Hier encore, à Kaboul et à Charikar, deux attentats meurtriers ont causé au moins quarante-huit morts et de très nombreux blessés, endeuillant la campagne présidentielle qui doit conduire au scrutin du 28 septembre prochain.
À Kaboul, la cible était un centre de recrutement de l'armée. À Charikar, dans la province de Parwan, ce sont les participants à un meeting du Président Ashraf Ghani qui ont été visés par un terroriste kamikaze. Ces deux attaques ont été revendiquées par les talibans, qui considèrent le scrutin du 28 septembre comme illégitime et ont annoncé qu'ils feraient tout pour troubler son organisation.
Facteur aggravant : ce processus démocratique déjà chaotique, marqué par deux précédents reports du scrutin, est doublement menacé. De fait, en plus de l'hostilité des talibans, les anciens seigneurs de la guerre multiplient les signes de défiance et de désintérêt, préférant se concentrer sur leurs fiefs, ce qui accroît les risques de fragmentation du pays, alors même que le gouvernement afghan ne contrôle que la moitié du territoire.
Parallèlement à cette actualité inquiétante et à cette situation politique précaire, l'Afghanistan reste un pays marqué par des difficultés nombreuses et profondes. Comme le souligne notre rapporteure, le pays continue de figurer parmi les moins avancés, malgré le versement, depuis 2001, d'une aide de plus de 40 milliards de dollars. L'insécurité alimentaire toucherait 45 % de la population, et le chômage presque une personne sur deux parmi les 15-25 ans. Pendant ce temps, la narco-économie du pavot et, à un moindre degré, du cannabis est encore fortement présente : on estime que le trafic de stupéfiants représenterait entre 15 et 17 % du PIB afghan.
Malgré quelques avancées en matière de développement humain – notre collègue rapporteure a évoqué la progression des effectifs scolaires et la baisse des taux de mortalité infantile et maternelle – , les préoccupations restent grandes concernant les droits de l'homme. Avant d'examiner le texte, nos collègues sénateurs avaient auditionné le professeur Dorronsoro, qui s'était montré très pessimiste sur de nombreux points, notamment les droits des femmes, et qui avait estimé que les résultats actuels n'apparaissent pas à la hauteur des investissements de la communauté internationale, en particulier de l'Union européenne. Il me semble légitime d'exprimer notre mécontentement – certains sénateurs l'ont fait, d'ailleurs – lorsque des traités ne prennent aucunement en compte la situation réelle.
Si cet accord est louable s'agissant des principes qu'il promeut, il n'est pas contraignant et porte en lui plusieurs contradictions. Quelle peut être la valeur d'un accord européen conclu avec les autorités d'un pays dont seule la moitié est sous le contrôle du gouvernement légitime ? Comment faire appliquer des principes tels que l'égalité entre les femmes et les hommes ou encore les droits de l'homme dans un contexte complexe, alors qu'une partie de la population est pour le moins rétive à ces valeurs ? Comment promouvoir l'application d'un accord international, alors que la paix et la stabilité restent à construire sur le terrain et qu'elles dépendent avant tout d'un accord interne interafghan et interethnique encore loin d'être atteint ? Par ailleurs, pourquoi l'Union européenne, qui est l'un des principaux donateurs financiers de l'Afghanistan, n'est-elle pas impliquée dans les pourparlers de paix, qu'ils soient d'initiative américaine ou russe ? Le présent accord de partenariat comprend pourtant plusieurs articles visant la consolidation de la paix et la sécurité internationale.
Enfin, alors que notre assemblée s'apprête à débattre de la politique migratoire, je souhaite relever un problème majeur de cet accord, qui ouvre la voie à la conclusion d'un accord de réadmission juridiquement contraignant entre l'Union européenne et l'Afghanistan concernant les migrants afghans en situation irrégulière. Ce dernier servira de base à des accords de réadmission nationaux. Dans un contexte où le gouvernement français souhaite accélérer l'expulsion des Afghans en situation irrégulière, cet accord est un facteur supplémentaire de risque pour les migrants qui ont fui leur pays en proie à une insécurité endémique. Amnesty International considère que « les renvois d'Afghans sont illégaux et violent le principe de non-refoulement, lequel interdit tout renvoi d'une personne qui l'exposerait à des violations graves de ses droits ».