Vendredi 13 septembre 2019
La séance est ouverte à vingt-deux heures vingt.
Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente
La commission spéciale procède à la suite de l'examen des articles du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2187) (M. Jean-Louis Touraine, rapporteur des articles 1 et 2, Mme Coralie Dubost, rapporteure des articles 3 et 4, M. Hervé Saulignac, rapporteur du titre II, M. Philippe Berta, rapporteur des titres III et IV, M. Jean-François Eliaou, rapporteur du titre V, et Mme Laetitia Romeiro Dias, rapporteure des titres VI et VII).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, en reprenant à l'article 20.
Article 20 : Suppression de l'obligation de proposer un délai de réflexion prévue dans le cadre de l'interruption médicale de grossesse (IMG) et encadrement de la réduction embryonnaire
La commission est saisie de l'amendement n° 305 de M. Patrick Hetzel.
Nous considérons qu'il est essentiel de maintenir la proposition d'un délai de réflexion d'une semaine avant la pratique d'une interruption médicale de grossesse (IMG).
Nous avons déjà débattu sur ce point tout à l'heure ; par cohérence avec ce que j'ai dit à ce sujet, j'émets un avis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement n° 305.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 119 de M. Xavier Breton, n° 306 de M. Patrick Hetzel et n° 832 de M. Thibault Bazin, ainsi que l'amendement n° 1682 de M. Thibault Bazin.
Il est essentiel de maintenir la proposition d'un délai de réflexion d'une semaine avant la pratique d'une IMG. Tel est l'objet de l'amendement n° 119.
J'appelle votre attention sur le fait que nos amendements ont pour objet que la femme « se voie proposer » un délai de réflexion et que le Conseil d'État préconise de maintenir cette proposition. Il ne s'agit pas d'instaurer un délai incompressible, mais de permettre à la femme placée dans une situation très difficile – mais hors urgence médicale – de bénéficier, si elle le souhaite, d'un délai de réflexion.
J'ai proposé un amendement similaire, n° 1682, que je vais retirer, car je préfère la rédaction de mon amendement n° 832.
Nous avons eu ce débat tout à l'heure. Je suis défavorable au fait de proposer un délai de réflexion car j'estime qu'au cours du temps, relativement long, nécessaire pour établir un diagnostic, la femme concernée a le temps de réfléchir et de prendre une décision.
Par ailleurs, d'un point de vue juridique, il faudrait pouvoir déterminer exactement à partir de quand ce délai d'une semaine va commencer à courir ; en général, le point de départ est l'annonce du diagnostic. Mais dans la pratique, ce diagnostic s'établit au fil des consultations, sans que l'on puisse déterminer à quel moment précis il se trouve définitivement confirmé.
Enfin, s'il est vrai que le Conseil d'État regrette la suppression du délai de réflexion, le Conseil constitutionnel a de son côté rendu une décision le 21 janvier 2016, dans laquelle il estimait qu'aucune exigence de valeur constitutionnelle n'imposait de façon générale le respect d'un délai de réflexion avant la réalisation d'un acte médical ou chirurgical.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
Je ne comprends vraiment pas ce qui justifie que l'on supprime, par l'article 20, la proposition d'un délai de réflexion qui était faite aux femmes jusqu'à présent. Certes, il existe un délai de fait, mais le fait que les médecins soient obligés de proposer un délai présentait, à mon sens, l'intérêt d'éviter toute pression, dans un sens ou dans l'autre.
J'ai noté que le Conseil d'État soulignait, dans son avis, le problème du point de départ du délai, et ne précisait pas la durée du délai de réflexion qu'il souhaitait voir maintenu. Sans doute devrions-nous faire porter notre réflexion sur ce point afin de trouver une solution plus satisfaisante que celle résultant de la rédaction actuelle de nos amendements.
L'amendement n° 1682 est retiré.
La commission rejette les amendements identiques n° 119, n° 306 et n° 832.
La commission est saisie des amendements identiques n° 307 de M. Patrick Hetzel et n° 833 de M. Thibault Bazin.
L'amendement n° 307, rédigé à la suite d'échanges avec un certain nombre de professionnels, vise à compléter l'alinéa 4 par la phrase suivante : « Des investigations supplémentaires peuvent être demandées s'il y a la possibilité d'y remédier. »
Je ne comprends pas bien la logique de ces amendements visant à prévoir qu'en cas de diagnostic d'une pathologie particulièrement grave et incurable chez le foetus, « des investigations supplémentaires peuvent être demandées s'il y a la possibilité d'y remédier »…
D'un point de vue rédactionnel, il serait utile de préciser par qui et quand ces investigations supplémentaires pourront être demandées.
Sur le fond, on se demande à quoi il s'agirait de remédier, dans la mesure où le diagnostic d'une pathologie particulièrement grave, reconnue comme incurable au moment du diagnostic, a été posé.
Je vous invite par conséquent à retirer ces amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Les amendements n° 307 et n° 833 sont retirés.
La commission examine l'amendement n° 1005 de M. Thibault Bazin.
Je vous propose un petit amendement rédactionnel, qui a pour objet d'insérer l'adjectif « avérés » après le mot « risques » à la première phrase de l'alinéa 5.
C'était bien joué, monsieur Bazin, mais votre petit amendement n'est pas vraiment rédactionnel !
Le problème de l'adjectif « avéré » est qu'il n'a pas de signification d'un point de vue médical : ou bien il y a un risque, ou bien il n'y en a pas. Et dès lors qu'il y en a un, il est évident que les médecins commencent les investigations.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement n° 1005.
Elle est saisie de l'amendement n° 1789 du rapporteur.
En cohérence avec un amendement que j'ai déposé afin de permettre de traiter de manière distincte l'interruption partielle de grossesse multiple motivée par une pathologie foetale et celle qui est motivée par les risques graves que la grossesse multiple fait peser sur la santé de la femme, l'amendement n° 1789 vise, à la première phrase de l'alinéa 5, à supprimer les mots : «, des embryons ou des foetus, ».
La commission adopte l'amendement n° 1789.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 952 de M. Thibault Bazin et n° 1810 du rapporteur.
J'ai relu plusieurs fois l'article 20, ce qui m'a convaincu de la nécessité de prévoir la présence d'un médecin spécialiste de l'affection dont la femme est atteinte, qui ne figure nulle part. En effet, le centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDP) n'a pas de membre permanent pour l'affection de la femme et a pour fonction la pathologie du foetus, pas celle de la femme. Or il est parfois nécessaire d'examiner conjointement la pathologie du foetus et celle de la femme qui le porte : c'est l'objectif de la disposition prévue à l'amendement n° 952.
Votre amendement me paraît reposer sur une confusion, monsieur Bazin : il ne s'agit pas ici nécessairement d'une interruption de grossesse motivée par une pathologie maternelle. L'interruption partielle d'une grossesse multiple peut intervenir pour un motif lié à la femme, mais ce motif n'est pas obligatoirement une pathologie sous-jacente, précédant la conception.
Il n'y a donc pas lieu d'imposer que l'équipe pluridisciplinaire comprenne nécessairement un praticien « spécialiste de l'affection dont la femme est atteinte », puisque la femme demandant l'interruption partielle de grossesse peut très bien ne présenter aucune affection : parfois, c'est uniquement le caractère multiple – voire hypermultiple – de la grossesse qui menace sa santé, sans qu'elle présente une pathologie sous-jacente.
Il convient de réorganiser l'article 20 pour en tenir compte, et ce sera l'objet d'un autre amendement que j'ai rédigé à cet effet. Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Je comprends votre argument lié au fait que l'interruption partielle d'une grossesse multiple n'est pas forcément liée à une pathologie sous-jacente de la femme, et je vais retirer mon amendement – en espérant que votre amendement en discussion commune comporte une disposition similaire, monsieur le rapporteur.
Je suis désolé de vous décevoir, monsieur Bazin, mais ce n'est pas vraiment le cas. Mon amendement n° 1810 vise à rédiger ainsi la fin de la deuxième phrase de l'alinéa 5, après le mot « femme » : « et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. »
Il y a trois indications à une interruption partielle de grossesse multiple : premièrement, le risque que le caractère multiple de la grossesse fait peser, à la fois sur le fait que cette grossesse puisse être menée à terme sans danger et sur la santé, voire la vie, de la femme concernée ; deuxièmement, en cas de pathologie sous-jacente chez la femme, par exemple une cardiopathie, contre-indiquant une grossesse multiple – mais nous ne sommes pas dans ce cadre-là ; troisièmement, la présence chez au moins un des foetus d'une anomalie génétique. Ces trois indications doivent bien être distinguées : ce sera l'objet de mon amendement n° 1815, que nous allons examiner dans quelques instants.
Je me demande s'il ne faudrait pas réécrire tout l'article 20 en fonction des trois cas de figure que vous décrivez, monsieur le rapporteur…
La situation est tout de même complexe, ce qui justifie que nous revoyions ensemble la rédaction de l'article 20. Par conséquent, j'invite M. le rapporteur à retirer lui aussi son amendement.
Les amendements n° 952 et n° 1810 sont retirés.
La commission est saisie des amendements identiques n° 121 de M. Xavier Breton, n° 308 de M. Patrick Hetzel et n° 834 de M. Thibault Bazin.
Je souhaite le retrait de ces amendements et émettrai à défaut un avis défavorable, car je pense qu'ils seront satisfaits par la nouvelle rédaction qui vous sera proposée.
Les amendements n° 121, n° 308 et n° 834 sont retirés.
La commission examine l'amendement n° 1815 du rapporteur.
L'amendement n° 1815 visait à mettre en exergue, après l'alinéa 5 de l'article 20, une indication qui ne me semble pas apparaître clairement dans la rédaction actuelle de cet article. Toutefois, compte tenu de l'appel de Mme la ministre à travailler ensemble à une meilleure rédaction, je retire cet amendement.
L'amendement n° 1815 est retiré.
La commission adopte l'article 20 modifié.
Article 21 : Clarification des conditions d'interruption médicale de grossesse pour les femmes mineures non émancipées
La commission est saisie des amendements identiques n° 122 de M. Xavier Breton, n° 309 de M. Patrick Hetzel et n° 835 de M. Thibault Bazin.
L'article 21 clarifie la situation de la femme mineure concernée par une interruption de grossesse pour raison médicale et qui désire garder le secret à l'égard de ses parents. Cela conduit toutefois à une intrusion des professionnels de la santé dans les relations familiales et à lever une fois de plus un garde-fou en considérant que la consultation des parents d'une mineure non émancipée qui souhaite réaliser une IMG n'est plus indispensable. Mon amendement n° 122 vise donc à supprimer cet article.
Je ne m'explique vraiment pas la présence de l'article 21 au sein de cette loi de bioéthique, d'autant qu'une telle disposition figure déjà à l'article L. 1111-5 du code de la santé publique. Mon amendement n° 835 vise donc à supprimer l'article 21.
Si Mme la ministre y consent, je vais lui laisser le soin de répondre à la question de M. Bazin.
Pour le reste, je commencerai par rappeler que, pour les mineures comme pour les majeures, l'interruption médicalisée de grossesse n'a rien à voir avec l'interruption volontaire de grossesse (IVG). L'IMG pour les mineures peut correspondre à deux cas de figure : ou bien la jeune fille souffre d'une pathologie obstétricale qui met en jeu son pronostic vital, ou bien le foetus présente une malformation génétique. C'est le même contexte dramatique que celui visé à l'article 20, pour le cas des majeures.
Notons qu'en l'état actuel du droit, dans le cas d'une IVG, la consultation préalable des parents d'une mineure non émancipée n'est déjà plus indispensable.
À défaut de dispositions spécifiques à l'IMG et de renvoi aux dispositions de l'article L. 2212-7 du code de la santé publique, applicable à l'IMG, c'est le droit commun et les principes généraux de l'article L. 1111-5 du même code qui s'appliquent.
L'article L. 1111-5 dispose que le médecin « peut se dispenser d'obtenir le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque l'action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé d'une personne mineure, dans le cas où cette dernière s'oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. […] Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin […] peut mettre en oeuvre l'action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou l'intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d'une personne majeure de son choix. »
Nous proposons de reproduire exactement ce dispositif pour l'IMG, en l'assortissant, par voie d'amendement, d'un certain nombre de conditions qui ne sont pas vraiment explicites à la lecture de l'article 21.
Je suis donc défavorable aux amendements de suppression de l'article 21.
La raison d'être de l'article 21 est de séparer clairement dans le code de la santé publique ce qui relève de l'IMG de ce qui relève de l'IVG. Aujourd'hui, l'IMG n'est définie qu'au moyen de renvois à la définition de l'IVG, ce qui est source de confusion et peut avoir pour conséquence de compliquer le travail des équipes. Par ailleurs, nous souhaitons que les solutions mises en oeuvre en matière d'IVG pour les mineures le soient également en matière d'IMG, ce qui doit notamment permettre l'IMG chez les mineures sans autorisation parentale.
Si je comprends bien, votre méthode pour clarifier les régimes respectifs de l'IVG et de l'IMG consiste à reproduire pour la seconde les dispositions relatives à la première qui figuraient déjà dans le code de la santé publique, ce qui peut se concevoir.
Sur le fond, je me pose cependant deux questions au sujet de l'IMG pour les mineures.
Premièrement, la réalisation d'une IMG est une opération lourde, souvent réalisée à un terme avancé, qui nécessite une période de rétablissement relativement longue, ainsi que des mesures de soutien et d'accompagnement. La personne de confiance suffit-elle à assurer cet accompagnement, ou un appui familial, pouvant éventuellement reposer sur l'autorité parentale, est-il requis dans une situation aussi compliquée ? De toute façon, les parents finiront toujours par apprendre ce qui s'est passé, ne serait-ce qu'en consultant les relevés de prestations qui leur seront adressés par leur caisse d'assurance maladie – à moins qu'une intervention de ce type ne donne lieu à une prise en charge réalisée selon des modalités spécifiques, ce que j'avoue ignorer.
Deuxièmement, vous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, que l'IMG pouvait se justifier par une malformation génétique du foetus. Le fait de ne pas informer les parents de la réalisation de l'IMG sur leur fille mineure ne va-t-il pas avoir pour conséquence de priver la famille de cette jeune fille, à commencer par ses frères et soeurs, d'une information déterminante quant au risque auquel ils pourraient être confrontés d'être atteints par la même pathologie ? Il me semble que nous serions bien avisés de faire preuve sur cette question du même discernement que celui qui avait précédemment guidé nos choix sur d'autres sujets relatifs aux données génétiques. J'ai bien conscience du fait que les situations qui sont ici évoquées sont lourdes et complexes, et que le contexte peut n'être pas évident, mais il me semble que nous pouvons difficilement faire l'économie de ces questionnements.
Les questions que vous soulevez sont effectivement très complexes, monsieur Bazin. Je rappelle cependant que la situation que vous évoquez n'a pas vocation à se produire de manière généralisée, mais seulement dans les cas où les représentants de l'autorité parentale ne sont pas informés de la situation ou refusent de donner leur accord : autrement dit, il n'y a guère d'alternatives. En tout état de cause, quand la décision est prise par la collectivité, par le biais du médecin et de l'équipe pluridisciplinaire, d'effectuer une IMG sur une mineure, la prise en charge de cet acte doit être totale et s'effectuer avant, pendant et après sa réalisation.
