Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 18 septembre 2019 à 11h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Conseil des prélèvements obligatoires :

C'est effectivement un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires que je vous présente ce matin, intitulé « La fiscalité environnementale au défi de l'urgence climatique ». Ce rapport rend compte de travaux effectués au cours des derniers mois. Pour sa présentation, je suis accompagné de Patrick Lefas, président de chambre à la Cour des comptes, de Catherine Périn, conseillère maître et jusqu'à présent secrétaire générale du CPO, d'Antoine Fouilleron, conseiller référendaire, et de Florian Bosser, auditeur à la Cour des comptes, rapporteurs généraux.

Le rapport s'appuie sur cinq rapports particuliers qui n'engagent pas le CPO, mais qui sont également mis en ligne. Le premier dresse le panorama de la fiscalité environnementale ; le second en analyse le cadre et les contraintes juridiques ; un troisième présente les expériences étrangères et procède à des comparaisons internationales. Enfin, deux rapports particuliers établis par une équipe de rapporteurs émanant de la direction générale du Trésor, de la Cour des comptes, de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et du ministère de la transition énergétique et solidaire analysent de manière détaillée, selon différentes hypothèses, les effets macroéconomiques et microéconomiques de la taxation du carbone.

Après un premier rapport du Conseil des impôts intitulé « Fiscalité et environnement », publié en 2005, le CPO a souhaité revenir sur la thématique de la fiscalité environnementale en 2019 : en quinze ans, cette dernière a profondément évolué et les enjeux sont devenus plus aigus, tant au regard de sa contribution à l'atteinte des objectifs environnementaux – que vous fixez – que de son acceptabilité pour les contribuables.

Les membres du Conseil ont choisi ce thème de travail en septembre dernier, avant que ne débute la contestation de la hausse de la composante carbone prévue par la loi de finances pour 2018, qui avait retenu une augmentation de la valeur de la tonne de carbone de 10,10 euros par an à compter de 2019, pour parvenir à un tarif de composante carbone correspondant à une valeur de la tonne de carbone de 86,20 euros en 2022.

Constatant que les ambitions environnementales de la France – en particulier climatiques – sont de plus en plus hautes, le CPO a souhaité apprécier la pertinence de l'instrument fiscal pour atteindre ces objectifs. La question est d'une grande d'actualité, tant budgétaire qu'économique et géopolitique, et d'une grande sensibilité dans le débat public.

Pour conduire cette réflexion, le CPO s'est appuyé sur des travaux de simulation inédits des effets macroéconomiques de la fiscalité énergétique, en particulier de la fiscalité carbone, sur les ménages et les entreprises et des effets microéconomiques sur les ménages. Il a mobilisé à cet effet deux modèles conçus, pour l'un, par l'ADEME et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et, pour l'autre, par le Commissariat général au développement durable.

C'est la première fois que le CPO mène ses propres travaux de simulation à partir de modèles de l'administration. Il a ainsi pu, en toute indépendance, maîtriser l'ensemble des scénarios et paramètres de calcul et tester les effets des orientations formulées. Enfin, il a porté une attention forte à la question du consentement à l'impôt et aux conditions d'acceptation de l'impôt, au coeur des auditions qu'il a organisées.

Le sujet de la fiscalité environnementale et de la taxe carbone a suscité des débats nombreux et souvent passionnés. Le Parlement en a été le théâtre puisqu'il a été conduit, sur proposition du Gouvernement, à suspendre la trajectoire d'augmentation de la composante carbone jusqu'en 2022 et le rapprochement des tarifs de l'essence et du gazole lors du vote de la loi de finances pour 2019. Dans les prochains mois, l'avenir de la fiscalité carbone devrait encore faire l'objet de nombreux débats puisqu'il figure à l'ordre du jour de la conférence citoyenne pour le climat.

L'ambition du rapport que je présente devant vous ce matin est de contribuer à éclairer de manière indépendante le débat public, les citoyens et les décideurs publics et privés sur la question de l'avenir de la fiscalité environnementale face au défi climatique, dans le cadre et les limites des prérogatives du CPO.

