La séance est ouverte à dix-sept heures.
Nous accueillons aujourd'hui M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande, Monsieur le ministre, de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Monsieur le ministre, veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».
M. Didier Guillaume prête serment.
Je suis accompagné de M. Grégory Besson-Moreau, notre rapporteur, et, avec les membres de notre commission d'enquête, nous aurons plaisir à vous auditionner. Je vous propose de vous donner la parole pour un propos liminaire de quelques minutes afin d'avoir la vision, de la part du ministère de l'agriculture et surtout celle du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur le sujet des négociations commerciales et du nécessaire équilibre de ces relations commerciales, du partage de la valeur ajoutée, notamment pour ce qui concerne les pratiques de certains acteurs de la grande distribution et autres centrales d'achat. Voilà autant de thèmes qui animent les travaux de la commission.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous adresser un grand merci pour la mise en place de cette commission d'enquête qui traite d'un sujet éminemment complexe. Je suis très heureux que deux groupes de l'Assemblée l'aient décidé car nous sommes aujourd'hui à un tournant de l'équilibre économique des exploitations agricoles et de la filière dans son ensemble.
À l'heure où l'agriculture s'interroge, le Président de la République a souhaité lancer, en 2017, les États généraux de l'alimentation (EGA) qui furent, comme jamais, un événement de concertation. Pour la première fois, tous les acteurs de la chaîne, de l'amont à l'aval, s'asseyaient autour de la table : producteurs, agriculteurs, consommateurs, distributeurs, toutes celles et tous ceux qui, de près ou de loin, travaillent sur les sujets de l'alimentation étaient présents. Cette rencontre a été un réel succès. Il s'ensuivit la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGAlim, que le Parlement a votée. Lorsque cette loi est venue devant le Parlement, j'étais alors sénateur et, à ce titre, j'ai contribué à ce travail. Devenu, depuis une dizaine de mois, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, me voici de l'autre côté de la barrière, pour sa mise en application.
Ces États généraux de l'alimentation ont donné un fol espoir à celles et ceux qui s'intéressent à l'agriculture et à l'alimentation, et à raison. La loi EGAlim a en effet permis de cadrer, tant dans son titre I que dans son titre II, les grands sujets mais elle a surtout cherché à répondre au souhait de la profession agricole, des distributeurs et des hommes politiques, à savoir que la profession agricole ne pouvait continuer à travailler de la sorte, sans compter ses heures et sans gagner sa vie. Tout l'intérêt de cette loi EGAlim et de ces États généraux de l'alimentation était de parvenir à une meilleure répartition de la valeur entre les maillons de la chaîne.
La loi a été promulguée le 1er novembre 2018. Les ordonnances sur le seuil de revente à perte (SRP), sur les promotions et autres n'ont été prises qu'en début d'année, au cours du trimestre. La loi EGAlim n'a donc pas encore donné sa pleine mesure et nous ne pouvons pas encore en percevoir l'entière concrétisation. L'année 2019 étant, si je puis dire, l'« année zéro », nous en mesurerons pleinement les effets l'année prochaine. Nous constatons toutefois d'ores et déjà que les négociations commerciales qui se sont déroulées entre le 1er décembre 2018 et le 28 février 2019 n'ont pas été satisfaisantes. Pour avoir rencontré les représentants des filières agricoles, je peux vous assurer que le compte n'y est pas !
Le système de ces négociations commerciales n'est pas satisfaisant puisqu'il ne permet pas aux trois maillons de la chaîne de s'en sortir. Pour ne citer que trois chiffres, nous comptons 450 000 agriculteurs, 17 000 industriels agroalimentaires, PME et grandes entreprises réunies, et sept distributeurs. Tout est dit : il existe un déséquilibre. Si le compte n'y est pas, c'est que, même si la situation s'est légèrement améliorée dans quelques filières, les agriculteurs n'ont pas vu plus de revenu retomber dans la cour de leur ferme.
C'est la raison pour laquelle le rapport de cette commission d'enquête qui touche à son terme sera très intéressant pour le Gouvernement et pour le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Nous avons besoin de comprendre les raisons de cette situation et des solutions pour l'améliorer. L'objectif est clair : les grandes surfaces, les distributeurs doivent certes gagner de l'argent et cette commission d'enquête ne va évidemment pas les stigmatiser, car nous avons en besoin ; c'est ainsi que nos concitoyens achètent aujourd'hui et, compte tenu de la situation économique de nombre d'entre eux, et les prix bas leur permettent d'acheter. Je tiens ici à réaffirmer que, lorsqu'un consommateur achète un produit dans une grande surface, que ce produit soit bio, issu d'un circuit court ou d'un marché paysan, qu'il provienne directement d'un paysan ou soit issu de l'industrie agroalimentaire, nous avons la chance qu'il achète des produits sûrs, sains et tracés. Quel que soit son prix, l'alimentation en France est de grande qualité.
Mais, à ce stade, les chiffres parlent d'eux-mêmes : le compte n'y est pas ! Le déséquilibre dans la relation commerciale est patent. Donc, sans stigmatiser les grandes surfaces qui doivent gagner leur vie car des milliers d'emplois en dépendent, il faut absolument trouver le système qui permette aux 17 000 entreprises intermédiaires de produire et transformer des produits de qualité et de rémunérer, elles aussi, leurs collaborateurs, et surtout à l'agriculteur et à l'éleveur d'avoir un juste retour de leur travail.
Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, dans deux filières notamment. En effet, même si l'on a le sentiment que la situation de la filière laitière s'est légèrement améliorée, deux chiffres parlent d'eux-mêmes : payer un litre de lait 32, 33 ou 34 centimes n'est pas acceptable quand le coût de revient de ce litre pour le producteur est bien plus élevé et se situe, d'après la profession, entre 39 à 40 centimes. Même s'il arrive certaines années qu'il soit parfois légèrement inférieur, il ne peut pas être à 32 ou 33 centimes d'euros !
De même, lorsqu'un éleveur vend son kilo de viande à 3 ou 3,5 euros, le compte n'y est pas, parce que le coût de la viande est de 5 euros. C'est inacceptable !
C'est la raison pour laquelle les parlementaires ont eu l'intelligence d'inverser la construction des prix, considérant qu'il fallait partir du producteur pour construire ces prix. L'écart entre l'objectif de base de l'agriculteur et ce qui lui est payé reste encore trop grand. Nous avons besoin de modifier le système afin que la répartition de la valeur s'opère et que cesse la bagarre entre les trois niveaux de la chaîne.