L'alternative consisterait à exiger l'autorisation parentale, donc à refuser de pratiquer l'IMG quand cette autorisation fait défaut. Ce qui pourrait poser un réel problème, tant sur le plan médical qu'en termes de prise en charge.
La découverte d'une anomalie génétique chez le foetus nécessite que, par l'intermédiaire du conseil génétique, on s'efforce de contacter la parentèle. Évidemment, ce n'est pas toujours possible, mais ce n'est pas pour autant que la femme et l'enfant ne doivent pas être pris en charge.
Il me semble que le thème de l'IMG pour les mineures peut se décomposer en trois sujets distincts : premièrement, la décision prise par la mineure, éventuellement sans l'accord de ses parents ; deuxièmement, dans le cas où la mineure a décidé seule, l'éventuelle information de la famille ; troisièmement, lorsque le foetus est porteur d'une malformation génétique, la transmission éventuelle de cette information aux autres membres de la famille. Ces deux dernières questions, qui sont nouvelles dans notre réflexion bioéthique, ne se situent pas sur le même plan que la première, déjà traitée par le code de la santé publique.
Je pense que, dans les deux derniers volets que vous évoquez, les équipes médicales s'efforceront toujours de contacter la famille, et que l'arrivée d'un enfant aura pour conséquence de changer beaucoup de choses au sein de cette famille – mais, encore une fois, de telles considérations vont au-delà de notre capacité de législateur.
Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur, mais il me semble tout de même que l'aspect « protection des mineurs » est à prendre en considération dans le type de situations que nous évoquons. S'il est tout à fait légitime d'envisager ces situations sous l'angle du code de la santé publique, et de chercher à clarifier et d'harmoniser ce qui se fait dans les domaines respectifs de l'IVG et de l'IMG, il n'en demeure pas moins que, dans le cas spécifique de l'IMG, la question de la protection des mineurs se trouve posée. Cet aspect-là a-t-il bien été pris en compte par le Gouvernement ?
Pour ma part, je ne pense pas que le fait de réécrire pour l'IMG ce qui existe déjà au sujet de l'IVG dans le code de la santé publique soit la meilleure façon de clarifier les choses !
L'IVG peut avoir lieu sous le secret pour les mineures, et il y a moyen de faire en sorte que cela n'apparaisse pas dans le dossier médical. Tout cela est très bien protégé. Les parents peuvent ne pas être informés si la mineure concernée veut garder le secret. Lorsqu'il faut pratiquer une IMG, en revanche, il faut demander leur consentement.
Nous sommes en présence de situations humaines de détresse. Si la mineure souhaite garder le secret, c'est qu'elle a de bonnes raisons de le faire – par exemple, elle vient d'une famille marquée par de nombreuses difficultés. Il existe des problèmes psychologiques ou sociaux souvent complexes lorsqu'une mineure souhaite garder secrète sa grossesse et qu'une IMG est pratiquée. On voit bien quel est le public…
Nous voulons que le secret puisse être gardé, ce qui n'est pas possible actuellement. On peut réaliser une IVG sans que les parents soient prévenus, mais pas une IMG, alors qu'il y a une anomalie foetale ! Cela paraît assez contradictoire : dans le premier cas – celui de l'IVG, qui relève du libre arbitre –, on peut ne pas prévenir les parents ; dans le second cas, où on est obligé de faire une IMG, il faut les prévenir.
Vous avez demandé pourquoi il faut séparer les deux dispositifs au lieu de se contenter de les harmoniser. Dans le cas de l'IVG, des mesures relatives à la contraception sont prévues par la loi : il faut délivrer une information pour éviter une réitération. On n'est pas du tout dans la même démarche lors d'une IMG : l'objectif n'est pas d'informer sur la contraception. Nous souhaitons donc bien distinguer les deux pratiques, tout en rendant l'IMG possible sans autorisation des parents.
La commission rejette les amendements n° 122, n° 309 et n° 835.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 1605 de M. Pierre-Alain Raphan.
Je vous propose, monsieur Raphan, de retirer votre amendement, car il pourrait être satisfait par mon amendement n° 1821 que je défendrai tout à l'heure.
L'amendement n° 1605 est retiré.
Puis la commission examine l'amendement n° 1817 du rapporteur.
Mon amendement vise à clarifier le fait qu'une interruption de grossesse demandée par une mineure non émancipée pour des raisons médicales est réalisée exactement dans les mêmes conditions que pour n'importe quelle femme, qu'elle soit mineure émancipée ou majeure, à savoir dans les conditions prévues par l'article L. 2213-1 du code de la santé publique, que l'article 20 du projet de loi réécrit intégralement. Aucune condition médicale n'était rappelée dans l'article 21.
Je vous suggère de retirer votre amendement afin de le retravailler.
Je l'accepte d'autant plus volontiers que nous allons de toute façon réécrire l'article L. 2213-1, mais j'insiste sur l'utilité du renvoi que je propose.
L'amendement n° 1817 est retiré.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 123 de M. Xavier Breton, n° 310 de M. Patrick Hetzel et n° 836 de M. Thibault Bazin.
La commission est ensuite saisie de l'amendement n° 1821 du rapporteur.
Nous arrivons, monsieur Raphan, à l'amendement dont je vous parlais il y a quelques instants. Il vise à supprimer l'alinéa 4, qui demande au médecin de « s'efforcer », dans l'intérêt de la patiente, « d'obtenir son consentement pour que l'une des personnes investies de l'exercice de l'autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés ». C'est un peu disruptif, mais je pense qu'il est important de bien prendre en compte le caractère pathologique de la situation. La rédaction qui est prévue actuellement me paraît un peu paternaliste. Mon amendement a aussi pour objet de modifier la rédaction du début de l'alinéa 5.
Je préférerais un retrait de cet amendement. Nous cherchons à suivre une ligne de crête : nous voulons qu'il soit possible d'avoir une IMG sans le consentement des parents, tout en souhaitant que le médecin suscite chez la mineure concernée la recherche du consentement des parents. On ne peut pas la forcer, mais je serais quand même un peu gênée si le médecin ne se posait même pas la question de savoir s'il y a des parents qui pourraient accompagner la mineure…
Je vais retirer mon amendement, mais je proposerai en séance de remplacer « s'efforcer d'obtenir » par « susciter », car j'aime bien le terme utilisé par la ministre…
L'amendement n° 1821 est retiré.
La commission examine ensuite l'amendement n° 953 de M. Thibault Bazin.
Je vous propose, monsieur Bazin, de retirer votre amendement. Il aurait pu être satisfait par celui que je viens moi-même de retirer… (Sourires.)
C'est un peu un jeu de poupées russes… Nous allons, de toute façon, modifier la rédaction de l'article 21 en fonction de celle que nous aurons retenue pour l'article 20.
Je pense qu'il y a une forme d'incompréhension sur les intentions de cet article, madame la ministre, et il est important de les clarifier. Il faut « susciter » autant que possible un accompagnement de la part de la famille après l'IMG, durant la période de rétablissement.
L'amendement n° 953 est retiré.
Puis la commission est saisie de l'amendement n° 1824 du rapporteur.
L'article 21 comporte des dispositions que je souhaite renuméroter afin d'éviter une confusion : on peut penser, en l'état, que ces mesures ne s'appliquent qu'aux femmes mineures.
Tout d'abord, la clause de conscience relative aux IMG pour les mineures concerne également les majeures. Je propose d'en faire un article L. 2213-4 du code de la santé publique. Ce sera l'objet de mon amendement n° 1826.
Ensuite, les IMG doivent être pratiquées uniquement par un médecin, contrairement aux IVG, que les femmes soient mineures ou majeures. Mon amendement n° 1824 permettra de l'établir clairement sans rien changer aux dispositions proposées.
La commission adopte l'amendement n° 1824.
Elle passe ensuite à l'amendement n° 1826 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement n° 1826.
Elle examine ensuite l'amendement n° 1720 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Nous sommes un peu dérangés par la formulation retenue dans le projet de loi : en supprimant les renvois par le biais desquels les règles applicables à l'IVG s'appliquent aussi à l'IMG, on donne l'impression de créer un nouveau type de clause de conscience pour le médecin. Pourquoi ne pas simplement prévoir que la clause de conscience spécifique à l'IVG s'applique aussi à l'IMG ? Nous allons, sinon, avoir trois types de clause de conscience : la clause générale, une clause spécifique à l'IVG et une clause pour l'IMG. Cela compliquera considérablement la compréhension du texte. Et il faudra par la suite assurer une coordination et veiller à une évolution parallèle entre les trois régimes. Cette complexité nous paraît inutile.
C'est effectivement un sujet important. La clause de conscience susceptible d'être invoquée par les professionnels de santé en matière d'IMG est aujourd'hui prévue par un renvoi, opéré par l'article L. 2213-2 du code de la santé publique, à l'article L. 2212-8 relatif à l'IVG, lequel dispose : « un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention ». Il est essentiel de bien séparer l'IMG et l'IVG, fût-ce au prix de redites. Je le dis sans sous-entendus ou idées derrière la tête : on ne doit absolument pas confondre les deux dispositifs, ni leur contexte pour les mineures. J'émets donc un avis défavorable à l'amendement.
Tout cela existe déjà. Ce que vous appelez la troisième clause de conscience figurait déjà dans l'article du code qui est relatif aux IMG, mais sous la forme d'un renvoi à la clause de conscience prévue pour l'IVG. Le texte clarifie la loi sans rien changer au droit existant.
Je précise qu'une évaluation de l'IVG est en cours au sein de la délégation aux droits des femmes. Il ne nous semble pas nécessairement opportun de modifier le droit existant avant que cette évaluation arrive à son terme.
Comme la ministre et moi-même l'avons dit, il ne s'agit pas de modifier le droit en vigueur. Il existe un renvoi, qui sépare d'une manière très claire deux situations qui n'ont rien à voir sur le plan clinique.
La ministre a également rappelé tout à l'heure que l'on délivre une information sur les modes de contraception dans le cas de l'IVG. Je suis opposé à ce que l'on dise à une mineure qui a voulu son enfant, mais qui a été confrontée à une pathologie de la grossesse ou de l'enfant, de se renseigner sur les modes de contraception… Le contexte est absolument différent, et je crois qu'il faut bien séparer les choses.
La délégation aux droits des femmes travaille sur la question de l'IVG. Or l'IMG n'a rien à voir, même s'il s'agit du même acte – étant entendu que c'est souvent un peu plus compliqué dans le cas de l'IMG, puisqu'elle intervient souvent plus tard au cours de la grossesse.
La commission rejette l'amendement n° 1720.
Puis elle adopte l'article 21 modifié.
Après l'article 21
La commission examine, dans le cadre d'une présentation groupée, l'amendement n° 2053 de Mme Laëtitia Romeiro Dias, les amendements identiques n° 1743 de M. Bastien Lachaud et n° 2073 de Mme Laëtitia Romeiro Dias, ainsi que les amendements n° 1863 de M. Jean-Louis Touraine, n° 1966 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon et n° 1808 de M. Raphaël Gérard.
Je présenterai en même temps les amendements n° 2053 et n° 2073. Ils concernent un problème important que nous devons traiter : la situation des enfants dits « intersexes », c'est-à-dire qui présentent à la naissance des variations du développement sexuel. Celles-ci sont très diverses mais, dans beaucoup de cas, l'enfant ne court aucun danger de mort, ni même un danger particulier pour sa santé. Néanmoins, d'après les retours nombreux que nous avons eus, on pratique très souvent un traitement, une opération de conformation sexuée dans le but que le sexe de l'enfant ait une forme socialement admise. Ce sont des opérations chirurgicales et des traitements hormonaux lourds qui provoquent des souffrances physiques importantes, vécues comme des mutilations. Il y a aussi des personnes se retrouvant dans un corps qui ne correspond pas, finalement, au choix fait avant l'âge de trois ans par les parents et l'équipe soignante. Je sais qu'il existe également des cas où une nécessité médicale est avérée, et où il n'est pas question, bien entendu, d'interdire une intervention qui s'impose.
Le Conseil d'État nous alerte et nous exhorte à intervenir, de même le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), le Défenseur des droits et une mission d'information de notre Assemblée. Bon nombre de pays ont été obligés ou sont sur le point d'intervenir législativement : la Californie, Malte, Islande ou le Portugal, qui a même adopté une loi spécifique en la matière. Nous ne pouvons pas évacuer le sujet ; nous nous devons de trouver une solution.
Je propose, pour ma part, que les opérations de conformation sexuée n'ayant pas de caractère d'urgence vitale ne soient pas pratiquées, sauf recueil du consentement du patient, une fois qu'il est en âge de décider. Le code civil prévoit déjà que l'on ne peut porter atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne et que son consentement doit être recueilli préalablement, hors les cas où son état rend nécessaire une intervention. On pourrait se dire, en théorie, que la loi est suffisante. Malheureusement, dans la pratique, une interprétation extensive s'est développée en France, comme dans d'autres pays, et l'acceptation sociale est souvent intégrée dans la définition de la nécessité médicale, ce que je conteste, comme beaucoup de personnes qui ont été opérées pour ce motif.
Il convient de préciser la situation, en étant plus explicite, et de nous assurer que l'on attend, dans la mesure du possible sur le plan médical, que l'enfant puisse consentir à de tels traitements irréversibles.
Mon amendement n° 2053 insiste sur la nécessité d'orienter d'une manière systématique les bébés concernés vers des centres spécialisés où des professionnels de santé sont plus à même d'évaluer et de prendre en charge les enfants et leur famille – cela fait parfois défaut sur le terrain. Je vous demande, mes chers collègues, d'intervenir en ce sens. La bioéthique consiste naturellement à créer des droits nouveaux, à interdire ou à encadrer de nouvelles pratiques, mais aussi à corriger ce qui, dans la pratique, heurte nos principes éthiques.
Il s'agit d'un sujet important : selon les statistiques internationales, il touche 1,7 % des enfants qui naissent. Ce n'est donc pas du tout anecdotique, et ce que notre collègue vient de dire est absolument exact. Ces opérations sont considérées par les institutions internationales et par les personnes qui les ont subies comme de véritables mutilations, qui suivent leurs victimes toute leur vie : il s'agit de traitements lourds qui nécessitent ensuite une prise d'hormones à vie et qui créent, finalement, des troubles ou des problèmes psychologiques : des femmes se retrouvent mises dans des corps d'hommes et des hommes dans des corps de femmes, dans lesquels on ne se reconnaît pas.
Les critères de nécessité médicale et de consentement sont effectivement prévus par les textes actuels, mais ils sont appliqués d'une manière trop restrictive par de nombreux praticiens. Il est important de préciser ce qu'est la nécessité médicale en ajoutant qu'elle doit être vitale. L'amendement n° 1743 a pour objet de modifier le code civil en ce sens.
