« Lorsque l'enfant paraît, le cercle de familleApplaudit à grands cris ; son doux regard qui brilleFait briller tous les yeux [… ]. » Si je cite ces vers de Victor Hugo que tout le monde connaît, c'est pour dire l'importance de la place de l'enfant dans le débat qui nous occupe, un débat essentiel, qui nous conduit à nous poser cette question : quelle société voulons-nous ?
Les revendications légitimes d'égalité, de bonheur, d'amour sont autant de questions sociétales dont les enjeux sont éthiques et qui sont sensibles, car elles touchent à notre intimité et à nos convictions, que chacun sur ces bancs a bien évidemment le droit d'exprimer. Comment ne pas entendre le désir d'enfant chez une femme ? Mais tout ce qui est scientifiquement possible, et aujourd'hui accessible aux couples hétérosexuels, est-il humainement et raisonnablement souhaitable pour une femme seule ou pour deux femmes en couple ?
Madame la ministre des solidarités et de la santé, vous avez dit hier ici même que les députés seraient « la conscience qui doit délimiter, ordonner et définir les nouveaux progrès sans rien céder sur les grands principes ». Pourtant, nous sommes un certain nombre à ne pas être rassurés, même quand vous dites qu'il n'y a pas et qu'il n'y aura jamais de droit à l'enfant.
L'accès des couples de femmes et des femmes seules à l'assistance médicale à la procréation interroge, nous interroge, à cause de l'aspect juridique de la filiation, mais aussi de cette suppression hautement symbolique, et qui n'en est pas moins réelle car elle touche à la réalité biologique : celle du père.
Les familles monoparentales existent déjà, et il serait bien évidemment faux de considérer que les enfants qui y grandissent ne se construisent pas et ne reçoivent pas d'amour. L'amour quotidien est là, bien sûr. Mais qu'en est-il de l'amour que chacun porte en lui – celui d'un homme, le père, celui d'une femme, la mère, eux qui vous ont donné la vie. Et qu'y a-t-il de plus beau que la vie ? On aime parler de ses parents, de ses grands-parents ; on aime retourner sur leurs pas ; même si on ne les a pas connus, ils vivent à leur manière en nous. Faut-il donc accepter aussi facilement que l'être humain soit déraciné – pire, peut-être « marchandisé » ? C'est notre crainte, et nous ne pouvons accepter cette éventualité.
Je mesure aussi sur le terrain combien les femmes qui élèvent seules des enfants sont fragiles socialement, exposées à des problèmes de logement et de mobilité, et combien leur solitude est grande face à toutes ces difficultés de la vie. Est-il bien responsable de faire comme si ces problèmes n'existaient pas et d'expliquer que votre nouveau modèle familial en est un parmi tant d'autres ? À ce compte-là, on ira un jour jusqu'à reconnaître à deux hommes les mêmes droits qu'à deux femmes : comment pourriez-vous faire autrement, au nom du principe d'égalité ?
Peut-être, enfin, apporterez-vous des réponses aux nombreuses questions que je me pose, et qui sont justifiées par la crainte que la GPA ne devienne rapidement une réalité, par la crainte de la manipulation du vivant, par la crainte que la pénurie de gamètes n'entraîne leur vente, autant d'évolutions qui bouleverseraient notre vision de l'humanité.
Le débat permettra peut-être de faire évoluer ma position et celles de mes collègues, mais je tiens à rappeler notre attachement à ce qui fonde les valeurs de l'homme, les valeurs de l'enfant et le respect qui lui est dû.