Intervention de Patrick Lefas

Réunion du mercredi 18 septembre 2019 à 11h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Patrick Lefas, président de chambre à la Cour des comptes :

Nous avons pris le soin d'exploiter les enseignements de la crise des gilets jaunes et du Grand débat national, lors duquel la fiscalité carbone est bien apparue comme un sujet de préoccupation. Un encadré du rapport reprend les deux principales propositions formulées sur ce thème : mettre en place une nouvelle version de la fiscalité carbone ; favoriser les mesures au niveau européen pour éviter les disparités de concurrence défavorables à la France. Ce sont des conclusions intéressantes à méditer.

S'agissant des mécanismes de compensation, nous disposons d'un attirail qui nous permet d'aller très loin dans le détail. Vous trouverez dans le rapport les hypothèses de modélisation des compensations. Trois modalités de compensation ont été évaluées : selon le revenu par unité de consommation ; selon le revenu et la taille de l'unité urbaine ; selon le revenu et le niveau de mobilité routière. Effectivement, raisonner uniquement en moyenne ou en médiane peut être trompeur. Les écarts de facture allant de 1 à 5 – de 1 030 à 5 430 euros par an – , il convient de raisonner en dispersion, en associant la consommation avec le décile ou le quintile de revenus.

Ce qui a manqué sans doute dans les décisions antérieures, c'est la compréhension de la brutalité de la trajectoire et la prise en compte de la nécessité d'un accompagnement des ménages.

S'agissant des entorses au principe d'universalité budgétaire, nous évoquons les supports budgétaires possibles. Des vecteurs figuraient déjà dans le projet de loi de finances pour 2010 – crédit d'impôt, chèque énergie – mais ces mécanismes ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Ces supports ont trait à la consommation courante ; ils peuvent être différents de ce que le Gouvernement a proposé sur le CITE, un crédit d'impôt qui concerne les investissements réalisés.

Les entreprises soumises aux quotas ont vu le prix de la tonne de carbone passer de 7 euros en 2017 à 25 euros en 2019 et cette hausse devrait se poursuivre. Avec une tonne à 30 euros, le déséquilibre entre les ménages et les entreprises exonérées sera atténué. S'agissant des autres entreprises, il faut relativiser l'enjeu que revêt la hausse de la fiscalité. Dans l'hypothèse d'une trajectoire de fiscalité carbone aè 100 euros la tonne de CO2 en 2030, l'augmentation du prix du gazole non routier, hors agriculture et ferroviaire, représenterait une part très faible de la valeur ajoutée.

Il convient de relativiser et de considérer les choses d'une façon globale. Nous avons vu, dans une dépêche de l'AFP de ce matin, que la fédération nationale de l'aviation marchande montait au créneau et faisait du chantage aux emplois. Nous disons bien que ce sujet doit aussi être traité au niveau international et, d'abord, européen. L'Union européenne s'y emploie puisqu'elle cherche à rendre plus efficace le système des quotas carbone pour le transport aérien. Mais la fiscalité est aussi un élément de justice et le Gouvernement a choisi de faire porter les efforts sur les billets d'avion.

S'agissant des niches fiscales, il est tout de même anormal de subventionner les entreprises non seulement en les exonérant mais en allant au delà du coût d'émission de CO2.

Je terminerai en rappelant que tout l'enjeu réside dans la coordination des politiques publiques. Ainsi, il n'est pas logique que les décisions en matière d'urbanisme, notamment sur les superficies des logements dans des petites ou moyennes communes, puissent être prises indépendamment des plans de mobilité. Il y a une contradiction dans les termes.

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