Une telle question a toute sa place dans notre débat sur le projet de loi relatif à la bioéthique. Le Comité consultatif national d'éthique s'est emparé de ce sujet, comme nous l'a expliqué son président lorsque nous l'avons auditionné ; un groupe de travail spécifique a été créé au vu de la complexité de la situation – un rapport doit ainsi nous être transmis en octobre. Il serait dommageable de ne pas prendre position dans ce projet de loi : de tels actes se déroulent quotidiennement, et ce n'est plus du tout admissible.
J'ai déposé un amendement comparable, n° 1863, à propos des enfants présentant des variations du développement sexuel, autrement appelés « intersexes ». Il existe une grande variété de pathologies : dans certains cas, une orientation sexuelle paraît vraisemblable, mais il peut aussi y avoir un état parfaitement intersexe dans d'autres cas. L'expérience a montré que lorsque des interventions chirurgicales – irréversibles – sont réalisées, plus du tiers des enfants regrettent l'orientation qui leur a été assignée. À l'issue d'une mobilisation sur ce sujet, la France a été pointée du doigt par de nombreuses organisations et institutions, aussi bien nationales qu'internationales. Dans ce contexte, le Conseil d'État et notre mission d'information ont formulé des recommandations.
En dehors des cas qui peuvent être réglés assez simplement en adressant les enfants dans des centres spécialisés spécifiquement habilités à traiter ces questions, dans le cadre d'équipes pluridisciplinaires comportant notamment des médecins, des chirurgiens et des psychologues, je propose de ne faire aucune intervention irréversible tant que l'enfant ne peut pas exprimer un point de vue – il ne s'agit ni de l'âge de la majorité ni même de celui de la puberté : selon la plupart des spécialistes, cela se situe entre 7 et 9 ans, selon le niveau de maturité des enfants. Nos différents amendements visent à éviter de nombreux drames liés au fait que ces enfants ont été entraînés dans une orientation irréversible, qu'ils regrettent par la suite.
Je vais présenter en même temps les amendements n° 1966 et n° 1808. Je suis très heureux que nous puissions débattre de ce sujet qui me tient particulièrement à coeur. Vous avez d'ailleurs un peu anticipé cette discussion, madame la ministre, dans votre intervention de lundi soir.
J'ai rencontré au cours des six derniers mois la plupart des équipes médicales concernées, ainsi que des associations, des juristes, des psychologues, des sociologues et des universitaires afin d'essayer de comprendre cette question dans toute sa complexité. Après ces multiples auditions, je ne suis pas encore totalement certain de tout cerner.
Il existe effectivement un cadre légal, mais nous nous posons des questions – du moins, c'est mon cas – sur l'interprétation qui en est faite. Je m'interroge également sur la nature vraiment pluridisciplinaire des équipes et sur la manière dont les centres de référence organisent leurs réunions mensuelles. Elles ont bien lieu, je l'ai vérifié, mais il semblerait qu'un certain nombre d'interventions soient réalisées sans attendre la réunion inter-établissements, autrement dit sans avoir été débattues.
Il est difficile de répondre à des questions aussi complexes. C'est à la fois un sujet de société et d'éthique : doit-on absolument choisir de mettre des enfants dans un sexe ou dans un autre dès le plus jeune âge, au prix d'interventions parfois extrêmement lourdes ? J'ai personnellement des difficultés à imaginer la situation d'une petite fille qui va subir trois ou quatre interventions de réduction du clitoris et de vaginoplastie alors qu'elle n'a pas eu la possibilité de se déterminer en termes de genre… Certains de ces enfants en viennent à présenter de véritables problèmes de dysphorie de genre lorsqu'ils avancent en âge.
Je crois qu'il est vraiment temps de nommer toutes ces questions et de réaliser un état des lieux précis. J'ai bien vu toute la difficulté du sujet. M. Bastien Lachaud a parlé d'un taux de 1,7 % d'enfants alors que j'ai entendu parler de 1 ‰, 2 ‰, 4 ‰… Cela montre à quel point on a du mal à définir le sujet et à le saisir dans toute sa complexité. C'est une vraie question de société et nous ne pouvons plus faire l'économie d'un débat.
J'ai défendu au cours de nos travaux un certain nombre de positions sur les personnes trans, et j'aurai l'occasion d'y revenir, ainsi que sur les enfants intersexes. À force de maintenir ces personnes à la marge de la loi, en les considérant comme des cas trop particuliers pour entrer dans un cadre légal général, on finit par les oublier. Si les enfants et les personnes intersexes se retrouvent dans une situation où ils sont complètement niés par le milieu médical et par la société, c'est parce que le législateur ne va pas au bout de son travail quand il le fait. J'aimerais que l'on puisse avancer ce soir ou du moins en séance.
Ces amendements sont relatifs aux actes dits de conformation ou d'assignation sexuée. C'est une question absolument fondamentale. Même si l'on ne connaît pas les chiffres, on sait qu'il s'agit d'enfants : le législateur a évidemment à coeur de défendre les plus faibles, et en particulier l'intérêt supérieur de l'enfant. La difficulté sur le plan pathologique, ou plutôt nosologique, tient au fait que ces enfants n'ont pas la possibilité de s'exprimer au moment où l'intervention, ou la série d'interventions, est pratiquée.
Plusieurs éléments doivent être pris en considération. Il y a des cas « faciles » – j'utilise des guillemets –, les cas d'urgence vitale, où le pronostic vital est engagé pour l'enfant. Dans ces cas-là, il n'y a pas de discussion : il faut y aller, sinon on perd l'enfant. Hors urgence vitale, des souffrances très importantes peuvent également être liées à ces situations – des cas de rétention, des gonades qui ne descendent pas ou des risques de cancérisation lorsque des enfants ont à la fois un testicule et un ovaire. Il peut donc être important de prendre une décision médicale. Mais il existe aussi de nombreux cas où il n'y a pas d'urgence et où il faudrait réfléchir.
J'attire votre attention sur la nécessité de passer – en le faisant rapidement – par plusieurs étapes. La première consiste à travailler sur le cadre nosologique, qui est extrêmement compliqué, et à comprendre comment les patients sont pris en charge en fonction des différentes situations. Comme vous l'avez souligné, monsieur Gérard, il faut prendre le temps de comprendre, sans forcément s'en remettre aux sachants : la représentation nationale doit se saisir de ces cas. Vous avez dit vous-même que vous n'avez pas encore bien défini le périmètre après six mois d'auditions, et c'est bien normal.
Il est donc très important de prendre le temps de la réflexion – tout en se hâtant car, chaque jour, des enfants sont opérés. Il me semble, en effet, que nous ne sommes pas, actuellement, en mesure de légiférer de façon sereine. Il nous faut discuter, prendre contact avec les professionnels et créer une mission d'information de manière à proposer, dans les six mois à venir, des préconisations que nous soumettrons éventuellement au Gouvernement en vue de l'élaboration d'un projet ou d'une proposition de loi. Cette étape de réflexion est très importante.
Par ailleurs, je ne peux pas vous laisser dire, monsieur Gérard, que ces enfants sont négligés par la loi et par le corps médical. Les centres de référence et de compétences spécialisés en uropédiatrie ont fait l'objet d'un gros travail de structuration. Cependant, tous n'ont pas les mêmes pratiques : certains sont plus permissifs que d'autres, hors urgence médicale bien entendu. Il convient donc que la future mission d'information se penche sur cette question.
Enfin, il serait, selon moi, prématuré que la loi exclue dès aujourd'hui telle ou telle pratique médicale, car ce que nous écririons dans le texte, quand bien même prendrions-nous beaucoup de précautions, pourrait empêcher les praticiens de faire leur travail correctement.
Pour ces différentes raisons, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements, sachant, je le répète, qu'une mission d'information transpartisane sera créée afin d'étudier ces cas et d'émettre, sur le fondement d'une étude sérieuse, des préconisations en vue de modifier la loi.
Je vous ai écouté attentivement. Lundi dernier, j'ai indiqué que j'étais défavorable à toute interdiction de pratiques médicales ; le rapporteur a raison sur ce point. Le panel des anomalies est très vaste et les prises en charge se font au cas par cas : nous connaissons trop de peu de chose sur ce qu'il convient de faire en faveur de ces enfants pour énoncer une interdiction de ce type au plan législatif. En outre, il est très difficile de déterminer les actes qui ont une finalité médicale et ceux qui en sont dépourvus – au demeurant, la loi interdit d'ores et déjà tout acte médical ou chirurgical qui ne répond pas à une nécessité médicale.
Je vous ai également indiqué que je prenais toutes les mesures nécessaires pour que ces enfants aient accès à des centres et à des réseaux de référence. Nous avons ainsi prévu d'homogénéiser et de renforcer le dispositif actuel, organisé autour d'un centre de maladies rares du développement génital et qui comprend quatre sites principaux ainsi qu'un réseau de centres de compétences répartis sur l'ensemble du territoire. Je souhaite que tous les enfants bénéficient, dans ce cadre, d'une prise en charge par des équipes spécialisées.
J'avais prévu de consulter le Comité consultatif national d'éthique avant d'élaborer ce projet d'arrêté. Mais, après vous avoir entendus, je crois important de faire état de ce sujet dans la loi. De fait, nous sommes face à de véritables souffrances et l'encadrement actuel n'est pas suffisant. Vous avez tous accompli un travail d'audition considérable, qui m'a d'ailleurs interpellée. C'est pourquoi je souhaite que cette question ne soit pas absente du texte. À cet égard, l'amendement n° 1904 de M. Gouffier-Cha me semble le plus proche de ce qu'il conviendrait de faire, puisqu'il tend à préciser que « sauf urgence vitale, aucun traitement ou acte médical visant à altérer les caractéristiques sexuelles primaires ou secondaires d'une personne ne peut être pratiqué sans qu'ait été préalablement consultée l'équipe pluridisciplinaire d'un établissement de santé figurant sur la liste mentionnée à l'article L. 1151-1. »
Je souhaite donc que nous retravaillions, d'ici à la séance publique, sur cette base : un enfant qui souffre de ce type d'anomalie doit bénéficier d'une prise en charge pluri-professionnelle dans un centre de référence. Nous marquerons ainsi le fait qu'il s'agit d'un sujet de préoccupation nationale, que vous avez bien identifié comme tel et qui nécessite une prise en charge de meilleure qualité. Mais, en tout état de cause, n'inscrivons pas dans la loi ce qui est permis ou non pour un médecin ; nous prendrions des risques considérables.
Je propose donc notamment à M. Gérard, à M. Lachaud, à Mme Romeiro Dias, à M. Touraine ainsi qu'à M. Gouffier-Cha de travailler ensemble d'ici à la séance publique pour que nous nous mettions d'accord sur un amendement qui soit fidèle à l'esprit des propositions des différents groupes ayant réfléchi à cette question.
Les amendements n° 2053 et n° 2073 sont retirés.
Merci beaucoup, madame la ministre, d'avoir entendu cet appel au secours lancé, et par les personnes concernées et par ceux d'entre nous qui ont travaillé sur le sujet. Je retire mon amendement ainsi que celui de Mme Vanceunebrock-Mialon, dont j'étais cosignataire.
Les amendements n° 1966 et n° 1808 sont retirés.
Je vous remercie, madame la ministre, de prendre en compte notre préoccupation. Nous serons ravis de travailler avec vous à la rédaction d'un amendement en vue de la séance publique. Néanmoins, je maintiens le mien, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, je ne vois pas pourquoi l'avis de la mission d'information dont notre collègue Touraine était le rapporteur serait plus défaillant sur ce point-là que sur d'autres. Ensuite, l'amendement de notre groupe vise, non pas à interdire telle ou telle pratique, mais à définir un cadre légal général pour les interventions qui, en dehors des cas d'urgence vitale, pourraient être pratiquées sans le consentement des intéressés. Je ne vois donc pas en quoi il pose problème, puisqu'il vise à garantir le droit, déjà reconnu, au respect de l'intégrité physique.
J'ai, moi aussi, réalisé de nombreuses auditions. Or beaucoup d'experts nous ont expliqué que ces opérations étaient plus efficaces lorsqu'elles étaient pratiquées après la puberté, en tout cas à un âge plus avancé que celui auquel elles sont actuellement effectuées. Il me paraît donc important de légiférer sur ce point. C'est pourquoi, je le répète, je maintiens mon amendement, tout en acceptant de travailler de manière transpartisane à la rédaction d'une proposition plus collective en vue de la séance publique.
Par ailleurs, j'aimerais, madame la ministre, puisque vous avez accès aux statistiques de vos services, que vous nous indiquiez le nombre annuel des interventions liées à ces variations.
Il se trouve que, dans le cadre de mes activités passées, je me suis penché sur les problèmes de détermination et de différenciation du sexe. Aussi, je souhaiterais appeler votre attention sur la complexité de cette question, complexité qu'a soulignée par Mme la ministre.
Chaque cas est un cas individuel. Certaines anomalies sont liées à la détermination du sexe, lorsqu'il y a discordance entre la structure génétique de l'enfant et les gonades qui se mettent en place. Celles-ci peuvent être très complexes : elles peuvent être mixtes, c'est-à-dire moitié ovarienne, moitié testiculaire – c'est ce que l'on appelle un ovotestis –, différentes de chaque côté… On peut rencontrer des garçons XX hermaphrodites et des petites filles XY, sur lesquelles il faut intervenir immédiatement pour lui ôter ses reliquats gonadiques, faute de quoi elle déclenchera assez rapidement un gonadoblastome. Il y a également les situations mosaïques, dont la complexité est différente. Il existe ensuite un autre type d'anomalies, liées, celles-là, à la différenciation du sexe. Il s'agit de cas, non plus d'hermaphrodisme, mais de pseudo-hermaphrodisme, qui se caractérisent par une résistance aux androgènes et qui touchent, par exemple, des garçons dont les testicules sont bloqués dans des cornes utérines. Or, là encore, si l'on n'agit pas rapidement, les testicules et le tissu utérin vont dégénérer. Bref, il faut savoir de quoi on parle.
Ces phénomènes, que vous appelez « intersexes », sont désignés, dans le monde professionnel, sous le vocable « ambiguïtés sexuelles ». Dans ce domaine, la France a accompli, au cours des années 1990, un travail très important, dont elle doit être fière, pour organiser, stratifier, comprendre. Il s'agit, en réalisant notamment des essais moléculaires et endocrinologiques, d'être le plus proche possible de l'action appropriée. Ce n'est vraiment pas simple. Il faut donc absolument se donner le temps de la réflexion, faute de quoi je crains que l'on n'amalgame tout et n'importe quoi.
Je veux tout d'abord réagir aux propos de notre collègue Berta. L'enjeu majeur, me semble-t-il, est, non pas de savoir si les équipes médicales agissent avec discernement ou non, mais, comme l'ont très bien expliqué mes collègues, de recueillir le consentement de la personne concernée, mineure ou non, qui se voit parfois assigner un sexe et matricer sa vie sans que celui-ci corresponde à son développement. Il faut en effet, en dehors des cas d'urgence vitale, se poser la question du recueil du consentement, et vous nous offrez, madame la ministre, une très belle opportunité de l'inscrire dans la loi. À cet égard, je crois, cher collègue Bastien Lachaud, que nous aurions tout à gagner à travailler de concert en vue de la séance publique plutôt que de devoir nous prononcer, ce soir, sur un amendement qui risque d'être rejeté, ce qui laisserait penser, à tort, qu'il existe un désaccord partisan sur le sujet.