Je dresserai un rapide panorama de la fiscalité environnementale, avant d'aborder les principaux constats liés à la fiscalité énergétique fossile et à la fiscalité carbone sur lesquels le CPO a concentré ses analyses. Je présenterai enfin les conclusions et les orientations du rapport.

Quel est le panorama ? La fiscalité environnementale est généralement définie comme l'ensemble des mesures fiscales ayant un impact sur l'environnement. Cette définition est celle de la comptabilité nationale et elle est utilisée pour les comparaisons internationales. Mais elle ne se limite pas aux seuls instruments ayant une vocation comportementale directe. En 2018, selon cette définition, la fiscalité environnementale représentait quarante-six instruments fiscaux, dont le rendement s'élevait à 56 milliards d'euros. Cet ensemble agrège toutefois des dispositifs fiscaux hétérogènes dont la finalité environnementale n'est pas toujours explicite. Ils représentent 2,4 % du produit intérieur brut (PIB) et 4,9 % des prélèvements obligatoires. En intégrant les dépenses fiscales et certains autres instruments fiscaux, l'enjeu fiscal lié à l'environnement peut être évalué à 87 milliards d'euros, soit 3,7 points de PIB.

En termes de poids dans le PIB, la France a longtemps été en deçà de la moyenne européenne. Avec le développement de la composante carbone, introduite dans la fiscalité sur les énergies fossiles en 2014, la France se situe désormais dans la moyenne européenne. La fiscalité sur l'énergie représente 83 % de la fiscalité environnementale. En son sein, la fiscalité sur les énergies fossiles pèse 34 milliards d'euros, dont 32 pour la seule taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

Le CPO a choisi de centrer ses travaux sur la fiscalité des énergies fossiles, notamment la fiscalité du carbone. Cette fiscalité concentre les principaux enjeux budgétaires mais aussi des enjeux de politique publique climatique et d'acceptabilité pour les contribuables. La fiscalité du carbone a connu la gestation la plus difficile puisqu'elle n'a pu être créée qu'en 2014 – après les tentatives avortées de 2000 et de 2009 en raison de la censure par le Conseil constitutionnel des dispositifs alors proposés.

Si la fiscalité énergétique a historiquement été construite dans une optique de rendement, ses finalités ont évolué depuis deux décennies pour intégrer des objectifs environnementaux et comportementaux. Le renforcement continu des objectifs climatiques de la France a conduit à mobiliser de façon croissante la fiscalité pour inciter les agents économiques à modifier leurs comportements de production ou de consommation.

Depuis la signature du protocole de Kyoto en 1997, les négociations climatiques internationales ont aussi visé à réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment au moyen d'une meilleure tarification du carbone. Au niveau international, la France a beaucoup oeuvré pour l'adoption de l'accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015. Au niveau européen, les paquets énergie-climat fixent un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % en 2030 par rapport à 1990.

Au niveau national enfin, la France a transposé dans la loi les engagements qu'elle a pris aux niveaux international et européen : la loi du 17 août 2015 de transition énergétique pour la croissance verte fixe en droit interne l'objectif ambitieux de réduction de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport à 1990 et de division par quatre de celles-ci en 2050. Ces objectifs sont aujourd'hui en passe d'être renforcés, dans le cadre du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, avec l'ambition de neutralité carbone à l'horizon 2050.

Or l'atteinte de ces objectifs suppose d'accélérer le rythme de réduction des émissions dans les années à venir, comme le rappelait le premier rapport du Haut conseil pour le climat publié en juin dernier. Le rythme actuel est près de deux fois trop faible au regard des cibles retenues. Pour y parvenir, les pouvoirs publics disposent de plusieurs instruments visant à donner un prix au carbone. Parmi ceux-ci, figure le système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre applicable aux trente et un pays de l'Espace économique européen : il concerne les plus gros émetteurs et ne relève pas du champ d'analyse du CPO. L'autre instrument fondamental – complémentaire du marché de quotas – est la fiscalité du carbone.

J'en viens aux principaux constats réalisés par le Conseil sur la fiscalité énergétique fossile et la fiscalité carbone. La fiscalité carbone est un instrument efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce constat résulte des travaux académiques et des comparaisons internationales. Les simulations conduites par le Conseil des prélèvements obligatoires démontrent également que la fiscalité carbone contribue à la réduction des émissions polluantes. Ainsi, en fonction des hypothèses retenues, la reprise d'une trajectoire d'augmentation de la fiscalité carbone permettrait de réduire les émissions carbonées de 5 % à 18 % en 2030 par rapport à 2019.

