Permettez-moi tout d'abord, madame la présidente, de saluer votre réélection à la présidence de notre commission.
Monsieur le haut-commissaire, au terme de ces dix-huit mois de concertation, je tiens à vous assurer de la volonté du groupe Les Républicains d'aboutir, autant que faire se peut, à un consensus sur l'atterrissage de cette réforme à laquelle vous avez ardemment travaillé. Celle-ci intervient après un travail de maturation et de convergence entrepris dès 2003 et qui s'est poursuivi en 2010, avec la réforme Woerth, laquelle décrit le schéma dans lequel vous vous inscrivez. Nous ne pouvons donc que souscrire à l'architecture globale, à la maquette que vous avez conçue.
Il n'en demeure pas moins qu'à ce stade, nombre d'interrogations, d'incertitudes et d'inquiétudes majeures demeurent, en dépit de votre pédagogie et de votre dialectique. Si j'ai bien compris, vous préconisez une réforme consistant à généraliser un régime unique de retraite par points – et, par voie de conséquence, à supprimer les régimes spéciaux – et à instaurer un âge pivot de 64 ans, qui donnerait accès à la retraite à taux plein – l'âge légal demeurant fixé à 62 ans – ainsi qu'un minimum de retraite égal à 85 % du SMIC.
Un tel dispositif ne soulève pas de problème. Il serait, en effet, plus simple, plus compréhensible et plus transparent en substituant aux quarante-deux régimes actuels un régime unique. Je m'interroge toutefois sur une formule qu'a employée Mme la ministre des solidarités et de la santé, hier, lors des questions au Gouvernement. Mme Buzyn a en effet indiqué, en réponse à une question que je lui posais, que vos travaux permettaient de créer un « système cible » auquel pourraient être ajoutées des options, des variantes, des spécificités. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cette formule ?
Notre système de retraite doit être lisible – les Français doivent y voir clair –, il doit apporter de la sérénité, en apaisant les angoisses, et il doit favoriser la responsabilité. En effet, la retraite est avant tout le fruit de décisions individuelles prises tout au long de la vie, notamment professionnelle : c'est le résultat d'une carrière. Il serait donc regrettable que la collectivité continue à compenser les difficultés ou à combler les trous provoqués par l'inconséquence ou l'irresponsabilité de certains. Je souhaiterais donc savoir si vos préconisations comportent des éléments – je pense au système de surcote et de décote – de nature à responsabiliser les Français.
S'agissant du calendrier de la réforme, vous avez indiqué que vous ne le maîtrisiez pas et qu'il dépendait du Gouvernement. Néanmoins, préconisez-vous que le prochain PLFSS inclue des mesures qui anticipent sur un certain nombre de décisions nécessaires à l'équilibre des régimes ?
Nous nous interrogeons également sur la garantie de la valeur du point. La vie est faite d'aléas, conjoncturels – on ne sait jamais ce que sera l'économie – ou structurels : quid de la démographie de notre pays ? La valeur du point est-elle entourée de garanties et, question subsidiaire, qui la fixera ? C'est un élément essentiel que nous devons connaître pour nous assurer qu'il n'y aura pas de régression.
Par ailleurs, des réserves ont été constituées, au fil du temps, par différents régimes, grâce à leur bonne gestion. Ces réserves sont le fruit des cotisations prélevées sur les bénéficiaires. Or, j'ai relevé que vous souhaitiez constituer ainsi un pactole qui, je le sais, suscitera des crispations. De fait, ce n'est pas forcément le meilleur message que l'on puisse adresser à celles et ceux qui ont fait preuve de prudence et qui ont su préparer l'avenir de leur régime.
Ma dernière question, essentielle et transversale, porte sur le montant des pensions et, plus généralement, sur le taux de remplacement. On promet un système en équilibre en 2025. Dès lors que vous raisonnez à enveloppe constante, c'est-à-dire avec le même budget, il y aura fatalement des perdants. Qui seront-ils ? Qu'en sera-t-il des droits familiaux ?
J'en viens à ma dernière question. L'âge de départ me paraît être, en l'état, une hypocrisie. On aura le droit, avez-vous dit, de partir à la retraite à 62 ans. Certes, mais à quel prix ? Et à quel âge le taux minimal de 85 % du SMIC s'appliquera-t-il : à 62 ans ou à 64 ans ? Je crains que la promesse selon laquelle les pensions ne baisseront pas ne soit pas tenue, compte tenu de cette interrogation.