Merci, madame la ministre, mes chers collègues, pour votre engagement sincère. Il s'agit d'un sujet fondamental sur lequel nous pouvons avancer collectivement et de manière transpartisane d'ici à la séance publique.
Je vais le retirer, madame la présidente, pourvu que nous puissions prendre assez rapidement connaissance du texte alternatif afin de savoir s'il répond bien à la diversité des situations qu'a rappelée M. Berta ou s'il nous faut présenter en séance publique un amendement qui permette d'apporter une solution à l'ensemble des enfants intersexes.
L'amendement n° 1863 est retiré.
Je souhaite apporter une clarification. Il est très important, me semble-t-il, de s'assurer que chaque enfant ne subit aucune perte de chance et peut être traité de la façon la plus appropriée et la plus humaine possible, car les situations sont complexes et parfois difficiles à vivre pour les familles.
Vous souhaitez que l'on recueille le consentement des enfants. Je comprends que certains d'entre eux aient le sentiment, arrivés à l'âge adulte, d'avoir été mutilés. Cependant, chaque cas est différent et certaines situations, sans être des urgences vitales, peuvent présenter un risque, de sorte qu'il est impossible, dans de nombreux cas, d'attendre l'adolescence. Je ne veux donc pas vous laisser croire que l'amendement qui sera déposé en séance publique comportera le mot « consentement » : car, si tel était le cas, nous nous exposerions au risque de compromettre gravement les prises en charge. Veillons à éviter de priver l'enfant d'une chance, dans un sens ou dans l'autre. Je m'efforcerai de trouver l'équilibre qui convient.
Par l'amendement n° 1743, M. Lachaud propose que soient « dépourvus de nécessité médicale et interdits les actes de conformation sexuée visant à modifier les caractéristiques sexuelles primaires et secondaires d'une personne, sauf en cas d'urgence vitale ou de consentement personnellement exprimé par cette dernière, même mineure. » Je ne peux qu'être défavorable à une telle mesure, car elle serait tout simplement inapplicable.
Quant à l'amendement n° 1904 de M. Gouffier-Cha, qui n'est certes pas défendu, il prévoit que, « sauf urgence vitale » – mais comment la définit-on ? Cette urgence doit-elle être appréciée à court terme, à moyen terme ? – «, aucun traitement ou acte médical visant à altérer les caractéristiques sexuelles primaires ou secondaires d'une personne ne peut être pratiqué sans qu'ait été préalablement consultée l'équipe pluridisciplinaire d'un établissement de santé figurant sur la liste mentionnée à l'article L. 1151-1. » En l'espèce, la consultation, me semble-t-il, ne suffit pas : doivent s'y ajouter la prise en charge, l'accompagnement, l'intervention, le suivi… Au cours d'une consultation, on ne peut pas forcément analyser la complexité nosologique du cas.
Il est très difficile de légiférer sans risquer d'obérer les chances de l'enfant. Peut-être pourrons-nous aboutir à une rédaction équilibrée, mais je suis perplexe. En tout cas, nous ferons le nécessaire pour y parvenir.
La commission rejette l'amendement n° 1743.
Article 22 : Autorisation de la greffe de tissu germinal pour le rétablissement d'une fonction hormonale et clarification du devenir des gamètes et tissus germinaux conservés
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels n° 1867, n° 1868 et n° 1869 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement n° 1786 de M. Raphaël Gérard.
Par cet amendement, nous proposons que les personnes qui entament un traitement contre le cancer ou une autre pathologie susceptible d'entraîner une perte de fertilité soient informées de la possibilité d'auto-conserver leurs gamètes. En effet, Mme Robert a rencontré, dans le cadre de son rapport, des personnes âgées de moins de 35 ans atteintes d'un cancer qui sont devenus infertiles suite à une intervention chirurgicale et qui n'avaient pas été informées de cette possibilité. De même, il est fréquent que les personnes transsexuelles n'en soient pas non plus informées au moment d'entamer leur transition ou de suivre un traitement hormonal. Les patients doivent donc être informés dès le démarrage du traitement, voire en amont.
Avis favorable, à condition, mon cher collègue, que vous supprimiez l'adverbe « obligatoirement », qui est inutile dès lors que la phrase est conjuguée au présent de l'indicatif. J'ajoute qu'une telle clarification peut être souhaitable, mais que cette information est prévue dans les préconisations du plan Cancer 2014-2019. Néanmoins, il est vrai que les patients atteints d'un cancer ne sont pas les seuls concernés.
Je vous demanderai, monsieur Gérard, de retirer l'amendement, car il est satisfait. Certes, il ne l'est pas dans les faits – je vous rejoins sur ce point –, mais il est prévu, dans le plan Cancer, qu'une information sur la préservation de la fertilité et les techniques qui la permettent – information qui figure du reste dans tous les guides « Cancer Info » – est délivrée lors de la consultation d'annonce. Que les équipes ne fassent pas tout ce qui est prévu dans la réglementation, cela arrive, mais ce n'est pas en inscrivant cette précision dans la loi que l'on y changera quoi que ce soit.
Par ailleurs, il faut être très prudent. En effet, la consultation d'annonce n'est pas forcément le bon moment pour évoquer la préservation de la fertilité : le patient vient d'apprendre le diagnostic de sa maladie, qui peut être gravissime, et il peut être préférable d'attendre quelques semaines avant d'aborder la question avec lui.
Je vais maintenir l'amendement, tout en le rectifiant, car il concerne tous les traitements susceptibles de porter atteinte à la fertilité et pas uniquement les traitements contre le cancer.
La commission adopte l'amendement n° 1786 ainsi rectifié.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 1255 de M. Philippe Berta.
Il s'agit d'instaurer la possibilité d'une visite médicale dédiée à la fertilité en dehors de tout projet parental. Cette visite aurait une double finalité. La première est la diffusion de messages de prévention personnalisés sur la fertilité : comportements altérant la fertilité, horloge biologique, perturbateurs endocriniens, etc. La seconde est la réalisation d'examens médicaux des principaux facteurs de fertilité. Dans les cas où les résultats de ces examens le justifieraient, le médecin informerait la personne concernée de la possibilité de conserver ses gamètes ou tissus germinaux en vue d'un futur projet parental.
Je ne perçois pas la plus-value qu'apporterait l'amendement par rapport au dispositif existant. Actuellement, par exemple, le Centre hospitalier intercommunal de Créteil propose à toute femme, quel que soit son âge et indépendamment de tout projet parental, des « fertilité check-up » comprenant, pour un montant de 350 euros – non pris en charge par la Sécurité sociale, mais ce n'est pas le cas non plus dans votre amendement – des consultations sur la fertilité et des examens échographiques destinés à vérifier leurs facteurs de fertilité. Rien n'interdisant de telles consultations aujourd'hui, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; sinon, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 1255 est retiré.
La commission examine les amendements n° 1954 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon et n° 1785 de M. Raphaël Gérard.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, les politiques des centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) en matière d'accueil des personnes transgenres au moment de l'autoconservation de leurs gamètes diffèrent d'un centre à l'autre. Je propose donc de préciser que le changement de sexe à l'état civil ne fait pas obstacle à la demande d'autoconservation pour motif médical.
Lors de son audition, lundi dernier, Mme la ministre a précisé, en réponse à l'une de mes questions sur l'autoconservation des gamètes des personnes transgenres : « Si une opération chirurgicale de transition a lieu, il peut y avoir une prise en charge de l'autoconservation des gamètes à titre médical, comme pour quelqu'un qui a une endométriose ou un cancer aujourd'hui. En dehors de ce cas, comme pour les autres hommes et les autres femmes, l'autoconservation sera ouverte, en application de l'article 2 de notre projet de loi, dans les bornes d'âge qui sont définies par décret. »
Je vous demande donc de retirer vos amendements, car ils sont satisfaits.
Je suis désolé, mais je vais m'entêter. Nous avons là une illustration de ce que j'évoquais tout à l'heure : on refuse de nommer les situations. Depuis la loi de 2016, le changement de sexe à l'état civil n'est plus conditionné par un traitement ou une opération chirurgicale. Il m'est donc très difficile d'entendre que la chirurgie serait un passage nécessaire pour vivre son identité de genre de façon épanouie. Cette précision s'impose, et elle est justifiée par l'expérience des personnes concernées. De fait, les réponses des représentants des CECOS lors des auditions sont assez éloignées de ce que vivent les personnes transsexuelles lorsqu'elles sont accueillies dans ces centres. Je maintiens donc mes amendements.
La commission rejette successivement les amendements n° 1954 et n° 1785.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel n° 1871 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 2231 du rapporteur.
Cet amendement a trait à une situation un peu particulière. En l'état actuel du droit, les adultes qui ont conservé leurs gamètes ou leurs tissus germinaux et qui ne les utilisent pas peuvent, s'ils y ont consenti, dans des conditions très précises, les donner, mettre fin à leur conservation ou les confier à la recherche. Par cet amendement, nous proposons que les gamètes ou tissus germinaux conservés d'une personne mineure qui vient à décéder puissent, si les parents y consentent – ce consentement devant être réitéré tous les trois mois – faire l'objet d'une recherche, dans les mêmes conditions que celles aujourd'hui prévues pour les gamètes ou tissus germinaux conservés de personnes majeures.
En effet, un certain nombre de professionnels insistent sur le fait que, premièrement, le tissu germinal d'un testicule ou d'un ovaire n'est pas le même avant et après la puberté et, deuxièmement, lorsqu'on réinjecte à un patient des tissus germinaux, surtout des ovocytes, on prend le risque de réintroduire dans le corps d'un patient en rémission ou en guérison un tissu contenant des cellules résiduelles leucémiques ou cancéreuses. Or, cette mesure permettrait aux chercheurs d'étudier la spermatogénèse et l'ovogénèse sur des tissus prépubères mais aussi et surtout de prévenir la réintroduction de tissus affectés par des cellules tumorales.
Avis favorable, sous réserve de certaines précisions concernant le recueil du consentement. Je vous propose donc de retirer l'amendement et d'y retravailler d'ici à la séance publique.
L'amendement n° 2231 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement n° 1022 de Mme Annie Genevard.
Les gamètes auto-conservés pour des raisons médicales par une personne malade ne doivent pas pouvoir être ultérieurement donnés pour l'assistance médicale à la procréation au profit d'un tiers en raison des risques sanitaires que leur utilisation comporte. Lors de son audition, Mme la professeure Catherine Poirot, présidente du Groupe de recherche et d'étude sur la cryoconservation de l'ovaire et du testicule (GRECOT), a appelé notre attention sur ce point.
Des dispositions réglementaires viennent encadrer les dons de gamète et théoriquement, il n'y a pas de risque que des gamètes conservés pour des motifs pathologiques puissent être donnés. Il existe une liste très exhaustive de critères d'acceptabilité des dons. Cela dit, je donne un avis favorable à votre amendement car nous estimons qu'un ancrage législatif est nécessaire.
La commission rejette l'amendement n° 1022.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels n° 1873, n° 1874 et n° 1875 du rapporteur.
Sur l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement n° 1167 de M. Didier Baichère.
Elle est saisie de l'amendement n° 1882 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser, au sein des dispositions transitoires de l'article 22, que les gamètes ou tissus germinaux qui seront déjà conservés à la date de publication de la présente loi relative à la bioéthique, ne seront détruits, en cas de décès d'une personne majeure, que si celle-ci n'a pas au préalable explicitement consenti à ce que ses gamètes fassent l'objet d'un don ou à ce que ses gamètes ou tissus germinaux fassent l'objet d'une recherche.
La commission adopte l'amendement n° 1882.
Puis elle adopte l'article 22 modifié.
CHAPITRE II Optimiser l'organisation des soins
Article 23 : Élargissement des missions des conseillers en génétique
La commission examine l'amendement n° 1307 de Mme Elsa Faucillon.
L'article 23 entend confier aux conseillers en génétique de nouvelles prérogatives en leur permettant entre autres de réaliser certains examens sans qu'une prescription médicale soit nécessaire.
Nous ne souhaitons pas remettre en cause le rôle des conseillers en génétique. Toutefois, il nous semble important de rappeler que ces personnels ne sont pas des médecins et qu'en matière de génétique, il reste préférable que la prescription médicale soit obligatoire.
La prescription par les conseillers génétiques est strictement encadrée. La procédure est fortement protocolisée : ils sauront quels examens s'imposent, compte tenu du cadre clinique. Ce sont les médecins généticiens qui élaborent la fiche de prescription et c'est à eux que revient le soin de communiquer les résultats aux patients. Ajoutons que la prescription, même si elle est faite sous l'autorité des médecins généticiens, relève de la responsabilité des conseillers en génétique.
Avis défavorable.
Je profite de cette occasion pour rappeler ce que nous avons entendu en audition : les médecins et les conseillers généticiens sont d'accord pour faire évoluer les tâches confiées aux conseillers généticiens, y compris en leur ouvrant la possibilité de communiquer les résultats à la personne concernée.
La commission rejette l'amendement n° 1307.
Elle examine, en discussion commune, l'amendement n° 1885 du rapporteur et l'amendement n° 2016 de Mme Sereine Mauborgne.
L'amendement n° 1885 entend préciser que les résultats seront communiqués à la personne « uniquement » par le médecin généticien.
Comme l'a souligné M. Martin, les médecins généticiens se sont déclarés favorables à une évolution des responsabilités des conseillers en génétique afin de se voir libérer du temps médical et se consacrer à leurs travaux de recherche. Dans l'esprit de la loi « Ma santé 2022 », il me paraît important, dans l'intérêt des patients, de prendre en compte les accords entre professionnels de santé afin d'effectuer des glissements de tâches dans le cadre des protocoles.
Nous proposons donc dans notre amendement n° 2016 que les conseillers puissent communiquer les résultats lorsque « l'anomalie constatée est faible ou absente ». Je m'étonne qu'il soit discuté en même temps que l'amendement du rapporteur, exactement contraire…
Si ces deux amendements sont en discussion commune, c'est précisément parce qu'ils sont exclusifs l'un de l'autre…
Je suis très défavorable à votre amendement, madame Mauborgne, qui va précisément à l'opposé de l'objectif que je vise.
Tout d'abord, je ne comprends pas bien votre rédaction : comment une anomalie peut-elle à la fois être « constatée » et « absente » ?
