'inverse, un industriel qui vous demande une hausse de 5 % doit la justifier. Si la hausse n'est pas justifiable, il est normal de la refuser.
Je pense qu'un prix bas peut aussi être juste et éthique – vous voyez, j'évolue. Cependant, les deux côtés doivent aller vers le juste et l'éthique. Êtes-vous prêt à accepter qu'une déflation de 4 % n'est pas une bonne chose et qu'elle peut n'être qu'un argument de négociation primaire ? Ma proposition revient à demander à chacun de justifier sa demande. Pensez-vous que c'est une bonne proposition, monsieur le président ?
Effectivement, vous évoluez bien ! (Sourires.) Mon propos n'est pas très correct, mettez-le sur le compte de la chaleur.
Ce que vous décrivez, je l'ai toujours connu. L'industriel réclame une hausse de 8 % en arrivant, sans la justifier, même si le cours du café ou du polyéthylène terephthalate – PET – a baissé. Il y a des Trump partout. Certains forcent le trait pour que l'on arrive sur une ligne. Une négociation n'est pas codifiée, c'est un rapport de force. Je comprends que vous interveniez pour protéger le faible, que le régulateur ou le médiateur intervienne pour rééquilibrer le rapport. Mais ne dites pas que le rapport est systématiquement déséquilibré.
Vous savez sans doute qu'il n'y a pas eu de Coca-Cola dans les centres Leclerc pendant longtemps, y compris pendant la Coupe du monde de football. Ce n'est pas Leclerc qui a déréférencé Coca-Cola ! L'affaire a fini chez le médiateur et je n'ai pas le droit de développer. Que voulez-vous faire face à Coca-Cola ? Vous dites que nous sommes les plus forts, mais ces gens-là sont très bons et bagarreurs ; ils travaillent à l'échelle mondiale.
Monsieur Travert, je vais utiliser une métaphore pour ne pas citer les industriels par leur nom – la chaleur, ici, est telle que certains pourraient m'échapper. M. Trump menace de taxer le vin français – il n'a rien à perdre et, en plus, je crois qu'il est viticulteur – quand la France veut taxer les GAFA. À l'échelle internationale, les pays font exactement la même chose que nous. D'ailleurs, heureusement que les pouvoirs publics le font ! Dans un appel d'offres lancé par une commune, il y a toujours des entreprises laissées pour compte parmi celles qui répondent. C'est la règle du marché. Il ne faut pas en faire un truc moral.
Je reprends la question de M. le rapporteur. Pouvez-vous, monsieur Leclerc, objectiver les refus d'augmentation de tarif ?
Ce n'est pas ce que l'on nous a dit. Les fournisseurs interrogés expliquent qu'on leur demande d'emblée une baisse de 4 % ou 5 %.
En fait, ils arrivent systématiquement avec des demandes de hausse. Je vais vous donner un exemple sans citer le nom parce que l'audition est publique et que ce n'est pas la peine de faire un huis clos – vous le reconnaîtrez. Un industriel breton de la charcuterie que nous aimons tous est venu m'appeler au secours. J'ai demandé que tout ce qui s'était passé soit mis sur la table, d'autant que le Crédit Agricole m'avait dit qu'il fallait faire attention à cette entreprise. Il était arrivé en demandant une hausse de 8 %. Le type d'en face, qui n'était pas breton, lui a rétorqué que la hausse serait de 3 %. C'était le premier jour d'une négociation non codifiée. Quand Teddy Riner est défié, il commence par taper !
Nous ne sommes pas dans la fonction publique et le service public. Il y a des enjeux et, en plus, le législateur nous oblige à nous battre. Ne l'oubliez pas. Pourquoi la Commission européenne est-elle venue vous dire – et ce n'était pas à demi-mot – que ces constructions intracommunautaires sont importantes ? Parce que le consommateur doit pouvoir trouver le meilleur produit et au prix le plus accessible dans n'importe quel pays de la Communauté européenne.
Certains industriels ont établi leurs CGV par pays. En France, on essaie de vitrifier la concurrence et de faire passer des hausses sur des produits dont nous savons qu'ils sont moins chers ailleurs. Cela laisse deux solutions : négocier ou faire de l'importation parallèle. C'est notre métier. Les coopératives agricoles font la même chose pour acheter leurs intrants.
Vous n'avez pas spécialement répondu à la question, donc je vais la reposer différemment. Je voudrais seulement savoir si nous pouvons réellement travailler ensemble et nous voir pour établir de bonnes propositions. Vous savez, le législateur est très fort pour augmenter les taxes ou en créer de nouvelles.
