Madame la présidente, je vous félicite également, au nom du groupe Socialistes et apparentés, pour votre réélection.
Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie pour votre exposé. Désormais, le sujet est moins le système de retraite par points lui-même que l'exécution. Sur le papier, on peut penser, au fond, qu'entre les mains d'économistes, le projet peut tenir debout ; mais on sait que son exécution peut se transformer en cauchemar.
Vous avez répondu à un certain nombre de questions, mais bon nombre d'interrogations demeurent.
Premièrement, en ce qui concerne le niveau des pensions, on dispose traditionnellement de trois leviers pour équilibrer le système de retraite : l'âge, le niveau des pensions et le taux de cotisation. Jusqu'à présent, on jouait sur chacun d'eux – tout était une question de dosage. Là, vous modifiez la logique du dispositif en proposant de substituer à un système de prestations définies un système de cotisations définies. Or, ainsi que Pierre Dharréville l'a indiqué, vous insistez sur le fait que la réforme doit se faire à « moyens constants ». On peut donc imaginer que la part des pensions restera à peu près constante, de l'ordre de 14 %, voire un peu moins. Nous savons pourtant que, du fait de l'allongement de l'espérance de vie, le nombre de retraités augmentera fortement dans les années à venir. Compte tenu de ces données de départ, un important décrochage – de l'ordre de 20 % à 30 %, si l'on s'en tient aux chiffres du COR – du niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs est à prévoir. On peut également s'attendre, dès lors qu'il ne sera plus possible de relever les cotisations, à ce que, dorénavant, l'équilibre financier ne puisse plus être obtenu que par une baisse des pensions, assortie d'un report de l'âge individuel. Je souhaite donc vous poser deux questions extrêmement précises : quelle est la baisse du taux de prélèvement prévu, en moyenne et par génération ? Pourquoi avez-vous évacué la possibilité d'utiliser le levier des cotisations ?
Deuxièmement, je rejoins à la fois Pierre Dharréville et Stéphane Viry sur l'âge pivot ; je me concentrerai donc sur la question du recours à la capitalisation. Aujourd'hui, à 60 ans, moins d'un actif sur deux est dans l'emploi, de sorte que les mesures d'incitation à poursuivre le travail sonnent un peu creux : il nous faudra réfléchir au problème de l'emploi des seniors. En tout état de cause, on voit bien que travailler plus longtemps ne sera pas possible pour tout le monde, ce qui, dans le système actuel et plus encore dans le système proposé, risque de conduire, pour beaucoup, à une baisse des pensions. Dans quelle mesure cette baisse prévisible des pensions ne va-t-elle pas encourager le développement de retraites par capitalisation, soit individuelles, soit au niveau des entreprises lorsqu'elles le peuvent ?
Ma troisième question a trait à la gouvernance. Depuis deux ans, les lieux du paritarisme ont été sérieusement émoussés ; il en restait un : les retraites complémentaires. Votre proposition ne marque-t-elle pas un nouveau recul du paritarisme à cet égard ?
Quatrième point, la transparence. Vous avez annoncé vous-même que la reforme feraient des gagnants et des perdants. Mais, parmi les neuf cas-types que vous présentez dans votre rapport, huit sont gagnants. De surcroît, aucun document, sauf erreur de ma part, n'illustre les enjeux de la réforme pour les groupes de personnes dont la situation suscite des interrogations ; je pense aux enseignants, aux cadres et aux bénéficiaires des minima sociaux. Plutôt que des cas choisis à dessein pour illustrer positivement la réforme, ne pourrait-on pas disposer de simulations à grande échelle qui permettraient de cerner ce que l'on appelle les « effets de bord » de votre réforme ? Nous attendons toujours ces simulations à court, moyen et long terme.
Enfin, on a évoqué la situation de la génération de transition. Les personnes qui sont aujourd'hui proches de la retraite ne devraient pas être concernées par la réforme. L'hypothèse d'une réforme paramétrique en 2020 a été évacuée, mais, puisque vous évoquez un équilibre du système avant 2025, des mesures paramétriques interviendront avant cette date. Subsistent deux incertitudes. Par exemple, les personnes de la génération de 1963 ayant cotisé 42 annuités peuvent actuellement compter sur un départ à 62 ou 63 ans, en 2025, avec une pension à taux plein. Or, dans votre rapport, vous indiquez que cette génération sera la première à être concernée par la réforme et qu'en 2025, on pourra partir avec une retraite à taux plein à 64 ans. Ma question est donc très précise : une personne qui partira à la retraite à 63 ans, en 2025, en ayant cotisé 42 annuités subira-t-elle ou non la décote de 5 % ?