En outre, je suis extrêmement réservé sur l'organisation pratique que suppose cette répartition des tâches. Dans la salle d'attente, les patients seraient soit dirigés vers le conseiller en génétique si leurs résultats sont normaux, soit vers le médecin généticien si une anomalie est détectée. Autrement dit, ils connaîtraient d'avance le résultat…
Il est vrai, madame Mauborgne, que l'esprit de « Ma santé 2022 » est de favoriser les délégations de tâches pour libérer du temps médical. Pour la prescription, il me semble que cela ne pose aucun problème. Pour la communication des résultats, je dois dire que l'argument de M. le rapporteur m'a fait changer de position : l'argument selon lequel le tri des malades en salle d'attente reviendrait à donner le résultat par avance… Ce qui me conduit à donner un avis défavorable à votre amendement n° 2016.
Pour autant, je ne souhaite pas non plus que seul le médecin soit habilité à communiquer les résultats. Si nous sommes amenés à organiser des consultations séparées dans le cadre des protocoles de délégation de tâches dans certains hôpitaux, il faut envisager plusieurs possibilités de répartition du travail. Mon avis sera donc également défavorable à l'amendement du rapporteur.
Gardons-nous d'aller trop loin dans un sens ou dans un autre.
Dans les discussions que nous avons eues avec les généticiens, nous avons vu que lorsqu'une personne est atteinte d'une anomalie génétique, l'information n'est pas révélée aux autres membres de la famille. Je ne sais pas comment M. le rapporteur peut imaginer que les résultats seraient communiqués en même temps. Les consultations seraient séparées et le tri dans la restitution pourrait être aisément opéré.
L'amendement n° 1885 est retiré.
La commission rejette l'amendement n° 2016.
Sur l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 515 de M. Patrick Hetzel.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel n° 1886 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 23 modifié.
Après l'article 23
La commission est saisie de l'amendement n° 1256 de M. Philippe Berta.
Le présent amendement vise à ouvrir la possibilité aux détenteurs d'un diplôme d'études spécialisées (DES) de génétique médicale de réaliser des examens de diagnostics génétiques. Les docteurs en sciences spécialisés en génétique disposent de toutes les compétences requises pour procéder à la phase analytique des diagnostics génétiques. Le DES de génétique médicale est en effet une formation translationnelle mixte clinico-biologique qui forme des médecins spécialistes en génétique médicale aussi bien dans les activités cliniques que biologiques. Or, la rédaction actuelle de la loi invite l'Agence de la biomédecine à établir des critères d'agrément restrictifs pour ces professionnels qui ne sont pas des biologistes médicaux et qui ne sont pas inclus dans la liste d'exceptions. Le nombre de diagnostics génétiques étant amené à croître avec les dispositions du présent projet de loi et du plan « France Médecine génomique 2025 », il importe que tous les professionnels compétents soient en mesure d'y participer.
Monsieur Berta, autant je comprends la première partie de cet important amendement, qui vise à compléter la liste des personnes qui peuvent exercer les fonctions de biologiste médical sans l'être, afin d'y ajouter les médecins généticiens, autant je ne comprends pas sa seconde partie qui complète, à l'article L. 4161-1 du code de la santé publique la liste des personnes qui, sans être médecins, peuvent effectuer certains actes sans encourir le reproche d'exercice illégal de la médecine. Les généticiens titulaires du DES de génétique sont en effet des médecins dans 90 % des cas. Est-il pertinent de les ajouter à la liste des non-médecins qui échappent, à certaines conditions, à l'incrimination d'exercice illégal de la médecine ?
Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement n° 1256 est retiré.
Article 24 : Garantie d'une transmission sécurisée des résultats d'examens génétiques entre laboratoires
L'amendement n° 575 de Mme Annie Genevard est retiré.
La commission est saisie de l'amendement n° 1007 de M. Thibault Bazin.
J'ai lu attentivement la contribution du Comité consultatif national d'éthique qui recommande la création d'un statut des conseillers génétiques pour éviter la prolifération de charlatans – je reprends ici un mot employé dans nos débats. J'estime que c'est une nécessité, compte tenu du développement exponentiel des tests génétiques et de l'augmentation du recours aux non-médecins.
Soucieux de ne pas faire de loi bavarde, j'ai voulu économiser les mots et aller à l'essentiel en proposant de compléter l'article 24 par la phrase suivante : « Un statut des conseillers génétiques est créé ». Je vous fais toute confiance, madame la ministre, pour lui donner une réalité quand vous en aurez fini avec vos différents chantiers, retraites et autres…
Les conseillers en génétique ont déjà un statut, monsieur Bazin : je vous renvoie aux articles R. 1132-1 à R. 1132-20 du code de la santé publique qui détaillent les modalités de l'exercice de cette profession et diverses exigences.
Dans ses préconisations, le CCNE visait un élargissement des tâches effectuées par les conseillers en génétique à la prescription, ce qui est précisément l'objet de l'article 23.
Demande de retrait, ou avis défavorable.
L'amendement n° 1007 est retiré.
La commission adopte l'article 24 sans modification.
Article 25 : Aménagement, pour les patients concernés, d'une passerelle entre la génétique somatique et la génétique constitutionnelle
La commission est saisie de l'amendement n° 1271 de M. Jean-Pierre Door.
Il s'agit de renforcer les conditions de protection de la réalisation d'un examen génétique à des fins médicales sur la personne décédée, en exigeant que le médecin ait une qualification spécifique en génétique.
Cet amendement est directement lié à l'article 23 ; par cohérence avec la position que j'ai exprimée, je vais lui donner un avis défavorable. Vous n'avez aucune assurance qu'une équipe pluridisciplinaire comprenne un médecin qualifié en génétique à même de communiquer les résultats. Personnellement, cela me gêne qu'un conseiller en génétique puisse restituer ces résultats, compte tenu de leur caractère sensible.
Je vais transmettre votre avis à M. Door et vous travaillerez peut-être entre confrères à une nouvelle rédaction.
L'amendement n° 1271 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 1892 du rapporteur.
Le présent amendement vise à combler une lacune du projet de loi qui ne comprend pas de définition précise de la génétique somatique. La formulation qui s'y réfère est floue puisqu'il est seulement fait mention des « caractéristiques génétiques acquises ultérieurement ». Nous proposons donc d'ajouter la phrase suivante : « L'examen des caractéristiques génétiques somatiques consiste à analyser les caractéristiques génétiques d'une personne qui ne concernent pas ses cellules germinales. ». Cette distinction entre génétique constitutionnelle et génétique somatique permet ensuite d'alléger le reste de la rédaction de l'article 25.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur : cet article n'est pas bien rédigé. Toutefois insérer les mots de « génétique somatique » et « génétique constitutionnelle » dans la loi me paraît relever d'un vocabulaire par trop médical. Nous cherchions à rendre cette distinction compréhensible par nos concitoyens. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Je suis gentil et compréhensif, mais je ne veux pas retirer cet amendement. La rédaction actuelle n'est absolument pas satisfaisante. L'article 25 définit l'objet de l'examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles ; il me paraît important, parallèlement, de définir l'objet des caractéristiques génétiques somatiques pour rendre compte de la complexité des examens génétiques. Cela permet en outre de définir les données incidentes. Prenons un exemple simple : l'examen des cellules tumorales du cancer du sein relève de la somatique, mais si l'on détecte parmi elles la présence d'un gène BRCA1, cela relève de la génétique constitutionnelle.
Je vais accepter l'amendement du rapporteur, mais sous réserve d'une modification qui permette à nos concitoyens de comprendre le mot « somatique ». Ce sous-amendement consisterait à remplacer les mots « qui ne concernent pas ses cellules germinales » par « qui ne sont ni héritées ni transmissibles à partir de cellules autres que les cellules germinales ».
Je crois que le plus simple est que je retire mon amendement pour que nous travaillions ensemble à une nouvelle rédaction… (Sourires.)
L'amendement n° 1892 est retiré ainsi que l'amendement de cohérence n° 1894 du rapporteur.
La commission adopte l'article 25 sans modification.
Article 26 : Sécurisation de l'utilisation du microbiote fécal
La commission est saisie des amendements identiques n° 2261 du rapporteur, n° 1551 de M. Bruno Fuchs et n° 1673 de M. Thibault Bazin.
L'article 26 a pour objet de créer un cadre juridique spécifique au recueil des selles d'origine humaine destinées à la préparation du microbiote fécal à des fins thérapeutiques. Il vise également à encadrer les étapes de collecte, de contrôle, de conservation, de transport ainsi que les modalités de traçabilité des selles collectées.
Nous considérons qu'un tel article n'a pas sa place dans une loi de bioéthique. Si cet amendement de suppression n'est pas adopté, je présenterai un amendement de repli qui propose d'instaurer des mesures coercitives de contrôle de ces pratiques de transplantation de selles humaines pour une indication médicale reconnue : la résistance aux antibiotiques d'un germe dénommé Clostridium difficile qui provoque des décès.
La séance, suspendue à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure trente.
Nous nous interrogeons sur la présence d'un tel article dans une loi de bioéthique, raison pour laquelle notre amendement n° 1551 propose de le supprimer afin de l'intégrer dans une loi de santé ultérieure.
Je ne suis pas sûr que Mme la ministre ait l'intention de proposer une nouvelle loi santé, compte tenu du programme chargé qui l'attend…
L'organisation de la discussion est ainsi faite que les amendements de suppression d'article sont placés avant les autres amendements. Or nous considérions notre amendement n° 1673 plutôt comme un amendement d'appel au cas vous refuseriez les améliorations du texte que nous proposons dans nos amendements suivants.
Un amendement de suppression d'article ne signifie pas nécessairement que l'on cherche à supprimer le dispositif concerné, contrairement à ce que peuvent laisser entendre les médias, qui ont tendance à simplifier les choses. Ainsi, le groupe Les Républicains n'a jamais voulu supprimer l'interruption médicale de grossesse, mais seulement clarifier le dispositif.
Dans le cas présent, notre intention n'est évidemment pas de remettre en cause la pratique en question, réellement utile, mais de mieux verrouiller la procédure. Sur ce point, nous sommes dans le même état d'esprit que le rapporteur. Nous allons toutefois retirer notre amendement.
Les amendements n° 2261, n° 1551 et n° 1673 sont retirés.
La commission examine l'amendement n° 1258 de M. Philippe Berta.
Le présent amendement vise à assurer le consentement du donneur auprès de qui seront collectées les selles en vue d'une utilisation thérapeutique pour un tiers. Cette inscription du consentement dans la loi est nécessaire car il s'agit d'un produit issu du corps humain et que les examens de contrôle peuvent de manière incidente révéler une anomalie pouvant être causée par une affection grave comme une tumeur du côlon.
Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable. Le consentement du donneur est déjà recueilli dans le questionnaire clinique réalisé avant tout prélèvement de selles – comme de sang. C'est la règle et cela relève des bonnes pratiques. Votre amendement est donc satisfait. Je répète que l'article 26 ne vise qu'à encadrer une pratique qui existe déjà.
L'amendement n° 1258 est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements n° 977 de M. Thibault Bazin et n° 2262 du rapporteur.
Sur cette question, comme sur d'autres, vous préférez le régime déclaratif au régime d'autorisation, ce que nous contestons. Compte tenu des accidents qui se sont produits aux États-Unis, et même plus près de nous, il paraît pertinent de prévoir un régime d'autorisation pour la collecte de selles plutôt qu'un régime de déclaration, qui est plus léger.
Mon amendement va dans le même sens que le vôtre, monsieur Bazin, puisque je préconise moi aussi un régime d'autorisation, afin de mieux encadrer cette pratique. Je vous invite donc à retirer votre amendement au profit de mon amendement n° 2262, dont la rédaction me semble préférable.
L'amendement n° 977 est retiré.
La commission adopte l'amendement n° 2262.
Elle examine ensuite l'amendement n° 978 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement vise, comme les précédents, à s'assurer du consentement libre et éclairé du donneur. Vous avez expliqué, monsieur le rapporteur, que ce consentement était déjà recueilli dans le questionnaire clinique et que cela relevait des bonnes pratiques. Mais, puisque notre but est de mieux encadrer les choses, ne serait-il pas préférable de l'expliciter ? Nous serions tous rassurés.
Je répète que votre amendement est satisfait, que c'est une évidence absolue et que cela relève des bonnes pratiques. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 978 est retiré.
La commission adopte les amendements rédactionnels nos 2217 et 2218 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement n° 979 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement vise à supprimer le mot « imminent », à l'alinéa 9. Le transfert de microbiote fécal est risqué, compte tenu des infections possibles. Il faut donc faire preuve de prudence et prévoir une décision de suspension ou d'interdiction en cas de risque, et pas seulement en cas de risque « imminent ». Nous avions déjà pointé le même genre de difficulté à propos d'un autre article : si nous voulons encadrer, faisons-le vraiment.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, car la notion de « risque imminent » a un sens.
Je rappelle que l'objectif de cet article est d'encadrer l'activité de collecte de selles, en en confiant le contrôle à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Un prélèvement ne sera transplanté au patient que si les explorations réalisées, les réponses au questionnaire et l'examen clinique montrent qu'il n'y a pas de risque a priori – même si le risque n'est jamais nul.
La notion de « risque imminent » peut être évoquée lorsque des manquements sont graves et avérés, au point qu'ils risquent d'entraîner des problèmes pour le patient, par exemple un risque de contamination. En cas de risque imminent, une procédure s'enclenche, sous le contrôle de l'ANSM. La suppression du mot « imminent » dénaturerait la procédure, au risque de rendre la pratique elle-même impossible.
L'amendement n° 979 est retiré.
La commission adopte l'article 26 modifié.
Article 27 : Réalisation de médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement dans le cadre d'une seule intervention médicale sous la responsabilité d'un établissement ou organisme autorisé au titre de l'article L. 4211-9-1 du code de la santé publique
La commission examine l'amendement n° 1552 de M. Bruno Fuchs.
Je vous invite à retirer votre amendement, car je ne suis pas favorable à la suppression de cet article. Il me semble préférable de le maintenir et de mieux encadrer, comme le proposent plusieurs amendements, la réalisation de médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement (MTI-PP).
L'amendement n° 1552 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 980 de M. Thibault Bazin.
À l'alinéa 6, je propose, après le mot « médicale », d'insérer les mots « dans un délai raisonnable ». L'article 27 autorise la préparation de médicaments de thérapie innovante au cours d'une seule intervention médicale. L'idée qu'il y aurait « une seule intervention médicale » pouvant s'avérer contestable, je propose de préciser que cette préparation doivent se faire « dans un délai raisonnable ».
Je ne peux qu'être défavorable à votre amendement, monsieur Bazin, dans la mesure où la mention que vous voulez supprimer est précisément ce qui définit le médicament de thérapie innovante préparé ponctuellement. Cette définition a fait l'objet d'accords et de conventions européennes.
Je rappelle que nous parlons ici d'un médicament réalisé à des fins autologues et que le prélèvement, puis la modification, le contrôle et la réinjection dudit prélèvement chez le même patient doit se faire au cours d'un acte médical unique. L'expression « délai raisonnable » n'est donc absolument pas adaptée.
L'amendement n° 980 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 981 de M. Thibault Bazin.
À l'alinéa 6, je propose, après le mot « réalisées », d'insérer les mots « dans des situations autologues seulement et non d'un patient à l'autre ». Il s'agit, là encore, d'encadrer au mieux cette pratique.
