Puisque nous parlons de responsabilité, serait-il responsable de biffer d'un trait de plume le produit de tant de débats ? Durant les sept ans écoulés depuis la dernière loi de bioéthique, notre société a évolué ; au-delà de nos frontières, le monde a changé ; les enjeux inhérents à ce changement, les défis suscités par les questions de bioéthique, la rapidité d'acquisition des connaissances résultant de l'innovation, appellent une révision législative.
Les progrès de la science et de la technologie engendrent des situations de tension entre liberté individuelle et intérêt collectif. Ils révèlent l'écart entre ce qui est possible et ce qui est éthiquement souhaitable. En quoi sont-ils un progrès pour l'humanité ? Il nous faut disposer de repères, d'invariants pour guider nos choix, légiférer en conscience et avec discernement : le respect de la dignité – exigence éthique et juridique – , du consentement libre et éclairé, de l'autonomie de la personne ; les principes de solidarité et de responsabilité, de justice et d'équité ; la notion de bienfaisance.
C'est sous cet éclairage que nous allons aborder le projet de loi relatif à la bioéthique. Il a été nourri par un vaste débat à l'initiative du Comité consultatif national d'éthique – qui, conformément à la loi, a permis à nos concitoyens de l'Hexagone et d'outre-mer, des villes et des campagnes, par de nombreuses réunions et par internet, de contribuer à l'enrichir. On dénombre près de 500 auditions en amont de ce texte !
Ce débat s'est fortement polarisé autour de l'ouverture aux couples de femmes et aux femmes non mariées de l'AMP avec tiers donneur. Le groupe La République en marche y est favorable, car il correspond à la réalité d'une société française où un quart des familles sont monoparentales et où – ne nous voilons pas la face – beaucoup de femmes passent la frontière simplement pour concrétiser, comme toute famille, un projet parental. Allons-nous encore longtemps leur refuser ce droit, au rebours des invariants éthiques que j'ai énoncés ?
Pour autant, nous sommes pleinement conscients des dichotomies qu'introduisent les techniques d'AMP dans l'accès aux origines, et de la nécessité de respecter l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Rappelons, pour éviter d'inévitables confusions, que le biologique relève du don, que la filiation, toujours juridique, relève de l'intention, et que la parentalité relève du soin, en s'inscrivant dans la temporalité.
Les avancées scientifiques et technologiques dans le domaine de la recherche sur l'embryon surnuméraire préimplantatoire dépourvu de tout projet parental, la recherche sur les lignées de cellules souches embryonnaires pluripotentes, dans le domaine du diagnostic préimplantatoire, de la génomique, les techniques de séquençage du génome, la mise au point d'outils permettant de modifier, de réécrire le génome, suscitant espoir et vigilance, renforcent la nécessité d'un encadrement juridiquement, à partir d'une réflexion éthique, pour définir en toute objectivité la frontière entre l'acceptable et le basculement vers une finalité médicale, la satisfaction d'une préférence, une dérive eugénique, un objectif de rentabilité.
Légiférer, c'est aussi, en responsabilité et en conscience, dans le respect des invariants éthiques, prendre en compte le principe de vigilance sans freiner les innovations mais en les régulant en amont et tout au long de leur développement pour un bon usage.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche fera preuve de responsabilité en votant contre cette motion de rejet préalable.