Comme l'a révélé le premier rapport du Haut Conseil pour le climat, publié en juin, et en dépit des bavardages médiatiques, la France n'est pas au rendez-vous de la transition écologique. Le décalage par rapport aux objectifs que notre pays s'est lui-même fixés provient en particulier des émissions liées aux transports, qui n'ont pas diminué depuis dix ans, et de celles provenant des bâtiments, qui ont diminué trois fois moins vite que ce qui avait été anticipé. Le rythme actuel de mise en oeuvre des engagements pris dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en 2015, n'est pas le bon.
Nous aurions pu espérer que le projet de loi relatif à l'énergie et au climat tirerait les enseignements de cet échec et accélérerait le mouvement ; au lieu de quoi vous nous proposez, une fois de plus, un texte d'affichage et des objectifs en trompe-l'oeil. En voici trois exemples.
Alors que les émissions de gaz à effet de serre importées représentent 40 % de notre empreinte carbone, l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050 ne les comptabilise pas. Le Haut Conseil pour le climat avait pourtant insisté sur la nécessité de prendre en compte les émissions provenant des transports internationaux et de veiller à maîtriser les émissions liées à nos importations. Dès lors, la présentation des conditions d'atteinte de la neutralité carbone demeure totalement biaisée, insincère et, pourrait-on dire, isolationniste.
Par ailleurs, si le texte ne perd pas de vue, comme nous le réclamions, l'objectif de réduction de 50 % de la consommation finale d'énergie en 2050 par rapport à 2012, encore faut-il que nous nous donnions les moyens d'y parvenir.
Or, le Haut Conseil fait état d'un manque d'investissements publics et privés pour le climat de plus de 40 milliards d'euros en 2018 dans les secteurs clés des transports, des bâtiments et de la production d'énergie. À titre de comparaison, les investissements qui entretiennent l'utilisation des énergies fossiles en France ont atteint 75 milliards d'euros en 2017. Les manquements de l'État et ceux du système bancaire, dont votre gouvernement protège les intérêts, sont donc criants.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine pointe, en deuxième lieu, l'absence de vision stratégique. En effet, une vision rationnelle de l'évolution du mix énergétique devrait associer développement équilibré des filières renouvelables, rénovation des capacités nucléaires historiques, maintien de capacités thermiques rénovées suffisantes pour gérer les tensions du système et investissement dans la recherche. Le mix énergétique n'est pas, pour nous, à ce stade sécurisé, alors que la sécurité d'approvisionnement du pays laisse à désirer. Vous préférez pour votre part poursuivre la désintégration des opérateurs publics : c'est l'objet de la négociation ouverte avec Bruxelles sur la séparation des activités d'EDF entre production – le fameux paquet bleu – et distribution – le paquet vert – , séparation qui fait courir notamment le risque d'une explosion des prix de l'électricité.
Le temps me manque pour évoquer l'ensemble de dispositions de ce texte, mais la cerise sur le gâteau est bien entendu, en cohérence avec les choix que je viens d'évoquer, les mesures mettant fin aux tarifs réglementés du gaz et de l'électricité, mesures qui portent en germe l'apparition d'une jungle tarifaire d'autant plus dangereuse que la précarité énergétique augmente. Nous vous en prions, madame la ministre : cessez d'argumenter sur la baisse des tarifs, alors que tous les éditorialistes des journaux du matin démontrent le contraire et que nous avons lancé l'alerte sur cette question voici déjà plusieurs mois.