Pour ne pas être trop long, je dirai sans développer que, pour assurer une meilleure répartition de la valeur, nous avons besoin de références, d'une part, sur ce qui est issu des négociations commerciales, d'autre part, sur ce qui est vendu de plus en plus dans la grande distribution, à savoir les marques de distributeur (MDD). Ces MDD représentent un aspect très important. Elles montent en gamme ; c'est la volonté de l'ensemble des distributeurs. Les pratiques d'achat des consommateurs ont évolué et l'organisation des circuits de distribution s'en trouve modifiée. Les grandes surfaces sont en train de faire évoluer le système en se tournant moins vers de grandes marques nationales ou internationales et plus vers les marques de distributeur. J'en suis ravi, parce que ces MDD sont systématiquement des produits issus la petite PME et de l'agriculteur du territoire. Il faut toutefois que ces marques de distributeur rémunèrent.
C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de travailler la question. Lors du dernier comité de suivi des relations commerciales que nous tenons tous les trimestres à Bercy, avec Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, qui s'est déroulé le 16 avril, nous avons été alertés sur des pressions exercées sur les produits MDD. Nous avons demandé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d'exercer plus de contrôles, ce qu'elle a fait et, d'après les chiffres de l'institut Nielsen, les MDD ont enregistré en avril une déflation de 0,2 %. Force est de constater que ces dernières sont au coeur des programmes de fidélisation des clients, de la communication et des stratégies de développement des distributeurs. Cela ne va pas !
Voilà ce que je pouvais vous dire en introduction. J'aurais sans doute l'occasion de répondre à des questions mais je tenais, tout d'abord, à remercier l'Assemblée d'avoir constitué cette commission, car il est indispensable d'y voir plus clair et d'étudier comment améliorer la situation demain. Je voulais vous dire ensuite qu'il ne s'agit pas de stigmatiser les grandes surfaces et les distributeurs ; nous en avons besoin, elles permettent aux agriculteurs de déstocker et aux consommateurs d'acheter à prix bas. Sauf que, et ce sera ma conclusion, pour un produit, ce n'est pas le prix bas qui compte, car la question n'est pas ce que cela coûte, mais ce que cela vaut. Or ce qui est acheté aujourd'hui aux agriculteurs vaut plus que le bénéfice qu'ils en tirent.
Monsieur le ministre, vous êtes le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Vous êtes donc le ministre des agriculteurs. Or, lorsque l'on parle d'alimentation, notre regard se porte naturellement vers le consommateur. Il était donc naturel que le Parlement interpelle celles et ceux qui sont en charge de distribuer, de commercer et de vendre aux consommateurs les produits qui sont mis à leur disposition par un certain nombre d'industriels et qui sont l'émanation de productions agricoles françaises.
Comme nombre de nos concitoyens, jeudi dernier, je suis allé faire des courses dans un magasin de proximité du groupe Carrefour, dans ma bonne ville de Fougères, au coeur même de ma circonscription. En bon citoyen, j'ai regardé Carrefour bio, le jambon de Paris ! Cela a attiré mon regard et je montre au rapporteur la photo que j'ai prise : agriculture biologique, sans le logo bleu-blanc-rouge, mais avec la petite carte de France et l'indication « Fabriqué en France ». Quant à son origine, ce jambon de Paris Carrefour bio est fabriqué en Normandie à partir de cochons élevés dans l'Union européenne, dans le respect des cycles naturels et du bien-être animal propres à l'agriculture biologique.
Tout cela pour vous interroger, monsieur le ministre, sur un sujet auquel notre commission s'est intéressée, qui touche directement les distributeurs mais aussi des industriels : celui de l'étiquetage, de l'identification et de la traçabilité du produit, en prenant en compte le débat sur la production française et la nomenclature européenne. Quelle est votre approche en la matière ? S'il est un levier sur lequel nous pouvons agir et sur lequel l'ensemble de nos concitoyens peuvent agir, c'est bien l'acte d'achat. Donc, au-delà des circuits courts et des achats locaux, cette question de l'étiquetage se pose de manière prégnante.
C'est un sujet très important. Effectivement, le consommateur doit, d'une part, disposer de toute l'information, d'autre part, être responsable. On ne peut, dans son salon, défendre de belles idées et, pendant l'acte d'achat, ne pas mettre ses actes en accord avec ses idées. Ce n'est pas toujours facile mais, à cet égard, la question que vous posiez quant à l'étiquetage, l'identification et la traçabilité est essentielle.
Je ne vais pas lancer le débat sur la viande : ceux qui ne veulent pas en manger n'en mangent pas, ceux qui le veulent ou ceux, flexitariens, qui souhaitent en manger moins mais mieux, en mangent, et c'est très bien également. Il n'empêche que, si l'on veut aujourd'hui manger de la viande en France ou dans un restaurant à Paris, par exemple, il est difficile de manger de la viande française : plus de 80 % des restaurants parisiens ne proposent pas de viande française. C'est un véritable sujet de réflexion. Il faut réorganiser la filière et les circuits de distribution. Cela s'écarte un peu des travaux de votre commission, mais pas totalement. En effet, si on ne propose pas de la viande ou une alimentation de qualité dans les restaurants, c'est peut-être parce que les restaurants ne l'achètent pas, mais c'est peut-être aussi parce que, dans l'autre sens, nous ne sommes pas prêts à l'acheter.
De même, aujourd'hui, il suffit que les produits aient subi peu de transformation en France pour être français. J'ai donc annoncé hier, à l'occasion de la Foire de Chalons, la deuxième grande foire agricole de France, que nous allions travailler sur l'étiquetage. Nous en discuterons, bien évidemment, avec le Parlement, mais je souhaite que la France aille plus loin dans l'étiquetage. Sans cela, cela ne fonctionnera pas. Je sais bien qu'en disant cela, je me mets à dos beaucoup de personnes du secteur économique, notamment les 17 000 entreprises dont je parlais tout à l'heure qui considèrent que ce n'est pas possible, que ce sera une contrainte supplémentaire. Mais si nous ne sommes pas capables de demander aux 17 000 entreprises de l'industrie agroalimentaire un petit effort de traçabilité, nous n'avancerons pas. Je l'ai déjà proposé pour le miel, au nom du Gouvernement, et cela va se mettre en place.
Nous avons également besoin d'éduquer le consommateur. J'entends par là que le consommateur doit acheter en connaissance de cause, en s'attachant à savoir d'où vient le produit et quelle est son origine. Mais pour cela, l'étiquetage, l'identification et la traçabilité sont indispensables. Nous avons la meilleure alimentation au monde, que le monde entier nous envie. Sa traçabilité doit être renforcée.
