Exactement, et c'est un homme du Sud qui parle !
Vous avez également souhaité associer les territoires à cet exercice, et faire appel à leur appréhension particulière des infrastructures. Trop souvent, il a été dit que rien n'avait été fait jusqu'alors – refrain bien connu – et que 2017 avait été l'année zéro des mobilités et des transports. Or, en faisant appel à Philippe Duron, vous avez rendu hommage au travail qu'il avait lui-même réalisé au sein de la commission « Mobilité 21 ». Dans ce cadre, il avait déjà procédé à un exercice de tri. En effet, le schéma national des infrastructures terrestres avait été l'occasion d'identifier de nombreuses infrastructures, dont toutes ne pouvaient pas être financées. Philippe Duron s'est livré avec talent à cet exercice, de telle sorte que des infrastructures routières, ferroviaires ou fluviales soient accompagnées financièrement, en réponse aux besoins qui s'exprimaient sur l'ensemble du territoire. Convenez-en, il n'apparaît pas aujourd'hui d'infrastructure nouvelle. Un tri a plutôt été effectué, dans le dessein de réaliser une forme d'économie.
Je m'étonne d'ailleurs d'entendre que l'on ne parlera plus désormais de grandes infrastructures, mais uniquement de transports du quotidien. Un examen détaillé de la carte et de la liste des infrastructures voulues, figurant dans le rapport annexé issu des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures, permet au contraire de constater qu'il s'agit de lignes à grande vitesse et d'axes autoroutiers. Autant dire que ce sont peu ou prou des infrastructures déjà connues, parmi lesquelles un tri a simplement été opéré.
Si l'on avait voulu parler de transports du quotidien, l'on aurait dû concentrer l'effort sur les petites lignes, notamment ferroviaires, susceptibles de créer des solutions alternatives pour tous ceux qui n'ont d'autre choix que d'utiliser leur voiture. Ce sujet est essentiel dès lors que l'on entend traiter la question des petites lignes. Certes, il est de coutume, en pareilles circonstances, de tenir un discours sur l'héritage laissé par d'autres – c'est de bonne guerre. En la matière, soyons néanmoins prudents.
Soyons également prudents en ce qui concerne le financement de l'AFITF, dont je rappelle que Philippe Duron a été le président. Entre 2012 et 2017, le budget de l'AFITF a été abondé. Je ne suis pas certain qu'il en sera de même entre 2017 et 2022, à voir l'enthousiasme mesuré que vous manifestez à ce sujet.
Outre un état d'esprit constructif, nous avons été animés par trois exigences. La première portait sur la méthode permettant de mettre en oeuvre notre ambition. Vous avez affiché à juste titre une ambition en matière de décarbonisation des transports et avez annoncé la fin des moteurs thermiques. Gardez-vous toutefois de confondre le stock et le flux. Sachant que le parc automobile français compte moins de 2 % de voitures électriques, nous avons un long chemin à parcourir. L'objectif de décarbonisation des transports terrestres nécessite de dessiner une trajectoire, mais aussi de déterminer une méthode. Tel était l'objet des amendements que nous avons déposés. La fixation d'une interdiction des véhicules thermiques à l'horizon de 2040 rend plus difficile l'atteinte de ce cap. Nous partons en effet d'un parc automobile comprenant 40 millions de véhicules, dont à peine 2 % sont électriques. Autant dire que la pente est assez raide.
Notre deuxième exigence concernait le transport aérien. Au début de l'examen du texte, il y a quelques mois, l'on semblait considérer que l'aérien ne comptait pour rien. Heureusement, grâce à la présence d'élus aux positions contrastées, ce sujet a été traité comme il se devait. Notre rapporteure Bérangère Abba a déposé un amendement bienvenu sur la taxe de solidarité sur les billets d'avions, dite taxe Chirac. De la même façon, après le vote du texte en première lecture, Mme Borne a repris une de nos propositions relative à une éco-contribution de l'aérien, qui ne porte pas atteinte à la continuité territoriale et tient compte des transports aériens partant de France.
Loin d'être purement symbolique, cette question a toute son importance. Dans les premiers temps du mouvement des « gilets jaunes », alors que les griefs portaient sur la taxation carbone, beaucoup ne comprenaient pas que l'argent issu de cette dernière ne soit pas utilisé pour favoriser la transition écologique. Plus encore, beaucoup avaient le sentiment que s'exerçaient deux poids et deux mesures entre, d'une part, les usagers de l'automobile, et d'autre part ceux du transport aérien, qui étaient exonérés de la taxation carbone. En la matière, vous avez donc choisi le bon chemin.
Il faut néanmoins aller encore plus loin. En effet, les taxes que vous proposez ont un effet « pigouvien » – du nom de l'économiste auquel elles doivent leur nom, Arthur Cecil Pigou – , c'est-à-dire qu'elles visent des comportements. Or en Suède, où de telles taxes sont mises en oeuvre, l'on voit des citoyens renoncer à l'avion. La taxe ne rapporte alors pas davantage d'argent, voire conduit à en collecter moins.
Notre troisième exigence concernait le financement. Je ne reviendrai pas sur celui de l'AFITF : il en a été question dans cette enceinte, et des propositions seront formulées au cours du débat. Je m'attarderai sur le financement des collectivités qui prendront la compétence mobilité. Une attente assez forte s'exprime en la matière. Ces collectivités ont la volonté de s'engager dans la démarche, conscientes qu'elles ont intérêt à faire confiance aux territoires concernés et à utiliser tous les moyens à leur disposition. Toutefois, cela ne doit pas se traduire par un transfert de compétence sans transfert de charge. Rassurons les élus et prouvons-leur qu'ils pourront se lancer dans la dynamique et oeuvrer à la suppression des zones blanches de mobilité en bénéficiant de financements.
Tel est l'état d'esprit dans lequel nous nous attacherons à améliorer encore le texte jusqu'à la fin de son examen.