Mais, si la fiscalité carbone est efficace pour réduire les émissions sur le territoire national, elle a aussi pour effet de stimuler les importations de produits carbonés et les fuites de carbone par le jeu des pertes de compétitivité-prix des entreprises françaises sur le marché domestique et des préférences des consommateurs pour les biens importés : la baisse de l'empreinte carbone de la France pourrait être ralentie par ses importations. Il est donc essentiel de ne pas se limiter aux seules émissions sur le territoire national mais d'envisager toutes les émissions liées à la consommation des Français – d'où l'importance d'une action aux niveaux européen et international.

Les effets macroéconomiques de l'augmentation de la fiscalité carbone sont limités, de l'ordre de quelques dixièmes de points de PIB. Ils peuvent être positifs en fonction des modalités de réutilisation des recettes supplémentaires collectées, soit par la baisse d'autres prélèvements obligatoires, soit par le financement de mécanismes de compensation. Toutefois, les simulations montrent aussi que la fiscalité carbone peut avoir pour effet de dégrader légèrement la balance commerciale, pour les raisons précédemment évoquées.

Les effets de la fiscalité carbone pour les ménages sont hétérogènes. Si la facture énergétique des ménages est globalement stable sur longue période – ce n'est pas totalement intuitif pour nos concitoyens –, sa variation résulte moins de la fiscalité, dont la part relative dans les prix toutes taxes comprises a baissé, que des prix mondiaux des énergies fossiles. À titre d'exemple, la part des taxes dans le prix à la pompe du gazole était de 72 % en 1995 ; elle est de 59 % en 2018. Pour l'essence sans plomb, elle était de 80 % en 1995 ; elle est de 63 % aujourd'hui.

Le CPO a mené une analyse approfondie des impacts de la fiscalité carbone sur les ménages et identifie plusieurs types de situations. Tout d'abord, le poids de la fiscalité carbone pour les ménages est fonction de la consommation de produits énergétiques fossiles, qui résulte essentiellement des pratiques de déplacement en voiture particulière. Ensuite, le poids de la fiscalité carbone est dépendant de la localisation des ménages, avec une grande hétérogénéité territoriale entre les communes rurales et les très grandes agglomérations. Enfin, à l'instar d'autres impôts indirects comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la fiscalité carbone est une imposition régressive : les 20 % de ménages les plus modestes consacrent 7,2 % de leurs revenus à la fiscalité énergétique, contre 2,1 % pour les 20 % de ménages les plus aisés. Le croisement de l'approche par les revenus avec celle de l'hétérogénéité territoriale met donc en lumière une plus grande vulnérabilité des ménages modestes habitant en zone rurale ou dans les unités urbaines de taille moyenne – jusqu'à 20 000 habitants.

Les entreprises représentent 61 % des émissions nationales de gaz à effet de serre et acquittent 36 % du produit de la fiscalité sur les énergies fossiles. Une partie des émissions des entreprises est soumise au marché européen de quotas dont le cours est inférieur au prix du carbone résultant de la fiscalité énergétique – 5 euros la tonne en 2017, proche de 25 euros aujourd'hui pour un prix de référence de la taxe carbone de 44,60 euros hors TVA – et elles n'entrent pas dans l'assiette de la fiscalité carbone. En outre, certains secteurs exposés à la concurrence internationale bénéficient de dispositifs d'exonération. La combinaison de l'ensemble de ces paramètres aboutit à un niveau de tarification effective très hétérogène par secteur comme par type d'énergie fossile.

