Intervention de Laëtitia Romeiro Dias

Réunion du vendredi 13 septembre 2019 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaëtitia Romeiro Dias :

Je présenterai en même temps les amendements n° 2053 et n° 2073. Ils concernent un problème important que nous devons traiter : la situation des enfants dits « intersexes », c'est-à-dire qui présentent à la naissance des variations du développement sexuel. Celles-ci sont très diverses mais, dans beaucoup de cas, l'enfant ne court aucun danger de mort, ni même un danger particulier pour sa santé. Néanmoins, d'après les retours nombreux que nous avons eus, on pratique très souvent un traitement, une opération de conformation sexuée dans le but que le sexe de l'enfant ait une forme socialement admise. Ce sont des opérations chirurgicales et des traitements hormonaux lourds qui provoquent des souffrances physiques importantes, vécues comme des mutilations. Il y a aussi des personnes se retrouvant dans un corps qui ne correspond pas, finalement, au choix fait avant l'âge de trois ans par les parents et l'équipe soignante. Je sais qu'il existe également des cas où une nécessité médicale est avérée, et où il n'est pas question, bien entendu, d'interdire une intervention qui s'impose.

Le Conseil d'État nous alerte et nous exhorte à intervenir, de même le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), le Défenseur des droits et une mission d'information de notre Assemblée. Bon nombre de pays ont été obligés ou sont sur le point d'intervenir législativement : la Californie, Malte, Islande ou le Portugal, qui a même adopté une loi spécifique en la matière. Nous ne pouvons pas évacuer le sujet ; nous nous devons de trouver une solution.

Je propose, pour ma part, que les opérations de conformation sexuée n'ayant pas de caractère d'urgence vitale ne soient pas pratiquées, sauf recueil du consentement du patient, une fois qu'il est en âge de décider. Le code civil prévoit déjà que l'on ne peut porter atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne et que son consentement doit être recueilli préalablement, hors les cas où son état rend nécessaire une intervention. On pourrait se dire, en théorie, que la loi est suffisante. Malheureusement, dans la pratique, une interprétation extensive s'est développée en France, comme dans d'autres pays, et l'acceptation sociale est souvent intégrée dans la définition de la nécessité médicale, ce que je conteste, comme beaucoup de personnes qui ont été opérées pour ce motif.

Il convient de préciser la situation, en étant plus explicite, et de nous assurer que l'on attend, dans la mesure du possible sur le plan médical, que l'enfant puisse consentir à de tels traitements irréversibles.

Mon amendement n° 2053 insiste sur la nécessité d'orienter d'une manière systématique les bébés concernés vers des centres spécialisés où des professionnels de santé sont plus à même d'évaluer et de prendre en charge les enfants et leur famille – cela fait parfois défaut sur le terrain. Je vous demande, mes chers collègues, d'intervenir en ce sens. La bioéthique consiste naturellement à créer des droits nouveaux, à interdire ou à encadrer de nouvelles pratiques, mais aussi à corriger ce qui, dans la pratique, heurte nos principes éthiques.

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