Mercredi 24 juillet 2019
La séance est ouverte à quinze heures.
Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente
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La commission des affaires sociales procède à l'audition de M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, sur ses préconisations au Premier ministre « Pour un système universel de retraite ».
Mes chers collègues, en votre nom, je tiens à remercier M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, d'être venu devant nous.
Monsieur le haut-commissaire, vous étiez déjà venu le 14 novembre dernier nous présenter votre premier bilan et vos orientations de travail. Depuis, notre commission s'est activement saisie de la question, en créant un groupe de travail présidé par notre collègue Corinne Vignon, où chaque groupe politique était représenté de façon équivalente. Sa mission était de dresser un état des lieux du système actuel et de formuler des propositions. Il a restitué ses travaux le 26 juin dans un document tout à la fois synthétique et pédagogique, comprenant une contribution de chacun des groupes.
À votre tour, vous avez remis au Premier ministre et présenté aux partenaires sociaux, jeudi dernier, vos « préconisations pour un système universel de retraite ». Je vous remercie d'être venu nous les exposer dès aujourd'hui. Vous nous expliquerez certainement pourquoi vous estimez que la création de ce système universel de retraite permet de satisfaire aux objectifs de simplicité et de justice pour tous ; peut-être nous éclairerez-vous aussi sur la suite du calendrier, maintenant que vos préconisations sont dans le débat public et dans l'attente du dépôt, puis de l'examen d'un projet de loi.
Compte tenu de l'importance du sujet, il m'a paru souhaitable qu'à l'issue de votre présentation et après l'intervention du rapporteur général, les orateurs des groupes puissent, à titre exceptionnel, s'exprimer pendant 5 minutes chacun. Ensuite, les autres commissaires pourront intervenir pour une minute chacun.
Je tiens tout d'abord, madame la présidente, à vous féliciter de la part de tous les parlementaires pour votre reconduction à la tête de la commission des affaires sociales, dont le rôle est déterminant à l'heure où nous présentons un projet de société majeur.
Je veux encore saluer l'ensemble des parlementaires, ambassadeurs ou autres, qui ont déjà, suivant une méthode originale, beaucoup travaillé à l'élaboration de ce projet et vous faire part de la haute considération que je porte au débat politique, à la controverse, à l'enrichissement mutuel que la confrontation et la discussion dans le respect de chacun peuvent apporter. C'est pourquoi, dès la remise de mon rapport au Premier ministre, j'ai souhaité qu'il soit adressé à chacun d'entre vous par internet afin que, quelle que soit votre appartenance, vous puissiez l'approfondir, le critiquer, l'amender et le nourrir.
Je vous suis très reconnaissant de votre invitation, madame la présidente, ainsi que de l'organisation de la prise de parole des représentants des groupes politiques, car nous avons affaire à un enjeu de société qui concerne chacune et chacun d'entre nous.
Le Premier ministre et le Président de la République m'ont chargé de préparer un nouveau système de retraite. J'appelle votre attention sur ce curieux retour de l'histoire : au lendemain d'une période tragique pour nos sociétés, le même souci de mettre en place une protection sociale a été partagé, tant en Angleterre avec Beveridge, aux États-Unis avec Roosevelt et le New Deal ou en France avec le Conseil national de la Résistance, les gaullistes et les communistes. Je l'ai écrit à la première page de mon rapport : il s'agit de garantir à chacun qu'en toutes circonstances, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes, et de débarrasser nos concitoyens de l'incertitude du lendemain.
C'est un singulier miroir que nous tend l'histoire au moment où beaucoup de nos compatriotes, mais aussi bien d'autres pays, sont dans l'incertitude du lendemain et l'inquiétude du futur : au XXIe siècle, dans des pays comme la Turquie, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France, une réflexion s'est engagée sur l'adaptation de nos systèmes de protection sociale fondés sur la solidarité collective au moment où l'on constate une forte poussée de l'individualisation, voire de l'individualisme.
Ce rapport est le fruit d'un travail collectif. Construit pendant dix-huit mois avec les partenaires sociaux, il repose sur une méthode dont le but est de réhabiliter le syndicalisme et le politique : le politique en tant que porteur d'une vision, le syndicalisme en tant que porteur d'une régulation sociale. Alors que certains partenaires sociaux ont dès le départ fait savoir qu'ils étaient absolument opposés au projet de système de retraite que nous proposions, ils n'en ont pas moins, dans le souci du dialogue, apporté une large contribution. Je veux saluer la richesse des relations humaines et des contributions de l'ensemble des organisations syndicales salariales et patronales, mais aussi remercier les parlementaires qui ont souhaité s'investir dans le sujet pour toutes leurs contributions.
Je souhaite encore saluer la pertinence de la consultation citoyenne que nous avons organisée, à laquelle plus de 130 000 votants ont pris part. Nous avons rencontré 800 citoyens sur le terrain, et je remercie les parlementaires qui se sont beaucoup investis dans cette entreprise. Ces consultations m'ont confirmé l'existence d'une chose à laquelle je crois profondément : l'intelligence collective. Il est surtout une richesse que j'aimerais trouver dans certains comportements ; lorsqu'ils expriment des avis différents, les citoyens se respectent, ils acceptent la différence. Ils acceptent l'idée qu'aujourd'hui plus personne ne peut prétendre détenir la vérité, et que c'est ensemble, par la confrontation de nos différences, que nous devons enrichir notre projet. Il me souvient de cette merveilleuse phrase que j'ai entendue lors de la restitution des travaux des ateliers citoyens au ministère de la santé, de cette femme, magnifique dans sa dignité : « Monsieur le haut-commissaire, j'ai appris dans les ateliers citoyens qu'il fallait à un moment concilier l'intérêt collectif et mon intérêt personnel. »
Je rappelle que toutes nos préconisations sont soumises à débat, mais je préviens que je ne suis pas en mesure de vous donner un quelconque calendrier. En revanche, après avoir présenté le rapport aux partenaires sociaux, je l'ai remis au Premier ministre, qui a fait un communiqué à temps de cette réception et m'a immédiatement demandé de recevoir l'ensemble des partenaires sociaux en présence de représentants de Mme la ministre des solidarités et de la santé et de Matignon. Je terminerai ces consultations demain matin et ferai au Premier ministre un résumé de ces rencontres, de façon à entendre avec un peu de recul les critiques, les interrogations, les soutiens et les analyses des partenaires sociaux. L'après-midi suivant, le Premier ministre commettra un nouveau communiqué de presse, et nous invitera sous son autorité, probablement à la dernière semaine d'août, pour préciser les responsabilités de chacun, les thématiques débattues avec les partenaires sociaux ainsi que le calendrier du déroulement de l'action. C'est donc à lui qu'il appartient de répondre aux questions que, très légitimement, vous posez.
Dans cet esprit de concertation, nous allons par ailleurs poursuivre une participation citoyenne, dont nous sommes en train d'arrêter le contenu et la forme ; mon bras droit Jean-Luc Izard organisera demain une rencontre à ce sujet.
Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'une énième réforme des retraites, mais d'un véritable projet de société. Pour la première fois, cette étape importante n'a pas été entourée de débats ou de propos politiques pessimistes du genre « si on ne fait pas cette réforme, c'est foutu ». C'est contraire une démarche éminemment positive : la refondation d'un système dans lequel nous souhaitons montrer, à l'échelle du monde ou de l'Europe, que l'on peut parfaitement associer efficacité économique et solidarité collective, et compenser la fragilité d'une solidarité professionnelle par la solidité d'une solidarité nationale et de la mutualisation.
Nous sommes à un moment qui dépasse largement le débat sur les retraites, un moment où les uns et les autres risquons d'être confrontés aux aléas du futur, à des problèmes d'interruption d'activité liée au chômage, à la maladie ou au handicap. Face à cela, il y a deux réponses : la réponse anglo-saxonne du chacun pour soi et de l'assurance, que nous récusons ; une réponse de mutualisation collective et de solidarité, afin que chacun se sente responsable et solidaire de l'autre, qui probablement la plus solide dans la mesure où elle permet de lutter contre la pathologie dont nous souffrons actuellement, la fragmentation de notre société au nom d'intérêts catégoriels, la déchirure et le conflit générationnel : « Pourquoi paierais-je des cotisations pour une retraite que je ne toucherai pas ? ». Aujourd'hui, à plus de 50 % les jeunes estiment qu'ils auraient plus intérêt à la capitalisation ; et du côté des retraités, la tentation est grande de se croire exonéré d'une responsabilité vis-à-vis de la nation. Je l'ai toujours dit et assumé : si la France va mal, les retraites iront mal ; si les retraités vont mal, les actifs iront mal, et vice versa. Nous devons tous être conscients de la nécessité d'une solidarité collective qui nous confère une responsabilité individuelle pour un bien-être collectif.
Nous sommes évidemment au coeur d'un système de répartition, fondé sur la solidarité infra et intragénérationnelle. Vous avez reçu hier une jeune personne qui vous a interpellé sur le problème environnemental ; on voit bien que cette solidarité infra et intragénérationnelle est horizontale lorsqu'il s'agit du système des retraites, et verticale lorsque nous avons des responsabilités vis-à-vis des générations futures au regard de la qualité de l'environnement dans lequel elles vivront. C'est pourquoi nous devons impérativement retrouver le sens de la cotisation et de l'impôt, mais aussi celui de la solidarité ; souvenons-nous des écrits célèbres de Simone Weil sur les droits et les devoirs, rédigés en 1942 alors qu'elle était proche du général de Gaulle.
Le nouveau système doit nous permettre de mieux prendre en compte les réalités sociales nouvelles avec une retraite qui accompagne les diversifications professionnelles. Nos parcours professionnels deviennent toujours plus multiformes, toujours plus différents sur le plan des métiers et des statuts comme sur le plan géographique. Plutôt que d'imposer la séquence différentielle de multiples caisses, nous devons faire en sorte de nous adapter à la polymorphie des parcours professionnels dans leur diversité.
Alors que la société était fondée sur un emploi stable à vie, avec des structurations stables, nous sommes en train de basculer, on peut le regretter ou pas, dans un monde de carrières heurtées, de carrières courtes, avec des périodes d'interruption subies comme le chômage ou la maladie. Dès lors, comment faire en sorte que dans le futur système de solidarité générationnelle de retraite nous intégrions beaucoup mieux qu'aujourd'hui la nécessité d'une redistribution prenant en compte ces parcours heurtés et ces carrières courtes ? Et si la retraite est bien le reflet du travail, nous devons également être attentifs à la redistribution en direction des retraites les plus faibles.
Enfin, et je sais, chère Corinne Vignon, que c'est un de vos combats, nous devons corriger les inégalités entre les femmes et les hommes. Il faut très clairement rappeler les choses : notre système de retraite est le reflet de notre système économique. Si notre système économique ne corrige pas les écarts de salaire entre les femmes et les hommes, nous les retrouverons au moment de la retraite. Si, comme dans certains pays comme les États-Unis, le système économique laisse se développer la valeur ajoutée au profit des actionnaires en laissant stagner les salaires, les salaires seront faibles, et les retraites aussi.
Ajoutons que le système de retraite n'a plus vocation à corriger des dysfonctionnements tels que les plans sociaux déguisés : il y a donc une formidable interpellation sur le travail des jeunes, le travail des seniors ainsi que sur la qualité du travail et le bien-être au travail, qui est au coeur de mes préoccupations.
Il est maintenant pour moi temps de vous présenter les grandes lignes du rapport.
Le système universel de retraite concerne les quarante-deux régimes obligatoires actuels de retraite, y compris celui des parlementaires, ce qui répond à une très forte demande d'équité de la part de nos concitoyens. À cet égard, je veux saluer l'initiative que vous, parlementaires, avez prise bien avant qu'il me soit demandé de mettre en place ce système de retraites : vous avez anticipé et demandé à entrer dans un régime universel. Cela n'est pas suffisamment dit à un moment où la chasse aux politiques est trop souvent facile et répandue. Il convient de réhabiliter le politique lorsqu'il est fier et honnête vis-à-vis de ses engagements, et lorsqu'il met en conformité ses engagements et ses actes.
Le système universel concerne aussi les régimes spéciaux. J'ai refusé de stigmatiser telle ou telle catégorie : chaque Français mérite le respect et la dignité. Si nous devons faire en sorte que les régimes spéciaux soient supprimés, c'est vers les chemins de convergence que nous devons nous diriger.
Les assurés pourront acquérir des droits jusqu'à 120 000 euros brut annuels, ce qui garantit un niveau élevé de couverture, le plus élevé d'Europe, et renforce la répartition. Et nos collègues européens nous ont indiqué que celles et ceux qui à une époque avaient choisi la capitalisation – je pense notamment à nos collègues allemands – ont salué et soutenu notre projet consistant à construire un système très solidaire pour 99 % des salariés, qui renforce la répartition.
Le système à points apportera lisibilité et transparence. Les points seront acquis dès le premier euro, pour chaque activité. Il arrive par exemple que des étudiants effectuant des travaux de cueillette ou de distribution ; mais si vous n'atteignez pas 150 heures rémunérées au SMIC, aucun trimestre ne vous sera attribué, votre travail n'ouvre aucun droit pour la retraite. Avec le système à point, dès les premiers euros gagnés des points sont attribués, et chaque point est monétisable et viendra augmenter le montant de votre pension lorsque vous la liquiderez.
Vous m'avez beaucoup interpellé sur la question de savoir qui déterminera et évaluera le point. Nous avons proposé le contrat suivant : la valeur d'acquisition d'un point sera égale à 10 euros cotisés ; le rendement d'équilibre du système serait fixé à 5,5 %. J'entends déjà le débat sur la faiblesse de ce point ; mais les gens sérieux reconnaissent la qualité de ce rendement, qui est proche de celui du régime de retraite complémentaire des salariés du secteur privé AGIRC-ARRCO piloté par les partenaires sociaux. Concrètement, cela signifie que 100 euros cotisés, qui donneront droit à 10 points, garantiront le versement de 5,50 euros de retraite chaque année ; il faudra moins de vingt ans pour récupérer le montant des cotisations versées. C'est donc un contrat social juste.
Les débuts, les milieux et les fins de carrière sont traités de la même façon. On parle souvent de la valeur du point, mais on oublie qu'en 1993, le point a été désindexé de l'évolution des salaires pour être indexé sur l'inflation. Ce qui fait que lorsque vous acquérez des points à l'âge de vingt-cinq ans, la vraie question est de savoir quelle est la valeur du point trente-cinq ou quarante ans plus tard, lorsque vous liquidez votre retraite : le point est assis depuis 1993 sur l'inflation ; trente ans plus tard, cela fait 25 % à 30 % de décapitalisation. Nous estimons pour notre part que tout point acquis sur les salaires doit évoluer en fonction des salaires et non de l'inflation. C'est une question de cohérence, et cela rendra notre système moins dépendant de la croissance et plus juste dans la constitution de la retraite.
Cette règle sera mise en place progressivement. Le système garantira que, pour un même revenu et un même montant, les mêmes droits seront accordés. Comment, dans le pays de l'égalité, accepter qu'à cotisation identique la retraite soit différente parce que les statuts sont différents, les modes de calcul sont différents ? Cela a été une demande très forte de nos concitoyens : ma retraite sera-t-elle le reflet de mon travail ? Sera-t-elle fondée sur les mêmes calculs que celle de mon voisin ? Nous apportons cette réponse à tous, sauf pour quelques cas particuliers que nous pourrons politiquement justifier.
Il est proposé que le taux de cotisation des salariés et assimilés soit fixé à 28,12 %. Il sera partagé à 60 % pour les employeurs et à 40 % pour les assurés. Ce taux se décompose en deux cotisations : une cotisation plafonnée de 25,31 %, qui s'appliquera à toute la rémunération jusqu'à 120 000 euros, et une cotisation déplafonnée de 2,81 %, qui participera au financement mutualisé et solidaire. Cette cotisation fait débat : d'aucuns y voient un impôt ; pour beaucoup de monde, c'est une découverte. Car on ne manque pas de critiquer le système que nous proposons, en oubliant les caractéristiques du système actuel dans lequel on trouve déjà des cotisations déplafonnées – et même, dans certaines retraites complémentaires, des surcotisations : autrement dit, il faut verser 120 % de cotisation pour avoir 100 % des droits.
Nous avons donc reclarifié le dispositif : les salaires au-dessus de 120 000 euros paieront jusqu'à 120 000 euros ; mais au-delà, et je l'assume, les hauts revenus, qui ont la faculté de choisir leur régime complémentaire paieront la cotisation déplafonnée de 2,81 % qui s'appliquera à la totalité des rémunérations perçues sans limitation et permettra de faire contribuer solidairement les plus hauts revenus au financement du système de retraite.