Les marges budgétaires potentiellement dégagées par la fiscalité carbone sont limitées. Nos simulations soulignent que, si la fiscalité carbone est efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, elle l'est tout autant pour éroder sa propre assiette. À tarifs constants, c'est-à-dire en maintenant le gel de la composante carbone à son niveau de 2019, le produit de la fiscalité sur les énergies fossiles pourrait s'affaisser de 9 milliards d'euros d'ici à 2030. Seule une augmentation de la composante carbone pourrait stabiliser, voire augmenter, le rendement de la fiscalité énergétique fossile à ce même horizon. Les marges de manoeuvre pour parvenir à ce que la théorie économique qualifie de double dividende sont donc limitées…

Quelles sont les principales conclusions et orientations du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires ? La fiscalité carbone est un instrument inséré dans un jeu d'opportunités et de contraintes dont le maniement est complexe. Avec le gel de la trajectoire de fiscalité carbone voté en loi de finances pour 2019, la France a suspendu son principal outil de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre – en dehors du système européen d'échange de quotas d'émissions. Ce coup d'arrêt ne s'est pourtant pas traduit par une limitation des ambitions environnementales. Au contraire, les objectifs, déjà contraignants, de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte sont en passe d'être renforcés avec l'ambition d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

L'atteinte de cette cible suppose la mobilisation active de tous les instruments de politique environnementale – marché de quotas, normes, subventions, fiscalité. Mais il faut également tirer les enseignements de la contestation de l'automne 2018 en termes d'acceptabilité. En s'inscrivant dans cette logique, le rapport formule huit orientations autour de trois axes.

La reprise d'une trajectoire d'augmentation de la fiscalité carbone paraît inéluctable pour espérer atteindre les objectifs que la France s'est assigné. Deux trajectoires de progression des tarifs ont été testées. Une trajectoire modérée reprend l'objectif fixé par la loi du 17 août 2015 de 100 euros la tonne de CO2 en 2030, qui permettrait une baisse des émissions de 5 % par rapport à 2019. Elle occasionnerait un surcoût moyen de 13 euros par an par ménage. Cette trajectoire modérée serait à peine supérieure à l'effet d'une indexation des tarifs de fiscalité énergétique fossile sur l'inflation et n'aurait donc pas d'impact réel sur le pouvoir d'achat des ménages.

La trajectoire plus ambitieuse serait alignée sur la valeur de 250 euros la tonne de CO2 en 2030, retenue par le rapport de la commission présidée par Alain Quinet en 2019. Elle permettrait une baisse des émissions de 18 % en 2030 par rapport à 2019, avec un surcoût moyen de 56 euros par an par ménage.

Toutefois, l'analyse de l'impact de la hausse de la fiscalité carbone sur les ménages ne peut se résumer à la hausse de la facture énergétique moyenne, tant est grande l'hétérogénéité des effets de cette hausse, selon les revenus, la localisation des ménages et leurs pratiques de déplacements. Le choix de trajectoire de fiscalité carbone doit s'apprécier au regard des effets prévisibles sur les ménages comme sur les entreprises, en tenant également compte des contraintes d'une économie ouverte.

Au delà de la trajectoire d'augmentation du tarif de la fiscalité carbone, le CPO propose aussi d'en élargir l'assiette, par la remise en cause progressive des dépenses fiscales qui affectent son efficacité. Ainsi, vingt-trois dépenses fiscales – majoritairement défavorables à l'environnement – sont attachées à la seule TICPE. Leur coût – 5,8 milliards d'euros en 2018 – est en forte croissance. Si l'on ajoute les exonérations dont bénéficient notamment le transport aérien et le secteur maritime, ce sont vingt-six mesures dérogatoires qui représentent plus de 10 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales.

Certaines dépenses fiscales présentent un taux de soutien sectoriel dépassant largement la valeur de la tonne de carbone et font bien plus que compenser le coût des émissions de CO2. C'est en particulier le cas pour le transport aérien et pour le gazole sous condition d'emploi.

On pourrait donc envisager de supprimer les tarifs de remboursement de TICPE en faveur du transport routier de marchandises – 1,1 milliard d'euros – qui amènent à exonérer totalement ce secteur – pourtant émetteur important de gaz à effet de serre – de toute fiscalité carbone. On pourrait également inclure une composante carbone pour les secteurs économiques faisant l'objet d'une exonération – transport aérien international, transport maritime international et national, transport fluvial, pêche. Certains taux réduits sur le gazole non routier pourraient converger vers les tarifs de droit commun.