Nous vous remercions, monsieur le ministre, de vous être déplacé avec une partie de votre cabinet. Nous avons commencé les auditions avec celles des représentants du monde agricole et nous finissons avec le ministre de l'agriculture. La boucle est bouclée.
Je vous rejoins lorsque vous dites que le compte n'y est pas. Vous aviez fait déjà cette déclaration en avril de cette année. Lors de ces auditions, nous avons constaté qu'effectivement, le compte n'y était pas et qu'apparemment, il n'y sera pas non plus l'année prochaine. Je m'explique : lors des auditions de certains acteurs de l'industrie agroalimentaire et non alimentaire, puisque cette commission d'enquête encadre l'intégralité de l'industrie des produits de grande consommation, nous avons constaté que, si les indicateurs de coûts de production étaient une véritable réussite de la loi EGAlim, les relations entre la grande distribution et les industriels restaient encore extrêmement tendues. Ces indicateurs ne sont pas pris en compte par les industriels, car ils ne le sont pas par la grande distribution. La grande distribution considère que l'industrie gagne trop d'argent. Nous l'avons encore entendu très récemment lors des auditions que nous avons menées chez eux. L'industrie, quant à elle, nous dit qu'elle signe tous les ans en déflation.
En conséquence, doit-on imposer les indicateurs de coûts de production à l'ensemble des filières ? N'avons-nous pas accompli que la moitié du chemin et ne devrions-nous pas créer également un indicateur de coût de transformation ou de coût de production industrielle afin de justifier auprès de la grande distribution qu'au-delà de l'augmentation des matières agricoles, les méthodes de production et de transformation ont aussi un coût qui augmente tous les ans ?
Le compte n'y est pas, mais vous disiez que les indicateurs de coût de production étaient une réussite. Je le pense également et j'estime qu'il faudra une deuxième, voire une troisième année pour en mesurer pleinement les effets.
J'ai évoqué la question avec les représentants de toutes les filières, puisque nous faisons des suivis de filières et organisons des comités de suivi des filières. C'est un premier pas, mais les changements de comportement demandent du temps. Ce n'est pas parce qu'une loi est votée ou parce que votre commission d'enquête rendra son rapport que, dès le lendemain, la situation va changer. Je ne le crois pas un instant. En revanche, je suis persuadé, pour avoir discuté avec tous, que la volonté d'avancer est là. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) doivent avancer parce que la demande sociétale est forte. Les industriels savent aussi qu'ils doivent évoluer parce que – tout à l'heure, Monsieur le président parlait de traçabilité et d'identification – ce sont des questions dont nous devons nous occuper sous peine de rencontrer de vraies difficultés. Il suffit de voir le débat de cet été sur le Mercosur, par exemple. Ces indicateurs de coût de production sont indispensables. Aussi bien les États généraux de l'alimentation que la loi EGAlim vont dans ce sens. Leur mise en application demandera peut-être un ou deux ans, je n'en sais rien, mais est absolument incontournable. Nous sommes déjà en train de travailler au niveau national à la mise en place d'un décret portant sur l'étiquetage de l'origine pour la restauration commerciale. C'est nécessaire et nous allons régler cette question.
En revanche, pour répondre à votre deuxième question, je ne suis pas favorable à l'imposition d'indicateurs à la transformation. Cela me semble trop compliqué. Aujourd'hui, dans les industries agroalimentaires, le coût de transformation est extrêmement variable d'un produit à l'autre. De plus, il tient vraiment au savoir-faire de l'industriel. Cela dépend de ses pratiques. Pour répondre clairement à votre question, je ne pense pas que nous puissions le faire.
Mais les relations, les négociations commerciales ne peuvent se poursuivre telles qu'elles se pratiquent, dans les box. Les Jeunes agriculteurs (JA) avaient demandé à entrer dans le box de négociation. On ne peut pas attendre sur un parking jusqu'à minuit moins une, la veille, pour savoir. Tout cela doit changer, ce sont des pratiques d'un autre temps. Mais il n'est pas possible non plus de démarrer des négociations avec des conditions générales de vente (CGV) à + 9 et des GMS qui repartent à - 3 ou - 4. C'est absolument ridicule. Nous sommes le seul pays en Europe à procéder de la sorte. Il faut rééquilibrer le système. J'en appelle à la responsabilité de tous et mon souhait, cette année, est qu'avant que se déroulent les négociations commerciales, chacun puisse « éclairer le tapis », dans le respect de la loi, bien évidemment. Il faudra étudier la manière dont les indicateurs de coût de production peuvent évoluer. Sinon, nous n'y arriverons pas.
Je prends l'exemple du lait : en 2018, il était à 34 centimes d'euros le litre ; en 2019, à 35,5 centimes. En 2020, ils se disent qu'ils vont maintenir la pression et que le prix va continuer d'augmenter. Mais si les coûts de production augmentent de l'amont et que rien ne bouge au milieu, cela posera problème. Il faut donc absolument parvenir à une responsabilisation de l'ensemble de la chaîne, d'autant que, cette année, nous nous heurtons à un problème particulier, celui de la sécheresse qui va coûter cher aux éleveurs. Ces derniers ont déjà utilisé une partie de leurs stocks de fourrage, et devront en acheter. Par conséquent, le coût de production va augmenter, peut-être même s'envoler. La situation sera déjà difficile. Je ne pense pas que travailler en plus sur les transformateurs serait une bonne chose. Vous me posez une question claire. Je vous réponds tout aussi clairement : pour ma part, je n'y suis pas favorable.
Merci, monsieur le ministre, d'être parmi nous aujourd'hui et merci de votre franchise parce que nous avons besoin d'entendre des choses simples et surtout claires.
Vous avez dit que cela n'allait pas. Je souscris à cette affirmation. J'étais ce week-end à un rendez-vous très important dans le département de la Mayenne : le Festival de la viande, auquel je vous convie l'année prochaine. C'est le rendez-vous des éleveurs bovins, le rendez-vous de la qualité. Ceux qui travaillent sur une qualité très haut de gamme s'en sortent à peu près, au prix d'efforts que je ne vous décris même pas, mais pour l'immense majorité des éleveurs en viande bovine de mon département, comme de Bretagne, rien n'a changé depuis le vote de la loi EGAlim. Vous le dites vous-même.