Pour les indépendants et les professions libérales, un barème unique de cotisation sera prévu ; il sera adapté à l'activité indépendante afin de ne pas remettre en cause les équilibres économiques. Les intéressés cotiseront au même niveau jusqu'à un revenu égal au plafond de sécurité sociale – environ 40 000 euros. Pourquoi ? Parce que les syndicats de salariés ont considéré que, pour bénéficier à 100 % des outils de solidarité, il faut que la contribution de chacun se situe à 28,12 %. Le minimum contributif est effectivement extrêmement important pour les artisans, les commerçants et les agriculteurs ; et nous avons pris pour contrat qu'un plafond de 40 000 euros soit appliqué à tout le monde avec une cotisation à 28,12 % ; au-delà, la cotisation sera dégressive.
Certains ne manqueront pas de dire que cela représente 10 points de plus et que l'on met à mal notre modèle économique. Nous sommes en train de travailler de façon très intéressante avec chacune des caisses afin de voir comment les mener vers des chemins de convergence qui permettent, notamment grâce au changement d'assiette, de parvenir à franchir le cap pour 100 % des indépendants et des commerçants. Pour d'autres – avocats, auxiliaires médicaux... –, il restera des pas à franchir et nous sommes en train d'y travailler. Ce temps de réflexion sera employé à mobiliser l'intelligence de tous, non pour contester quoi que ce soit, mais pour trouver ensemble une réponse aux défis auxquels nous sommes confrontés.
Ce nouveau système sera plus simple et plus lisible ; au lieu d'avoir une multitude de caisses, il n'y en aura qu'une seule, un seul calcul, une seule liquidation et une seule demande de retraite. Vous devez être assaillis par des personnes qui vous disent que le système actuel est compliqué ; j'ai encore rencontré ce matin quelqu'un qui, ayant calculé sa retraite de base, avait oublié sa retraite complémentaire et, de ce fait, se demandait pourquoi on lui avait retiré 10 %... Avec le nouveau système, les choses sont claires : une caisse, un capital points, une seule demande de retraite et une seule pension de retraite versée au même moment, et non plus une pension le 5 du mois, une le 10, etc.
Le système universel par points permet de renforcer la solidarité.
Aujourd'hui, 25 % des dépenses sont consacrées à la solidarité ; nous avons eu l'opportunité de l'orienter parfois vers des situations mal ou insuffisamment prises en compte. Je dois saluer tous les efforts des précédents gouvernements, de droite ou de gauche, ainsi que les syndicats, qui, réforme après réforme, ont cherché à améliorer la solidarité.
L'occasion nous a été donnée de revisiter avec eux cette solidarité, et nous aurons aussi celle de nous enrichir de vos débats afin de faire en sorte de mieux prendre en compte les carrières heurtées en prévoyant l'attribution de points au titre de la solidarité pour les périodes de chômage indemnisées, les périodes de suspension de l'activité imputables à la maladie, à la maternité, à l'invalidité. La réforme accompagnera aussi les proches aidants en leur garantissant des droits renforcés à la retraite pour compenser ces périodes ; à cette fin, nous attendons le travail de Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Le minimum de retraite pour quelqu'un qui aura cotisé toute sa vie sera porté à 85 % du SMIC, soit 1 000 euros. Le travail de ceux qui ont connu de longues carrières avec de faibles revenus sera récompensé : cela concerne les artisans, les agriculteurs, les personnes travaillant à temps partiel – très souvent des femmes, d'ailleurs. Les intéressés auront ainsi la garantie de bénéficier d'un meilleur filet de sécurité, et verront leurs efforts reconnus, car le minimum contributif évoluera en fonction du SMIC. À terme, il s'éloignera ainsi du minimum vieillesse et récompensera le travail mieux que la solidarité ne le fait.
La retraite des femmes sera revalorisée avec la prise en compte des conséquences de l'éducation des enfants sur la carrière et la rémunération par l'attribution d'une majoration de retraite de 5 % par enfant dès le premier enfant. Les parents pourront d'ailleurs choisir de partager ou d'attribuer intégralement à l'un ou à l'autre cette majoration ; la mère en sera bénéficiaire si aucune option n'est exprimée.
Les parents d'un ou deux enfants auront ainsi davantage de droits qu'aujourd'hui. Pour les couples homosexuels, le partage se fera à parts égales de 2,5 %. Cette mesure constituera aussi un avantage pour les enfants adoptés qui ouvriront aux mêmes droits que les enfants conçus au sein du couple. La pension de réversion, qui a fait l'objet de beaucoup de débats, sera également versée au moment du décès d'un conjoint afin de garantir au survivant le maintien de son niveau de vie.
Tout cela a été fait pour tenir compte d'une évolution de la société. À notre surprise, nous avons constaté que beaucoup de nos concitoyens demandent un solde de tout compte en cas de divorce. Jusqu'alors, la réversion constituait-elle un droit patrimonial au prorata temporis, mais le solde pour tout compte consiste en un partage des droits acquis et des droits futurs, à ceci près qu'il n'y a pas de droit de préemption sur les droits du passé.
Dans ces conditions, on peut imaginer d'attribuer des points au titre d'enfant pour un père, une mère ou un parent, car si le choix de l'option s'avère pénalisant en cas de séparation ou de divorce, cette situation peut être rattrapée au moyen de la prestation compensatoire. En effet, à partir du moment où vous divorcez, vous n'avez plus de préemption possible sur vos droits du futur par rapport à votre ex-conjoint. On peut donc concevoir que le droit de réversion ne soit plus un droit patrimonial, mais la garantie pour un couple de maintenir son niveau de vie.
En nous fondant sur les unités de compte, qui indiquent que si un couple dispose de 1 500 euros de revenus, lorsque l'on se retrouve seul, ce revenu représente 66,6 %, soit 1 000 euros, nous avons estimé qu'il fallait aller au-delà de ces 66,6 % pour atteindre 70 % du revenu du couple.
Les droits acquis avant la réforme dans les anciens régimes seront garantis ; ce qui pose la délicate question de la conversion. Bien évidemment, nous nous engageons à garantir 100 % des droits acquis, et cela s'appliquera aux assurés nés à compter de l'année 1963. La photographie des droits acquis sera réalisée juste avant l'entrée en vigueur de la réforme, comme si les assurés partaient en retraite. La pension fictive ainsi calculée sera transformée en points pour un montant équivalent, sans surcote ni décote.
Si nous avons proposé ce basculement immédiat, c'est notamment parce qu'il a recueilli le plus de suffrages. Il faudra toutefois le sécuriser sur le plan constitutionnel, car nous avons encore quelques interrogations à cet égard. Des travaux supplémentaires seront nécessaires pour sécuriser cette conversion.
Se pose également la question de l'âge du départ à la retraite. « Vous dites maintenir large du départ à la retraite à 62 ans, mais en réalité il faudra attendre 64 ans », nous disent certains. Quelle est la situation dans le système actuel ?
Sans faire le procès de quiconque, disons que les gouvernements plutôt de droite avaient tendance à donner la priorité à l'équilibre budgétaire et donc à reculer l'âge de départ. Ils ont fait toute une série de propositions pour porter de 62 à 65 ans l'âge légal de départ à la retraite. Je pense qu'ils ont budgétairement raison, mais socialement tort : à 62 ans, certaines personnes peuvent être dans l'incapacité de poursuivre leur activité – c'est le cas pour les personnes handicapées ou les personnes invalides.
A contrario, on a plutôt tendance à gauche à augmenter la durée de cotisation, ce qui a quasiment le même effet. Ce système présente aujourd'hui deux difficultés. D'abord pour celles et ceux qui ont fait des études longues : la génération 1973 qui démarre son activité à l'âge de 25 ans et qui doit cotiser quarante-trois ans devra travailler jusqu'à l'âge de 68 ans – donc 67 ans pour que la décote soit annulée. Ensuite pour celles et deux dont la carrière reste relativement courte et qui sont obligés de travailler jusqu'à l'âge de 67 ans pour que la décote soit annulée : c'est le cas de 20 % des femmes.
Nous avons donc cherché une solution budgétairement solide et socialement juste. Nous avons estimé qu'il était important de laisser la liberté de choix. Je rappelle que pour avoir une retraite à taux plein à 62 ans, il faut avoir commencé à travailler avant l'âge de 20 ans. Avec le système actuel, si vous démarrez votre travail à l'âge de 22 ans, il vous faudra apport cotisé quarante-trois ans en 2025 ; autrement dit, c'est à 65 ans que vous aurez une retraite à taux plein. Si vous partez à la retraite à 62 ans, vous serez doublement pénalisé, par la décote – 5 % de décote par an, soit 15 % de décote sur trois ans – et par la proratisation – quarante quarante-deuxièmes, soit 7,5 % : en fin de compte, la décote atteint 22 %. Il est donc faux de dire qu'il n'y a pas de décote dans le système actuel à l'âge de 62 ans, puisqu'il prend en compte la durée de cotisation et la proratisation.
Quel contrat social proposons-nous ? Il doit à la fois consolider le système pour pouvoir assurer la confiance des jeunes en ce qui concerne sa solidité dans le futur et faire en sorte de répondre le plus possible à une exigence sociale.
Nous avons conservé un âge plancher en dessous duquel il serait difficile de partir : les gens partiraient avec des retraites trop faibles et seraient au minimum de solidarité.
Dès le début de ma mission, j'ai estimé qu'il fallait maintenir l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Mais si tout le monde part à cet âge, le régime est déséquilibré. Comment accompagner les personnes à l'âge d'équilibre, autrement dit de force du système, c'est-à-dire à 64 ans ? Et comment faire en sorte que notre système soit équilibré ? J'y reviendrai.
Nous proposons de fixer à 64 ans l'âge du taux plein, ou âge d'équilibre, ce qui signifie que le maximum de décote à l'âge de 62 ans sera de 10 %. Mais lorsque l'on atteindrait cet âge d'équilibre, on pourrait imaginer un cumul emploi-retraite qui renforcerait le fait que chaque travail mérite des droits et que, contrairement à ce qui existe aujourd'hui, on puisse continuer à acquérir des droits dans ce cumul emploi-retraite. On pourrait aussi faire en sorte que cet âge d'équilibre, qui renforce la solidité du système universel, puisse annuler l'obligation d'aller jusqu'à 67 ans pour annuler la décote, et de faire en sorte que nous puissions annuler la décote à 67 ans. Ce serait une formidable avancée pour les enseignants, par exemple. Si ceux-ci ont commencé de travailler à l'âge de 25 ans et doivent aller jusqu'à 67 ans, ils pourront annuler leur décote à 64 ans.
Formidable avantage aussi pour les femmes qui ont travaillé à temps partiel et ont des petites retraites : elles ne seront plus obligées d'aller jusqu'à 67 ans. Elles pourront aussi cumuler emploi et retraite, avec l'obligation soit de renforcer leur petite pension soit, pour les cadres, de continuer à servir leur entreprise. J'ai refusé la notion de plafonnement, car j'estime que s'il doit y avoir redistribution des hauts revenus sur les faibles revenus, cela doit se faire par la fiscalité.
Il est important également d'éclairer le fait que cet âge d'équilibre est un point de départ du système. Je rappelle que dans la projection du Conseil d'orientation des retraites (COR), c'était l'âge de référence : l'âge de départ hors catégories actives est aujourd'hui de 63,4 ans.
Je juge que cet âge doit aussi évoluer en fonction de l'espérance de vie. Il s'agit de reprendre la règle de 2003 selon laquelle les gains d'espérance de vie sont partagés à deux tiers pour la vie active et à un tiers pour la durée de retraite.
Enfin, dans le système universel, les assurés qui partiront plus tard bénéficieront d'un plus grand nombre de points et d'une valeur de service meilleure, celle-ci augmentant au fil des ans.
Le système universel ne remettra pas en cause les dispositifs spécifiques de prise en compte des longues carrières. Le droit au départ à 60 ans sera maintenu pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans – ce que l'on appelle les carrières longues –, pour les travailleurs handicapés, pour la pénibilité dans le cadre du compte professionnel de prévention (C2P), et pour les assurés en incapacité permanente.
L'objectif d'équité poursuivi dans le cadre de la réforme implique que l'ensemble des dispositifs qui visent à tenir compte de la pénibilité soient harmonisés puisque la suppression des catégories actives répond à un principe très clair : à métier identique, retraite identique. Pourquoi un chauffeur de bus à la RATP et un chauffeur de bus à la communauté urbaine de Bordeaux n'auraient-ils pas la même retraite dès lors qu'ils exercent le même métier ?
Il faut également porter une attention particulière sur la situation des aides-soignants, qui diffère selon qu'ils travaillent à l'hôpital public ou à l'hôpital privé. Nous sommes très attentifs à la situation difficile dans laquelle se trouve le monde hospitalier et nous ne pouvons ignorer la force de ce principe d'équité : en contrepartie de la disparition des catégories actives, nous devrons étendre le droit à la pénibilité au service public avec la non-remise en cause des facteurs mais peut-être mener une réflexion sur l'harmonisation des seuils. On voit que la durée du travail de nuit dans la clinique privée est de 8 heures, tandis qu'elle est de 10 ou 12 heures à l'hôpital public, où l'on compte par nuit. Il faudra donc mener tout un travail de convergence des seuils. Ce dispositif sera ouvert aux fonctionnaires et aux salariés des régimes spéciaux.
Les droits spécifiques des régimes spéciaux et de la fonction publique seront progressivement mis en extinction et les âges de départ des catégories actives de la fonction publique et leur équivalent dans les régimes spéciaux seront ainsi portés à 62 ans après une transition longue d'au moins quinze ans. Ceux ou celles qui – je pense aux aides-soignantes – ont acquis leurs droits après une durée de service de dix-sept ans les conserveront : cela correspond à environ 65 % de la population actuelle des aides-soignantes. Conserveraient ainsi leur âge d'ouverture des droits tous les fonctionnaires et salariés relevant de régimes spéciaux ayant validé au 31 décembre 2024 une durée de service de dix-sept ou vingt-sept ans suivant le cas. Pour ceux qui n'auront pas atteint cette durée minimum, l'âge d'ouverture des droits sera progressivement relevé de quatre mois par génération. Autrement dit, le processus de relèvement des âges pour les départs anticipés mis en extinction prendra quinze ans pour passer d'un âge du départ en retraite de 57 à 62 ans, à raison de trois générations par an ; pour les catégories qui, jusqu'à présent, pouvaient partir à 52 ans, il faudra trente ans. Il est donc mis fin aux régimes spéciaux et à la logique du statut : nous mettons un terme au statut pour aller à la fonction. Le droit à la catégorie active correspond à l'exposition au danger. Il conviendra que chaque ministre apporte une clarification entre la dimension fonctionnelle et la dimension statutaire.
Des départs anticipés seront toutefois sauvegardés et conservés pour les militaires et pour les fonctionnaires qui mettent leur vie en danger dans le cadre des missions régaliennes, mais qui, si on les obligeait à partir plus tard, mettraient aussi en péril les politiques de sécurité de l'État. Nous voyons bien que nous avons là une double exigence d'attractivité des fonctions policières, pénitentiaires et militaires. C'est la raison pour laquelle nous maintenons leurs droits spécifiques.
J'en viens à un sujet politique lourd mais qui mérite l'intelligence de tous et sur lequel je serais très intéressé par vos réflexions. On voit bien que la transparence est nécessaire pour embarquer la confiance ; c'est le but de ce que j'ai proposé en matière de clarification des flux budgétaires, des maquettes budgétaires, avec une définition du cadre du pilotage du système universel de retraite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), dans la clarification de la solidarité et un financement de la solidarité assuré par l'impôt et non plus par vingt-deux taxes, de façon que chaque parlementaire, chaque citoyen, chaque syndicat puisse parfaitement comprendre les conséquences des décisions politiques. Or ne m'en veuillez pas si je vous dis qu'il n'y a pas plus que cinq ou six députés, dont M. Gilles Carrez, qui comprennent aujourd'hui tous les artifices du PLFSS et tous ces flux financiers qui vont dans tous les sens.
Vous trouvez que cela fait beaucoup, monsieur Vallaud ? Mais je suis sûr que vous connaissez cela par coeur !
Je terminerai mon propos en vous disant que j'ai besoin de votre réflexion, dans le droit fil du discours devant l'Organisation internationale du travail à Genève, sur un élément de confiance majeure : la gouvernance.
