Intervention de Pierre Dharréville

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Je commencerai mon intervention en vous remerciant, monsieur le haut-commissaire, pour le travail que vous avez réalisé. Malgré les désaccords qui peuvent persister, je pense que chacun ici peut mesurer le travail qui a été accompli par vous-même et votre équipe.

Le système de retraite en vigueur est bien souvent présenté comme à certains égards inadapté, ringard ou je ne sais quoi. Je considère qu'il a surtout été beaucoup abîmé et transformé par les réformes successives. Certains problèmes que vous pointez ont été provoqués par l'ensemble de ces réformes qui ont conduit parfois à des déstabilisations et à des incohérences.

Vous avez rappelé la nécessité de retrouver le sens de la cotisation. Je ne sais à qui s'adresse exactement ce propos ; ma première réaction en tout cas a été de me dire que c'était mal barré, dans la mesure où toutes les décisions prises depuis deux ans ont consisté à détricoter la logique de cotisation par laquelle une part de notre salaire contribue effectivement à financer un certain nombre de droits, dont le droit à la retraite.

Quant à la formule selon laquelle un euro cotisé donne lieu aux mêmes droits, elle mériterait d'être étudiée en profondeur, pour ne pas en rester au slogan. En tout cas, elle fait l'impasse sur au moins une chose : les profondes inégalités structurelles du monde du travail. Finalement, cela revient à postuler une forme d'équité formelle qui renvoie chacun à la responsabilité de constituer sa retraite, au risque d'aboutir à un système qui, du coup, ne garantit plus un taux de remplacement du salaire ni des prestations définies et se borne à prévoir des cotisations définies et les mêmes droits formels pour tous. Cette réforme, en tout cas cette idée, repose sur une forme d'illusion : celle du libre choix de sa carrière et éventuellement de son salaire. Or on connaît les inégalités qui existent aujourd'hui et qui sont massives dans le monde du travail.

Vous avez annoncé que cette réforme devra se faire à moyens constants : peut-être est-ce le premier critère qui vous a été fixé pour l'engager : ne pas augmenter la part des richesses produites dans le pays consacrée aux retraites. C'est un élément que l'on peut discuter ; reste que si elle se fait à moyens constants et qu'il y a des gagnants, il y aura forcément des perdants. Avez-vous un ordre d'idée de la proportion de gagnants et de perdants ? J'ai lu aujourd'hui un chiffre dans un journal qui me semble assez inquiétant.

Qui plus est, si l'on décide de rester à moyens constants, cela signifie que les aléas économiques auront un impact sur le niveau des retraites, avec au bout du compte un droit à la retraite variable pour chacune et chacun sans les garanties collectives suffisantes. En tout cas, ce sont des inquiétudes que nous pouvons nourrir en l'état des propositions.

Avec un taux de cotisation constant, il ne resterait plus que deux variables d'ajustement dont l'âge. Je considère la formule que vous avez proposée comme est une forme de subterfuge – et elle a été vécue comme telle. Vous dites ne pas toucher à l'âge légal. Mais instituer un âge pivot s'apparente à une sorte de pirouette qui en fin de compte conduira à allonger le temps de travail... Je crois du reste que ce principe a été plutôt assumé : vous nous avez expliqué que déjà le cas c'était en partie, ce qui est vrai. Mais cela fait partie des critiques que j'avais formulées à l'endroit des réformes précédentes. Nous considérons, là aussi, que de profondes inégalités persistent à cet égard : l'espérance de vie par exemple, n'est pas la même selon les catégories socioprofessionnelles, parfois même selon les territoires, ou selon que l'on est une femme ou un homme. Et vos propositions ne nous paraissent pas de nature à y remédier.

Enfin, la réforme risque de conduire à une augmentation des retraites par capitalisation. J'ai également lu dans la presse qu'on voulait renforcer l'épargne retraite, ce qui m'interpelle.

Autant de raisons qui nous conduiront, monsieur le haut-commissaire, à présenter des propositions visant à instaurer un système de retraite beaucoup plus solidaire et mutualiste que celui qui nous semble être sur la table aujourd'hui. Nous craignons que la retraite par points telle que vous la proposez conduise surtout à la retraite en moins et à la retraite plus loin... Un vaste débat s'ouvre donc devant nous.

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