Tous ici s'accordent à dire que chacun, qu'il soit agriculteur, transformateur ou distributeur, doit vivre dignement de son travail. Nous souscrivons tous à cette déclaration. Mais que faire si cela ne va pas ? Telle est la question que nous devons nous poser, et que je vous pose. Pour ma part, je constate qu'après la loi EGAlim, le sentiment de désillusion est réel et profond. Cette loi a donné un espoir et, aujourd'hui, comme vous le disiez, la situation s'est légèrement améliorée dans certains secteurs, laitier notamment, mais tout le monde se demande si cette amélioration tient à des raisons structurelles ou conjoncturelles. C'est une vraie question. La situation est meilleure également pour certains secteurs, comme celui du porc, mais sans doute aussi pour des raisons conjoncturelles.
Alors, que faire maintenant ? Quel est le chemin ? Vous nous répondez, monsieur le ministre, qu'il faut un peu de temps. Mais n'est-ce qu'une affaire de temps ? Ne devrions-nous pas aller plus loin et peut-être emprunter un autre chemin ? Ne faudrait-il pas prévoir de nouvelles dispositions réglementaires et législatives ?
Dans le cadre de la commission d'enquête, nous formulerons des propositions pour sortir de pratiques que nous considérons comme abusives et condamnables. Je sais que le Gouvernement cherche des solutions de son côté et a agi avec fermeté durant l'été par rapport à une grande enseigne. Mais au-delà de l'application d'un arsenal de sanctions qui existent aujourd'hui, ne faudrait-il pas aller plus loin pour que chacun vive de son travail, en particulier nos producteurs ? Quand je parle d'aller plus loin ou de faire autrement, cela doit-il se faire uniquement au plan national ? Ne faudrait-il pas également oeuvrer au plan européen ? C'est ma conviction. Que pouvez-vous nous dire des orientations qui seront défendues par la France pour la prochaine politique agricole commune ? Nous savons bien que la solution ne peut pas être que nationale.
Si l'on veut redonner des perspectives et des prix aux producteurs, cela passera par une maîtrise et une régulation des productions permettant d'assurer la visibilité et, donc, d'ouvrir des perspectives de revenus décents.
Nous sommes très intéressés, Monsieur le ministre, par les réponses et les propositions que vous pourriez nous apporter à ce sujet. Elles nourriront notre propre travail et les propositions que le Parlement adressera au Gouvernement.
Je suis d'accord : il n'y a pas assez de choses qui ont changé. Il faut, pour cela, jouer sur trois niveaux : au niveau du Parlement, vous aurez peut-être la possibilité de légiférer ainsi qu'aux niveaux du Gouvernement et de l'Europe, dont je vous dirai un mot.
Pour ce qui est du porc, nous avons beaucoup de chance en raison de la crise conjoncturelle de la peste porcine africaine qui a décimé le cheptel en Asie du Sud-Est, notamment en Chine. J'ai rencontré les représentants de la filière. Ils retrouvent des prix plus que convenables. Tant mieux, ils ont tellement souffert ! Cela devrait durer et permettre de réaliser un certain nombre d'aménagements, de rénover les bâtiments, de travailler sur le bien-être animal et, surtout, de reconstituer de la trésorerie et de regagner de l'argent. J'en suis ravi, que cela continue ! Mais la situation est indépendante des mesures prises. L'amélioration est effectivement conjoncturelle.
En ce qui concerne le lait, nous avons noté un léger effort. À franchement parler, je pense que c'est une petite avancée, peut-être pour masquer le reste. Mais tant mieux également, et allons plus loin !
S'agissant de la viande bovine, cela ne va pas du tout, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, revenons à l'essence même de cette loi EGAlim. Je pense que vous avez dû évoquer à plusieurs reprises le seuil de revente à perte : 840 millions d'euros ont été mis en trésorerie pour les distributeurs sans contrepartie. Augmenter la bouteille d'apéritif – je ne vais pas citer de marque, mais vous aurez compris – ne pouvait évidemment pas « ruisseler » dans les cours de ferme. D'ailleurs, ce seuil de revente à perte de la loi EGAlim n'est pas du ruissellement, mais une autre répartition de la valeur. C'est ce qui a créé de la confusion. De nombreux agriculteurs pensaient, de façon très honnête et objective, que cela aurait des répercussions, mais ce n'est pas le cas. Si l'agriculteur n'augmente pas son revenu lorsque le SRP des fameuses grandes marques augmente, en revanche, quand une grande marque de distribution réalise 40 % de marge sur des produits bio ou des fruits et légumes, cela pose un véritable problème. En fait, c'est la répartition des marges à l'intérieur même de la grande distribution qui pose problème.
Pour en revenir à la désillusion que vous évoquiez, quand je dis qu'il faut un peu de temps, c'est que loi a été promulguée le 1er novembre, les ordonnances ont été prises pendant les négociations commerciales voire, pour certaines, à la fin des négociations commerciales. Il faut donc attendre de voir comment vont progresser les MDD et les prochaines négociations.
Mais il est deux axes sur lesquels, à mon avis, il faut avancer.
Tout d'abord, la filière bovine doit être mieux travaillée, mieux organisée pour progresser. Le président de la République, François Hollande, avait beaucoup négocié avec les Chinois suite à l'embargo lié à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) pour essayer de ré-ouvrir le marché. J'avais eu la chance en tant président d'un groupe interparlementaire de me rendre en Chine avec lui et le Premier ministre Manuel Valls. J'avais assisté aux discussions. Le Premier ministre Édouard Philippe et le Président de la République Emmanuel Macron ont poursuivi ce travail, et l'ont bouclé puisque nous avons obtenu la réouverture du marché chinois. Je pense que vous imaginez parfaitement ce que cela représente. Je suis allé à Shanghai avec les représentants de la filière pour apporter la première tonne de viande bovine. Elle a été vendue en une heure sur Alibaba : les gens ont commandé et reçu la viande chez eux. Aujourd'hui, nous devrions exporter plusieurs milliers de tonnes. Cela fait dix-sept ans que la filière nous demande d'ouvrir ce marché. Il est maintenant ouvert et, à ce jour, moins de dix tonnes ont été exportées. Nous devrions en avoir exporté plusieurs milliers. La filière doit s'organiser différemment pour exporter, car si nous exportions 1 000 ou 3 000 tonnes de viande bovine, les prix augmenteraient pour l'éleveur. Cela ne réglerait pas le problème en France, mais cela réglerait celui de la filière.
La prochaine PAC est également partie prenante de la question. La précédente PAC a, fort heureusement, été grandement tournée vers les filières d'élevage, notamment sur la filière bovine. J'ai bien l'intention de faire en sorte que les aides continuent d'être orientées dans cette direction car, s'il est un secteur en grande difficulté, c'est bien celui de l'élevage, confronté comme il l'est à la sécheresse, aux aléas climatiques, au marché et aux difficultés d'organisation. Notre pays est un pays d'élevage et je tiens à rappeler ici que les prairies favorisent aussi le captage du carbone et la lutte contre le réchauffement climatique. Lorsque des animaux sont en pâture dans les prairies, c'est une excellente chose. C'est tout un ensemble, dont la PAC doit être l'outil.