Nous mettons en place la gouvernance d'un régime universel qui pèse 314 milliards d'euros. Il nous faut trouver le juste équilibre entre l'implication de l'État et du Gouvernement, l'implication des parlementaires dans les trajectoires financières, dans la fiscalité, etc., et la place des partenaires sociaux. Il convient d'éviter, me semble-t-il, l'étatisation du système ou de donner la gestion totale aux partenaires sociaux. Nous devrons trouver un juste équilibre de répartition des pouvoirs, de répartition des responsabilités, de répartition de la capacité qu'aura chacun à pouvoir susciter la confiance de nos concitoyens. J'aurai l'occasion de développer ce point, puisque nous avons l'intention de créer une caisse nationale de retraite universelle chargée du système et de la gestion opérationnelle, qui devra respecter les trajectoires financières par la loi, qui aura des trajectoires pluriannuelles et qui devra respecter une règle d'or : ne pas avoir des déficits au-delà de cinq ans – la durée pourra faire l'objet de discussions. Les trois principaux paramètres seront à la main du conseil d'administration. Ce sont les recettes et notamment les taux de cotisation, les âges de départ et le montant des pensions qui sera déterminé par la valeur d'achat et de service du point et surtout son mode d'indexation.
Les réserves feront partie d'un fonds périmétré et contribueront, bien évidemment, à la détermination des conditions de son équilibre financier. L'État conservera la maîtrise des dépenses de solidarité et une assemblée générale permettra de représenter l'ensemble des assurés, employeurs, acteurs, avec un comité d'expertise indépendant dont il restera à déterminer la teneur, les objectifs et les missions. Enfin, un conseil citoyen pourra rendre chaque année un avis sur la situation du système universel.
Deux autres conditions sont indispensables pour assurer la confiance : la simplification et la clarification des circuits de financement. Il est important d'intégrer financièrement les actuels régimes dès l'entrée en vigueur de la réforme et d'avoir immédiatement une vision consolidée des recettes et des dépenses. Cette évolution permettra de mettre un terme à ces compensations démographiques dont personne ne comprend aujourd'hui la lecture : c'est ainsi que nous versons 3,5 milliards d'euros au régime de la SNCF qui, pour des raisons de compensation démographique, doit à son tour contribuer à la compensation pour d'autres régimes... Il n'y a pas beaucoup de cohérence là-dedans.
Les dépenses de solidarité seront très clairement identifiées dans un fonds de solidarité universelle. Celui-ci permettra de mieux identifier les dépenses et leur financement qui a vocation à reposer sur l'impôt du fait de la nature de ces dépenses, et contribuera à la pérennité et à l'équilibre du système.
Enfin, le régime universel est conçu dans le respect des grands équilibres financiers. Lorsque le candidat Emmanuel Macron a proposé la création d'un système universel, les prévisions du COR tablaient sur un déficit de 0 %. Quelques mois plus tard, pour tenir compte des promesses du candidat et de l'évolution de l'immigration, le COR a estimé le déficit se situait à 0,2-0,3 %. Enfin, son dernier rapport a montré que, compte tenu de la diminution prévisible du nombre de fonctionnaires, ce déficit augmentait de 0,1-0,2 %. Je rappelle la difficulté et la sensibilité des statistiques. Si au lieu de 120 000 on indiquait 50 000, cela représenterait 1,5 milliard de déficit en moins. Comme il a été décidé que le système universel soit au départ à l'équilibre zéro, nous devrons trouver, avec les partenaires sociaux, des solutions pour y parvenir. Il importe, dans un premier temps, de bien clarifier quels sont les déficits auxquels nous devons faire face, de façon à pouvoir ensuite dégager les moyens pour restaurer cet équilibre.
Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie pour la présentation, comme à votre habitude, claire, exhaustive et extrêmement parlante, du rapport que vous avez remis hier au Premier ministre pour bâtir un système universel de retraite.
En tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, je voudrais me féliciter des orientations que vous proposez et me réjouir de voir pour la première fois un gouvernement envisager une réforme afin de rendre un système plus juste, et pas seulement pour réaliser des économies, quand bien même ce souci ne nous est évidemment pas étranger.
De nombreux débats ont émaillé les chroniques ces derniers mois pour savoir s'il devait y avoir une réforme paramétrique en plus ou à la place d'une réforme structurelle. À titre personnel, je me réjouis que ce soit la réforme structurelle qui soit présentée aujourd'hui. Pour avoir vécu, sous une autre majorité, une réforme à vocation paramétrique, je peux vous dire que cela ne simplifiait pas les choses, même si je ne reviens pas sur la nécessité de l'avoir adoptée.
Tout à l'heure, vous avez fait allusion à la complexité du PLFSS. À moi de vous renvoyer la politesse : le système de retraite tel que nous le connaissons aujourd'hui est tellement complexe que je me plais à dire que si vous avez compris comment il fonctionne, c'est qu'on vous l'a mal expliqué... !
Du haut de mes 38 ans, je crois avoir déjà cotisé à trois ou quatre régimes de retraite différents – il en existe quarante-deux. Quand j'ai voulu faire moi-même le bilan de mes différents systèmes de cotisation, certes avec des mandats d'élu qui peuvent compliquer la donne et un passage dans la fonction publique, je me suis demandé si quelqu'un pouvait y comprendre quoi que ce soit.
Lorsqu'on ne comprend pas, on a le sentiment, souvent juste d'ailleurs, que c'est fragile et que ce n'est pas équitable. La réforme que vous proposez vise à rendre le système plus efficace, plus équitable, plus juste et plus compréhensible, ce qui n'est pas une mince affaire.
Cette transformation profonde du modèle nous amène à nous interroger sur un élargissement du champ des lois de financement aux régimes complémentaires gérés paritairement, jusqu'ici exclus pour des raisons compréhensibles, mais qui n'auront plus lieu d'être dans un régime universel. Je souhaiterais connaître votre avis sur cette question, même si vous l'avez déjà abordée. Pour ma part, il me semble que cela permettrait d'accompagner les progrès en matière de justice sociale par des progrès en matière de contrôle démocratique sur les dépenses de retraite.
Je souhaite par ailleurs vous interroger sur trois conséquences juridiques et financières de la réforme.
S'agissant du cadre juridique d'abord, la création d'un régime universel implique d'élargir le choix des lois financières, notamment pour y intégrer les régimes complémentaires. Quelles modifications des textes législatifs et organiques envisagez-vous ? le PLFSS sera-t-il le véhicule retenu pour déterminer les grands équilibres du futur régime ?
S'agissant du financement ensuite, certaines pistes, parfois évoquées dans la presse, qui consistaient à vouloir lier financement de la dépendance et système de retraite, etc., ont été écartées, et c'est une bonne nouvelle. Tout cela est désormais derrière nous. Je précise, au nom d'un collectif de députés de la majorité, que vous avez joué un rôle important dans ces arbitrages, et nous vous en remercions. La distinction entre les droits contributifs, financés par les cotisations, et les dispositifs de solidarité financés par l'impôt est facteur de clarté et de lisibilité. Quel sera le rôle, dans ce cadre, de la cotisation déplafonnée non génératrice de droits ? Quel dispositif pourra-t-elle financer ?
En ce qui concerne la gouvernance enfin, vous évoquez la création d'un nouvel établissement doté d'un conseil d'administration, d'une assemblée générale et d'un conseil citoyen. Une place sera-t-elle réservée au Parlement dans ce nouvel ensemble ?
Monsieur le haut-commissaire, au nom du groupe La République en Marche, je tenais tout d'abord à vous remercier pour votre présence parmi nous, ce qui affirme votre volonté, si c'était nécessaire, de véhiculer une information claire permettant d'appréhender en profondeur ce sujet hautement sociétal.
Comme l'ensemble de mes collègues, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre rapport remis au Premier ministre jeudi dernier. Saluons tout d'abord la méthode : dix-huit mois de concertation avec l'ensemble des organisations syndicales, des professions, des caisses de retraite des quarante-deux régimes ; dix-huit mois de consultations citoyennes, via Internet ou dans les huit villes de France où vous avez personnellement animé des ateliers de discussions.
Cette méthode de travail innovante et coopérative a su associer les citoyens mais également les parlementaires que nous sommes afin que nous puissions découvrir pas à pas les contours de ce nouveau système et sa philosophie. Grâce à votre équipe technique que vous nommez vous-même la dream team, et dont je souligne ici la disponibilité et l'efficacité, quarante ambassadeurs de la réforme des retraites ont pu être formés sur la spécificité des régimes actuels, les droits familiaux et conjugaux, les transitions ou les grands équilibres. En miroir du nouveau système de retraite, vous avez instauré une méthodologie inédite d'appropriation des fondements. Je tenais à l'évoquer et vous en remercier sincèrement au nom de tous mes collègues.
Ainsi, quarante ambassadeurs de la réforme, de La République en Marche, du Mouvement Démocrate et de l'Union des démocrates et indépendants, toutes commissions confondues, ont pris leur bâton de pèlerin pour sillonner leur circonscription et organiser une centaine d'ateliers au cours desquels les grands enjeux de la réforme et leur impact positif sur les populations les plus fragiles ont été exposés.
Cette réforme d'envergure demeure à mon sens la plus emblématique de ce quinquennat, la plus technique et évidemment la plus sensible. Elle ne pourra clairement aboutir sans un effort démultiplié de pédagogie afin de faire passer auprès des plus sceptiques les messages essentiels de ce nouveau contrat social.
Notre système de retraite actuel n'est plus adapté aux réalités des situations et il laisse certains de nos concitoyens sur le bord de la route. Comment admettre qu'une personne qui ait travaillé toute sa vie avec de faibles revenus perçoive une pension inférieure à celle d'une personne qui n'a jamais cotisé ? Pourquoi une fonctionnaire aurait-elle uniquement droit à une bonification de quatre trimestres pour avoir mis deux enfants au monde, alors que dans le même temps une salariée du privé perçoit seize trimestres de compensation ? Comment accepter en 2020 la persistance de treize régimes de pension de réversion, dont les montants, le calcul, les limites d'âge ou le plafond de revenus sont différents ? Pourtant, perdre un mari ou une épouse crée dans tous les cas des peines immenses et des désordres financiers. Ce ne sont que quelques exemples, et il en existe malheureusement bien d'autres.
L'objectif premier de cette réforme est donc de construire un système plus juste, plus lisible, avec l'ambition de redonner confiance aux Français dans notre système de retraite. Un euro cotisé ouvre les mêmes droits : cette formule, fréquemment relayée comme principe fondateur du régime à points, permettra de revisiter tous les dispositifs existants et de les réformer à périmètre budgétaire constant. Un seul régime, une seule caisse, une fiche : finalement, cette réforme sera une mise en adéquation avec la modernité.
Je n'entrerai pas dans les détails des préconisations que vous venez de nous exposer très clairement et préfère laisser la parole à mes collègues qui vous poseront toutes les questions qu'ils jugeront utiles pour éclairer les débats d'aujourd'hui. L'heure n'est pas à l'analyse du projet de loi : nous sommes réunis aujourd'hui pour partager la perception que nous avons de vos propositions afin de nous permettre de mieux les analyser et de pouvoir alimenter nos discussions futures.
Notre majorité soutient un système davantage en adéquation avec les évolutions de la société, préservant le caractère solidaire et redistributif, tout en proposant des solutions souples mais pragmatiques dans un cadre budgétaire respecté, condition essentielle de soutenabilité du futur régime et plus largement de nos finances publiques.
Les jeunes générations d'aujourd'hui sont les premières concernées par la réforme en tant que futurs retraités de demain. Rassurons-les : ce nouveau système sera mis en place pour eux. La vieille société se meurt, et avec elle les structures qui lui étaient adaptées. Ce formidable projet de remise à jour assurant simplicité, lisibilité, justice, sécurité et prévisibilité s'impose. Il sera bien entendu soutenu avec enthousiasme par les députés de La République en Marche.
Je commencerai mon intervention en vous remerciant, monsieur le haut-commissaire, pour le travail que vous avez réalisé. Malgré les désaccords qui peuvent persister, je pense que chacun ici peut mesurer le travail qui a été accompli par vous-même et votre équipe.
Le système de retraite en vigueur est bien souvent présenté comme à certains égards inadapté, ringard ou je ne sais quoi. Je considère qu'il a surtout été beaucoup abîmé et transformé par les réformes successives. Certains problèmes que vous pointez ont été provoqués par l'ensemble de ces réformes qui ont conduit parfois à des déstabilisations et à des incohérences.
Vous avez rappelé la nécessité de retrouver le sens de la cotisation. Je ne sais à qui s'adresse exactement ce propos ; ma première réaction en tout cas a été de me dire que c'était mal barré, dans la mesure où toutes les décisions prises depuis deux ans ont consisté à détricoter la logique de cotisation par laquelle une part de notre salaire contribue effectivement à financer un certain nombre de droits, dont le droit à la retraite.
Quant à la formule selon laquelle un euro cotisé donne lieu aux mêmes droits, elle mériterait d'être étudiée en profondeur, pour ne pas en rester au slogan. En tout cas, elle fait l'impasse sur au moins une chose : les profondes inégalités structurelles du monde du travail. Finalement, cela revient à postuler une forme d'équité formelle qui renvoie chacun à la responsabilité de constituer sa retraite, au risque d'aboutir à un système qui, du coup, ne garantit plus un taux de remplacement du salaire ni des prestations définies et se borne à prévoir des cotisations définies et les mêmes droits formels pour tous. Cette réforme, en tout cas cette idée, repose sur une forme d'illusion : celle du libre choix de sa carrière et éventuellement de son salaire. Or on connaît les inégalités qui existent aujourd'hui et qui sont massives dans le monde du travail.
Vous avez annoncé que cette réforme devra se faire à moyens constants : peut-être est-ce le premier critère qui vous a été fixé pour l'engager : ne pas augmenter la part des richesses produites dans le pays consacrée aux retraites. C'est un élément que l'on peut discuter ; reste que si elle se fait à moyens constants et qu'il y a des gagnants, il y aura forcément des perdants. Avez-vous un ordre d'idée de la proportion de gagnants et de perdants ? J'ai lu aujourd'hui un chiffre dans un journal qui me semble assez inquiétant.
Qui plus est, si l'on décide de rester à moyens constants, cela signifie que les aléas économiques auront un impact sur le niveau des retraites, avec au bout du compte un droit à la retraite variable pour chacune et chacun sans les garanties collectives suffisantes. En tout cas, ce sont des inquiétudes que nous pouvons nourrir en l'état des propositions.
Avec un taux de cotisation constant, il ne resterait plus que deux variables d'ajustement dont l'âge. Je considère la formule que vous avez proposée comme est une forme de subterfuge – et elle a été vécue comme telle. Vous dites ne pas toucher à l'âge légal. Mais instituer un âge pivot s'apparente à une sorte de pirouette qui en fin de compte conduira à allonger le temps de travail... Je crois du reste que ce principe a été plutôt assumé : vous nous avez expliqué que déjà le cas c'était en partie, ce qui est vrai. Mais cela fait partie des critiques que j'avais formulées à l'endroit des réformes précédentes. Nous considérons, là aussi, que de profondes inégalités persistent à cet égard : l'espérance de vie par exemple, n'est pas la même selon les catégories socioprofessionnelles, parfois même selon les territoires, ou selon que l'on est une femme ou un homme. Et vos propositions ne nous paraissent pas de nature à y remédier.
Enfin, la réforme risque de conduire à une augmentation des retraites par capitalisation. J'ai également lu dans la presse qu'on voulait renforcer l'épargne retraite, ce qui m'interpelle.
Autant de raisons qui nous conduiront, monsieur le haut-commissaire, à présenter des propositions visant à instaurer un système de retraite beaucoup plus solidaire et mutualiste que celui qui nous semble être sur la table aujourd'hui. Nous craignons que la retraite par points telle que vous la proposez conduise surtout à la retraite en moins et à la retraite plus loin... Un vaste débat s'ouvre donc devant nous.
Permettez-moi tout d'abord, madame la présidente, de saluer votre réélection à la présidence de notre commission.
Monsieur le haut-commissaire, au terme de ces dix-huit mois de concertation, je tiens à vous assurer de la volonté du groupe Les Républicains d'aboutir, autant que faire se peut, à un consensus sur l'atterrissage de cette réforme à laquelle vous avez ardemment travaillé. Celle-ci intervient après un travail de maturation et de convergence entrepris dès 2003 et qui s'est poursuivi en 2010, avec la réforme Woerth, laquelle décrit le schéma dans lequel vous vous inscrivez. Nous ne pouvons donc que souscrire à l'architecture globale, à la maquette que vous avez conçue.
Il n'en demeure pas moins qu'à ce stade, nombre d'interrogations, d'incertitudes et d'inquiétudes majeures demeurent, en dépit de votre pédagogie et de votre dialectique. Si j'ai bien compris, vous préconisez une réforme consistant à généraliser un régime unique de retraite par points – et, par voie de conséquence, à supprimer les régimes spéciaux – et à instaurer un âge pivot de 64 ans, qui donnerait accès à la retraite à taux plein – l'âge légal demeurant fixé à 62 ans – ainsi qu'un minimum de retraite égal à 85 % du SMIC.