Les prix de l'énergie augmentent et les salaires aussi, heureusement, sauf pour les parlementaires. Le prix des voitures augmente, tout augmente. Le consommateur qui va dans vos magasins, c'est aussi le salarié de votre fournisseur. Les industriels viennent nous voir pour nous dire que, depuis cinq ans, les négociations sur leurs produits se font à la baisse. La demande déflationniste du négociateur Leclerc n'est pas justifiée alors que le coût de la vie augmente. En tant que législateurs, nous nous posons des questions. Pourquoi le prix de cette bouteille, identique depuis des années, a-t-il baissé de 10 % ?
Nous demandons une explication. Pourquoi, les distributeurs réclament-ils d'emblée une baisse de prix ? Êtes-vous capable de dire pourquoi vous avez une baisse de prix sur 60 % des produits que vous achetez ? Vous pouvez dire que c'est 40 %.
Cela concerne la majeure partie de vos références. Si l'on prend une base 100, le taux moyen des achats est en déflation. Êtes-vous capable, Michel-Édouard Leclerc, de me dire que vous pouvez vous mettre autour de la table et justifier vos demandes de baisses de prix ? Que si vous demandez une baisse du prix de telle bouteille d'eau, vous pourrez la justifier par une baisse du prix de l'électricité, des salaires, des impôts ou autres ?
La réponse est oui ; il faut argumenter pour défendre ses positions. Les coûts varient d'une année à l'autre. Pour cette eau que vous prenez en exemple, le prix va augmenter ou baisser en fonction du coût des transports et du PET contenu dans l'emballage, c'est-à-dire des deux éléments qui coûtent le plus cher dans le produit. Oui, nous justifions nos demandes, même si vous pouvez critiquer la manière dont nous le faisons. Pour ma part, je pense que nous ne sommes pas si mauvais que cela, et même les industriels le reconnaissent. Certains panélistes font des sondages sur l'image des distributeurs en tant qu'acheteurs et, honnêtement, nous ne sommes pas mauvais même si nous ne sommes pas les premiers.
J'en viens à ma dernière question. J'ai déjà évoqué la négociation en amont, entre les producteurs et les industriels, et la négociation en aval, entre les industriels et les distributeurs. Pourrait-on imaginer une réduction de la durée des négociations commerciales, dont Stéphane Travert a situé la fin vers la fameuse date du 28 février ?
On pourrait imaginer que la négociation en amont se déroule à la période des récoltes. Autour de la Toussaint, les distributeurs pourraient enchaîner avec la négociation aval qui se terminerait le 30 décembre. Vous pourriez alors vous appuyer sur des éléments factuels de l'année : activité économique, réalités climatiques et autres.
Cette pratique ferait baisser le niveau de tension. Actuellement, les trois ou quatre mois de négociations se terminent par une annonce autour du 28 février, en plein Salon de l'agriculture, un événement qui peut être utilisé comme une caisse de résonance et un outil de communication. Cette proposition des négociations commençant à la Toussaint et finissant le 30 décembre vous paraît-elle aller dans le bon sens ?
Oui, Monsieur le Président, à défaut de pouvoir changer la date du Salon de l'agriculture ! Nous pratiquons déjà de cette manière avec les PME : nous essayons de clôturer toutes nos négociations avant les premiers jours de janvier.
Oui, nous sommes preneurs. Je ne sais pas pourquoi cela ne s'est jamais fait. Ce n'est pas marrant pour nous de négocier pendant le Salon de l'agriculture.
Nous pourrons conclure l'audition sur ce point d'accord. Nous vous remercions, Monsieur Leclerc, Monsieur Tuaillon, d'avoir participé à cette audition qui a duré plus de deux heures trente. J'espère que nos échanges, intéressants et constructifs, serviront la bonne cause.
Si vous avez besoin d'un négociateur pour que l'on vous installe une climatisation efficace et pas chère, vous pouvez faire appel à moi. (Sourires.)
C'est bien vu. Nous avons un certain nombre de salles à notre disposition et nous avons eu le don d'en choisir une dont la climatisation est tombée en panne au bout d'une heure.
La séance est levée à dix-sept heures quarante.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 15 heures
Présents. – M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Danielle Brulebois, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, Mme Dominique David, M. Daniel Fasquelle, M. Guillaume Garot, Mme Séverine Gipson, M. Yannick Kerlogot, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Martine Leguille-Balloy, M. Hervé Pellois, M. Stéphane Travert
Excusé. – M. Arnaud Viala
Assistaient également à la réunion. – Mme Sophie Auconie, M. Jacques Cattin, M. Jean-Marc Zulesi