La PAC sera un outil ; j'en ai pris l'engagement et nous y travaillons avec la profession et avec vous-mêmes. L'export est un outil d'envergure ; mais ceux qui contrôlent le marché français doivent faire des efforts parce que nous ne pouvons pas proposer que de la viande hachée ; il faut aussi pouvoir exporter d'autres produits. Enfin, il faudra à l'évidence revoir les négociations commerciales. Guillaume Garot le disait, la façon dont se déroulent les négociations commerciales et la façon dont les gens sont traités n'est ni humaine ni acceptable en 2020.
Guillaume Garot et vous, monsieur le ministre, évoquiez à l'instant la filière bovine, illustrant la structuration du maillon amont. Je voudrais donc interroger le ministre de l'agriculture sur les propositions qui pourraient être faites dans ce rapport ou sur les propositions d'initiative gouvernementale quant au rôle des interprofessions dans la construction ou le repérage des indicateurs de coût de production. De plus, comment attribuer une véritable souveraineté aux organisations de producteurs (OP) et aux associations d'organisations de producteurs (AOP) ?
Par ailleurs, même si les marchés sont devenus mondiaux, globalisés, ce que l'on peut comprendre, comment améliorer la corrélation entre les prix payés aux producteurs et les prix payés par les consommateurs ? Les aléas climatiques que vous évoquiez concernent la France, mais aussi le reste de l'Europe. Les négociations commerciales doivent s'étirer de la Toussaint au 28 février. On pourrait envisager d'en limiter la durée à une période comprise entre l'automne et la fin décembre, et j'espère que le rapporteur fera une proposition en ce sens. Leur issue serait ainsi consécutive aux périodes de récolte, ce qui permettrait une meilleure connexion avec les coûts de production.
En résumé, quelle vision a le ministère de l'agriculture du rôle des interprofessions, des OP et des AOP ; et comment assurer une meilleure connexion entre les coûts de production et les prix payés par les consommateurs ?
Et sur la possibilité de modifier les dates des négociations commerciales !
Est-il possible de réduire la durée des négociations commerciales de quatre à cinq mois actuellement à deux mois, de la Toussaint à Noël ?
Le Gouvernement n'est pas favorable à un changement de durée et de dates. À la suite des États généraux de l'alimentation, de grandes discussions ont été engagées entre toutes les parties prenantes et nous ne sommes pas parvenus à trouver un équilibre, certains souhaitant commencer plus tôt, d'autres plus tard. Nous avons considéré que ce qui avait été dit à l'Assemblée nationale lors de la discussion de la loi EGAlim, notamment les propositions de modification faites par le rapporteur, Jean-Baptiste Moreau, n'allait pas dans le sens d'un changement. Donc, s'agissant du cadrage des négociations, conformément à l'ordonnance du 24 avril 2019, nous pensons que la période du 1er décembre au 28 février convient bien. Il faut laisser un peu de temps à leur déroulement. Objectivement, toute la période de Noël marquée par des flux commerciaux n'est pas propice aux négociations. Le salon de l'agriculture peut être une motivation de bonnes fins de négociation. Nous pensons plutôt qu'il ne faut rien modifier.
Monsieur le ministre de l'agriculture, on peut aussi imaginer l'inverse, c'est-à-dire une négociation démarrant à l'automne et prenant directement en compte les conditions générales d'achat et les conditions générales de vente proposées par les industriels. La période de discussion pourrait alors s'étaler sur quelques semaines, plus précisément deux mois. Avec le rapporteur, nous pensions avant les vacances, et j'espère nous le pensons encore à la rentrée, qu'avoir une déprise totale de la fin des négociations du salon de l'agriculture, qui est souvent utilisé comme une tribune, et limiter à deux mois, au lieu de quatre, la période de négociation, en totale connexion avec ce qui s'est passé dans l'année, notamment la période des récoltes, parce que les matières premières comme le blé, par exemple, ont une forte incidence sur la négociation de certains produits.
Les négociations durent trois mois, plutôt que quatre !
Nous sommes en septembre et nous savons très bien que dès le mois d'octobre, on s'agite dans les couloirs, pour ne pas dire dans les boxes, et la pression monte à travers des suspensions de commandes, pour ne pas parler de déréférencements. Au terme de six mois d'enquête, nous avons compris comment se passent les relations entre les industriels et les responsables du secteur de la distribution.
Nous considérons que, pour l'instant, le sujet est un peu éruptif. Les représentants de la profession agricole veulent maintenir la date butoir du 28 février, la grande distribution veut l'avancer. Le calendrier des négociations commerciales est une particularité française. Au Sénat, le Gouvernement a complété le projet de loi en vue de modifier, s'il en était besoin, les dispositions relatives aux dates d'envoi des conditions générales de vente. Cet hiver, au sommet « Choose France », de nombreux dirigeants du secteur agroalimentaire, notamment de grosses entreprises, m'ont dit qu'il n'y a qu'en France que cela se passe de la sorte. Quand une grande marque de soda américain de couleur noire ou de pâtes italiennes négocie avec la grande distribution, elles relèvent la particularité de la négociation française.
Concernant le lien entre l'orientation du coût de production et l'orientation du prix de vente, comme je l'évoquais tout à l'heure, une grande surface a bâti sa communication sur le prix le plus bas possible. C'est son choix et il est respectable, mais en matière d'alimentation, il faut faire comprendre aux consommateurs que le prix d'un produit n'est pas ce que cela coûte mais ce que cela vaut. En-deçà d'un certain prix, ce n'est pas sérieux, les producteurs se font étrangler. Or je souhaite défendre les producteurs qui parfois se font étrangler. Connaissons-nous, en France, une autre profession vendant sa production à un prix inférieur au prix de revient ?
Un menuisier qui fabrique des chaises qui lui reviennent à 100 les vend 100 fois un coefficient multiplicateur, tandis qu'un agriculteur qui produit du boeuf ou du lait pour x peut les vendre pour moins de x. Ce n'est pas possible !
