Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Je suis d'accord : il n'y a pas assez de choses qui ont changé. Il faut, pour cela, jouer sur trois niveaux : au niveau du Parlement, vous aurez peut-être la possibilité de légiférer ainsi qu'aux niveaux du Gouvernement et de l'Europe, dont je vous dirai un mot.

Pour ce qui est du porc, nous avons beaucoup de chance en raison de la crise conjoncturelle de la peste porcine africaine qui a décimé le cheptel en Asie du Sud-Est, notamment en Chine. J'ai rencontré les représentants de la filière. Ils retrouvent des prix plus que convenables. Tant mieux, ils ont tellement souffert ! Cela devrait durer et permettre de réaliser un certain nombre d'aménagements, de rénover les bâtiments, de travailler sur le bien-être animal et, surtout, de reconstituer de la trésorerie et de regagner de l'argent. J'en suis ravi, que cela continue ! Mais la situation est indépendante des mesures prises. L'amélioration est effectivement conjoncturelle.

En ce qui concerne le lait, nous avons noté un léger effort. À franchement parler, je pense que c'est une petite avancée, peut-être pour masquer le reste. Mais tant mieux également, et allons plus loin !

S'agissant de la viande bovine, cela ne va pas du tout, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, revenons à l'essence même de cette loi EGAlim. Je pense que vous avez dû évoquer à plusieurs reprises le seuil de revente à perte : 840 millions d'euros ont été mis en trésorerie pour les distributeurs sans contrepartie. Augmenter la bouteille d'apéritif – je ne vais pas citer de marque, mais vous aurez compris – ne pouvait évidemment pas « ruisseler » dans les cours de ferme. D'ailleurs, ce seuil de revente à perte de la loi EGAlim n'est pas du ruissellement, mais une autre répartition de la valeur. C'est ce qui a créé de la confusion. De nombreux agriculteurs pensaient, de façon très honnête et objective, que cela aurait des répercussions, mais ce n'est pas le cas. Si l'agriculteur n'augmente pas son revenu lorsque le SRP des fameuses grandes marques augmente, en revanche, quand une grande marque de distribution réalise 40 % de marge sur des produits bio ou des fruits et légumes, cela pose un véritable problème. En fait, c'est la répartition des marges à l'intérieur même de la grande distribution qui pose problème.

Pour en revenir à la désillusion que vous évoquiez, quand je dis qu'il faut un peu de temps, c'est que loi a été promulguée le 1er novembre, les ordonnances ont été prises pendant les négociations commerciales voire, pour certaines, à la fin des négociations commerciales. Il faut donc attendre de voir comment vont progresser les MDD et les prochaines négociations.

Mais il est deux axes sur lesquels, à mon avis, il faut avancer.

Tout d'abord, la filière bovine doit être mieux travaillée, mieux organisée pour progresser. Le président de la République, François Hollande, avait beaucoup négocié avec les Chinois suite à l'embargo lié à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) pour essayer de ré-ouvrir le marché. J'avais eu la chance en tant président d'un groupe interparlementaire de me rendre en Chine avec lui et le Premier ministre Manuel Valls. J'avais assisté aux discussions. Le Premier ministre Édouard Philippe et le Président de la République Emmanuel Macron ont poursuivi ce travail, et l'ont bouclé puisque nous avons obtenu la réouverture du marché chinois. Je pense que vous imaginez parfaitement ce que cela représente. Je suis allé à Shanghai avec les représentants de la filière pour apporter la première tonne de viande bovine. Elle a été vendue en une heure sur Alibaba : les gens ont commandé et reçu la viande chez eux. Aujourd'hui, nous devrions exporter plusieurs milliers de tonnes. Cela fait dix-sept ans que la filière nous demande d'ouvrir ce marché. Il est maintenant ouvert et, à ce jour, moins de dix tonnes ont été exportées. Nous devrions en avoir exporté plusieurs milliers. La filière doit s'organiser différemment pour exporter, car si nous exportions 1 000 ou 3 000 tonnes de viande bovine, les prix augmenteraient pour l'éleveur. Cela ne réglerait pas le problème en France, mais cela réglerait celui de la filière.

La prochaine PAC est également partie prenante de la question. La précédente PAC a, fort heureusement, été grandement tournée vers les filières d'élevage, notamment sur la filière bovine. J'ai bien l'intention de faire en sorte que les aides continuent d'être orientées dans cette direction car, s'il est un secteur en grande difficulté, c'est bien celui de l'élevage, confronté comme il l'est à la sécheresse, aux aléas climatiques, au marché et aux difficultés d'organisation. Notre pays est un pays d'élevage et je tiens à rappeler ici que les prairies favorisent aussi le captage du carbone et la lutte contre le réchauffement climatique. Lorsque des animaux sont en pâture dans les prairies, c'est une excellente chose. C'est tout un ensemble, dont la PAC doit être l'outil.

La PAC sera un outil ; j'en ai pris l'engagement et nous y travaillons avec la profession et avec vous-mêmes. L'export est un outil d'envergure ; mais ceux qui contrôlent le marché français doivent faire des efforts parce que nous ne pouvons pas proposer que de la viande hachée ; il faut aussi pouvoir exporter d'autres produits. Enfin, il faudra à l'évidence revoir les négociations commerciales. Guillaume Garot le disait, la façon dont se déroulent les négociations commerciales et la façon dont les gens sont traités n'est ni humaine ni acceptable en 2020.

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