Moi, je vous parle des cent plus grands industriels, qui fabriquent des biscuits, des céréales pour le petit-déjeuner, de la lessive, des produits transformés, et recourent pour cela à de la R&D et à du marketing. Ces acteurs-là, qui représentent la plus grosse partie de vos achats et fabriquent pour la plupart en France – c'est le cas de tous ceux que nous avons entendus dans le cadre de nos auditions – signent en déflation depuis cinq ans.
Monsieur Leclerc, pouvez-vous m'expliquer comment, alors que vous achetez tous les ans moins cher depuis cinq ans, celui qui est en bout de ligne, c'est-à-dire l'agriculteur, pourrait être mieux rémunéré par l'industriel ?
Vous nous parlez de Lactalis, un industriel qui commercialise un produit essentiellement brut, sur lequel on peut facilement mettre un prix plancher. Mais il en va autrement des produits ultra-transformés : quand vous négociez en déflation depuis des années, comment voulez-vous que l'agriculteur soit rémunéré correctement ? Vous achetez et vendez moins cher, tant mieux pour le consommateur, mais il faut bien comprendre qu'à terme, le prix bas nous emmène dans le mur, car à force d'être soumis au régime que vous leur imposez, les industriels finiront par aller fabriquer ailleurs.
À l'inverse, je pense que le prix éthique et le prix juste sont bons pour le consommateur, pour l'industrie française et pour la grande distribution, qui est un modèle à sauver. En disant cela, j'espère vous convaincre que notre commission n'est pas à charge. Nous avons d'ailleurs reçu des représentants d'Amazon, et des propositions vont être faites, allant dans le sens d'une protection du modèle de la grande distribution. J'espère qu'en cette occasion, vous répondrez à mes appels, et que nous pourrons travailler ensemble de façon constructive. En attendant, j'aimerais que vous m'expliquiez comment une addition de moins peut aboutir à un plus, c'est-à-dire à une amélioration du revenu des agriculteurs.