Il faut donc dire aux Françaises et aux Français que l'on ne peut pas toujours avoir les prix les plus bas et qu'il faut parfois faire un effort. J'ai aussi conscience qu'il y a des Français auxquels on ne peut pas le demander. Je le dis sans état d'âme. Certains comptent à l'euro près et il est impossible de leur demander de payer plus cher. C'est la raison pour laquelle je précisais dans mon propos liminaire que tous les produits alimentaires ou agroalimentaires français sont de très bonne qualité. Certains produits sont « grand public », d'autres plus « classe supérieure »… mais nous devons parvenir à une meilleure répartition de la valeur afin qu'elle profite davantage à l'agriculteur sans pénaliser le consommateur. Tel est, me semble-t-il, le but de votre commission d'enquête, et telle est la volonté du Gouvernement. Cela signifie qu'au milieu et en bout de chaîne, certains doivent faire des efforts. Quand on voit les conséquences de l'augmentation du seuil de revente à perte de 10 % et que, parallèlement, on voit le cagnottage, les bons de fidélité, les rabais de 80 % sur le prix du baril de lessive, quelque chose ne va pas. Je préfère ne pas avoir 80 % de rabais sur le prix de la lessive et éviter d'avoir 40 ou 50 % de marge sur les produits frais issus de l'agriculture.
Pour répondre à votre question sur les OP et les interprofessions, la loi EGALIM et les États généraux de l'alimentation ont unanimement donné mission aux interprofessions de définir le coût d'objectif. Il est parfois un peu élevé et c'est ce qu'il faut recaler. Je puis vous assurer qu'avec Bruno Le Maire, le Gouvernement sera intransigeant. Car après que la loi a été votée et que les ordonnances ont été prises, nous pourrons aborder cela en amont. De plus, l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) peut nous fournir des éléments de nature à éclairer la situation.
Je partage votre point de vue, monsieur le président. Nous avons besoin d'éclairer un peu mieux la situation, le consommateur et l'agriculteur, lequel a besoin de savoir pourquoi lorsqu'il vend son litre de lait à 33 ou 34 centimes, il le retrouve à plus d'un euro en magasin, ce qui est un vrai problème.
Vous avez évoqué les interprofessions. En tant que ministre de l'agriculture, envisagez-vous de consacrer le rôle des organisations de producteurs et des associations de producteurs pour négocier et intervenir dans les discussions commerciales ? Je pense au secteur laitier. Aujourd'hui, les organisations de producteurs de lait n'ont pas de véritable capacité de négociation. Le pouvoir exécutif ou législatif n'a-t-il pas intérêt à envisager de redonner de la souveraineté aux agriculteurs ?
Les États généraux de l'alimentation et la loi EGAlim ont consacré le rôle des OP et des filières, et je m'en félicite. Tous les trimestres, j'anime des comités de suivi des filières, filières dont je rencontre régulièrement les représentants. Je suis désolé de redire qu'il faut un peu de temps parce que c'est nouveau. J'ai lu tous les contrats de filière, ils sont pleins de bonnes intentions. Est-on parvenu à 100 % des contrats ? Bien sûr que non, mais les choses vont avancer.
Les producteurs font beaucoup d'efforts et évoluent beaucoup. Aucun secteur économique n'a autant évolué que l'agriculture, il n'en est aucun à qui on demande autant. C'est la raison pour laquelle le rôle des interprofessions est indispensable. C'est à ces filières de fixer les coûts d'objectif, les coûts de production, d'être raisonnables et l'on verra ensuite comment cela peut se passer. Je suis plutôt optimiste pour l'année qui vient, parce que s'il n'y avait pas de résultat, si les agriculteurs continuaient à se faire étrangler dans les négociations commerciales, pour nombre d'entre eux, ce serait sûrement fini et l'expérimentation de deux ans devrait s'arrêter. Quand cela ne fonctionne pas, il faut savoir tourner la clé ou donner un coup de volant.
Monsieur le ministre, je partage votre optimisme. Malheureusement, les négociations s'achèvent le 28 février et, généralement, au mois de juin ou de juillet arrive une deuxième salve de négociations correspondant à la mise en place des nouveautés, dans le cadre de laquelle l'intégralité des contrats peut être renégociée, conformément au droit français. Or dans cette renégociation, encore récemment, les prix ont à nouveau été tirés vers le bas. Certains industriels internationaux ont été déréférencés ou sont en cours de déréférencement. Le retour que nous en avons n'est malheureusement pas positif.
Afin d'éclairer la représentation nationale, je reviendrai sur le SRP. Selon les études conduites par notre commission d'enquête et les administrateurs de l'Assemblée nationale, on estime à 0,5 % la déflation des MDD depuis la création du SRP. Le DPH, c'est-à-dire les produits de droguerie, parfumerie, hygiène, enregistre une déflation de près de 3 %, et 65 % des produits alimentaires d'origine agricole sont signalés en déflation. Autrement dit, le SRP serait passé dans la carte de fidélité !
Monsieur le ministre, serait-il possible d'engager une démarche d'analyse du SRP non dans un an et demi, comme prévu, mais au mois de janvier ou de février, afin de redresser la barre si, comme j'en suis persuadé, elle est redressable, voire d'appliquer le SRP, même si cela ne relève pas de votre compétence, sur les produits DPH ou autres ?
Monsieur le rapporteur, je me contente d'évoquer les sujets relatifs à l'agriculture et non ceux concernant le code du commerce et mon collègue Bruno Le Maire, de Bercy.
En tout cas, cette prise de conscience devra traverser tout le monde. Pour ce faire, je crois à la transparence et à l'information la plus complète. Le consommateur doit savoir ce qui se passe, comme l'agriculteur ou le salarié d'une PME. Car des PME souffrent aussi dans notre pays et le tissu de PME dans le secteur agroalimentaire est vraiment important.
Nous devons remettre un rapport au Parlement au 1er octobre 2020. Avec Bruno Le Maire, nous avons donné mandat, en avril dernier, à deux économistes pour réaliser une évaluation indépendante avant de faire notre propre analyse politique et de la transmettre au Parlement en vue d'un riche débat. Il s'agit de Cécile Bonnet, directrice de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), spécialiste des politiques industrielles et des relations verticales dans les politiques agroalimentaires et nutritionnelles, et de François Gardes, professeur à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialisé en microéconomie appliquée et en économétrie. Ce sont des personnes de très haut niveau. Cette évaluation portera notamment sur le revenu des agriculteurs à partir des données dont dispose l'administration, notamment celles de l'INSEE, de FranceAgriMer, de l'OFPM, les statistiques du ministère et de l'institut Nielsen.
Nous avons souhaité que cette évaluation soit réalisée en toute transparence vis-à-vis des professionnels. C'est la raison pour laquelle un comité de suivi rassemblant les représentants de la production, de la transformation, de la distribution, ainsi que les associations de consommateurs s'est réuni pour la première fois le 17 juillet, afin d'informer sur la méthodologie que nous souhaiterons mettre en place. Les échanges ont permis de mettre en avant plusieurs points, que je citerai rapidement.
