Intervention de Michel-Edouard Leclerc

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Michel-Edouard Leclerc :

Je veux vous dire ce qui suit. En 2018, dans un cartel du jambon, quatorze industriels se seraient coordonnés pour faire baisser le prix du jambon auprès des abatteurs. En 2015, vingt et un industriels formant un cartel de la volaille ont été condamnés. En 2015, neuf industriels du cartel des yaourts ont été condamnés d'une sanction de 192 millions d'euros – tous avaient prêté serment. En 2014, il y a eu le cartel de l'hygiène et des produits d'entretien, pour lequel treize industriels ont été condamnés à des amendes allant de 345 à 605 millions d'euros, et le cartel du porc, avec cinq abatteurs condamnés. En 2011, quatre industriels ont été condamnés à payer 361 millions d'euros pour entente formant le cartel des lessives. En Espagne, le 12 juillet 2019, a été révélé le cartel des produits laitiers impliquant trois multinationales – Danone, Nestlé et Lactalis.

Entre la parole des uns et la parole des autres, je me permets donc de vous inviter à prendre de la hauteur. Chacun peut faire les dossiers noirs de l'autre. Dans le monde politique, vous n'aimez pas cela, car les généralisations à partir des dossiers noirs de chacun éclaboussent tout le monde.

Aujourd'hui, je veux justifier l'organisation actuelle des coopérateurs des centres Leclerc. Quand mes parents ont créé les centres Leclerc, ils ne pensaient pas qu'ils prendraient une telle dimension. Des désaccords d'ordre organisationnel ont conduit à la scission du groupement, de laquelle est née Intermarché, de construction plus intégrée que Leclerc. Ces groupes coopératifs ont néanmoins gardé ce fonctionnement commun – ce n'est donc pas une spécificité du groupe Leclerc puisqu'on la retrouve aussi chez Système U – de l'assemblée des hommes – la Société civile des Mousquetaires, pour Intermarché – et le groupe coopératif.

Nous ne sommes que trois mouvements d'indépendants à avoir survécu à cinquante ans de concurrence dans la distribution. Nous avons survécu à la fusion de Carrefour et Promodes, alors que tout le monde écrivait que nous allions disparaître et que les hommes politiques avaient tiré un trait sur nous. Puis les hard discounters sont arrivés, et nous nous sommes organisés en créant une gamme « Premiers prix » qui n'existait pas auparavant. Aujourd'hui, des plateformes digitales apparaissent, qui vendent des marques sans être des logisticiens, et qui prélèvent 8 à 10 % pour figurer sur leur portail internet. Nous, distributeurs français, nous sommes capables de relever ce défi ! Et nous allons le faire. Je ne vous téléphonerai pas pour vous reprocher de n'avoir pas encore su taxer Amazon. J'aimerais pourtant que la concurrence se fasse à conditions égales, et je comprends que d'autres aient le même discours à notre égard. Nous allons relever ce défi, mais ne discréditez pas nos outils de collaboration et d'alliances, nos coopératives grâce auxquelles nous allons le faire.

Aujourd'hui, Leclerc achète 97 % de porc français et autant de lait français. Il en résulte des situations très compliquées, car nous sommes le débouché principal pour beaucoup de producteurs, ce qui nous fait porter une très lourde responsabilité. Mais on ne peut pas à la fois nous demander d'aider la production française et nous reprocher d'être trop gros !

Si les prix étaient plus rémunérateurs à l'étranger pour les industriels français, nos résultats à l'export seraient spectaculaires. Si les distributeurs allemands ou belges – que nous connaissons bien – rémunéraient mieux leurs agriculteurs, la France n'aurait pas de problème d'exportations.

La France est un pays de corporations qui se cherchent querelle, et je vous demande, plutôt que de faire le procès général de la distribution, d'aider à les fédérer. Venez à nos côtés !

C'est aussi l'intérêt des consommateurs. Vous nous avez fait augmenter les prix alors que les gilets jaunes descendaient dans la rue. Il en a coûté au Président de la République et au Gouvernement 11 milliards d'euros en mesures d'aides au pouvoir d'achat non financées, alors même que vous avez longtemps nié les problèmes de pouvoir d'achat. Ne nous mettez pas cela sur le dos !

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