Un tel dispositif ne soulève pas de problème. Il serait, en effet, plus simple, plus compréhensible et plus transparent en substituant aux quarante-deux régimes actuels un régime unique. Je m'interroge toutefois sur une formule qu'a employée Mme la ministre des solidarités et de la santé, hier, lors des questions au Gouvernement. Mme Buzyn a en effet indiqué, en réponse à une question que je lui posais, que vos travaux permettaient de créer un « système cible » auquel pourraient être ajoutées des options, des variantes, des spécificités. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette formule ?
Notre système de retraite doit être lisible – les Français doivent y voir clair –, il doit apporter de la sérénité, en apaisant les angoisses, et il doit favoriser la responsabilité. En effet, la retraite est avant tout le fruit de décisions individuelles prises tout au long de la vie, notamment professionnelle : c'est le résultat d'une carrière. Il serait donc regrettable que la collectivité continue à compenser les difficultés ou à combler les trous provoqués par l'inconséquence ou l'irresponsabilité de certains. Je souhaiterais donc savoir si vos préconisations comportent des éléments – je pense au système de surcote et de décote – de nature à responsabiliser les Français.
S'agissant du calendrier de la réforme, vous avez indiqué que vous ne le maîtrisiez pas et qu'il dépendait du Gouvernement. Néanmoins, préconisez-vous que le prochain PLFSS inclue des mesures qui anticipent sur un certain nombre de décisions nécessaires à l'équilibre des régimes ?
Nous nous interrogeons également sur la garantie de la valeur du point. La vie est faite d'aléas, conjoncturels – on ne sait jamais ce que sera l'économie – ou structurels : quid de la démographie de notre pays ? La valeur du point est-elle entourée de garanties et, question subsidiaire, qui la fixera ? C'est un élément essentiel que nous devons connaître pour nous assurer qu'il n'y aura pas de régression.
Par ailleurs, des réserves ont été constituées, au fil du temps, par différents régimes, grâce à leur bonne gestion. Ces réserves sont le fruit des cotisations prélevées sur les bénéficiaires. Or, j'ai relevé que vous souhaitiez constituer ainsi un pactole qui, je le sais, suscitera des crispations. De fait, ce n'est pas forcément le meilleur message que l'on puisse adresser à celles et ceux qui ont fait preuve de prudence et qui ont su préparer l'avenir de leur régime.
Ma dernière question, essentielle et transversale, porte sur le montant des pensions et, plus généralement, sur le taux de remplacement. On promet un système en équilibre en 2025. Dès lors que vous raisonnez à enveloppe constante, c'est-à-dire avec le même budget, il y aura fatalement des perdants. Qui seront-ils ? Qu'en sera-t-il des droits familiaux ?
J'en viens à ma dernière question. L'âge de départ me paraît être, en l'état, une hypocrisie. On aura le droit, avez-vous dit, de partir à la retraite à 62 ans. Certes, mais à quel prix ? Et à quel âge le taux minimal de 85 % du SMIC s'appliquera-t-il : à 62 ans ou à 64 ans ? Je crains que la promesse selon laquelle les pensions ne baisseront pas ne soit pas tenue, compte tenu de cette interrogation.
Madame la présidente, je tiens à vous adresser, à mon tour, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, nos félicitations pour votre réélection.
Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie pour la qualité de votre exposé, pour le travail que vous avez accompli et pour la méthode que vous avez employée ainsi que pour le principe et l'ambition de ce projet.
La méthode choisie était indispensable s'agissant d'un projet de cette envergure : il fallait se donner du temps, discuter avec tous, inclure les partenaires sociaux, sans exclusive, et regarder le système en face.
Le principe consiste à conserver la répartition à la française. De fait, et j'ai apprécié que vous le rappeliez, nous ne vivons pas dans un monde anglo-saxon ; il ne s'agit pas de modifier les principes qui ont fondé notre système de retraite depuis le Conseil national de la Résistance.
L'ambition est de bâtir un système juste au pays de l'égalité. À ce propos, je tiens à souligner, en faisant écho aux propos de notre collègue Pierre Dharréville, que nous entamons ce grand débat par une avancée sociale sur la question de l'âge. En effet, en 1980, on partait à la retraite à 65 ans ; dans le système tel qu'il est actuellement, il est presque certain qu'en 2025, on partira à 67 ans. Ainsi, en proposant que l'âge de départ à la retraite demeure à 62 ans et en fixant un âge d'équilibre à 64 ans, nous pouvons formellement affirmer, en nous en réjouissant, que cette réforme destinée à pérenniser notre système de retraite commence par une avancée sociale pour toutes les Françaises et pour tous les Français.
Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons plus vivre dans un système profondément injuste, où les femmes paient pour les hommes, où les carrières hachées paient pour les carrières linéaires, où des actifs moins nombreux paient pour des retraités vivant, et c'est heureux, plus longtemps.
Nous ne pouvons plus vivre dans un système adapté à une vie où l'on changeait peu de métiers alors que nous en changeons désormais tous et que les générations à venir, qui s'en réjouissent, en changeront à de multiples reprises. Pour s'adapter à la société qui vient, nous devons prendre en compte ces carrières successives : un système fondé sur les solidarités professionnelles n'est plus adapté dès lors que l'on change sans cesse de profession.
L'ambition de justice que vous soutenez, et que nous devons tous partager, se traduit par la proposition d'un système par points, clair, lisible et équitable. À cet égard, je veux souligner deux éléments de solidarité importants pour le Mouvement Démocrate, à savoir la prise en compte des proches aidants et les surcotisations prévues pour les enfants, quel que soit le modèle familial.
Cette ambition de justice concerne également la période de transition. Nous aurons forcément des discussions sur ce point et sur la prise en compte des cotisations déjà versées, que ce soit à propos des professions libérales, des indépendants, ou, au sein de la fonction publique, du corps enseignant, qui sera un sujet de préoccupation majeur et en faveur duquel devra sans doute s'exercer la solidarité nationale.
Enfin, puisque vous nous invitez à ouvrir le débat sur la pérennité du système, donc sa gouvernance, donc son financement, je rejoins le rapporteur Véran sur la question de l'usage de la surcotisation et je propose, s'agissant de la gouvernance du futur système, que les partenaires sociaux, qui doivent y avoir plus que leur place, continuent à travailler sur l'évolution des métiers, le suivi de l'allongement de la durée de vie ou la question de la pénibilité, qui évoluera forcément au cours du temps ; de son côté, l'État conserverait la gestion de la solidarité dans les domaines que vous avez évoqués et pour les forces de l'ordre. En somme, il faut que le travail paie pour ceux qui ont travaillé et que l'impôt paie pour ceux envers lesquels la société a des devoirs.
Madame la présidente, je vous félicite également, au nom du groupe Socialistes et apparentés, pour votre réélection.
Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie pour votre exposé. Désormais, le sujet est moins le système de retraite par points lui-même que l'exécution. Sur le papier, on peut penser, au fond, qu'entre les mains d'économistes, le projet peut tenir debout ; mais on sait que son exécution peut se transformer en cauchemar.
Vous avez répondu à un certain nombre de questions, mais bon nombre d'interrogations demeurent.
Premièrement, en ce qui concerne le niveau des pensions, on dispose traditionnellement de trois leviers pour équilibrer le système de retraite : l'âge, le niveau des pensions et le taux de cotisation. Jusqu'à présent, on jouait sur chacun d'eux – tout était une question de dosage. Là, vous modifiez la logique du dispositif en proposant de substituer à un système de prestations définies un système de cotisations définies. Or, ainsi que Pierre Dharréville l'a indiqué, vous insistez sur le fait que la réforme doit se faire à « moyens constants ». On peut donc imaginer que la part des pensions restera à peu près constante, de l'ordre de 14 %, voire un peu moins. Nous savons pourtant que, du fait de l'allongement de l'espérance de vie, le nombre de retraités augmentera fortement dans les années à venir. Compte tenu de ces données de départ, un important décrochage – de l'ordre de 20 % à 30 %, si l'on s'en tient aux chiffres du COR – du niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs est à prévoir. On peut également s'attendre, dès lors qu'il ne sera plus possible de relever les cotisations, à ce que, dorénavant, l'équilibre financier ne puisse plus être obtenu que par une baisse des pensions, assortie d'un report de l'âge individuel. Je souhaite donc vous poser deux questions extrêmement précises : quelle est la baisse du taux de prélèvement prévu, en moyenne et par génération ? Pourquoi avez-vous évacué la possibilité d'utiliser le levier des cotisations ?
Deuxièmement, je rejoins à la fois Pierre Dharréville et Stéphane Viry sur l'âge pivot ; je me concentrerai donc sur la question du recours à la capitalisation. Aujourd'hui, à 60 ans, moins d'un actif sur deux est dans l'emploi, de sorte que les mesures d'incitation à poursuivre le travail sonnent un peu creux : il nous faudra réfléchir au problème de l'emploi des seniors. En tout état de cause, on voit bien que travailler plus longtemps ne sera pas possible pour tout le monde, ce qui, dans le système actuel et plus encore dans le système proposé, risque de conduire, pour beaucoup, à une baisse des pensions. Dans quelle mesure cette baisse prévisible des pensions ne va-t-elle pas encourager le développement de retraites par capitalisation, soit individuelles, soit au niveau des entreprises lorsqu'elles le peuvent ?
Ma troisième question a trait à la gouvernance. Depuis deux ans, les lieux du paritarisme ont été sérieusement émoussés ; il en restait un : les retraites complémentaires. Votre proposition ne marque-t-elle pas un nouveau recul du paritarisme à cet égard ?
Quatrième point, la transparence. Vous avez annoncé vous-même que la reforme feraient des gagnants et des perdants. Mais, parmi les neuf cas-types que vous présentez dans votre rapport, huit sont gagnants. De surcroît, aucun document, sauf erreur de ma part, n'illustre les enjeux de la réforme pour les groupes de personnes dont la situation suscite des interrogations ; je pense aux enseignants, aux cadres et aux bénéficiaires des minima sociaux. Plutôt que des cas choisis à dessein pour illustrer positivement la réforme, ne pourrait-on pas disposer de simulations à grande échelle qui permettraient de cerner ce que l'on appelle les « effets de bord » de votre réforme ? Nous attendons toujours ces simulations à court, moyen et long terme.
Enfin, on a évoqué la situation de la génération de transition. Les personnes qui sont aujourd'hui proches de la retraite ne devraient pas être concernées par la réforme. L'hypothèse d'une réforme paramétrique en 2020 a été évacuée, mais, puisque vous évoquez un équilibre du système avant 2025, des mesures paramétriques interviendront avant cette date. Subsistent deux incertitudes. Par exemple, les personnes de la génération de 1963 ayant cotisé 42 annuités peuvent actuellement compter sur un départ à 62 ou 63 ans, en 2025, avec une pension à taux plein. Or, dans votre rapport, vous indiquez que cette génération sera la première à être concernée par la réforme et qu'en 2025, on pourra partir avec une retraite à taux plein à 64 ans. Ma question est donc très précise : une personne qui partira à la retraite à 63 ans, en 2025, en ayant cotisé 42 annuités subira-t-elle ou non la décote de 5 % ?
Monsieur le haut-commissaire, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre présence parmi nous, cet après-midi. Vos éclairages et vos précisions nous seront précieux lors des travaux que notre commission mènera sur ce sujet dans les prochains mois.
Le groupe UDI et Indépendants salue le travail de concertation que vous avez effectué et les préconisations que vous formulez pour réformer notre système de retraite afin de le rendre plus lisible et plus juste pour tous. Nous souscrivons dans les grandes lignes à la création d'un système universel de retraite par points où chaque euro cotisé ouvrira les mêmes droits. Ce système unique permettra de s'adapter à l'évolution de notre société et aux parcours professionnels.
Vos préconisations préfigurent le prochain projet de loi sur la réforme des retraites qui opérera, non sans difficultés – c'est pourquoi il faut être particulièrement rassurant vis-à-vis des millions de Français concernés – cette remise à plat nécessaire.
Mon propos portera sur quelques points spécifiques que je souhaiterais éclaircir avec vous.
Je veux tout d'abord vous interroger sur un aspect global de la réforme, qui doit appeler notre vigilance. Certes, le système par points garantira une retraite minimale aux cotisants, mais j'ai peur que le montant de cette retraite ne soit pas suffisant et que beaucoup soient contraints de souscrire une assurance en parallèle. Ne craignez-vous pas que la future réforme n'aboutisse à un piège, entre un système universel par points et un système assurantiel qui bénéficiera seulement aux plus aisés ? Cette réforme n'a, certes, pas pour objectif de développer un système à deux vitesses, mais je redoute cet effet pervers. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?
Je souhaite également vous interroger sur la situation spécifique des proches aidants. Vous le savez, ce sujet, sur lequel notre commission a déjà travaillé à plusieurs reprises, me tient particulièrement à coeur. Dans le système de retraite actuel, les proches aidants ne sont tout simplement pas pris en compte. Les situations sont disparates, puisque certains aidants continuent à concilier activité professionnelle et activité d'aidant, quand d'autres décident d'abandonner leur emploi pour se consacrer totalement à un proche dépendant. Ceux qui appartiennent à la seconde catégorie – soit environ 30 % des aidants – perdent les bénéfices liés à cet emploi, notamment le droit à la retraite : pour eux, c'est en quelque sorte la double peine. Leur carrière connaît un « trou d'air » qui pourrait leur être fortement préjudiciable au moment de la retraite. Dans le système de retraite que vous nous proposez, l'octroi de points est lié à un travail, à un revenu ; or ces proches aidants n'en ont plus. Il existe actuellement un droit aux congés pour ces proches, congé sans solde aujourd'hui mais qui devrait être indemnisé, je l'espère, dans le cadre du PLFSS pour 2020. Peut-on imaginer une indemnisation du congé qui soit génératrice de points pour la retraite ?
Je sais qu'il est difficile d'édicter une règle collective en traitant de situations singulières. Toutefois, en raison du vieillissement progressif de la société, le nombre de proches aidants, déjà élevé aujourd'hui, est amené à croître. Nous ne pouvons pas laisser de côté toute une frange de la population. Comment peut-on prendre en compte la situation des aidants dans le futur système universel par points ?
Dans le prolongement de cette question, depuis une loi de 2014, les assurés sociaux prenant en charge à domicile une personne adulte handicapée bénéficient d'une majoration de durée d'assurance d'un trimestre par période de trois mois, dans la limite de huit trimestres. Comment ce dispositif sera-t-il concrètement traduit dans le futur système par points ?
S'agissant des fonctionnaires, les primes vont être prises en compte dans le calcul de la retraite. Cependant, dans de nombreuses communes, les agents ne perçoivent pas de primes ou alors elles sont d'un montant très faible. Comment s'assurer que le nouveau modèle ne leur soit pas, in fine, plus défavorable que le régime actuel, fondé sur l'indice majoré détenu depuis plus de six mois ?
Enfin, je souhaiterais évoquer un dernier problème, celui des régimes complémentaires par capitalisation. Comment vont-ils être transformés en système par points ? Plusieurs de ces régimes sont extrêmement bien gérés et disposent d'une réserve financière importante. Pour les cotisants, vous vous doutez bien qu'il n'est pas question de reverser ces excédents dûment accumulés dans un pot commun. Aussi, comment comptez-vous procéder pour garantir à ces assurés que les efforts qu'ils ont consentis durant toutes ces années ne seront pas anéantis par la réforme ?
Merci, monsieur le haut-commissaire, pour le travail que vous avez accompli tout au long de la concertation ainsi que pour vos efforts de communication et pour la pédagogie dont vous avez fait preuve : ils ont permis de rendre vos propositions plus compréhensibles et accessibles à tous.
Le groupe Libertés et Territoires est favorable à un système de retraite plus juste, plus compréhensible par chacun, à condition qu'il demeure par répartition, solidaire, et redistributif. Il doit ainsi continuer à reposer sur la solidarité intergénérationnelle, garantir une pension minimale qui assure un niveau de vie décent à nos retraités, compenser les aléas de la vie familiale et faciliter la transition entre vie professionnelle et retraite. Certaines de vos préconisations intègrent ces éléments, et nous nous en réjouissons. Je pense notamment à la proposition d'une retraite minimale égale à 85 % du SMIC. Cette mesure a été demandée à plusieurs reprises par notre groupe, et nous souhaitons vivement qu'elle soit reprise lors des arbitrages du Gouvernement.