Les OPA ont compris la difficulté de mesurer comment la répartition du revenu pouvait retomber dans la cour de ferme. Elles ont donc souhaité évaluer les stratégies des distributeurs et les comportements des consommateurs, notamment les substitutions ou reports d'achats, sujets importants auxquels vous avez travaillé. Les industriels ont demandé l'évaluation des évolutions de l'offre – le nombre de références en rayons, etc. Du côté de la grande distribution, seul un représentant a souligné l'importance de parvenir à dissocier les effets du relèvement du SRP et celui de l'encadrement des promotions. C'est un point difficile. L'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) a proposé de partager les données du panéliste IRI dont il dispose afin de disposer d'une analyse plus fine qui sera dans les mains de la DGCCRF.
Nous avons besoin de l'analyse la plus claire, la plus objective et la plus fine possible, afin de déterminer si ce SRP a été une bonne chose ou pas. Je n'ai jamais cru une seconde que l'augmentation du seuil de revente à perte allait ruisseler dans la cour de ferme. L'augmentation du prix du Coca-Cola ou d'autres produits n'allait pas apporter plus de revenus aux agriculteurs. En revanche, cela aurait dû avoir pour conséquence, à l'intérieur de la grande surface, une répartition de la valeur au profit de l'amont. Or tel n'a pas été le cas. Par ailleurs, lorsque nous avons pris l'ordonnance, en janvier, en plein mouvement des gilets jaunes, au moment où le pouvoir d'achat était dans tous les esprits, dans tous les débats télévisés et sociétaux et à tous les ronds-points, nous craignions que l'augmentation du SRP, tant réclamée par la profession agricole, ait un effet inflationniste. Or vous avez cité des chiffres, l'institut Nielsen a fourni des éléments montrant que cela n'a pas été le cas.
On peut donc considérer que le SRP a représenté 800 millions d'euros en direction des GMS sans contrepartie directe. Je rappelle que tous les distributeurs se sont engagés à jouer le jeu, mais qu'à l'exception de celui que vous évoquiez, cela n'a pas été le cas. C'est pourquoi nous en revenons à l'intitulé même de votre commission d'enquête : les négociations commerciales doivent-elles continuer dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ou ne faut-il pas les modifier afin que les agriculteurs s'y retrouvent ?
Monsieur le ministre, merci de votre présence et de votre franchise. D'ores et déjà, j'exprimerai un satisfecit sur deux points que vous avez évoqués.
Je me félicite que vous ayez abordé les problèmes d'export de la viande. Je participais ce week-end à une fête de l'agriculture où j'ai rencontré des membres de l'interprofession, qui sont désarmés devant l'inutilisation des agréments et qui disent eux-mêmes que même Bigard ne s'en sert pas. Quelle est donc la solution ? Bigard est dans l'interprofession. Je suis de l'Ouest où un problème se pose avec Elivia. Nous avons une grosse production de viande bovine, mais pas d'export ! Presque en excédent, nous pourrions exporter, mais rien ne s'organise pour cela. Que pourriez-vous faire à ce sujet ? Nous sommes désarmés : comment obliger des gens à vendre ?
Mes collègues vont sourire en m'entendant revenir à mon sujet favori. Vos services savent qu'il m'occupe depuis très longtemps, comme vous-même puisque je vous en avais saisi. À ma grande satisfaction, vous avez observé qu'il n'y avait pas seulement un problème de distributeurs mais aussi un problème dans la chaîne. Depuis le début l'adoption de la loi EGAlim, je dis à tout le monde : pour un produit vendu dix euros, s'il y a un euro pour les producteurs et trois euros pour la grande distribution, il en reste six pour lesquels il faudrait regarder ce qui se passe.
Vous parlez de transparence mais, en début d'année, vous avez cru comme nous aux chiffres issus de la négociation sur le prix du lait entre la grande distribution et les industriels, alors que c'était une illusion d'optique. Des collègues et moi étions très sollicités par des OP et par différents producteurs, mais nous nous sommes heurtés à un problème. Pour commencer, cette année, nous avons subi l'inversion des dates, puisque les négociations entre les industriels et les distributeurs ont eu lieu avant les négociations prévues par la loi EGAlim. On se retrouve aujourd'hui dans une situation inextricable, compte tenu de ce que faisaient les industriels, et pas seulement les industriels privés car les coopératives ont joué le même jeu. Nous ne savions plus trop quoi faire, car plus rien n'était respecté. On ne nous annonçait plus les mêmes chiffres que ceux qui étaient annoncés dans la presse, qui ne concernaient que des niches. Pour le tout-venant, nous nous retrouvons avec des propositions de prix refusées par les industriels, les coopératives jouant le jeu de la descente forcée. Aujourd'hui, en ce 3 septembre, nous leur avons dit de saisir le médiateur. Même le médiateur n'arrive à rien. Certains industriels n'ont toujours pas signé de contrat avec ces producteurs. Nous savons qu'il y a des accords de collecte, des prélèvements au moment des cessions. Nous savons tout ce qui se passe. La situation est dénoncée depuis longtemps. Monsieur le ministre, nous en sommes aujourd'hui, ainsi que vos services, à recommander de saisir la justice. J'ai eu l'occasion de le dire à certains industriels que nous avons reçus : alors que la loi prévoit que les contrats doivent être signés au 1er avril, est-il normal qu'ils ne le soient toujours pas en septembre ? Transparence, sans aucun doute !
Donc, monsieur le ministre, comment peut-on obliger à exporter de la viande ? Et que fait-on pour la transparence des discussions entre les distributeurs et les industriels, ou même les coopératives ? Dans cette commission d'enquête, nous avons entendu de grands industriels dire qu'au titre de services, la grande distribution les ponctionnait de sommes phénoménales avant de mettre en rayon. N'y a-t-il pas aussi quelque chose à faire pour obtenir un retour pour les producteurs ? Nous le souhaitons mais nous ne savons pas quel outil utiliser. Comment obliger des gens à vendre ? Comment imposer la transparence ? Merci de votre aide et merci surtout pour les producteurs de lait qui attendent beaucoup de vous, à l'occasion de cette audition, parce qu'ils ont l'impression d'évoluer dans un univers où certains agissent dans l'impunité.
