Intervention de Francis Chouat

Séance en hémicycle du mardi 24 septembre 2019 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Chouat :

Le projet de loi relatif à la bioéthique que nous examinons s'inscrit dans une longue tradition. C'est une spécificité française, dont nous pouvons collectivement être fiers : parce que nous nous sommes dotés d'instances de débat et d'outils d'évaluation, nous devons, à chaque étape de l'évolution de la société, nous montrer capables d'adapter le droit aux avancées scientifiques et médicales et d'accompagner les transformations de notre société, tout en fixant un cadre éthique nécessaire à la protection de l'intégrité de nos concitoyennes et de nos concitoyens et en respectant une barrière infranchissable : le principe d'indisponibilité du corps humain.

Cette mission est absolument essentielle, tant elle renvoie notre pays à sa capacité à progresser sans renier ses principes fondamentaux. Cela étant, ne nous trompons pas : le législateur n'a pas pour mission d'imposer un ordre moral. Il n'est pas plus un objecteur de conscience. Il évalue, il consulte les parties prenantes et les experts, il confronte ses idées avec l'expérience du terrain.

Je tiens, à mon tour, à saluer la qualité des débats qui ont eu lieu ces derniers mois. Depuis les états généraux de la bioéthique jusqu'à la commission spéciale, en passant par le Comité consultatif national d'éthique, nous avons, c'est manifeste, su travailler dans des conditions sereines et de manière bienveillante et respectueuse de l'histoire et des convictions de chacun. À ce titre, je remercie tout particulièrement la présidente de la commission spéciale, les rapporteurs, ainsi que Mme la ministre des solidarités et de la santé, Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, et Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, qui ont grandement facilité la préparation de ce texte.

Bien sûr, dans l'hémicycle, la politique prendra sa place ; mais il serait bienvenu que perdure ce qui a prévalu jusqu'ici et qui honore le travail parlementaire, à savoir le respect des points de vue individuels et la capacité collective à les dépasser pour construire ensemble une loi équilibrée et juste, respectueuse de nos droits fondamentaux. C'est aussi cela faire de la politique ; ce n'est pas seulement polémiquer ou chercher les lignes de clivage. Faire de la politique, c'est construire patiemment une loi d'intérêt général que nous léguerons aux générations qui nous suivront, en ayant le sentiment d'avoir accompagné les transformations de notre société sans les devancer.

En effet une loi relative à la bioéthique n'est pas une loi d'anticipation. Ce n'est pas une loi qui précède la vie. Bien entendu, les débats de notre assemblée se focaliseront largement sur l'extension de la PMA à toutes les femmes. C'est évidemment une avancée majeure. Comme cela a été dit à de nombreuses reprises, c'est la juste reconnaissance de leur droit à disposer de leur corps, en même temps que la réaffirmation des droits inaliénables de l'enfant.

Cela étant, la loi recèle d'autres enjeux majeurs, qui ne doivent pas être éclipsés de nos débats, parce qu'ils soulèvent des questions scientifiques, éthiques, voire civilisationnelles. Je pense notamment aux questions liées à la recherche génétique. Celle-ci a connu des avancées capitales ces dernières années. Encadrées très strictement jusqu'à ce jour, les recherches sur l'embryon et les cellules souches issues d'un embryon humain posent des question éthiques auxquelles nous devons répondre, de manière responsable. Je salue d'ailleurs le travail formidable réalisé à Évry-Courcouronnes, aux avant-postes de la recherche génomique et de la thérapie génique, par les équipes de Genopole et de l'AFM-Téléthon.

Si des projets de recherche toujours plus nombreux ont besoin de quantités massives de données génomiques, afin de répondre à des questions scientifiques et médicales, l'utilisation de ces données doit être encadrée, pour éviter toute discrimination et tout risque de dérive. Cette loi n'institue pas un droit à l'enfant sain, ni une assurance tous risques en matière génétique. C'est pourquoi elle s'accompagne de garde-fous, notamment en ce qui concerne le diagnostic prénatal et préimplantatoire.

Je le répète, mes chers collègues, une loi relative à la bioéthique n'est pas une loi d'anticipation. Ce projet de loi ne permet ni n'encourage l'idéal génétique, si froidement décrit dans l'excellent film Bienvenue à Gattaca, où les gamètes des parents sont triés et sélectionnés afin de concevoir in vitro des enfants quasi parfaits.

Si nous avons su faire précéder l'examen de ce projet de loi d'un vaste débat public, trouvons les moyens de le prolonger après son adoption, parce que c'est la seule manière d'apaiser les craintes et de lever les doutes. Ce texte n'est pas un texte de déchirement, c'est un texte d'apaisement car il donne une place à chacune et chacun.

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