Vous préconisez également de renforcer la redistribution dans le cadre des mécanismes de solidarité. Il s'agit notamment de limiter au maximum les effets des inégalités et des interruptions de carrière – les femmes sont les plus touchées par ce phénomène. Certaines des propositions du rapport vont dans le bon sens, qu'il s'agisse de la majoration dès le premier enfant ou de l'attribution de points lors des interruptions subies dues au chômage, à la maladie ou à l'invalidité. Nous attendons cependant d'en savoir davantage sur l'amélioration des droits des proches aidants, d'autant que vous expliquez dans le rapport que la prise en compte des droits à la retraite de ces derniers s'articulera avec la réflexion conduite sur l'indemnisation du congé de proche aidant. C'est en tout cas un sujet sur lequel nous resterons vigilants.
Toutefois, malgré certaines propositions dont il faut reconnaître la pertinence et la nécessité, plusieurs questions restent en suspens. Comment expliquez-vous la valeur du point, que vous fixez à 0,55 euro ? Sur quelle hypothèse de calcul repose-t-elle ? Vous avez annoncé, par ailleurs, que ce taux, fixé au démarrage du système universel, pourrait évoluer en fonction du revenu moyen par tête. Prendra-t-il en compte, comme ce fut un temps envisagé, l'espérance de vie ou bien un ensemble d'indicateurs plus pertinents afin de mieux coller aux réalités sociales et économiques ?
La mise en oeuvre du système universel suppose, en premier lieu, une uniformisation des assiettes et des taux de cotisations des actifs. Vous préconisez ainsi que les salariés du privé et du public cotisent progressivement sur la même assiette et au même taux global de 28,12 %. Sont donc concernés les fonctionnaires et les assurés des régimes spéciaux dont les cotisations ouvriront des droits sur la totalité de la rémunération, primes comprises. Comment s'opérera concrètement l'intégration des primes, jusqu'à présent non incluses, et comment imaginez-vous la transition dont vous prévoyez qu'elle dure quinze ans ?
Par ailleurs, les jeunes générations, qui s'interrogent et s'inquiètent déjà pour leur future retraite, font des études plus longues et arrivent de plus en plus tard sur le marché du travail. Lors des auditions effectuées dans le cadre du groupe de travail parlementaire sur les retraites, présidé par notre collègue Vignon, que je salue, nous avons évoqué des pistes pour améliorer le système actuel. L'une d'entre elles consiste à mieux prendre en compte les stages longs dans le calcul de la retraite ; or votre rapport en fait à peine mention. Vous indiquez que le système universel pourra sécuriser davantage les périodes de transition des études vers l'emploi en valorisant le début de carrière des jeunes actifs, mais sans faire de proposition concrète. Que recommandez-vous dans ce domaine ?
Pour ce qui est de la gouvernance enfin, vous proposez un système paritaire : les partenaires sociaux se verront attribuer ensemble des sièges au conseil d'administration de la caisse nationale de retraite universelle, lequel aurait la possibilité de proposer une règle pluriannuelle de revalorisation des retraites. Je salue cette proposition, mais je souhaiterais connaître la position du Gouvernement. Entend-il maintenir une gouvernance paritaire ? Ne peut-on pas craindre une étatisation du système ?
En conclusion, monsieur le haut-commissaire, je vous remercie, une nouvelle fois, pour la disponibilité dont vous avez fait preuve vis-à-vis des parlementaires – ce qui n'est pas toujours le cas.
Merci, monsieur le haut-commissaire, pour votre exposé et votre disponibilité. Le sujet est sensible, tout autant que le calendrier. Du reste, vous aviez annoncé vous-même que la réforme des retraites pourrait être le grand sujet de la campagne des élections européennes. Or nous sommes le 24 juillet, et on nous annonce désormais que la réforme pourrait finalement intervenir après la prochaine échéance électorale.
Disons-le : sur la forme, vous vous y prenez plutôt bien. Vous êtes connu pour votre appétit pour le dialogue et votre respect des opinions qui ne sont pas les vôtres, ce qui n'est pas le cas de tout le monde. Cela fait de vous un interlocuteur apprécié. Néanmoins, le dessein que vous poursuivez n'est pas n'est pas celui que défend le groupe La France insoumise.
Vous avez indiqué, dans votre présentation, que nous étions amenés à discuter, non pas d'un projet de réforme des retraites, mais d'un projet de société. Je vais vous prendre au mot, monsieur le haut-commissaire. Le projet de société que vous dessinez se fonde sur l'idée qu'il n'y aurait pas d'autre issue que ce que vous appelez la « polymorphie des carrières », expression que je traduirai, pour ma part, par précarisation de l'emploi. De fait, beaucoup de nos concitoyens ont la boule au ventre et vivent dans la peur du lendemain lorsqu'ils sont confrontés à la mobilité géographique ou à des carrières courtes et détricotées. Je crois, quant à moi, qu'un projet de société utile viserait à assurer davantage de stabilité, à remettre un peu d'ordre dans les carrières de nos concitoyens, surtout si l'objectif est d'organiser l'économie de manière à relever les grands défis qui nous font face, par exemple le changement climatique.
Votre projet de société, votre réforme des retraites a pour première motivation la volonté de simplifier le système : celui-ci serait, par nature, trop complexe. Or vous comprendrez que, compte tenu des quelques précédents que nous avons eus à connaître au cours de ces deux dernières années et demie, nous nous méfiions de l'idée de simplification. On se souvient, en effet, que le code du travail devait être simplifié au motif qu'il était trop épais et trop complexe – on sait ce qu'il en est advenu. Après avoir ainsi simplifié le code du travail et l'assurance chômage, il s'agit désormais de simplifier les retraites. Je réfute l'idée selon laquelle quarante-deux régimes, ce serait trop et trop complexe. Si ces régimes existent, s'ils ont une justification, ils ne sont pas complexes par essence.
L'autre difficulté est liée au fait que vous arguez de l'iniquité du système pour justifier une harmonisation qui se fait bien souvent par le bas. Plutôt que d'inciter les Français à comparer leurs avantages respectifs pour leur imposer une telle harmonisation, pourquoi ne pas aligner le système sur les régimes les plus favorables, s'il s'agit de promouvoir une logique de progrès ?
Vous avez utilisé un argument d'autorité que l'on entend fréquemment : comme on vit plus longtemps, il faudrait aussi travailler plus longtemps. Or c'est notamment parce que l'on travaille moins longtemps que l'on vit plus longtemps... Surtout, l'espérance de vie en bonne santé recule dans notre pays. Vous proposez, de fait, de repousser l'âge de départ à la retraite : avec le système de décote, le maintien de l'âge légal à 62 ans ne serait qu'un effet rhétorique : les gens seront très largement poussés à partir à 64 ans. Travailler jusqu'à cet âge signifie que l'on ira au-delà de l'espérance de vie en bonne santé. Quand on a fait son temps au travail, on peut espérer autre chose que d'arriver à la retraite au moment où commencent en général les premiers pépins de santé – il faut le prendre en compte. À cela s'ajoute un effet sur le chômage aux deux extrémités de la vie active, avec, d'un côté, des jeunes qui ont du mal à s'insérer dans l'emploi, et de l'autre, quelque 300 000 chômeurs de plus de 60 ans qui, pour l'essentiel, ont travaillé pendant quarante annuités et sont maintenus en dehors de l'emploi.
Par ailleurs, la question de la valeur du point continue à se poser. Par nature, un système par points peut ne pas être plus juste ou plus égalitaire. Vous avez expliqué à plusieurs reprises que la valeur du point pourrait notamment dépendre de l'espérance de vie. Or des inégalités persistent au sein d'une même génération : on n'a pas la même espérance de vie selon que l'on est cadre ou ouvrier, favorisé ou non. J'aimerais donc avoir des éclaircissements sur la valeur du point et sur le niveau des pensions. On peut craindre une baisse générale.
S'agissant des pensions de réversion, vous avez expliqué que la réforme aurait un effet bénéfique. Les femmes sont les plus concernées, et l'époux survivant touche en moyenne entre 50 et 60 % de la pension de l'époux décédé. Si l'on prend désormais en compte 70 % du niveau de vie du couple, il y aura sans doute un grand nombre de perdants. J'aimerais aussi vous entendre sur ce point.
Enfin, vous avez parlé de projet de société. À cet égard, je pense que 60 ans et 40 annuités sont de bons critères. C'est finançable, pour peu évidemment que l'on mette davantage à contribution les revenus financiers des entreprises, que l'on augmente les salaires et que l'on emploie davantage, grâce à un changement de modèle économique. Une augmentation de 1 % des salaires, c'est 2,5 milliards d'euros de cotisations en plus ; 100 000 emplois supplémentaires permettent de dégager 1,3 milliard d'euros de cotisations. D'autres idées que le système par points sont possibles afin d'assurer la durabilité du système.
Je me réjouis de la qualité du débat et de l'état d'esprit dans lequel il se déroule. Quelles que soient nos convictions, nous sommes tous concernés par ce projet de société. On peut avoir des divergences, mais tout le monde souhaite arriver à une solution plus solide, plus juste et plus efficace.
Le fait de porter le plafond à trois fois celui du régime de base de la sécurité sociale, c'est-à-dire de le faire passer de 40 000 euros à 120 000 euros, aura évidemment un impact sur les régimes complémentaires, mais aussi sur les groupes de protection sociale. Afin d'avoir une vision intégrée, grâce à la création d'une caisse nationale de retraite universelle, il faudra étendre, dans le cadre d'une loi organique, le périmètre du PLFSS afin qu'il recouvre celui du futur régime universel. Si l'on veut avoir un débat parlementaire responsable, celui-ci devra englober la totalité des aspects du régime universel – notamment sa contributivité, sa solidarité, son filet de sécurité. Vous avez donc raison, monsieur le rapporteur général : il faudra élargir le champ du PLFSS afin d'inclure toute la masse des retraites. Pour la première fois, nous pourrons appréhender dans leur globalité les recettes et les dépenses de ce qui constitue ce pacte de solidarité générationnelle que l'on appelle « retraite ».
Pour ce qui est des cotisations déplafonnées, elles ont vocation à financer d'une manière mutualisée le risque vieillesse en alimentant le fonds de solidarité, même s'il ne peut pas y avoir de fléchage direct ni d'affectation systématique.
Vous avez été très nombreux à évoquer la question de la gouvernance. Ma position est claire : je suis opposé à toute forme d'étatisation du pilotage et tout autant à l'idée de le confier à 100 % aux partenaires sociaux. Il faut trouver un juste équilibre que nous n'avons pas encore atteint. Le Gouvernement et le Parlement doivent être totalement impliqués dans ce système qui représente 14 % du produit intérieur brut (PIB) et qui a une influence sur l'attractivité du pays et sur la cohésion sociale, par le maintien d'un niveau décent pour les retraites et par le poids qui pèse sur le travail et l'activité. J'ai aussi proposé que le conseil d'administration de la caisse participe directement à la fixation et à l'indexation de la valeur du point. Je compte sur la richesse des échanges avec les parlementaires pour déterminer ensemble la répartition des pouvoirs et des responsabilités.
À titre personnel – cela n'engage que moi – je pense que nous vivons un moment intéressant. Tout pouvoir doit avoir un contre-pouvoir et être soumis à une transparence totale. Nos concitoyens ont besoin de comprendre les conséquences politiques des décisions prises ; toute décision relative à la solidarité ou à la valeur des points doit être prise en totale transparence.
Jusqu'où faut-il impliquer le politique ? C'est évidemment indispensable, mais il faut aussi être prudent dans ce domaine. Je me souviens de l'avertissement que m'ont donné mes interlocuteurs italiens : dans vingt-cinq ans, la répartition des générations dans ce pays fera que le corps électoral aura probablement plus de 50 ou 55 ans en moyenne, et je n'écarte pas l'idée que des politiques pourraient être tentés, comme en Italie, de conquérir le pouvoir par des promesses électoralistes farfelues, destinées à une clientèle âgée, sans se soucier de la solidité du système de solidarité générationnelle. Jusqu'où faut-il donc impliquer le politique, à partir de quand faut-il s'en prémunir ? C'est un débat que les politiques doivent eux-mêmes avoir. Il y a aussi la problématique de la règle d'or. Tout cela constitue, je l'ai dit, un exercice extrêmement intéressant sur le plan de la démocratie.
Comment « périmétrer » les réserves à partir du moment où nous offrons la garantie de la totalité de la nation pour payer les droits acquis, ce qui est le sens même des réserves ? À partir du moment où le régime universel prend les passifs, il doit faire de même pour les actifs. Il ne faut pas analyser les réserves uniquement en termes bruts. L'AGIRC-ARRCO a 70 milliards d'euros de réserves pour 60 milliards de droits acquis, ce qui fait donc 10 milliards d'euros de réserves nettes. Nous aurons un discours très clair sur ce sujet : certains régimes ont visiblement trop de réserves par rapport à leurs engagements. Il nous faut trouver une règle permettant de restituer l'excédent à celles et ceux qui l'ont constitué, par exemple dans le cadre de politiques à dimension sociale ; mais à partir du moment où l'on garantit une solidarité collective, avec le maintien des droits acquis, et la nécessaire fluidité par rapport aux aléas démographiques, il est légitime d'intégrer les réserves dans le régime universel.
M. Viry a parlé de « pactole », ce qui ne correspond pas du tout à notre approche. Les réserves s'élèvent à 160 milliards d'euros au total, ce qui représente moins de six mois de financement des retraites. On nous accuse de vouloir nous servir des réserves pour compenser les déficits d'un certain nombre de régimes. Or tout le monde assure l'équilibre de son système, y compris l'État. Certains parlent des fourmis et des cigales... L'important, et le rapporteur général l'a souligné, c'est de clarifier les flux. En affichant dans chaque ministère la masse salariale soumise au taux de cotisation de 28 % et en identifiant clairement les 40 milliards d'euros que l'État met sur la table pour financer la compensation démographique, les départs anticipés et l'exercice des droits familiaux, nous mettrons en évidence la contribution responsable de l'État tout en garantissant à celles et ceux qui ont constitué leurs réserves de solidarité professionnelle que celles-ci ne seront pas utilisées à d'autres fins que la fluidité et la garantie des droits résultant du passé.
Je reviens sur les chemins de convergence avec certaines professions libérales, que j'ai déjà évoqués. Les catégories qui ont des cotisations très élevées ont peur de perdre des droits du fait de la baisse des cotisations ; nous leur proposons donc de se tourner vers des régimes complémentaires afin de garantir les droits. Et pour celles qui ont des petites cotisations et des taux de rendement élevés, ce qui conduit à une fragilité du système à terme, il faut regarder comment on pourrait les accompagner pour ajuster leur taux de cotisation sans que cela pèse sur leur équilibre économique. Dans certains cas, on pourrait envisager d'utiliser les réserves pour ce faire, en contrepartie de quoi les régimes concernés seront assurés de bénéficier de 100 % de la solidarité.
Je connais votre attachement, monsieur le rapporteur général, comme celui d'autres membres de la commission, à la question de la gouvernance. Vous avez été plusieurs à évoquer l'avenir du paritarisme. Je ne sais s'il faut parler de paritarisme ou de place de l'État, du Gouvernement et des partenaires sociaux : toujours est-il que, dans ce tripartisme, il nous faut trouver un juste équilibre permettant à chacun, dans un exercice non de pouvoir et de contre-pouvoir mais de coresponsabilisation, d'apporter sa contribution, ou sa contestation sur les préconisations qui leur sont présentées.
Nous bâtissons un système dont la solidité et la durée dépendront de son adaptabilité, c'est-à-dire de sa capacité à faire face à des paramètres que nous ne connaissons pas aujourd'hui. Personne ne peut dire ce que seront demain la croissance économique, la masse salariale, l'évolution des métiers, ou encore l'impact de l'intelligence artificielle aura un impact sur les professions du droit et de la santé, au risque de fragiliser à terme leur système de retraite. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'intelligence artificielle aura un effet considérable non pas sur le volume d'emplois, mais sur l'emploi des non-diplômés. Nous n'interdisons pas aux futurs gouvernants d'utiliser tous les leviers, y compris d'envisager une assiette qui irait au-delà de la masse salariale en prenant en considération la valeur ajoutée induite par les nouvelles technologies et la robotisation ; nous leur offrons tous les dispositifs qui permettront de s'adapter à un monde dont personne ne peut dire aujourd'hui ce qu'il sera. C'est toute la force de ce système, qui va à l'encontre de tout ce que l'on a fait jusqu'à présent. Pourquoi y a-t-il eu une succession de réformes depuis 1993 ? Parce qu'à chaque fois, on a figé les paramètres. Résultat : en interdisant au volant de s'adapter au virage, ou au bateau de réagir au vent, on se retrouve un jour ou l'autre à aller dans le mur. Nous proposons de la souplesse et de l'adaptabilité dans le choix des paramètres : le débat concernera demain le niveau des pensions, des cotisations et du taux de rendement. Nous souhaitons avoir en 2025 un dispositif qui, grâce à son adaptabilité, suscitera la confiance de chacun et qui responsabilisera les citoyens et les futurs gouvernants.
