Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du mercredi 11 septembre 2019 à 21h30
Mobilités — Article 26 aa

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Il est vrai que la discussion a déjà eu lieu, mais permettez-moi, malgré tout d'insister sur ce point.

Il ne s'agit pas de se livrer à un concours de dates mais plutôt de définir une trajectoire. Sommes-nous bien partis pour atteindre l'objectif, que vous avez fixé et auquel nous souscrivons, de la décarbonation des transports ? Non. Si j'en crois le GIEC – groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat– et le Haut conseil pour le climat, nous sommes mal partis.

On observe une augmentation des ventes de véhicules de type SUV qui émettent bien plus de CO2 et nous éloignent de façon dramatique de la trajectoire permettant de respecter les engagements pris, notamment dans l'accord de Paris.

Nous avons débattu avec le rapporteur, dont je souligne les compétences et la qualité d'argumentation, du risque de mettre en difficulté les constructeurs en avançant à 2030 la date butoir. Pour évaluer ce risque, il faut distinguer le stock et le flux. S'agissant du stock, c'est-à-dire au vu de l'état des lieux du parc automobile français, nous sommes mal partis : la France compte à peine 2 % de véhicules électriques contre 90 %, voire 94 % de véhicules thermiques. La barre est haute, il va donc falloir passer la surmultipliée.

Si l'on continue au rythme actuel, il faudra un temps considérable pour atteindre l'objectif. Le moyen d'accélérer les choses, c'est l'interdiction de la vente des véhicules thermiques, que vous fixez à 2040. Or, si l'on commence à utiliser ce moyen à partir de 2040 seulement, je crains que l'on ait les plus grandes difficultés à atteindre l'objectif de décarbonation du secteur des transports à la date que vous avez fixée, soit 2050.

D'ailleurs, il ne faut pas confondre l'interdiction de la vente des véhicules thermiques avec l'interdiction de ces véhicules eux-mêmes. Le parc actuel comptant environ 40 millions de véhicules et le cycle de vie des véhicules étant – vous l'avez rappelé en commission – de dix à douze ans, l'interdiction de la vente des véhicules thermiques à une date donnée ne va pas accélérer les choses du jour au lendemain.

Par cet amendement, qui vise à avancer de cinq ans les échéances fixées à l'article 26 AA, notre volonté est d'accélérer la trajectoire pour atteindre l'objectif. On nous dira qu'il ne faut pas trop contraindre les constructeurs. C'est l'approche privilégiée aujourd'hui, mais on voit bien que les choses nous échappent. Lorsque l'on constate que les ventes de SUV augmentent, on se dit qu'on ne peut pas faire entièrement confiance aux constructeurs à ce sujet.

Par ailleurs, nous n'avons pas à craindre le développement des véhicules électriques, car nos constructeurs fabriquent, sur notre territoire – c'est heureux – , les éléments indispensables à ces voitures. Tel est le cas de l'usine Renault de Cléon, dans ma région, qui fabrique des moteurs électriques. Nous sommes présents sur cette niche. Dès lors, aider au déploiement de la voiture électrique serait un bon signal. En se fixant cet objectif, on ne perturberait pas les constructeurs, on les accompagnerait plutôt.

Il faut d'ailleurs accompagner également les automobilistes, notamment pour qu'ils changent de véhicule – vous avez défendu des mesures en ce sens. Il faut aussi modifier la fiscalité écologique, car il y a, vous le savez comme moi, une aberration : dans la mesure où cette fiscalité porte non sur le véhicule, mais sur le carburant, elle favorise parfois les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Il faut donc mettre sur la table un ensemble de dispositions pour atteindre l'objectif.

Notre proposition est confortée par une étude publiée récemment par l'ONG Greenpeace, qui a étudié en détail les ventes des quinze plus gros constructeurs européens, en faisant appel, dans certains pays, à des organismes indépendants. Elle est arrivée à la conclusion qu'il était tout à fait envisageable de fixer des échéances autres que celles qui figurent dans le projet de loi, à savoir 2035 au lieu de 2040 pour la fin de la vente des véhicules thermiques, et 2045 au lieu de 2050 pour la décarbonation du secteur des transports. Ces objectifs ne sont pas inatteignables ni farfelus. Tout cela s'appuie sur des éléments objectifs.

Nous avons déjà eu ce débat. Je viens d'apporter de nouveaux arguments. J'attends ceux du rapporteur avec beaucoup d'impatience.

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