Intervention de Michel-Edouard Leclerc

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Michel-Edouard Leclerc :

Ce ne sont pas les produits directement issus de l'agriculture que vous nous avez fait augmenter, mais ceux fabriqués par les grandes multinationales. On aurait pu trouver logique que vous nous obligiez à acheter plus cher les produits agricoles, mais ces produits agricoles français n'entrent pas dans la composition des produits que vous nous avez fait augmenter : s'il peut y avoir un peu de sucre français dans le Coca-Cola, il n'en est pas de même des oranges pressées pour obtenir le jus de la marque Joker, du café Nescafé ou des ingrédients entrant dans la composition du Ricard.

Par ailleurs, vous n'avez prévu aucun mécanisme de redistribution. Je vous rappelle qu'en ce qui concerne le SRP que vous m'avez fait signer, les industriels n'ont, eux, pas engagé leurs entreprises. Ils n'en ont d'ailleurs pas la capacité : comment voulez-vous que des actionnaires de Nestlé à Vevey, en Suisse, signent un accord s'appliquant à sa filiale Herta, dont la production est composée à 50 % de cochon français, et pour le restant de cochon espagnol et allemand, et distinguant la hausse que Leclerc ou Carrefour aura appliquée sur le cochon français, qui ne devra pas rémunérer les actionnaires suisses, mais aller directement aux agriculteurs français ? Cette mesure, c'est du pipeau ! Il est de l'intérêt de tous que nous sortions de la situation actuelle si nous voulons que chacun retrouve sa crédibilité. Je n'ai jamais cru à l'efficacité de l'augmentation du seuil de revente à perte mais, si elle s'était appliquée aux produits agricoles, au moins aurait-on eu quelque chose à dire aux agriculteurs. Ce n'est pas le cas en l'état actuel des choses, où elle ne sert qu'à enrichir les grands industriels.

Selon l'étude d'impact de la loi EGAlim – un document rédigé par le Gouvernement –, « Cette majoration est justifiée par les acteurs de la grande distribution par la nécessité de contribuer à l'effort généralisé de rétablissement du niveau de marge moyen requis par l'équilibre financier des enseignes ». Comme on le voit, l'augmentation du SRP n'était pas destinée à améliorer la situation des agriculteurs.

Vous avez auditionné M. Richard Panquiault, directeur général de l'ILEC, qui a déclaré devant vous, sans états d'âme : « Nous avons soutenu cette mesure qui allait plutôt à l'encontre des intérêts des acteurs que nous représentons, parce que nous voyions bien que la distribution avait des difficultés et nous avons considéré qu'elle lui procurerait une forme de bouffée d'oxygène. ». En fait, on a enfumé les agriculteurs, et à nos dépens car, la mesure devant être appliquée par la grande distribution, c'est à elle qu'on a reproché cette mesure n'apportant rien à l'agriculture ! Si vous n'avez pas cautionné cette mesure, vous avez à tout le moins été instrumentalisés ! Il ne faut pas poursuivre sur cette voie.

Oui, nous devons travailler à l'amélioration du revenu des agriculteurs mais, conformément à ce qu'avait déclaré le Président de la République et à ce qu'ont souhaité M. Travert, puis M. Guillaume, cela doit se faire par le contrat tripartite et par la mise en place d'indicateurs de prix de référence. Nous disons banco à de telles mesures ! Mais, compte tenu des délais qui nous étaient impartis, vous ne sauriez nous reprocher de ne pas l'avoir déjà fait : votre commission d'enquête a commencé ses travaux en mars, les négociations avaient pris fin en février, et nous n'avons même pas disposé d'un exercice comptable entier pour nous pencher sérieusement sur cette question !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.