Je ne peux, cette fois encore, qu'être défavorable à votre amendement, car les MTI-PP sont, par définition, préparés à des fins autologues. Ce type de médicament ne peut pas faire l'objet d'injections allogéniques. J'ajoute que, d'un point de vue purement rédactionnel, il faudrait parler de « fins autologues », et non de « situation autologue ».
L'amendement n° 981 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 2263 du rapporteur.
Cet amendement visait, dans un souci de précision, à insérer à l'alinéa 7, après le mot « administration », les mots « à des fins autologues », mais je le retire.
L'amendement n° 2263 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 982 de M. Thibault Bazin.
Avec cet amendement, je propose que l'Agence nationale de sécurité du médicament puisse également contrôler la responsabilité médicale des sous-traitants éventuels. Je ne sais pas si cette disposition a sa place dans une loi de bioéthique, mais nous devons nous assurer que le contrôle s'étend aux sous-traitants : c'est une question de fond.
Je crois utile de rappeler la manière dont sont réalisés les MTI-PP.
On prend le patient, on l'endort et on l'amène au bloc opératoire. Là, on lui prélève, par exemple, un petit bout de cartilage, que l'on manipule – de manière peu importante –, et on le lui réinjecte dans la foulée. C'est un acte médical unique qui est réalisé en quelques heures, et le patient reste au bloc opératoire.
Le traitement, qui a lieu entre le prélèvement et la réinjection, peut se faire soit dans le même établissement, au sein d'un laboratoire voisin du bloc opératoire, soit dans un établissement prestataire de services : c'est pour cette raison qu'il est fait mention d'un « contrat » dans l'article.
Ce qu'il faut savoir, c'est que l'ANSM ne peut contrôler que les établissements qu'elle a autorisés, et non les établissements auxquels est parfois sous-traité le traitement du prélèvement. Je vous proposerai, avec mon amendement n° 2253, un dispositif qui clarifie les choses et qui garantit un contrôle à toutes les étapes du processus.
Je vous invite donc, monsieur Bazin, à retirer votre amendement.
Monsieur le rapporteur, vous proposez, avec votre amendement n° 2253, que cette vérification soit opérée « en coordination avec l'Agence régionale de santé ». Pensez-vous vraiment que ce type de contrôle soit suffisant ?
L'ANSM n'exerce un pouvoir de contrôle, voire de police, que sur les établissements qu'elle autorise. Si le même établissement fait le prélèvement, fabrique la préparation et la réinjecte, l'ANSM peut contrôler toutes les étapes de la procédure. Mais si la deuxième étape est confiée à un sous-traitant, l'ANSM ne peut pas la contrôler. C'est pourquoi je propose que ce contrôle soit fait en coordination avec l'ARS. De cette manière, toutes les étapes seront parfaitement contrôlées.
L'amendement n° 982 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 2253 du rapporteur.
Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, l'ANSM est compétente pour inspecter les établissements autorisés : elle désigne des inspecteurs et peut intervenir dans les établissements de santé qui préparent les MTI-PP. Par ailleurs, en application de l'article L. 5313-3 du code de la santé publique, l'ANSM peut demander aux agences régionales de santé de faire intervenir leurs agents habilités à contrôler l'application des dispositions législatives et réglementaires visant à préserver la santé : cela peut s'appliquer aux établissements sous-traitants. Votre amendement me paraît donc satisfait et je vous invite à le retirer.
Je maintiens mon amendement, car je crois utile de clarifier les choses, notamment pour la phase de manipulation et de préparation qui a lieu en dehors du bloc opératoire.
Je m'en remets alors à la sagesse de votre assemblée.
La commission adopte l'amendement n° 2253.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel n° 2121 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 27 modifié.
Article 28 : Diverses mises en cohérence au sein du code de la santé publique
La commission adopte successivement l'amendement rédactionnel n° 2036 et l'amendement de coordination n° 2039 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement n° 2040 du rapporteur.
Cet amendement vise à compléter l'alinéa 3 par les mots : « au regard des critères énoncés par décret en Conseil d'État, après avis de l'Agence de la biomédecine. »
Je vous remercie de votre vigilance, monsieur le rapporteur. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement n° 2040.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels n° 2042 et n° 2044 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 28 modifié.
Titre VI Assurer une gouvernance bioéthique adaptée au rythme des avancées rapides des sciences et des techniques
Avant l'article 29
Je souhaite la bienvenue à Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure pour les titres VI et VII.
La commission examine l'amendement n° 794 de M. Alain Ramadier.
La commission rejette l'amendement n° 794.
Elle examine ensuite l'amendement n° 1915 de M. Didier Martin.
Cet amendement vise à modifier l'intitulé du titre VI en substituant aux mots « et des techniques » les mots « des techniques et des évolutions sociétales ».
Votre proposition me met un peu mal à l'aise : je m'interroge sur la manière dont nos concitoyens pourraient comprendre une telle formulation. En matière d'éthique, est-ce l'évolution sociétale qui doit nous guider ? Il me semble qu'une loi de bioéthique porte davantage sur l'évolution des techniques… Dans la mesure où ce titre modifierait l'orientation de la loi, je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.
Je suis, moi aussi, un peu gêné par cette notion d'évolution sociétale, comme je le suis, du reste, par le mot « techniques ». Le champ d'une loi de bioéthique me semble dépasser celui des techniques et des évolutions sociétales. Cette formulation me semble un peu brutale.
Je comprends que notre collègue souhaite lier les notions de techniques et d'évolutions sociétales, mais la rédaction qu'il propose ne fait que les juxtaposer. Par ailleurs, nous sommes déjà censés prendre en compte les évolutions sociétales dans tous les textes de loi que nous examinons… Il faudrait donc, si nous voulons modifier l'intitulé du titre VI, expliciter ce lien entre « techniques » et « évolutions sociétales ». Cela pourrait modifier profondément le champ d'application des lois de bioéthique : c'est donc une question importante.
La commission rejette l'amendement n° 1915.
La commission examine ensuite les amendements identiques n° 179 de M. Xavier Breton, n° 367 de M. Patrick Hetzel et n° 931 de M. Thibault Bazin.
Le caractère obligatoire du recours aux états généraux de la bioéthique ne concerne que les projets de loi. Il paraît donc indispensable d'inclure les propositions de loi qui peuvent aussi traiter de bioéthique. Tel est l'objet de l'amendement n° 179.
L'amendement n° 367 vise également à élargir le périmètre des états généraux de la bioéthique aux propositions de loi. En effet, au cours des dernières années, il est arrivé que des propositions de loi aient une incidence sur des questions de nature bioéthique.
L'amendement n° 931 est défendu. Je précise que mon collègue Patrick Hetzel faisait allusion à la loi de 2013.
Même si je comprends le sens de vos amendements, j'y suis défavorable, car ils visent à organiser des états généraux avant l'examen de chaque proposition de loi. Ce dispositif serait beaucoup trop lourd, compte tenu du nombre de propositions de loi déposées chaque année dans cette assemblée.
Je suis néanmoins sensible à votre idée de mener une réflexion bioéthique sur d'autres textes examinés à l'Assemblée nationale : c'est pourquoi je vous proposerai, avec mon amendement n° 2432, de créer une délégation permanente, qui serait chargée de ces questions.
Je pense, comme la rapporteure, que le dispositif que vous proposez serait beaucoup trop lourd et qu'il aurait pour effet de restreindre l'initiative parlementaire. Le présent projet de loi prévoit déjà d'organiser, chaque année, des débats citoyens sur les questions de bioéthique ; cela suffira largement à éclairer l'opinion et la représentation nationale.
La commission rejette les amendements n° 179, n° 367 et n° 931.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 2432 de la rapporteure et n° 1116 de M. Patrick Hetzel.
L'amendement n° 2432 vise à créer une délégation parlementaire à la bioéthique, conformément à la proposition n° 60 de la mission d'information sur la révision des lois de bioéthique.
Cette proposition me paraît cohérente avec celle, contenue dans le projet de loi, d'organiser chaque année des débats citoyens sur un ou plusieurs thèmes relevant de la bioéthique. Dans la mesure où les institutionnels et les citoyens sont régulièrement invités à débattre de ces questions, il semble important que les parlementaires aient, eux aussi, un outil de travail à leur disposition. Cette délégation pourra être saisie ou se saisir de projets ou de propositions de loi ayant un rapport plus ou moins étroit avec la bioéthique. Elle assurera également le suivi de l'application de la loi, ce qui est unanimement demandé.
Notre réflexion bioéthique pourra ainsi s'inscrire dans la durée, ce qui est essentiel. En effet, nous avons tous constaté que s'il est si difficile de légiférer dans ce domaine, c'est aussi parce que nous ne débattons de ces questions qu'à l'occasion des révisions de la loi de bioéthique. Cette délégation nous permettra d'accroître notre expertise, de prendre le temps de l'évaluation et de partager nos réflexions bioéthiques sur des textes qui peuvent concerner ce champ – je pense par exemple à des textes sur l'environnement.
L'amendement n° 1116 est identique au vôtre, madame la rapporteure, et je vous remercie d'avoir repris cette proposition, que nombre d'entre nous soutenaient.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), dont plusieurs membres sont ici présents, a déjà un certain nombre de missions qui peuvent relever de la bioéthique. Il importe néanmoins de mener un travail un peu plus suivi sur ces questions et nous avons constaté à plusieurs reprises, au cours de nos débats, que l'OPECST ne pouvait pas nous renseigner sur tous les sujets. Compte tenu de la sensibilité des questions liées à la bioéthique, c'est une bonne chose que d'aller vers une plus grande institutionnalisation.
Je suis un peu réservé sur cette question. Il importe évidemment d'évaluer la loi, mais d'autres dispositifs seraient envisageables. L'article 24 de la Constitution nous confère déjà une mission de contrôle et d'évaluation en dehors de toute organisation, ce qui signifie que nous pouvons aussi agir à titre individuel. Nous devrions commencer par nous emparer de cette possibilité.
Par ailleurs, si nous créons une délégation parlementaire à la bioéthique, qu'adviendra-t-il de l'OPECST ? La répartition des tâches entre les deux instances sera d'autant plus complexe que l'OPECST est un organe bicaméral. Multiplier les structures et faire grossir le millefeuille n'est jamais un gage d'efficacité. N'oublions pas, enfin, qu'il existe aussi, au sein de l'Assemblée nationale, un comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).
En termes d'organisation, quelle fonction, quelles missions, quel statut convient-il de donner à cette nouvelle structure ? Et quels moyens d'action ? Il n'est pas certain, par exemple, que l'on trouvera le véhicule législatif approprié à chaque fois que cette instance proposera une avancée intéressante.
L'OPECST a un rôle essentiel, mais il ne se saisit pas de tous les sujets qui concernent la bioéthique. Il a par exemple fait le choix, et je pense que c'est une bonne chose – de ne pas se saisir des questions relatives à la procréation et à la PMA, parce qu'elles étaient déjà abordées dans le cadre des assises de la bioéthique, sous l'égide du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et qu'elles faisaient l'objet d'une mission parlementaire.
La création d'une délégation parlementaire à la bioéthique nous permettra de réfléchir à ces questions dans la durée et de veiller à l'application et à l'évaluation du présent projet de loi. Sur le modèle de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je suis membre, la nouvelle délégation aura un périmètre d'action qui lui permettra de se saisir de certaines questions, en amont ou en aval de l'examen de nos textes de loi.
La commission adopte les amendements n° 2432 et n° 1116.
Article 29 : Élargissement des missions du Comité consultatif national d'éthique des sciences de la vie et de la santé
La commission est saisie de l'amendement n° 2431 de la rapporteure.
Cet amendement vise à organiser le concours de la Commission nationale du débat public aux côtés du Comité consultatif national d'éthique lors de l'organisation des états généraux et des débats citoyens. Ces états généraux ont été une vraie réussite, grâce à l'expertise du CCNE, mais ses membres ne nous ont pas caché les difficultés pratiques d'organisation auxquelles ils avaient pu être confrontés. L'organisation de débats publics sur l'ensemble du territoire nécessite en effet un vrai savoir-faire, que détient aujourd'hui la CNDP.
Nous partageons clairement l'objectif, mais je ne suis pas sûre qu'il convienne d'inscrire dans la loi ce qui se rapporte à ces débats. Lorsque nous avons saisi le CCNE pour les états généraux de la bioéthique, nous avons mis en place une organisation ad hoc, qui aurait pu être différente pour une loi d'un autre format. Cette souplesse confère de grandes capacités d'adaptation, en fonction du texte de loi et des acteurs concernés. Avis défavorable.
Le CCNE a prouvé sa grande réactivité pour mobiliser, dans des délais extrêmement courts, la société civile.
L'amendement n° 2431 est retiré.
La commission en vient à l'amendement n° 1625 de M. Philippe Berta.
Cet amendement vise à assurer le suivi régulier des sujets scientifiques, dont l'évolution est rapide. À l'inverse des sujets sociétaux soulevés par les lois de bioéthique, qui nécessitent un temps long de maturation et de réflexion, ce suivi apparaît indispensable si l'on considère les progrès scientifiques de ces dernières années, qui nécessitent une adaptation plus rapide de notre législation pour permettre à notre recherche et à nos laboratoires de rester à l'avant-garde mondiale en ce domaine. Dans ce contexte, les commissions parlementaires compétentes, ainsi que l'OPECST, en lien avec le CCNE, apparaissent toutes désignées pour jouer ce rôle.
J'y suis défavorable, parce qu'il est en partie satisfait par la création des délégations parlementaires à la bioéthique, et il ne me paraît donc pas pertinent de confier au CCNE une mission d'évaluation régulière.
La commission rejette l'amendement n° 1625.
Puis elle examine l'amendement n° 1306 de M. Pierre Dharréville.
Le CCNE est composé de cinq personnalités désignées par le Président de la République et appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles, de dix-neuf personnalités choisies pour leurs compétences et leur intérêt pour les problèmes d'éthique, et de quinze personnalités appartenant au secteur de la recherche.
Cet amendement d'appel propose de modifier cette composition pour l'élargir à des représentants d'associations directement concernées par les questions de bioéthique, l'idée étant d'amplifier la portée des débats d'éthique dans la société.
On peut en effet se poser la question de la composition du CCNE, et plusieurs amendements vont dans ce sens, avec différentes propositions. Cela étant, cette recomposition doit se faire dans le respect de certains équilibres, et il serait préférable que nous réfléchissions tous ensemble à une composition cohérente, d'ici à la discussion en séance.
L'amendement n° 1306 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 795 de M. Alain Ramadier.
Il convient, pour l'avenir, de consolider tout ce qui peut permettre à notre pays de débattre sereinement d'enjeux aussi sensibles que ceux touchent aux lois de bioéthique.
Dans cette perspective, cet amendement vise à redonner une place aux représentants des principales familles spirituelles de notre pays, qui avait été exclues du renouvellement de la composition du CCNE en 2013. C'est pourquoi nous proposons la présence d'au moins deux religieux sur les cinq personnalités désignées pour présenter les principales familles philosophiques et spirituelles de notre pays.
