Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du vendredi 13 septembre 2019 à 14h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

M. Hetzel, et d'autres, m'ont interpellée sur les avancées thérapeutiques. Si vous entendez des chercheurs, ils vous parleront sans doute de production de connaissances – c'est un fait ; les publications sont là pour le prouver. Et je vous rappelle que nous examinons actuellement les dispositions du projet de loi relatives à la recherche. S'agissant d'avancées thérapeutiques, et c'est aussi ce qui fait la réputation qualitative de la France, nous ne souhaitons pas en obtenir à tout prix. C'est le rôle des phases I à IV des essais cliniques. Nous ne testons jamais directement sur des êtres humains un protocole qui semble fonctionner, comme cela peut se produire dans d'autres pays. Je sais que ce n'est pas ce que vous sous-entendiez, mais il faut être prudent : la connaissance ne peut se résumer à son utilité à court terme ou à son impact immédiat sur la santé. En ma qualité de ministre de la recherche, il me paraît très important de le rappeler. La production de la connaissance est ce qui fait qu'un pays reste un grand pays.

Vous avez évoqué l'Allemagne et sa capacité à investir dans la recherche. Je vous entends avec bonheur : au moment de l'examen du projet de loi de programmation sur la recherche, je serai ravie que nous partagions cette préoccupation de soutenir financièrement la recherche. L'Allemagne dépense 3 % de son PIB pour la recherche, et s'est fixé un objectif de 3,5 %. Quand nous en serons là par des choix collectifs, je ne doute pas que nous consacrerons plus de moyens aux cellules iPS, comme sur tous les sujets de recherche, en vue de produire de la connaissance.

Nos débats sont vraiment passionnants et de très haut niveau, et je vous en remercie. En réalité, nous traitons les questions de bioéthique comme elles se posent au moment où les projets de loi de bioéthique sont débattus… Vous faisiez référence au bon travail de veille scientifique et technologique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ; je ne manquerai pas de le leur faire savoir. Pour autant, même si, deux ans après, les patients se portent bien, cela ne valide ni ne sécurise ces recherches, extrêmement complexes – ces cellules adultes ont connu quatre modifications majeures de gènes afin de les rapprocher de cellules embryonnaires. Le temps de la recherche est plus long et il ne s'agit pas d'essais cliniques massifs. C'est une bonne nouvelle si les choses se passent bien, mais cela ne nous dispense pas de continuer à observer.

En outre, il s'agit de thérapie : lorsqu'elle sera accessible sur le marché, avec tout ce que cela nécessite d'autorisations et de contrôles pour qu'on puisse la considérer comme un véritable médicament, ce sujet n'intéressera plus la ministre de la recherche.

Monsieur Bazin, vous vous inquiétez que les équipes de recherche puissent attendre de constater que les autres se trompent et refuser d'exprimer elles-mêmes une curiosité scientifique. Je ne connais pas de chercheurs qui fonctionnent ainsi ! La curiosité est le moteur de la recherche.

Vous avez tous soulevé ce qui vous paraît être une ambiguïté : dans un cas, on autoriserait la réimplantation d'embryons sur lesquels on aurait effectué des recherches ; dans l'autre, on l'interdirait. Je le répète : il est formellement interdit dans tous les cas de fabriquer des embryons à des fins de recherche. C'est proscrit à la fois par la convention d'Oviedo et les lois de bioéthique. Mais, dans un contexte d'assistance médicale à la procréation (AMP), on produit des embryons pour, in fine, les implanter. Dans ce cas, si le couple est porteur d'une anomalie génétique qui s'est manifestée chez un enfant, il est heureux que l'on puisse vérifier si l'embryon qui va être implanté est porteur, ou non, de la même anomalie génétique. C'est le principe du diagnostic préimplantatoire (DPI).

Il faut donc distinguer ce qui relève de la recherche – encore une fois, il est totalement interdit de fabriquer un embryon à des fins de recherche – et le fait que nous fabriquons des embryons en vue de les implanter. Dans ce dernier cas, il est heureux que les médecins soient autorisés à les examiner à la loupe, afin de vérifier qu'ils se divisent correctement et, éventuellement, faire des tests. C'est la raison pour laquelle la recherche sur l'embryon dans un contexte d'AMP a été transférée dans les dispositions de la loi relatives aux recherches sur la personne. L'intention de réimplantation est alors flagrante et les lois de bioéthique doivent distinguer ce cas de figure : c'est pourquoi les dispositions relatives aux embryons à vocation de procréation médicalement assistée doivent être transférées dans celles de la loi qui relèvent de la protection des personnes. J'espère que mes explications sont claires. Je peux y revenir autant de fois qu'il le faudra

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.