Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes, m'indique que cela avait été proposé aux acteurs qui, dans leur ensemble, ne l'avaient pas souhaité. Le ministère de l'économie et des finances n'a pas de religion sur le sujet. Mais j'y vois malgré tout un intérêt : cela nous donne des leviers pour déclencher des sanctions administratives quand les contrats ne sont pas conclus et cela nous permet aussi de calculer correctement les demandes reconventionnelles postérieures à l'entrée en vigueur du contrat. Les avantages ne sont donc pas économiques, mais liés aux contrôles.
Vous m'interrogez sur les rapports de force. La concurrence peut être effrayante, même quand vous êtes trois sur un marché, croyez-en mon expérience… Ce n'est pas la répartition des parts de marché qui compte, mais la puissance en face de vous. Les industriels ne se sont pas organisés au mieux pour faire face à ce rapport de force, alors que la distribution explique qu'elle s'est organisée face aux multinationales. Peut-être les industriels ont-ils peur qu'on leur reproche des ententes. Mais ils pourraient utiliser différents leviers pour être plus forts dans la négociation face aux distributeurs.
Le point de basculement – un peu théorique – qui doit alerter, c'est plutôt 25 % de parts de marché, mais il n'est pas gravé dans le marbre et tout dépend des conditions de marché.
Vous avez raison, le droit de la concurrence a toujours été orienté vers les consommateurs. Mais, même aux États-Unis, des universitaires s'interrogent sur l'impact des regroupements – notamment des centrales d'achat – sur toutes les parties prenantes, donc également sur l'amont des filières. C'est particulièrement vrai dans les industries numériques, mais cela peut aussi s'appliquer aux industries plus classiques : les monopsones et les oligopsones peuvent potentiellement faire autant de dégâts que des oligopoles ou des monopoles, et sortir des entreprises compétitives du marché.
J'accueillerai donc positivement une évolution du droit de la concurrence qui tirerait toutes les conséquences du regroupement d'acteurs sur le marché, en appréciant son impact à la fois en statique et en dynamique, et pas uniquement sur les consommateurs, mais aussi sur les sous-traitants, les fournisseurs et l'ensemble de la filière. La problématique est similaire à celle de l'exclusion des petits par achat.
Nous réfléchissons et souhaitons alimenter la Commission européenne – pas seulement dans le secteur commercial. Nous devons adapter notre droit aux nouvelles pratiques de prédation des acteurs qui détiennent une puissance de négociation.