Avis défavorable. Il appartient au Président de la République de nommer les personnalités devant incarner la dimension spirituelle de la réflexion bioéthique. Dans cette perspective, le choix du dernier Président de la République s'est porté non pas sur des représentants des cultes, mais sur des membres de la société civile qui travaillent sur les questions religieuses. Ne perdons pas de vue que ces personnalités sont nommées intuitu personae : elles n'ont pas vocation à représenter une entité ou une organisation au CCNE.
La commission rejette l'amendement n° 795.
Puis elle en vient à l'amendement n° 990 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement vous propose que les personnalités soient désignées et non proposées afin de renforcer l'autonomie des organismes consultatifs.
Votre intention est louable, mais la procédure choisie vise à garantir la parité. Un des seuls moyens en effet de garantir que celle-ci soit respectée est qu'une autorité puisse superviser et trancher parmi les personnalités proposées par les différents organismes. J'émettrai donc un avis de sagesse.
Sans une autorité qui puisse coordonner les différentes candidatures, on court le risque de se retrouver avec des compétences manquantes, ou seulement des hommes, voire avec certains membres dont les déclarations publiques d'intérêts poseraient problème.
L'amendement n° 990 est retiré.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement n° 796.
Puis elle en vient à l'amendement n° 534 de M. Jean-François Eliaou.
Mon amendement propose que, tous les deux ans, après une consultation citoyenne, le CCNE établisse un rapport d'évaluation de la loi de bioéthique, qui dressera un bilan de la mise en oeuvre de la loi.
Prévoir un rapport d'évaluation tous les deux ans me paraît un délai trop resserré. Par ailleurs, cela ne me paraît pas nécessaire, compte tenu de la création de la délégation parlementaire. Avis défavorable.
Je concède que deux ans est un délai trop court. En revanche, la délégation parlementaire concerne les députés, tandis que ma proposition est tournée vers les citoyens. Or le Président de la République et les membres du Gouvernement ne cessent de répéter que les citoyens doivent s'emparer de l'évaluation de la loi, puisque c'est à eux que la loi va d'abord profiter ou qui vont la subir.
Si votre objectif est de permettre aux citoyens de s'exprimer à intervalles réguliers, il est satisfait, puisque le texte prévoit que le CCNE organise chaque année des débats citoyens sur un ou plusieurs sujets de bioéthique. À cela s'ajoutent également les états généraux, en amont de chaque révision de la loi. Cela représente déjà un programme assez chargé.
L'amendement n° 534 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 1626 de M. Philippe Berta.
Au-delà des actions de sensibilisation menées au sein des espaces régionaux de réflexion éthique (ERE), il apparaît nécessaire de prévoir, pour les professionnels de santé, au moyen notamment de la formation initiale et continue, des ateliers de réflexion et d'information sur les évolutions en cours dans le domaine de la bioéthique. À cet égard, les stages hospitaliers apparaissent tous désignés pour développer ce type d'initiative.
L'article L. 1412-6 du code de la santé publique prévoit déjà que les ERE constituent, en lien avec les centres hospitalo-universitaires, des lieux de formation, de documentation, de rencontres et d'échanges. Néanmoins, votre précision me paraît assez utile dans la mesure où, dans la pratique, ce lien ne se fait pas toujours. Avis favorable.
Nous souhaitons évidemment que ces espaces participent à la formation. Ils doivent également faire fonction d'observatoires des pratiques, et ce sont évidemment des lieux de documentation et d'animation. En termes de formation, il y a probablement des marges importantes d'amélioration des enseignements, mais cet amendement est déjà satisfait au plan législatif, puisque la formation participe déjà des missions des ERE. Je vous propose donc de le retirer.
La commission rejette l'amendement n° 1626.
Puis elle adopte l'article 29 sans modification.
Article 30 : Évolution des compétences et de la composition des organes de l'Agence de la biomédecine
La commission est saisie de l'amendement n° 1623 de M. Philippe Berta.
Cet amendement vise à placer l'Agence de la biomédecine sous la double tutelle du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la recherche. Le champ de compétences de cet établissement public est directement lié aux prérogatives du ministre de la recherche ; il apparaît donc pertinent que celui-ci soit associé au ministre de la santé dans les activités de contrôle réglementaire de l'Agence.
Avis défavorable. Il est plus simple et plus opportun d'avoir une seule tutelle, et le ministère de la santé paraît tout désigné pour l'Agence de la biomédecine et ses missions.
La commission rejette l'amendement n° 1623.
Puis elle examine les amendements identiques n° 2433 de la rapporteure et n° 1622 de M. Pierre-Alain Raphan.
Le projet de loi propose d'enlever à l'Agence de la biomédecine sa compétence en matière de nanobiotechnologies. Or les parlementaires ont besoin de ce suivi d'activité, car c'est un sujet sur lequel nous devrions prochainement être amenés à légiférer. Notre amendement n° 2433 vise donc à rétablir la compétence de l'Agence de la biomédecine en matière de nanobiotechnologies.
Les nanobiotechnologies, tout comme l'intelligence artificielle, offrent des possibilités de recherche très puissantes. Cela demande une veille particulière et un cadre adapté. D'où mon amendement identique n° 1622.
Nous avons retiré à l'Agence sa mission d'évaluation des nanotechnologies par le fait qu'elle nécessite des compétences tout à fait particulières dont elle ne dispose pas, sachant par ailleurs que c'est un domaine dans lequel sont impliqués d'autres organismes comme le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ou d'autres agences oeuvrant dans le champ environnemental.
Je ne suis pas contre conserver les nanobiotechnologies dans les missions de l'Agence, mais sans préciser qu'il s'agit d'une mission d'évaluation, ce qui l'obligerait à recruter une centaine de personnes. J'émettrai donc un avis de sagesse.
La commission adopte les amendements n° 2433 et n° 1622.
Puis elle en vient à l'amendement n° 2434 de la rapporteure.
Cet amendement a pour objet de préciser la mission de l'Agence de la biomédecine, en indiquant qu'elle élabore les règles de répartition et d'attribution des gamètes et des embryons, qui sont approuvées par arrêté du ministre chargé de la santé. Il s'agit ainsi de participer à l'objectif d'harmonisation des pratiques des CECOS.
Il n'y a pas lieu de répartir les gamètes au motif que nous élargissons l'accès à la PMA. C'est même le contraire de ce que nous préconisons : nous mettons tout en oeuvre pour éviter la pénurie. Dans ces conditions, demander à l'Agence de répartir et d'attribuer les gamètes ne se justifierait que si, comme pour les greffons, des critères de compatibilité entraient en jeu, ce qui n'est pas le cas. Cela laisserait donc supposer qu'on organise en quelque sorte des listes d'attentes selon certaines règles de priorisation, ce qui est aux antipodes du discours que nous avons tenu jusqu'à présent.
Selon moi, tout doit être fait au contraire pour rassurer les couples sur le fait qu'il n'y aura pas de pénurie de gamètes et, par ailleurs, il n'existe aucun critère permettant d'attribuer tel gamète à telle receveuse. Je préférerais donc le retrait de cet amendement.
Les associations comme la fédération des CECOS ont très fortement exprimé leur souhait de voir l'Agence de biomédecine harmoniser les règles d'attribution des gamètes.
Attribution signifie appariement en fonction de critères déterminés : le terme est donc, selon moi, mal choisi. En revanche, l'Agence aura la tâche, dès que la loi sera votée, de se rapprocher des CECOS pour leur demander d'élaborer leurs règles de bonnes pratiques, de façon à ce que celles-ci soient harmonisées.
Comme le souligne l'exposé des motifs de l'amendement de la rapporteure, l'objectif poursuivi est bien de participer à l'harmonisation des pratiques des CECOS. Je me réjouis donc de ce guide des bonnes pratiques que vous annoncez, mais que se passera-t-il s'il n'est pas respecté ? Qu'est-il prévu en matière d'évaluation, de contrôle, voire de correction de pratiques qui ne seraient pas conformes ?
Je me réjouis également de cette harmonisation des pratiques. Cela étant, la question de la répartition mérite d'être évoquée, puisque certaines personnes appartenant à des ethnies minoritaires sont confrontées à des délais particulièrement longs, faute de gamètes pouvant leur être appariés. Or, peut-être ces gamètes pourraient-ils être disponibles dans d'autres CECOS.
La notion de répartition me gêne également, mais il me semblerait important que l'on puisse centraliser les données, tant pour l'offre que pour la demande : à moins de faire le tour des CECOS, il est difficile d'obtenir une information consolidée.
Puisque les CECOS sont soumis à des règles de certification par la Haute Autorité de santé, ils doivent probablement répondre à des guidelines, qu'il suffirait de renforcer.
Les CECOS sont soumis à un régime d'autorisation par l'Agence de la biomédecine. S'ils ne respectent pas les règles de bonnes pratiques, ils ne sont plus autorisés.
Je vais retirer cet amendement dont la rédaction, calée sur les dispositions applicables aux dons d'organes, n'est sans doute pas appropriée, mais je reviendrai vers vous d'ici à la séance. Je persiste à penser que les bonnes pratiques sont insuffisantes pour réguler l'activité au niveau national.
L'amendement n° 2434 est retiré.
La commission en vient à l'examen de l'amendement n° 1301 de Mme Elsa Faucillon.
Conformément aux observations émises par l'Agence de la biomédecine dans son rapport concernant l'application de la loi bioéthique, nous proposons qu'un suivi de santé soit instauré pour les donneurs de cellules souches hématopoïétiques.
Aujourd'hui, la loi prévoit un suivi pour les donneurs d'organes et les donneuses d'ovocytes. En revanche, rien n'est prévu concernant l'état des donneurs de cellules souches hématopoïétiques et, par conséquent, aucun dispositif ne permet d'évaluer les conséquences du prélèvement sur leur santé. Le présent amendement permet de corriger ce déséquilibre.
C'est déjà prévu, et cet amendement est donc satisfait.
L'amendement n° 1301 est retiré.
La commission examine l'amendement n° 2435 de la rapporteure.
Cet amendement a, d'une part, pour objet de compléter le fichier des donneurs, des dons et des enfants issus de l'assistance médicale à la procréation, avec les données relatives aux personnes en attente de dons de gamètes ou d'embryons.
Il vise, d'autre part, à maintenir la mission de l'Agence de la biomédecine consistant à assurer une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques dans le domaine des neurosciences.
Cette mission est apparue au fil du temps comme éloignée du coeur de métier de l'Agence, qui est compétente dans le domaine de la greffe, de la reproduction, de l'embryologie et de la génétique humaine, et qui n'a donc pas l'expertise interne pour la mener à bien. Cette mission est par ailleurs assumée aujourd'hui par d'autres acteurs, notamment l'ITMO Neurosciences de l'AVIESAN – Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé –, association de chercheurs qui rassemble tous les organismes de recherche dédiés aux neurosciences. Je suis donc défavorable à ce point de votre amendement.
En ce qui concerne l'extension aux personnes en attente de don de gamètes ou d'embryons du registre auquel vous faites référence et dont nous avons débattu à l'article 3, j'y suis également défavorable. Le but de ce registre est de permettre la gestion centralisée des dons, pas d'organiser les files d'attente. Autant je suis convaincue que le suivi et l'accompagnement des personnes en attente doivent être renforcés au sein même des CECOS, autant la centralisation des données les concernant ne me paraît pas de nature à améliorer l'humanité de cet accompagnement. Je préférerais donc que nous retravaillions cette question avec la rapporteure.
L'amendement n° 2435 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement n° 1674 de M. Thibault Bazin.
Les états généraux ont mis au jour de très fortes attentes et beaucoup d'interrogations au sujet de l'intelligence artificielle. Or notre projet de loi n'y consacre qu'un article.
Il me semble que, pour tout ce qui concerne la médecine, il faudrait confier à l'Agence de la biomédecine la mission de réfléchir à ce qui touche à l'intelligence artificielle. Il est certes apparu, lorsque nous avons auditionné ses représentants, qu'elle ne le souhaitait pas forcément, mais les enjeux sont néanmoins là. On peut évidemment envisager de se tourner vers l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour ce qui concerne les certifications et les labelisations, mais il me semble que l'Agence de la biomédecine a malgré tout un rôle à jouer.
Cet amendement reprend pour partie une proposition de loi que j'avais déposée, en la limitant à ce qui, dans le champ de l'intelligence artificielle, vient en interaction avec la biomédecine.
Au regard de l'éclairage que vient de nous donner la ministre sur les neurosciences et les capacités de l'Agence de la biomédecine à traiter de ce sujet, je comprends votre objectif, mais votre amendement me semble inopérant, dans la mesure où l'agence ne dispose pas de l'expertise nécessaire.
Nous avons néanmoins besoin de cette expertise ; le mieux serait donc de retravailler cette question d'ici à la séance, afin de trouver, comme pour les neurosciences, l'organisme adapté, susceptible d'éclairer le Parlement.
Une telle proposition devient irrecevable dès lors qu'il faut à l'Agence les moyens financiers d'assumer cette compétence. Si nous voulons avancer dans notre réflexion sur la bioéthique, il nous faut donner des moyens à l'Agence de la biomédecine ; je souhaite, pour la santé de nos concitoyens, madame la ministre, que vous gagniez face à M. Darmanin vos arbitrages budgétaires de cet automne…
L'amendement n° 1674 est retiré.
La commission adopte l'article 30 modifié.
Titre VII Dispositions finales
Article 31 : Habilitations à légiférer par voie d'ordonnance
La commission adopte l'article 31 sans modification.
Article 32 : Réexamen de la loi
La commission examine l'amendement n° 983 de M. Thibault Bazin.
Nous sommes victimes d'une injustice légistique… Cet amendement, qui créé les délégations parlementaires à la bioéthique est, sans doute à la suite d'une erreur, le même que les amendements identiques adoptés avant l'article 29. Peut-on espérer un rattrapage, et considérer qu'il est adopté ? (Sourires.)
L'amendement n° 983 est retiré.
La commission en vient à l'examen, en discussion commune, des amendements n° 2437 de la rapporteure, n° 1765 de M. Jean-Louis Touraine et des amendements identiques n° 535 de M. Jean-François Eliaou et n° 1616 de Mme Bérangère Couillard.
L'amendement n° 2437 a pour objet de restreindre le délai entre deux examens d'ensemble de la loi de bioéthique de sept à cinq ans, conformément à la proposition n° 59 de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique. Il propose, par conséquent, de ramener le délai d'évaluation par l'OPECST de cette même loi de six à quatre ans.
Mon amendement n° 535 propose également de réduire le délai d'examen de la loi par le Parlement de sept à cinq ans.
Ces amendements poursuivent le même objectif, mais je demande le retrait des amendements n° 535 et n° 1616 au profit de mon amendement n° 2437, qui ajuste en conséquence le délai d'évaluation par l'OPECST.