J'en profite pour souligner un point sur lequel vous pourriez peut-être jouer un rôle d'ambassadeur. On ressent une très forte angoisse chez nos concitoyens à propos du basculement de la date, qui tient probablement à des raisons historiques : toutes les réformes qui ont précédé se sont accompagnées du même discours politique : « Si l'on ne fait pas la réforme, c'était foutu ». Or toutes ces réformes ont été perçues, à tort ou à raison, comme introduisant une contrainte supplémentaire ou une régression. Ce qui explique une certaine angoisse : on se dit, en pensant à 2025, qu'on a de la chance d'être né en 1963... Pourtant, il n'y a aucune angoisse à avoir. Nous allons instaurer une période de neutralisation de cinq ans, après le vote de la loi, suivie d'une transition douce qui s'étalera sur cinq, dix ou quinze ans : ceux qui sont nés en 1965 ou 1966 se verront appliquer 98 % de l'ancien système pour le calcul de la retraite et seulement une fraction du nouveau système. Des simulateurs individuels permettront également à chacun de connaître les éléments pertinents pour se décider compte tenu du taux de remplacement et de son arbitrage personnel entre le niveau de pension auquel on veut parvenir et la durée de la retraite que l'on envisage. C'est important, et il faut le dire à nos concitoyens au moment où va s'engager le débat.
Je peux partager ce qu'a dit Pierre Dharréville à propos de l'empilement des réformes : elles ont considérablement augmenté la complexité du système, même si on a essayé d'apporter une amélioration à chaque fois. Je ne veux pas critiquer les réformes menées par les différents gouvernements, de gauche et de droite : sans elles, nous en serions à 70 milliards d'euros de déficit – souvenons-nous des prévisions que l'on faisait il y a quinze ou vingt ans. Il faut saluer les précédents gouvernements, quelles que soient les mesures qu'ils ont prises, mais aussi les syndicats, qui tous ont contribué à l'amélioration de la situation. Nous avons aujourd'hui l'opportunité de ne pas aborder le système partie par partie, mais dans sa globalité. L'un des enjeux est d'éviter que nos concitoyens se battent pour garder les avantages de leur profession par rapport à d'autres. Il y aura certes ce que j'ai appelé des expressions d'égoïsme corporatiste, mais nous arrivons à un moment où chacun peut dépasser sa solidarité professionnelle pour adhérer à un objectif collectif, par le fait que personne désormais n'est assuré de garder la même profession toute sa vie, que tout le monde peut être polypensionné, et que l'important est d'offrir à nos enfants et petits-enfants l'assurance d'un parcours sécurisé, accompagné par la totalité de la nation.
Nous allons mettre en place une redistribution. Nos simulations montrent que la prise en compte des vingt-cinq meilleures années améliorera considérablement la situation pour les déciles 1 à 4, c'est-à-dire pour ceux qui perçoivent des petites pensions. Notre système, qui se voulait généreux, avantage paradoxalement les carrières ascendantes et longues, et ce sont ceux qui ont les carrières les plus courtes et les vies les plus compliquées qui les financent. Il faut corriger ce phénomène en assurant une redistribution en faveur des actuels « perdants » – même si je ne sais pas si c'est le bon terme à utiliser. Les carrières ascendantes et longues vont faire l'objet d'une redistribution au profit des carrières heurtées et courtes. Je n'appelle pas cela faire des gagnants et des perdants : j'appelle cela de la justice. Les pères de trois enfants vont y perdre, mais ce sera au profit des familles monoparentales et nombreuses : cela aussi, c'est de la justice. Si l'on augmente les impôts de celles et ceux qui ont de hauts revenus par solidarité envers d'autres personnes, c'est aussi de la justice. Il est normal, dans le cadre de la solidarité nationale, de contribuer en fonction de ses moyens pour aider les autres ; c'est ce que nous avons voulu faire avec la refondation des droits familiaux, la réduction des écarts entre les hommes et les femmes et la redistribution en faveur des carrières heurtées et courtes.
Je voudrais vous remercier, monsieur Viry, pour l'état d'esprit dans lequel vous abordez ce débat – cela ne m'étonne pas de vous. Beaucoup ont apporté des contributions lors des alternances successives – il y a eu la réforme de Marisol Touraine du côté de la gauche et celle d'Éric Woerth du côté de la droite, et auparavant la réforme Balladur et celle de 2003. Vous avez posé, à raison, la question fondamentale de la sérénité, qui en amène beaucoup d'autres. Je dis souvent que la retraite ne devrait pas être vécue comme une libération, mais comme une nouvelle vie. Et cela me fait rejoindre M. Quatennens sur un point : nous devons réfléchir au bien-être au travail. L'épanouissement professionnel devrait être au coeur de nos réflexions, alors que l'exigence de performance à tout prix rend parfois les parcours terriblement compliqués et sources d'angoisse. On ressent une profonde inquiétude dans l'opinion, une incertitude sur le lendemain. Nous avons besoin de la force de la solidarité pour que chacun puisse aborder avec davantage de sérénité des moments qui peuvent être difficiles dans la vie.
J'entends aussi ce que vous avez dit, monsieur Viry, à propos de la responsabilité. J'ai lu et relu le livre écrit en 1943 par Simone Weil sur la question des droits et des devoirs – elle se demandait à quoi sert un droit lorsque personne ne le défend : les droits ne valent que par les devoirs qu'ils sous-entendent. À quoi sert, disait-elle, le droit des enfants si les parents n'ont pas le devoir de s'occuper d'eux ? Les actifs ont le devoir d'assurer un niveau décent des retraites, mais les retraités ont aussi le devoir d'être attentifs aux conditions dans lesquelles les actifs exercent.
En ce qui concerne la garantie de la valeur du point, j'ai préconisé que cette question relève du conseil d'administration, mais cela fera partie du débat. Certains d'entre vous font du point un sujet d'inquiétude alors que j'y vois pour ma part un facteur de solidité du système. Un point sera égal à 10 euros et l'indexation sera positive : sa valeur ne baissera pas – regardez ce qui se passe dans le cadre de l'AGIRC-ARRCO : entre 30 et 40 % des retraites des salariés du privé reposent sur un système par points. C'est un facteur extraordinaire de solidité, car ce sera lisible et son indexation aussi. Et toutes les projections du COR montrent que, quelle que soit l'hypothèse de décroissance de la part du PIB consacrée à ces dépenses, il y aura une augmentation relative des pensions.
S'agissant de 2025, les discussions avec les partenaires sociaux commenceront à partir du mois de septembre prochain sur les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre l'équilibre à cette échéance : il y va de notre responsabilité.
Je remercie M. Mignola d'avoir salué la méthode suivie. Je crois beaucoup à l'intelligence collective. Nous réfléchissons à la situation des proches aidants, en lien direct avec le rapport commandé par Mme Buzyn. Vous avez été le seul, et je vous en remercie, à avoir évoqué la fonction publique et les enseignants. Nous avons très clairement reconnu la nécessité d'un chantier « fonction publique ». La création d'un régime universel de retraite offre une opportunité. Le système actuel a été créé à une époque où les fonctionnaires n'avaient pas de primes ; c'est la raison pour laquelle on avait retenu comme référence les six derniers mois d'activité. Or les primes représentent désormais, en moyenne, 22 % des rémunérations. Tous les fonctionnaires ayant peu de primes ne seront pas perdants : ceux qui ont des carrières planes – je pense notamment à la catégorie C au sein des collectivités locales – pourraient même être plutôt gagnants. Mais force est d'admettre que si l'intégration des primes et le nouveau mode de calcul étaient appliqués d'une manière brutale et immédiate, les enseignants seraient perdants. Dans cette affaire, il faut prendre en compte les conséquences du futur système de retraite, mais aussi des mesures salariales qu'il conviendra d'adopter. Cela nécessitera un débat au sein du Gouvernement sur la temporalité à retenir. Le même souci s'impose pour les aides-soignants, d'autant que cette profession est en tension et en souffrance : le monde hospitalier mérite toute notre vigilance.
Mon principe est qu'il faut donner aux responsables futurs – l'exécutif, le Parlement et les partenaires sociaux – tous les éléments permettant de s'adapter aux situations futures : je n'écarte aucun levier. M. Vallaud a évoqué le niveau de prélèvement et les taux de cotisation, mais on pourrait aussi parler de l'assiette. Selon que l'on retient l'hypothèse défendue par les « techno-pessimistes », pour qui la valeur ajoutée se concentrera au niveau des machines, ou celles des « techno-optimistes », qui soutiennent que la productivité va être dopée et qu'un nombre d'emplois important sera créé, on n'assied pas le financement de la protection sociale sur la même masse salariale.
J'ai insisté auprès du Gouvernement sur la nécessité de réfléchir à l'impact des autoentrepreneurs ; je sais qu'un certain nombre d'entre vous sont également intéressés par cette question. Si l'on continue à appliquer le principe « pas de charges, pas de droits », les personnes qui ne cotisent pas seront-elles demain au minimum de solidarité ? Et cette situation ne va-t-elle pas fragiliser les recettes de notre système de protection sociale ? Des questions se posent. S'agit-il d'une nouvelle forme de travail ? L'ubérisation va-t-elle accélérer cette évolution ? Dans un monde où les modes de travail se transforment à toute vitesse, nous avons besoin d'un système de gouvernance capable de s'adapter et, éventuellement, d'une vigilance accrue des parlementaires sur les nouvelles natures d'emploi.
Pour ce qui est de la transparence et des simulations, nous y sommes évidemment favorables ; mais pour faire de la simulation, encore faut-il au préalable avoir stabilisé les paramètres – ce n'est pas à vous que je l'apprendrai. Jusqu'à la remise de mon rapport, un certain nombre d'incertitudes et d'interrogations demeuraient. Tous les travaux que nous allons entreprendre avec les partenaires sociaux à partir de septembre nous amèneront à obtenir des arbitrages pour la préparation du projet de loi, lequel devra également faire l'objet d'études d'impact. Je souhaite naturellement que l'on puisse présenter au Gouvernement, puis au Parlement, les conséquences des décisions à venir. Les cas-types figurant dans mon rapport n'ont pas été réalisés pour briller devant la presse, ni même pour essayer de vous séduire – je cherche plutôt à vous convaincre. Nous n'avons pas voulu prendre nos propres simulations, ni celles de Pierre, Paul ou Jacques, mais nous avons repris les cas types du COR. Nous allons maintenant en réaliser le plus grand nombre possible afin de voir très clairement, cas par cas, quelles seront les conséquences du passage de l'ancien au nouveau système. Je souhaite évidemment que vous puissiez débattre en ayant les moyens de comprendre les conséquences individuelles qui en découleront. Chacun adhérera ou non à ce projet de société après avoir essayé d'analyser avec quel niveau de pension il pourra partir à la retraite.
Les professions indépendantes s'émeuvent de ce qui est proposé, ce qui est très naturel si on se limite à une lecture au premier degré : une augmentation de 10 % des cotisations, c'est évidemment inimaginable. Nous travaillons avec elles pour trouver des solutions, au cas par cas. Nous ferons de même pour la fonction publique et d'autres situations.
M. Christophe, comme d'autres intervenants, s'est demandé si cette réforme était la porte ouverte à la capitalisation. Le mot ne me choque pas personnellement, mais vous avez compris que nous entendons surtout créer le système de répartition le plus solide et le plus solidaire de toute l'Europe. Au-delà de trois fois le plafond de la sécurité sociale – ce qui concerne tout au plus 350 000 personnes –, on pourra se constituer une retraite complémentaire par capitalisation dans le cadre des contrats d'entreprise ou à titre personnel. Contrairement à ce que j'entends dire chez certains économistes, notre volonté n'est pas de réduire les pensions dans le cadre du système universel pour alimenter le besoin d'épargne complémentaire. Il faut faire attention à l'objectivité des spécialistes qui tiennent ce genre de raisonnements dans les médias : ce sont généralement des conseils en capitalisation... Si je peux comprendre que l'on cherche à faire la promotion de ses produits, je ne suis pas certain de l'objectivité de leur analyse, et du coup de son utilité dans le débat. Mais je ne reproche à personne de défendre ses intérêts...
Je voudrais saluer l'esprit transpartisan dont a fait preuve Corinne Vignon et la remercier, ainsi que Laurent Pietraszewski, pour le travail d'ambassadeur qu'ils ont mené en couple, un couple dont je salue la fertilité – je parle évidemment de leur investissement personnel... La méthode en tout cas mérite d'être soulignée : une quarantaine d'ambassadeurs et beaucoup de journalistes se sont fortement investis sur ce sujet, auquel ils ont consacré tout le temps nécessaire pour bien faire comprendre le système. Je ne sais pas combien de rencontres vous avez organisées...
L'objectif était de faire remonter toutes les préoccupations et les positions de nos concitoyens, ce qui a nourri la réflexion. Il est très important que les parlementaires éclairent le débat et permettent aux citoyens de s'informer et de se forger leurs convictions.
Je vais essayer d'aller plus vite, compte tenu du nombre de questions qui restent.
L'AVPF sera limitée à trois ans, et donc à la maternelle.
Je vous réponds « oui », madame Dubié, en ce qui concerne la gouvernance et « non » à propos de l'étatisation.
Je vous remercie d'avoir posé la question des jeunes. Avec le Premier ministre et Mme Pénicaud, nous l'avons dit très clairement : il faut que les jeunes comprennent dès leur premier contact avec le monde du travail quel est l'intérêt de cotiser sur son salaire – on acquiert des droits en même temps que l'on travaille. Nous sommes en train de réfléchir à la garantie qui pourrait être instaurée pour les stages, par exemple dans le cadre de l'apprentissage : grâce à un système de solidarité, les jeunes concernés pourraient ainsi se constituer des droits à la retraite comme s'ils percevaient 100 % du SMIC. De même pour ce qui concerne le service civique, entre autres cas.
Je partage comme vous, monsieur Quatennens, le goût pour la controverse et le débat politique. Une démocratie, ce n'est pas le silence : la démocratie est en danger lorsque les citoyens se taisent et que l'on cherche à étouffer la controverse. Je suis un fan de la controverse... Je suis très réservé à l'égard de l'attitude politique qui consiste à écraser ceux qui pensent différemment : ce n'est pas une source d'enrichissement. Si l'on veut lutter contre le populisme, qui constitue le principal danger, on doit éclairer les citoyens, grâce à la qualité du débat public, et leur permettre de se former des convictions, même si on ne les partage pas. C'est le sens de mon combat depuis très longtemps.
Vous dites qu'il est préoccupant de simplifier. Si la simplification aboutit à la remise en cause de certains droits, je peux adhérer à cette thèse. Mais pour nous, la simplification vise à lutter contre la complexité qui a été évoquée par M. Véran. J'ai d'ailleurs bien aimé sa formule : « Si vous avez compris comment cela fonctionne, c'est qu'on vous l'a mal expliqué ! ». Il faudra que je la reprenne... Bon nombre de gens nous disent qu'ils ont essayé de calculer leur retraite mais qu'ils n'y comprennent rien. Si l'on peut n'avoir qu'une caisse, si l'on peut connaître chaque année son capital en termes de points ainsi que la valeur de ces points et si l'on peut utiliser des simulateurs pour décider à quel âge on part en retraite compte tenu de la pension que cela représentera, alors nous aurons fait quelque chose d'utile.
Je suis plus réservé sur votre thèse selon laquelle moins on travaille, plus on vit longtemps. Est-ce à dire que les gens vivraient jusqu'à 150 ans s'ils s'arrêtaient de travailler à 16 ans ? Je ne suis donc pas sûr de l'équation. Je crois que c'est plutôt la qualité de vie au travail qui est déterminante, mais on peut en débattre.
En ce qui concerne les pensions de réversion, si Monsieur percevait 1 500 euros et Madame 500 euros, 70 % du total représentent 1 400 euros ; la veuve percevrait moins si l'on appliquait votre taux de 50 %, hormis dans certains cas très particuliers. Mais globalement, je maintiens que la nouvelle règle sera très largement plus favorable et surtout plus simple, plus claire et plus lisible.
M. Vallaud m'a demandé si les personnes nées en 1963 seront concernées par la création d'un âge pivot. Cette question n'est pas tranchée. Il faudra en tout cas prévoir des transitions longues pour les premières générations, avec différentes pondérations.
Il n'y a aucune hypocrisie, monsieur Viry, en ce qui concerne l'âge d'équilibre, qui sera de 64 ans. On permettra à beaucoup de personnes de ne pas travailler jusqu'à 67 ans.