Le CPO propose de distinguer, voire de dissocier, la taxe carbone des taxes sur les énergies fossiles, comme la TICPE. Cela permettrait d'en faire un instrument distinct du socle de fiscalité énergétique, qui doit garder sa vocation de rendement et pouvoir bénéficier d'une évolution différenciée. Cette dissociation aurait l'avantage d'établir un lien plus clair entre l'objectif environnemental de la fiscalité carbone et l'instrument retenu pour l'atteindre.

Plus largement, la fiscalité carbone gagnerait à être mieux articulée avec les autres instruments de politique environnementale, notamment fiscaux, dans le cadre d'une stratégie d'ensemble. La couverture de plusieurs coûts environnementaux, par exemple dans le domaine des transports, pourrait en effet gagner à davantage mobiliser des instruments fiscaux complémentaires. C'est ainsi le cas des externalités liées à l'usage de la route – taxe kilométrique nationale sur les poids lourds, convergence de fiscalité du gazole vers l'essence, révision des modalités de calcul de la taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation, révision du barème kilométrique de l'impôt sur le revenu – ou de celles engendrées par la pollution atmosphérique. En outre, l'articulation avec le marché européen de quotas demeure perfectible, en termes de cohérence de l'assiette et de niveau de tarification du carbone.

Au delà de la conception de la taxe, les enjeux d'acceptabilité doivent faire l'objet d'une attention renouvelée. Nous sommes parfaitement conscients que la reprise d'une trajectoire de taxe carbone ne peut faire l'économie d'une meilleure prise en compte de son acceptabilité par les citoyens, voire les secteurs économiques concernés. Au vu des difficultés récentes, plusieurs mesures sont préconisées. On pourrait améliorer la clarté des objectifs assignés ainsi que la stabilité et la visibilité de la trajectoire, même s'il faut être conscient que ce cadre d'action peut être perturbé par la variation des prix de marché des énergies fossiles – l'actualité récente nous en fournit un exemple. En outre, l'utilisation des recettes de la taxe pourrait être plus transparente, sans qu'il y ait nécessairement d'affectation juridique. Certaines dispositions prévues dans le projet de loi de finances pour 2020 vont du reste dans ce sens.

Enfin, la mise en place d'un mécanisme de compensation, qu'il soit pérenne ou transitoire, forfaitaire ou ciblé, pourrait favoriser le consentement à la fiscalité carbone, tout en modérant les effets de cette fiscalité sur les ménages les plus affectés. Le CPO a évalué les effets de plusieurs natures de dispositifs de compensation, en fonction du revenu, du lieu de résidence et de la mobilité des ménages. L'opportunité de la mise en place de telles compensations et leur nature doivent toutefois dépendre du niveau de trajectoire retenu. Il convient en outre de veiller à ne pas subventionner l'usage des énergies fossiles, qui serait contraire à l'effet recherché par la fiscalité carbone. Le rapport – et les rapports particuliers – fournissent à cet égard des exemples étrangers intéressants.

Pour conclure, des actions doivent être engagées aux niveaux européen et international pour éviter que la France n'agisse seule. Dans ce dernier cas de figure, les effets climatiques seront extrêmement limités.

Le CPO propose de soutenir les initiatives de révision du cadre européen relatif à la fiscalité énergétique, en particulier la directive du 27 octobre 2003, afin d'y intégrer davantage les préoccupations environnementales et de mieux prendre en compte les objectifs climatiques de l'Union européenne.

Il conviendrait aussi de développer des dispositifs de protection commerciale, afin d'éviter que les politiques environnementales européennes ne pénalisent les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale. Pour y parvenir, le CPO propose de soutenir les initiatives visant à mettre en oeuvre un droit de douane uniforme sur les importations des pays non coopératifs en matière de politique climatique.

Enfin, le CPO propose de revenir sur les exemptions européennes dont bénéficient les secteurs du transport aérien et maritime. Leurs régimes dérogatoires ne sont justifiés ni par des motifs économiques ni par des motifs environnementaux. Il paraît nécessaire d'agir au niveau européen et de renforcer les engagements pris par ces deux secteurs au niveau mondial.

Le Conseil des prélèvements obligatoires s'est efforcé de faire des propositions réalistes, concrètes et pragmatiques. Je me tiens, avec l'équipe qui m'entoure, à votre disposition pour répondre à vos questions.

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