Je me permets d'intervenir maintenant, madame la présidente, car si l'amendement de Mme la rapporteure était adopté, mon amendement n° 1308 tomberait. Il consiste à proposer, non pas de réduire le délai dans lequel le Parlement serait amené à réexaminer cette loi de bioéthique, mais de faire en sorte que l'OPECST se saisisse du sujet tous les trois ans, afin d'effectuer une première étape d'évaluation à mi-terme.
Certes, l'évolution des techniques nécessite que nous procédions plus fréquemment à la révision des lois de bioéthique, et à mon sens, il serait justifié de procéder à au moins une révision par quinquennat. Mais de là à prévoir une révision tous les trois ans…
En fait, je propose de revoir la loi tous les sept ans, mais en prévoyant une évaluation par l'OPECST à mi-terme, c'est-à-dire tous les trois ans – étant précisé que cette évaluation ne déboucherait pas systématiquement sur une révision.
Sur ce point, il vous revient évidemment de décider ; c'est pourquoi j'émets un avis de sagesse.
Le Gouvernement estime qu'il convient de fixer un délai maximal entre deux révisions, mais que rien ne doit empêcher de réviser la loi avant l'échéance prévue quand le besoin technique s'en fait sentir, quand les sociétés savantes, les associations de malades ou les parlementaires interpellent.
Les décrets d'application mettent souvent du temps à être pris. Ainsi, pour ce qui est de la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'accès aux origines, et notamment de la constitution d'un nouveau stock de gamètes, nous savons d'ores et déjà que nous ne serons sans doute pas opérationnels avant un an et demi.
L'évaluation à mi-parcours peut se révéler très courte, et il semble difficile d'envisager plus d'une révision tous les cinq ans, quand on sait qu'il faut organiser, un an à l'avance, des États généraux de la bioéthique. En prévision de la présente loi, nous nous sommes attelés début 2018, autrement dit depuis deux ans, à ce qui représente un énorme travail. Une révision tous les cinq ans permettrait d'être en adéquation avec le quinquennat présidentiel et la législature parlementaire, mais force est de reconnaître que même le rythme d'une révision tous les sept ans n'a jamais pu être tenu : aujourd'hui, nous avons déjà un an et demi de retard…
Je vous le répète, la décision vous revient, mais je me devais de vous alerter sur l'opérationnalité des mesures que vous proposez.
Je suis sensible à ce qui vient d'être dit par Mme la ministre quant aux difficultés auxquelles une réduction du délai de révision pourrait nous confronter. Effectivement, les sujets sur lesquels portent les lois de bioéthique, et l'importance des décisions prises dans ce cadre, nécessitent de prendre un certain recul et de pouvoir travailler en toute sérénité, sans être obligé de courir sans cesse contre le temps.
Cela dit, j'insiste sur le fait que ma proposition ne consistait pas à réduire le délai entre deux révisions, mais simplement à permettre une évaluation à mi-terme, sous une forme restant à définir, afin d'être en mesure d'anticiper plus facilement certaines choses et éventuellement de prendre des décisions de manière anticipée.
Nous ne devons pas perdre de vue que nous venons d'adopter le principe de mise en place d'une délégation composée de trente-six parlementaires qui, si nous en restions au rythme de sept ans, pourrait travailler efficacement et sereinement. Comme l'a rappelé Mme la ministre, les délais n'ayant jamais pu être tenus, il est vain de chercher à les réduire encore : entre l'idéal et la réalité, il faut trouver un juste milieu, ce que permettra sans doute la mise en place de la délégation, dont le fonctionnement pourrait se caler sur le quinquennat tandis que la révision continuerait à se faire tous les sept ans.
Cette question de la révision a toute son importance. On sait que le temps de la recherche et le temps politique, dévolu à la prise de décision, ne se superposent pas systématiquement : quand on discute avec des chercheurs, on les entend souvent dire que les choses ne vont pas assez vite.
Cela dit, je suis sensible aux propos qu'a tenus Mme la ministre, et j'estime moi aussi que vouloir procéder à une révision tous les cinq ans relève du wishful thinking : nous aurions tous envie d'atteindre cet objectif, mais celui-ci n'est pas raisonnable.
Par ailleurs, si certains estiment que chaque quinquennat devrait donner lieu à une nouvelle loi de bioéthique, je n'en fais pas partie. Je considère en effet que, si l'on veut aboutir à des consensus et faire en sorte que les sujets dont il est question dans le cadre des lois de bioéthique donnent lieu à des débats un peu moins politisés que d'autres, la réduction à cinq ans du délai entre deux révisions n'est pas souhaitable, car cela aboutirait à ce que chacun veuille avoir son marqueur. Jusqu'à présent, les lois de bioéthique qui se sont succédé ont réussi à éviter cet écueil – c'est la seule chose dont nous soyons certains.
Pour avoir moi-même été partisan du quinquennat, notamment pour la durée du mandat du Président de la République, je suis bien placé pour dire aujourd'hui que cela ne me paraît finalement pas la meilleure formule, et que vouloir tout aligner sur le rythme quinquennal n'est sans doute pas une bonne idée. Travailler sur les lois de bioéthique, cela revient un peu à pousser le rocher de Sisyphe : à chaque fois que l'on croit avoir atteint une position d'équilibre, le rocher bascule et il faut tout recommencer. Mon intime conviction est que nous ferions mieux de nous en tenir au rythme de révision actuel.
J'entends votre point de vue, madame la ministre, mais force est de reconnaître que l'amendement de la rapporteure ne me paraît pas sans intérêt… En tant que rapporteure sur les articles 3 et 4, j'estime que sur des sujets tout à la fois techniques et sociétaux tels que l'accès aux origines par les données identifiantes et non identifiantes, ou la filiation pour les couples de femmes ayant accès à la PMA, devoir atteindre sept ans pour voir traiter une affaire aussi personnelle et intime, c'est extrêmement long.
Lors des précédentes lois de bioéthique, celles de 2004 et de 2011, ces sujets avaient été abordés de façon un peu hésitante par le législateur, qui n'avait pas osé trancher, alors que des générations d'enfants, et de nombreux couples de femmes, suivaient les débats avec le fol espoir de voir leur situation enfin prise en compte, et des réponses leur être apportées. Pouvez-vous imaginer la déception de ces personnes quand le cap de la loi de bioéthique est franchi, c'est-à-dire quand la révision s'achève, sans qu'aucune vraie décision n'ait été prise, et qu'elles savent devoir attendre sept longues années avant de pouvoir à nouveau espérer un changement ?
Sept ans sans aucune chance de voir évoluer sa situation personnelle, parfois très douloureuse, c'est extrêmement long. C'est pourquoi, si l'idée d'un délai de cinq ans ne paraît pas satisfaisante en termes d'opérationnalité, et parce qu'il ne semble pas permettre le recul nécessaire à la prise en considération et à l'évaluation de certaines avancées scientifiques avant de se déterminer, je pense que sur certains sujets, où la science se mêle à des aspects sociétaux profonds, nous devons au moins être en mesure de les détacher afin de les traiter dans un délai inférieur à sept ans. Je peux vous assurer que les avancées consacrées par les articles 3 et 4 de la présente loi sont attendues depuis très longtemps, et que cette attente démesurée a produit des souffrances qui l'étaient tout autant.
La question me paraît donc à tout le moins devoir être débattue, que ce soit sous la forme de la proposition actuelle de la rapporteure ou sous une autre.
Je voudrais compléter sur certains points l'intervention de Mme Coralie Dubost, sur laquelle je suis totalement d'accord.
Premièrement, le délai ne serait pas vraiment de cinq ans, mais de cinq ans à dater de la promulgation de la précédente loi, comme le précise l'amendement de Mme la rapporteure.
Deuxièmement, nous savons parfaitement que ce délai de cinq ans ne sera pas respecté, et qu'en réalité la loi ne sera révisée que tous les six ans.
Je voudrais insister sur un autre point. Nous avons tous une soif d'intégrer un maximum de dispositions dans la loi relative à la bioéthique car elle ne revient que tous les sept ans. Cela conduit à du stress, à une volonté de tout mettre dans ce texte. Si on passait à une fréquence un peu plus faible, de cinq ans, cela permettrait d'avoir de la sérénité et on ne serait pas obligé de reprendre tous les articles à chaque fois.
C'est un débat intéressant. Tout dépend si vous êtes pressés ou non d'adopter certaines mesures : je suis en train de réfléchir à un amendement qui proposerait une fréquence de vingt ans dans l'hypothèse où la prochaine loi dans ce domaine légitimerait la gestation pour autrui (GPA). (Sourires.)
Nos débats auraient été d'un autre ton, et ils auraient été plus proches des exercices précédents, si l'on avait sorti du texte ce qui concerne la filiation – cela aurait pu faire l'objet d'un autre projet de loi. C'est vrai qu'il y a des connexions – je ne les nie pas –, mais cela conduit à un décalage par rapport à ce que nous avons l'habitude de faire en matière de bioéthique, et ce n'est pas un aspect négligeable.
Et si c'est pour avoir la GPA à la prochaine loi, je me demande même si je ne vais pas proposer un délai de 99 ans afin de ne pas la voir adoptée de mon vivant. (Sourires.)
Je suis plutôt favorable à un cycle régulier de cinq ans. Le champ des possibles évolue de plus en plus vite et je ne pense pas que le législateur soit là pour courir après le progrès scientifique ou des demandes sociétales. Je ne m'inscris pas dans un calendrier électoral ou concernant le Président de la République et l'exécutif : je suis très attaché à ce qui peut être fait par la représentation nationale.
Que se passerait-il si l'on maintenait un délai de sept ans ? La promulgation du présent texte devrait avoir lieu en 2020, ce qui nous amènerait à une révision en 2027. Les heureux élus de la prochaine législature ne seraient donc pas amenés à s'interroger et à légiférer dans ce cadre pendant leur mandat. Sans revenir sur les sujets propres à chaque révision ni sur ceux qui nous ont plus particulièrement intéressés ces derniers jours, comme les diagnostics préimplantatoires et les questions de procréation et de filiation, bien d'autres éléments mériteraient d'être soumis à l'étude et à la sagacité de la XVIe législature – la prochaine. L'idée que les députés qui viendront après nous pourraient ne pas être amenés à se prononcer suscite en moi des interrogations.
Je soutiens la proposition de la rapporteure. Compte tenu du rythme d'évolution des nouvelles technologies, ce n'est pas un luxe d'avoir une forme de veille et de pouvoir adapter la législation tous les cinq ans. J'en profite pour tendre la main à M. Bazin, afin que nous travaillions ensemble sur l'article 30.
Il y aura toujours une tension entre les avancées des technologies et de la science et le temps politique. Outre les sujets sociétaux forts dont nous avons débattu, des questions relatives à la génomique, à l'intelligence artificielle et à notre interaction avec l'environnement vont se poser à l'avenir. Beaucoup de travaux sont en cours au sein du CCNE sur l'ensemble de ces enjeux. Il y a également le sujet de l'éthique, dont nous n'avons pas parlé : l'éthique à la française, mais aussi l'éthique face à la mondialisation et l'idée qui consisterait à tendre vers une éthique européenne, sur des bases communes.
La création d'une délégation sera une véritable avancée : cela permettra d'assurer la veille qui a été évoquée et de réaliser un travail parlementaire. Tout au long de l'examen de ce texte en commission, nous avons insisté sur l'exception française qui est liée au processus de révision de la loi relative à la bioéthique – c'est un processus de maturation. Cela ne me gênerait pas, si nous sommes réélus, qu'il n'y ait pas nécessairement d'obligation dans ce domaine lors d'un prochain quinquennat.
Qu'il y ait des arbitrages politiques lors d'une révision de cette loi, c'est évident, mais je pense qu'il ne faut pas établir un lien avec le temps politique ou avec l'élection présidentielle : cela n'a rien à voir avec l'objet d'une telle révision, et je pense qu'on ne serait pas du tout dans le même contexte. Le processus de maturation qui a eu lieu avec les États généraux de la bioéthique, la tenue de conventions dans les régions, l'avis du CCNE et la mission d'information de l'Assemblée nationale n'auraient certainement pas été identiques si le rythme avait été accéléré. Garder une durée plus longue, de sept ans, ce qui implique un débat presque tous les cinq ans compte tenu du processus de maturation, me paraît plutôt de nature à conforter dans notre pays un modèle qui me paraît extrêmement vertueux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la commission sur ces amendements : nous n'avons pas à prescrire au Parlement comment ce dernier doit adopter la loi. Je vous ai fait part de mon point de vue, mais il m'est tout à fait personnel. Le Gouvernement considère que le choix appartient au Parlement.
La commission rejette successivement les amendements n° 2437 et n° 1765 ainsi que les amendements n° 535 et n° 1616.
La commission examine l'amendement n° 536 de M. Jean-François Eliaou.
Par cet amendement, je propose que le rapport de l'OPECST soit remis six mois avant le début des travaux de révision de la loi de bioéthique, quelle que soit la périodicité de cette révision.
Votre amendement ne me paraît pas utile, dans la mesure où l'OPECST a toute liberté pour élaborer son programme de travail. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement n° 536.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 1308 de M. Pierre Dharréville.
Dès lors que le projet de loi prévoit que la révision de la loi bioéthique interviendra dans un délai maximal de sept ans, il paraît opportun que l'OPECST puisse se saisir du sujet tous les trois ans, afin d'effectuer une première évaluation et de mieux saisir ainsi les évolutions technologiques dont nous savons combien elles sont rapides en matière de bioéthique.
Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par la création de la délégation qui aura pour objet spécifique la bioéthique et qui pourra réaliser ces travaux d'évaluation.
Je tiens à apporter une précision importante. Je suis désolé de vous contredire, madame la rapporteure, mais il est faux de dire que l'OPECST est libre d'organiser ses travaux comme il l'entend. Du reste, il n'a pas non plus le droit de s'autosaisir. Ces questions doivent faire l'objet de dispositions législatives.
Nous verrons comment travaillera la délégation que vous proposez de créer. Je pense, par exemple, au nombre des parlementaires qui la composeront – mais cela renvoie à d'autres débats que nous aurons en d'autres temps. Quoi qu'il en soit, les travaux de cette délégation pourraient s'appuyer sur ceux de l'OPECST. C'est pourquoi il me paraît intéressant d'établir un lien entre ces deux instances, qui ne doivent pas être opposées.
La commission rejette l'amendement n° 1308.
Elle adopte ensuite l'article 32 sans modification.
Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié. (Applaudissements.
Mon opposition est seulement signe de vigilance… Du reste, j'ai fait le calcul : 60 % des articles nous conviennent !
Je suis touchée !
Je vous remercie pour ces trois semaines passionnantes et je vous donne rendez-vous pour la semaine prochaine.
La séance est levée à deux heures dix.
Membres présents ou excusés
Réunion du vendredi 13 septembre à 21 heures
Présents. - M. Didier Baichère, M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Guillaume Chiche, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Coralie Dubost, Mme Nathalie Elimas, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Raphaël Gérard, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, M. Bastien Lachaud, Mme Anne-Christine Lang, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, Mme George Pau-Langevin, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier, M. Pierre-Alain Raphan, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Michèle de Vaucouleurs
Excusé. - M. Jacques Marilossian