Si je n'ai pas répondu à toutes les questions, soyez assurés que j'aurai à coeur de répondre à toutes vos invitations et de vous recevoir dans les mois et les semaines qui viennent si je suis confirmé dans mes responsabilités actuelles. Quelles que soient les appartenances des uns et des autres, nous devrons essayer de répondre ensemble aux questions légitimes que nos concitoyens se posent.
Il y a encore beaucoup de demandes de prise de parole, nous n'allons pas nous quitter tout de suite...
Le rapport de la Cour des comptes sur les régimes spéciaux du rail, du gaz et de l'électricité a montré, il y a quelques jours, que le nombre de retraités concernés était largement supérieur à celui des cotisants. Pour équilibrer leurs comptes, ces régimes reçoivent un financement public de près de 5 milliards d'euros, ce qui représente près de la moitié des prestations versées. Ce déséquilibre est dû à un système qui a été établi, autrefois, pour prendre en compte la pénibilité de certains métiers mais aussi à la baisse évidente de cette pénibilité : en 2010, un agent de conduite pouvait espérer vivre vingt-deux ans après 60 ans, contre vingt et un ans pour un ouvrier. Avec la réforme qui nous est proposée, nous devrions arriver à la convergence des systèmes, quinze ans après son lancement, et le départ à 62 ans devrait devenir la règle universelle, un départ anticipé de deux ans étant possible selon la pénibilité. Un conducteur de train part à la retraite vers 53 ans en moyenne, et un ouvrier huit ou dix ans plus tard. Pouvons-nous imaginer qu'en 2040, le cheminot et l'ouvrier partiront à la retraite au même âge, voire un peu plus tôt pour certains ouvriers exposés à une plus grande pénibilité ?
Compte tenu du nombre de demandes de prise de parole, je vais vous demander, mes chers collègues, d'aller directement à vos questions.
Je vais être très rapide. J'avais une question relative au calendrier, mais vous avez dit dès le début, monsieur le haut-commissaire, que vous n'y répondriez pas. Je voulais également vous interroger sur les primes des fonctionnaires, et notamment sur la situation des enseignants, dont les primes sont faibles, mais vous avez répondu sur ce point.
Il me reste, en revanche, une question sur les professions libérales, en particulier les médecins et les avocats, qui s'inquiètent de voir leurs cotisations doubler et, d'un autre côté, leurs pensions de retraite diminuer. Que pouvons-nous leur répondre ? J'aimerais aussi vous entendre sur deux autres catégories. Je pense tout d'abord aux agriculteurs, pour qui le niveau des retraites affleure tout juste 75 % du SMIC alors qu'il devrait déjà s'élever à 85 %. Avez-vous travaillé sur ce sujet ? Il y a aussi la question des marins-pêcheurs que j'ai déjà eu l'occasion de vous poser. Ils bénéficient d'un régime spécifique, l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM). Quelles sont vos intentions à ce sujet ?
Monsieur le haut-commissaire, vous évoquez à la page 50 de votre rapport « une transition facilitée entre l'emploi et la retraite », mais la mise en place d'un dispositif de transition entre l'activité et la retraite est renvoyée à la négociation collective – ce qui me réjouit en tant que supporter de la démocratie sociale. Quelles passerelles faudrait-il selon vous créer pour éviter une rupture entre la vie active et la retraite et pour répondre aux attentes d'individualisation des parcours de vie ?
Le système actuel des retraites a connu de nombreuses réformes. Malgré une succession de mesures paramétriques faisant appel à trois leviers principaux pour tendre à l'équilibre – l'âge, le taux de cotisation et le niveau des pensions –, notre système reste injuste, incompréhensible et inéquitable. La question des leviers de pilotage et des objectifs se pose aussi à propos du système universel, notamment en cas de choc économique ou démographique. Vous proposez de créer un fonds de réserve universel pour assurer la pérennité du nouveau système. L'utilité des réserves semble, en effet, indéniable en matière de pilotage. Vous avez précisé tout à l'heure les objectifs visés et la stratégie d'utilisation. Mais comment assurer la pérennisation du futur système dans le cadre des réserves ?
Je suis favorable à un système par points, à la suppression des régimes spéciaux et à l'alignement entre les régimes publics et privés. Mais je m'interroge sur ce que sera la reconnaissance de la pénibilité réelle : que prévoira-t-on, par exemple, pour les aides-soignants ? Je m'interroge aussi sur les garanties portant sur la valeur du point, face aux aléas, sur les efforts à réaliser en matière d'économies pour atteindre l'équilibre en 2025, sur la mise à contribution des cadres avec la réserve de l'AGIRC-ARRCO et sur les évolutions des pensions de réversion qui feront de nombreux perdants. Enfin, la garantie d'une retraite équivalant à 85 % du SMIC s'appliquera-t-elle à l'âge légal, c'est-à-dire à 62 ans, ou à 64 ans ? Cela devrait logiquement se faire à l'âge légal. La garantir à 64 ans signifierait qu'il n'y a pas d'augmentation à l'âge légal – on pourrait presque parler de supercherie. Mais j'espère que vous apporterez une réponse positive.
Monsieur le haut-commissaire, je souhaite vous interroger sur la retraite des personnes en situation de handicap : le dispositif des carrières longues qui leur est applicable devrait être amélioré. Vous avez déclaré que l'âge de départ à la retraite anticipée serait fixé entre 55 et 59 ans en fonction de la durée d'activité en situation de handicap, sur la base d'un taux d'incapacité de 50 %. Ma question est très directe : le handicap psychique n'est pas toujours visible chez les personnes qui en souffrent et l'errance diagnostique se compte parfois en années, ce qui ne signifie pas que l'on n'est pas réellement handicapé, avec des répercussions directes sur le plan professionnel. Dès lors que le diagnostic aurait été établi, pourrait-on envisager une forme de rattrapage grâce à un véritable système de prise en compte rétroactive de la situation ? Cela concernerait potentiellement plusieurs millions de personnes.
Nécessité fait loi : l'enjeu démographique, du fait du vieillissement de notre population et du gain d'espérance de vie, nous oblige à proposer aux Français un système universel de retraite répondant aux principes de justice et d'équité, avec la solidarité et la dignité pour socle. Il faut un système universel plus juste, mais aussi plus lisible, que l'on soit malade, au chômage, en congé maternité ou en activité. Le nouveau système ouvrira des points et se substituera aux quarante-deux régimes existants. Pourriez-vous repréciser quels seront les paramètres déterminants pour le calcul et l'évolution de la valeur du point et, conséquemment, du taux de rendement, dans la perspective du maintien du pouvoir d'achat des futurs retraités ?
L'une des mesures que vous préconisez, monsieur le haut-commissaire, aurait un impact très négatif pour les familles, et plus précisément pour les familles nombreuses. Je fais partie de ceux qui le déplorent, car les familles rendent un vrai service au pays en accueillant et en élevant des enfants, qui sont d'ailleurs les cotisants de demain. Pour que les familles ne soient pas perdantes, il faudrait prévoir une bonification d'au moins 5 % par enfant pour chacun des deux parents. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez écarté cette mesure ?
Pardonnez-moi, monsieur le haut-commissaire, mais je n'ai pas tout bien compris, même si vous avez déjà abordé plusieurs fois ces sujets, et malgré votre grand talent de pédagogue. L'âge moyen de la retraite est de 63,4 ans, me semble-t-il, et l'âge d'équilibre, qui fera l'objet d'une incitation, sera fixé à 64 ans. J'ai peur que cela induise une stigmatisation pour ceux qui arrêtent de travailler à 62 ans, car il y aura une forme de punition, d'une certaine manière. Au-delà de cet aspect, l'instauration d'un âge pivot, de 64 ans, ne conduira-t-il pas forcément à des départs à la retraite plus tardifs que la moyenne actuelle ? Par ailleurs, je n'ai pas saisi ce qui est prévu à propos de l'espérance de vie : une éventuelle augmentation pourrait être prise en compte, mais qu'en sera-t-il d'une diminution ?
Monsieur le haut-commissaire, vous préconisez une généralisation du C2P, selon un principe fort : les mêmes droits en matière de pénibilité pour un même métier, qu'il soit exercé dans le secteur public ou privé. Vous appelez à une grande concertation sur l'aménagement du C2P en ce qui concerne les seuils d'exposition aux facteurs de risque, comme le travail de nuit en milieu hospitalier – vous l'avez rappelé dans votre propos liminaire. J'aimerais avoir votre éclairage sur la notion de métier dans le cadre d'un C2P revisité. Comment les salariés de métiers différents mais clairement soumis aux mêmes risques seront-ils traités du point de vue des points « pénibilité » ? Les heures de nuit d'un chauffeur d'autobus vaudront-elles celles d'un conducteur de train ?
Monsieur le haut-commissaire, vous faites état dans votre rapport de concertations nécessaires pour arrêter des périodes transitoires afin de faire converger notamment le barème des cotisations des fonctionnaires militaires et des assurés relevant des différents régimes spéciaux vers celui des salariés du privé, de trouver la voie d'une cotisation minimale pour les autoentrepreneurs, ou encore de mieux valoriser des périodes de transition des étudiants vers la vie active. Dans tous ces cas de figure, avez-vous envisagé un système de rachat de points ? Si oui, à quelles conditions ?
Enfin, il n'est pas trop tôt pour réfléchir à la prise en compte de paramètres plus qualitatifs. On a beaucoup parlé du handicap, mais il y a aussi l'espérance de vie en bonne santé : quel est votre point de vue à ce sujet ?
Je veux enfin vous remercier pour la qualité votre exposé, votre écoute et vos réponses. En tant que chef d'orchestre, vous avez mené une concertation exemplaire suffisamment longue pour être approfondie, et qui a le mérite de n'avoir évité aucun sujet.
Monsieur le haut-commissaire, cette réforme des retraites offre un système qui sera plus juste et plus lisible : les droits seront désormais comptabilisés en points, chaque euro cotisé ouvrira les mêmes droits à tous. Ainsi, pour 100 euros cotisés pendant sa carrière, un retraité percevra 5,50 euros par an pendant toute sa retraite.
Il existe cependant des spécificités concernant des millions de Français qui ont jadis respecté leur devoir civique en effectuant leur service militaire. Auparavant, le service militaire était comptabilisé sous forme de trimestres ; comment sera calculé le nombre de points correspondant cette période ?
Monsieur le haut-commissaire, vous qualifiez cette réforme de « sociétale » ; c'est donc qu'elle s'adapte à l'évolution de notre société. Nous pouvons tous nous accorder à considérer qu'une personne âgée de 62 ans aujourd'hui n'est pas la personne âgée de 62 ans d'il y a quinze ou vingt ans. Or lutter contre l'âgisme suppose également de ne pas mettre a priori une barrière d'âge à la poursuite d'une activité professionnelle, pour peu que celle-ci soit choisie.
Je souhaiterais donc vous interroger sur le cumul emploi-retraite. Aujourd'hui, ce dispositif est peu utilisé du fait de sa complexité ; il a pourtant vocation à faciliter les transitions de l'emploi vers la retraite des seniors, il est ouvert aux salariés ou travailleurs indépendants, mais il ne permet pas aux assurés partis à la retraite qui continuent à travailler de se constituer de nouveaux droits. Comment imaginez-vous améliorer le dispositif dans le cadre de la réforme ?
Monsieur le haut-commissaire, vous affirmez la volonté de renforcer et d'harmoniser les droits familiaux pour plus de solidarité, ce à quoi j'adhère complètement. Toutefois, la création du dispositif de garantie des droits à la retraite pour les proches aidants appelle nombre de questions : comment sera défini le périmètre des points et la prise en compte du parcours, voire des parcours, de l'aidant dans sa globalité ? Quelle sera la définition de la période de l'aidant ouvrant droit à des points de retraite ? Si les points sont liés à la prise en compte du congé de proche aidant, qu'en sera-t-il pour celles et ceux qui n'y ont pas recours ? Comment intégrer l'ensemble des proches aidants ? Peut-on envisager, entre autres hypothèses, de passer par une base déclarative, en inscrivant, par exemple, la qualité de proche aidant sur le dossier médical partagé ? Enfin, quelles sont les futures pistes de travail pour proposer un dispositif plus abouti pour les droits à retraite des proches aidants ?
Monsieur le haut-commissaire, vous avez très justement évoqué l'enjeu impératif de solidarité dans le système universel de retraite. Vous le prenez en compte dans votre réflexion sur les conditions d'accès à la retraite anticipée pour les personnes handicapées au taux de 50 %, en préconisant pour ces 2,5 millions de travailleurs de ne prendre en compte que la durée d'assurance cotisée.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi ce changement sera positif, et clarifier votre position au sujet de l'âge de départ des intéressés ? Conserverez-vous les règles actuelles qui prévoient un départ à la retraite entre 55 et 59 ans ? Ou pensez-vous, comme pour d'autres catégories, vous orienter vers un âge d'équilibre ? Si oui, quel serait-il ?
Monsieur le haut-commissaire, merci pour votre présentation d'une grande qualité et d'une grande clarté ; je veux à mon tour saluer votre méthode de travail. Vous souhaitez l'instauration d'une cotisation déplafonnée non créatrice de droits à hauteur de 2,81 % des revenus lorsque ces derniers dépassent trois fois le plafond de sécurité sociale. Cette cotisation garantira un haut niveau de protection sociale par le financement de la solidarité. Pouvez-vous toutefois préciser les solidarités qui seront financées grâce à cette contribution ainsi que les volumes espérés ?
Monsieur le haut-commissaire, je tiens moi aussi à saluer la qualité du travail mené depuis dix-huit mois ainsi que celle des réponses qui nous sont données aujourd'hui. Ma première question est la suivante : si le futur système universel de retraite se veut plus simple et plus juste, de quelles garanties disposons-nous pour nous assurer de sa soutenabilité financière sur la durée, alors que nous ne connaissons ni la croissance ni l'inflation à venir ?
Par ailleurs, comment prévoyez-vous d'atteindre l'équilibre financier en 2025 avant la bascule dans le nouveau système par points ?
Monsieur le haut-commissaire, cette belle réforme ne tiendra ses promesses qu'à la condition que l'on parvienne à faire travailler les personnes suffisamment longtemps en changeant l'image de l'emploi des seniors. C'est pourquoi à mes yeux ce débat sur la réforme des retraites offre une belle opportunité de renforcer la formation tout au long de la vie, notamment pour redonner des perspectives de carrière au dernier tiers de la vie professionnelle, entre 45 et 65 ans, plusieurs dispositifs pouvant être imaginés : l'attribution de points retraite supplémentaires en contrepartie d'une formation ou le prise d'une année de retraite par anticipation afin de préparer cette période, par exemple. Qu'en pensez-vous ?
Monsieur le haut-commissaire, le système actuel ne tient pas suffisamment compte de la diversité des parcours professionnels et des formes d'emploi. Le système universel accompagnera mieux les mobilités professionnelles, notamment grâce à l'institution d'un compte unique de retraite accessible en ligne. Dans un souci d'informer au mieux, préconisez-vous la création d'une nouvelle plateforme ou l'intégration à une plateforme déjà existante telle que la plateforme nationale des droits sociaux, accessible à l'adresse www.mesdroitssociaux.gouv.fr, créée depuis plusieurs années déjà et encore peu connue des Français ?
Monsieur le haut-commissaire, le sens de la réforme que vous préconisez est d'apporter plus d'équité et de solidarité entre les travailleurs. Pour ma part, je souhaiterais appeler l'attention sur les agriculteurs, qui sont aujourd'hui les grands perdants de notre système avec des retraites en moyenne 38 % inférieures à celles du régime général, de 736 euros mensuels pour les hommes et de moins de 600 euros pour les conjointes. Je me réjouis à la perspective d'une retraite plus juste et plus équitable pour les agriculteurs, sans augmentation de leurs cotisations. Quelle est l'échéance envisagée pour la mise en place de cette évolution, notamment sur la période de transition, que les agriculteurs souhaitent la plus rapide possible ?
Madame Blandine Brocard, vous avez évoqué le rapport de la Cour des comptes ; il est évident que ce n'est pas sur cette base que nous fondons nos décisions, mais il n'en est pas moins vrai que la fin des catégories actives doit aussi avoir pour but la diminution des contributions budgétaires destinées à financer ces périodes de départ anticipé. Vous parlez de 5 milliards d'euros – dont 600 millions pour la RATP et 3,5 milliards pour la SNCF. Certaines contributions sont liées à la compensation démographique, d'autres à des avantages spécifiques. Il convient toutefois de maintenir ces entreprises dans la capacité de concurrence qui est la leur. C'est pourquoi nous réfléchissons, dans le cadre d'un contrat État-entreprise, aux moyens d'accompagner la diminution du nombre de celles et ceux qui sont en catégorie active.
Je puis assurer à Gilles Lurton, que nous conserverons l'ENIM : nous avons clairement indiqué que les marins sont tellement éloignés du système universel qu'ils doivent faire l'objet de conditions particulières. Dans ce régime, la pénibilité par exemple est directement liée aux jours passés en mer ; nous devons donc travailler à ce sujet avec les responsables.
Quant aux inquiétudes des avocats et des médecins, elles tiennent à des raisons diamétralement opposées. Les médecins craignent que dans la mesure où leurs cotisations vont baisser, leurs droits diminueront d'autant. Ce n'est absolument pas le cas ; nous étudions précisément les conditions de complémentarité. De leur côté, les avocats, dont le taux de cotisation est de 14 %, estiment qu'il est impossible de passer à un taux de 28 %. Nous partageons cette analyse ; c'est pourquoi nous proposons une solution importante mais complexe de modification de l'assiette de la cotisation versée aux deux organismes de gestion. Nous travaillons avec leurs responsables aux moyens de faire face à ce défi.
Laurent Pietraszewski a évoqué un sujet qui est au coeur de nos préoccupations : la transition entre l'emploi et la retraite. Nous souhaitons établir un bilan très précis de la retraite progressive, de la retraite partielle et du cumul emploi-retraite ; tous sujets qui rejoignent la problématique de l'emploi des seniors, sur lequel nous devons avoir un vrai débat. Il faut en effet montrer que l'expérience constitue une vraie richesse, et que la formation à l'intention des gens de 55 ans ne représente pas une dépense à fonds perdu.
La question posée par Mme Catherine Fabre conduit à s'interroger sur des assouplissements compatibles avec un système à points. Pour l'instant, la réponse est négative, mais le débat peut éventuellement être ouvert.
Belkhir Belhaddad a évoqué le projet de création d'un fonds de réserve destiné à assurer la pérennité du système universel de retraite. Je connais la qualité de la gestion des fonds de réserve, nous souhaitons en définir le périmètre, ce qui dépend du conseil d'administration, car il s'agit d'une gestion différente. La vocation de ces fonds de réserve doit être de fluidifier les chocs démographiques et économiques ou la garantie des droits du passé.
Avec le sens de la synthèse qui le caractérise, Bernard Perrut a posé cinq questions en 30 secondes... Je découvre que le bouchon lyonnais ne lui est pas étranger, et qu'il sait pousser le bouchon un peu loin... ! Cela étant, nous engagerons la discussion avec les partenaires sociaux afin de voir quels seront les moyens disponibles en 2025 ; mais pour l'instant, mais je ne suis pas en mesure de répondre. En revanche, je ne partage pas votre point de vue, monsieur Perrut, au sujet de la réversion ; je considère au contraire que ce que nous proposons peut apporter une grande satisfaction pour les ressortissants des treize régimes devant passer dans le système universel. En ce qui concerne les 85 % du SMIC, je ne vais pas vous décevoir, connaissant depuis un certain nombre d'années la cohérence de votre pensée : dans le système actuel, on ne peut bénéficier du minimum contributif qu'à condition d'avoir rempli la totalité de sa durée de cotisation ; pour les autres, le minimum contributif se déclenche à l'âge de 67 ans. Si je décline la même cohérence que celle du système actuel, ce sera à 64 ans, et non plus à 67 ans, que le bénéfice du minimum contributif sera ouvert, ce qui à l'évidence constitue une amélioration. En tout état de cause, j'ai trop d'amitié pour vous pour me satisfaire de vous répondre en 30 secondes ; j'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir afin d'approfondir notre discussion.
Martine Wonner, je connais, et je partage, votre sensibilité au handicap psychique, dont le spectre va du mal-être jusqu'aux difficultés liées à la pénibilité au travail. Vous posez une vraie question mais je suis, pour l'instant, dans l'incapacité d'y répondre. En tout état de cause, il me paraît pertinent de profiter de ce débat pour réfléchir à ce problème, notamment sous l'angle de l'accompagnement – je pense en particulier aux nombreux parents dont les enfants sont fragiles.
Marc Delatte, la valeur du point, nous l'avons fixée ; l'indexation est arrêtée, il est évident que, dans le cadre de la gouvernance, toute une série de paramètres permettront des adaptations – mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Patrick Hetzel, j'ai trop de respect pour votre sens des mathématiques pour ne pas souscrire à vos équations. Mais je perçois bien votre habileté, qui consiste à me suggérer, sous le couvert d'une question innocente, une solution qui l'est beaucoup moins, notamment par le fait qu'elle ferait exploser le budget ! Vous affirmez que les familles nombreuses seront perdantes. Or, je le rappelle, dans le système actuel, la majoration est de 20 % pour les personnes ayant élevé trois enfants, et nulle pour ceux qui n'en ont élevé qu'un alors que, demain, elle sera de 20 % pour ceux qui ont élevé quatre enfants et de 25 % pour ceux qui en ont élevé cinq. Je suis donc en quelque sorte votre ambassadeur par anticipation, puisque les familles nombreuses seront plus avantagées dans le système que je propose. Et surtout, à la différence d'aujourd'hui, les familles monoparentales bénéficieront de droits dès le premier enfant. Qui plus est, je connais trop votre attachement à la défense de la femme pour croire que vous acceptez le privilège dont jouissent les hommes dans le système actuel, qui augmente leur pension au détriment des femmes. Or, dans le cas d'une famille de trois enfants dont le dernier a moins de trois ans, le taux d'activité des hommes reste de 70 % alors que celui des femmes tombe à 30 %. Ce système, qui a du reste été dénoncé sur tous les bancs, a ainsi tendance à pénaliser les femmes. C'est pourquoi, dans le souci de corriger les préjudices de carrière, nous préconisons un dispositif dans lequel, si les familles de trois enfants sont effectivement perdantes, beaucoup de femmes sont gagnantes – mais on peut ne pas partager ce point de vue.
Delphine Bagarry, vous avez raison, le système est si complexe qu'il est difficile à saisir. L'important, c'est de comprendre que notre proposition de fixer l'âge d'équilibre à 64 ans nous paraît concilier les exigences de justice sociale et de consolidation budgétaire. Ce n'est ni une réforme de droite, qui est souvent comptable, ni une réforme de gauche, qui consiste souvent à accorder des majorations ; c'est une réforme juste, en ce qu'elle concilie ces deux démarches. Les personnes souhaitant partir à 62 ans ne seront donc pas stigmatisées. N'oublions pas que le système actuel prévoit déjà une décote à 62 ans, décote qui, si vous devez partir à 65 ans, peut atteindre plus de 20 %. Demain, elle sera limitée à 10 % ; le futur dispositif est donc plus avantageux. On débat du futur système en ignorant le système actuel. Je prendrai donc tout le temps nécessaire pour établir des comparaisons et souligner à quel point nous avons le souci de réduire l'écart en faveur des travailleurs aux carrières heurtées, des femmes... Fixer un âge pivot à 64 ans me semble la solution la plus juste, mais si nous pouvons l'améliorer ensemble, j'en serai ravi.
Dominique Da Silva, beaucoup des éléments que vous évoquez relèveront du dialogue social, mais il est des principes auxquels on ne peut pas déroger. Dans un régime universel, si l'on estime nécessaire de fixer un seuil de pénibilité lié au travail de nuit, s'applique le principe : à professions identiques, critères identiques, solution identique.
Monsieur Brahim Hammouche, je regrette qu'on vous ait contraint à abréger votre conclusion, car je la trouvais sympathique. Je reconnais là la cruauté de la présidente... ! Plus sérieusement, l'espérance de vie sera l'un des facteurs au coeur de l'équilibre du système. Par ailleurs, nous n'avons pas prévu de rachat de points pour l'instant : nous maintenons le dispositif actuel – mais c'est un sujet dont nous pourrons discuter.
Sylvain Maillard, vous m'avez interrogé sur les périodes de service militaire. À cet égard, je rappelle que nous garantissons le maintien de 100 % des droits acquis au moment où l'on basculera de l'ancien système vers le nouveau. Dans le système actuel, beaucoup de bonifications consistent à majorer le nombre de trimestres cotisés mais n'augmentent pas la pension – c'est déjà un peu compliqué – et nombre de dispositifs confèrent des droits inutiles. Le service militaire relève de la première catégorie : c'est un octroi de durée, non une augmentation de la pension. Quoi qu'il en soit, dès lors que nous garantissons la totalité des droits acquis, celles et ceux qui ont accompli un service militaire verront celui-ci intégré dans le calcul de leurs droits acquis. Pour l'avenir, puisque chaque revenu donnera des points, il n'y a aucun problème dans ce domaine, y compris pour le service civique des jeunes, qui peuvent améliorer ainsi leur situation.
Monique Iborra, nous sommes parfaitement en phase avec votre demande. Au-delà de l'âge d'équilibre, qui est de 64 ans, la personne qui souhaite cumuler un emploi et sa retraite pourra acquérir des droits pour augmenter sa pension. Bien entendu, nous estimons que cela n'est valable qu'une fois. Il faudra que nous étudiions cela de façon approfondie avec les parlementaires mais, si une personne décide de retravailler à 65 ans puis s'arrête au bout de six mois et liquide une seconde fois sa carrière, elle ne pourra pas recommencer à 67 ans. Toujours est-il que beaucoup de personnes travaillant au noir pourraient ainsi avoir intérêt à ce que leur emploi soit déclaré – je pense notamment à celles qui exercent des emplois à domicile, puisque beaucoup de retraités s'occupent de cette manière. Il s'agit d'une question intéressante, que nous devrons étudier – je pense, à cet égard, au rapport de Charlotte Lecocq.
Annie Vidal a évoqué les proches aidants. Dans le prolongement du rapport commandé par Mme Agnès Buzyn sur le sujet, nous étudierons la manière dont, si des revenus sont accordés aux aidants, on peut leur permettre d'acquérir des points dans ce cadre.
Monsieur Thierry Michels, en ce qui concerne les personnes handicapées, le dispositif reste le même : la possibilité de partir à 59 ou 55 ans sera maintenue. Cependant, elles doivent actuellement, pour ce faire, remplir une double condition liée à la durée cotisée et à la durée globale. Demain, le départ anticipé ne sera plus soumis qu'à une condition. Nous améliorons ainsi la situation des personnes handicapées en simplifiant les choses. Elles pourront partir à taux plein à compter de 55 ans.
Madame Monique Limon, nous ne créons pas de cotisation déplafonnée ; elle existe déjà, de même que les surcotisations que j'évoquais tout à l'heure à propos des régimes complémentaires. Nous maintenons donc le dispositif actuel et nous affichons très clairement notre volonté que celui-ci soit également payé par celles et ceux dont les revenus excèdent 120 000 euros. Une affectation est-elle prévue pour cette cotisation ? Non, mais son produit alimentera les dispositifs de solidarité de l'ensemble du système, dont le Fonds de solidarité vieillesse.
Madame Fadila Khattabi, votre question sur la soutenabilité est tout à fait pertinente. Nous respectons les trajectoires financières prônées par le Gouvernement. Le Premier ministre a en effet exigé que le système universel accompagne les courbes du COR et ne dégrade pas les trajectoires financières. Nous sommes parfaitement en phase avec cet objectif – nous vous communiquerons tous les éléments. Sur l'équilibre en 2025, la réponse vous sera apportée dans le cadre du dialogue qui doit s'ouvrir.
Madame Catherine Fabre, nous avons soutenu la proposition du Premier ministre de réfléchir au travail des seniors. Je souhaite que, sur le plan culturel, la France prenne conscience que celui-ci est une richesse, que le travail plurigénérationnel est plus dynamique que le travail monogénérationnel et que lorsqu'on investit sur une personne de 55 ans, le retour sur investissement est positif. C'est la raison pour laquelle nous devrons réfléchir de manière très précise, comme le souhaite également Laurent Pietraszewski, à la question du travail des seniors et du basculement vers la retraite.
Mme Christine Cloarec m'a interrogé sur l'accessibilité en ligne et la mise en place de plateformes ; nous n'avons pas vocation à créer des outils supplémentaires, mais nous pourrons, le cas échéant, améliorer la performance de ceux qui existent. Au demeurant, nous avons le souci de développer la qualité des services fournis aux personnes âgées et aux futurs retraités, en mettant notamment à leur disposition des simulateurs pour qu'ils puissent avoir connaissance des éléments nécessaires pour déclencher leur départ à la retraite. Puisque tout sera numérisé, nous offrirons, grâce à un redéploiement des moyens, à celles et ceux qui n'auraient pas accès à la numérisation – soit parce qu'ils y sont réfractaires, soit parce que la fracture numérique les en empêche – un accompagnement personnalisé qui leur permettra d'accéder aux meilleurs services. En outre, des rendez-vous seront proposés aux cotisants, à 35 ans et 45 ans, pour les informer sur leur future retraite.
Enfin, Charlotte Lecocq, vous avez mis l'accent sur un problème douloureux. La situation des agriculteurs actuellement à la retraite est souvent la conséquence de leurs propres choix. Ainsi, j'ai reçu récemment une agricultrice qui reconnaissait que son mari n'avait pas voulu cotiser. C'est souvent le cas également d'un certain nombre d'artisans et de commerçants, qui estimaient que la cotisation était superflue et réduisait d'autant leurs bénéfices ; ce faisant, ils ont souvent laissé leur veuve dans une situation de grande précarité. Il existe actuellement un dispositif de solidarité, l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), mais les agriculteurs l'utilisent peu. Il faut que nous sachions pourquoi, dès lors que le Gouvernement a exclu du champ de la récupération sur succession l'outil de travail pour ne garder que l'habitation. Néanmoins, très souvent, l'agriculteur ne souhaite pas recourir à cette allocation, pour des raisons d'héritage ou d'histoire familiale. Dans le régime universel que nous créons, si nous réglons le problème du stock grâce à une solidarité nouvelle, il conviendrait de l'étendre aux artisans et aux commerçants. Or c'est budgétairement impossible. C'est pourquoi je vous invite à réfléchir avec les professions agricoles à l'amélioration et à la modernisation de l'ASPA. Le monde agricole, et je m'en réjouis, bénéficie d'une solidarité forte : 85 % des retraites des agriculteurs sont financées par l'impôt – il faut souligner que la solidarité nationale joue lorsqu'interviennent des retournements démographiques. Quoi qu'il en soit, il me paraît important que les agriculteurs puissent bénéficier d'un outil existant, qui peut être étendu aux artisans et commerçants. Cependant – je l'ai dit avec mon langage un peu franc, et je m'en excuse –, si je suis déterminé à faire en sorte que les personnes qui sont dans une situation précaire bénéficient au maximum de la solidarité, il me paraît normal de la refuser à celles qui demandent à en bénéficier au motif qu'elles n'ont pas de retraite mais qui possèdent par ailleurs trois ou quatre appartements. Les choses là-dessus doivent être très claires. Il faut savoir être exigeant.
Vous avez abordé une seconde question, qui a été évoquée par le Président de la République. Les agriculteurs souhaitaient que le minimum contributif passe à 85 % du SMIC. Je salue d'ailleurs le sens des responsabilités des représentants agricoles, notamment ceux de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, avec lesquels nous avons discuté. Nous allons abaisser le minimum de 1 600 heures SMIC à 600 heures, de sorte que, pour beaucoup d'agriculteurs, les cotisations minimales pour garantir le minimum contributif diminueront, et nous allons augmenter celui-ci à la hauteur de leurs exigences, soit 85 %. Il faut qu'avec mes équipes, le ministre de l'agriculture et le Premier ministre, nous travaillions, comme l'a souhaité le Président de la République, à la mise en application la plus rapide possible de cette augmentation du minimum contributif, qui concernerait notamment beaucoup d'artisans, de commerçants et d'agriculteurs.
Permettez-moi, monsieur le haut-commissaire, de vous féliciter très sincèrement et de vous remercier pour la qualité de vos réponses, d'autant plus que vous avez été jusqu'à les personnaliser, ce qui est rarement le cas. (Applaudissements.)
La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 15 heures
Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Charlotte Lecocq, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, M. Laurent Pietraszewski, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Nicole Sanquer, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Élisabeth Toutut-Picard, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. – Mme Ericka Bareigts, Mme Justine Benin, M. Jean-Pierre Door, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Michèle de Vaucouleurs
Assistaient également à la réunion. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Bertrand Bouyx, M. Gilles Carrez, M. Pierre Cordier, Mme Stella Dupont, M. Bruno Fuchs, M. Éric Girardin, Mme Florence Granjus, M. Patrick Hetzel, M. Marc Le Fur, M. Patrick Mignola, M. Jean-Marie Sermier, Mme Michèle Victory