Madame la députée, je les rencontre demain après-midi et nous allons continuer à travailler avec eux. Je l'indique tranquillement devant votre commission d'enquête : on dit que cela va un peu mieux dans le secteur laitier, mais si c'est le cas pour certains, pour d'autres, cela ne va pas du tout. Nous avons à faire face à un vrai sujet, qui est celui de la transparence.
La difficulté est que la contractualisation est inscrite dans la loi et elle est de plus en plus fréquente. C'est normal et conforme à notre souhait. Mais il existe aussi des apporteurs, qui appartiennent à des coopératives, à qui on achète le lait à tel prix sans qu'ils aient leur mot à dire. C'est pourquoi l'interprofession doit pouvoir s'exprimer, ainsi que le Parlement, et que j'avance le plus possible pour permettre cette transparence. Il faut faire comprendre aux acheteurs, aux coopératives et aux transformateurs la nécessité d'aller plus loin. Dans les filières « de niche », de transformation du Comté, du Beaufort ou du Roquefort, par exemple, le lait est très bien payé. Il y a de la richesse, et c'est tant mieux. Mais comme vous l'avez très bien dit, madame la députée, le problème concerne le lait de base – enfin, le lait est toujours un bon produit ; disons le lait standard. Quand je compare le prix d'une brique de lait dans un magasin et le prix d'achat du lait à l'éleveur, je mesure l'ampleur du problème. Il faut avancer par la transparence.
Comment forcer des gens à exporter ? Je m'en occupe. On ne peut pas avoir des entreprises – en gros, trois entreprises – préférer ne pas exporter pour éviter de voir les prix augmenter, car c'est cela la vérité. Nous avons la possibilité d'avoir un très grand marché d'exportation de viande bovine. Il faut y aller. Mais peut-être faut-il aussi changer notre façon de faire. Faut-il des animaux aussi gros ou moins gros, aussi gras ou moins gras ? Faut-il envoyer des broutards en Italie pour les voir revenir dans nos abattoirs ? Si la filière ne s'empare pas de cette réflexion, nous n'y arriverons pas.
Nous allons avancer tranquillement, parce qu'il y a un contrat de filière. Mais force est de reconnaître que la filière bovine est la plus compliquée, la plus longue, avec énormément d'intervenants.
Nous devons travailler sur toute la filière viande. J'ai confiance. Je rencontre souvent ses représentants et je les reverrai bientôt, à l'occasion du salon SPACE à Rennes et du Sommet de l'Élevage à Clermont-Ferrand. Je connais bien leurs critiques, leurs difficultés. Nous avons bien vu leur réaction face au Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) dans un contexte difficile. Néanmoins, j'ai confiance car cette filière est en train de prendre conscience de sa force. Le législateur a peut-être des choses à faire. Le Gouvernement s'exprimera et fera des propositions, mais ils doivent aussi se prendre en main et je pense qu'ils seront amenés à le faire.
Merci, monsieur le ministre, de vos propos.
Je centrerai mon intervention sur le secteur de la viande. Nos producteurs de viande sont dans une situation de très grand découragement et ont besoin d'un soutien moral. La sécheresse vient ajouter de la tension à la tension, du découragement au découragement.
Je figure parmi les députés dont certaines permanences ont été bloquées par des agriculteurs, que je condamne pour certains. Les éleveurs de viande, bien que je sois profondément convaincu que l'origine de leurs problèmes est antérieure au Comprehensive Economic and Trade Agreement, ressentent ce traité comme une provocation supplémentaire. À ce titre, je m'en excuse auprès d'eux, même si je crois foncièrement à l'intérêt de cet accord avec le Canada, je souhaiterais que nous organisions une commission d'enquête sur les pratiques de la distribution.
Vous êtes le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. J'aimerais vous poser des questions qui font l'interface entre la grande distribution, ses pratiques et vos responsabilités. À cet égard, j'évoquerai trois points pour savoir ce que vous comptez faire en la matière.
Premier point, j'ai suivi attentivement les débats des États généraux de l'alimentation et de la loi qui en a découlé. Pour que la répartition de la marge soit opérationnelle, il faut une filière aux rapports de force équilibrés. Or, par définition, nos agriculteurs sont très dispersés. Nos concitoyens souhaitent une agriculture à taille humaine, proche et plus écologique. Il convient donc de s'attacher au maillon suivant, qui tient dans un travail de structuration non négligeable des organisations d'agriculteurs et des coopératives de viande bovine. Selon ma vision des choses, nous assistons à une course de vitesse entre organisations de producteurs pour savoir qui vendra à des industriels très connus du secteur de la viande. Pour finir, je me demande si le problème n'émane pas davantage de la concurrence entre certains acteurs de la filière bovine que de la grande distribution. Que comptez-vous faire en ce domaine pour que les organisations de producteurs soient davantage des partenaires que des concurrents ?
Le deuxième point concerne plus directement la grande distribution. Au-delà du prix, se pose la question du contexte de la négociation. Vous ne souhaitez pas modifier la période de négociation, avez-vous dit. Par ailleurs, vous avez considéré que les temps d'attente liés aux négociations étaient inacceptables. Quelles précisions pourriez-vous nous apporter à ce sujet ? Les conditions générales de vente – les pénalités de retard de transport pour citer un exemple précis – sont un sujet souvent évoqué. Que pouvez-vous nous en dire ?
Troisième point, vous avez cité l'exemple du Comté, qui vit honorablement de son produit. Se profile l'idée que le fromage de Comté étant un produit incontournable et de qualité, la filière arrive à en vivre.
Que pouvons-nous faire sur le plan de la communication pour rendre « accrocs » les consommateurs aux qualités de la viande française qui, au-delà de ses qualités intrinsèques, permet, grâce à son élevage, d'entretenir nos territoires et à maintenir une certaine France rurale ? Si nombre de Français sont convaincus de la qualité de la viande française, tous ne le sont pas. D'où l'intérêt de communiquer pour que la grande distribution ait envie de vendre principalement de la viande française.
Sur la structuration de la filière, sur la négociation relative aux conditions générales de vente et sur la communication sur l'intérêt de l'agriculture – vous avez parlé d'identification –, disposez-vous d'actions précises de votre ministère ?
Merci, monsieur le député, de vos questions très précises.
Le Gouvernement dans son ensemble, M. Bruno Le Maire et moi-même, relayés par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation en particulier, serons très sévères dans les semaines qui viennent. Je l'ai dit publiquement, je le répète aujourd'hui car si nous voulons que les choses changent, il faut faire comprendre aux acteurs la nécessité d'évoluer. Dans un premier temps, il faut leur signifier clairement les choses pour que la situation change, et si elle ne changeait pas, peut-être faudrait-il faire appel au législateur et aller plus loin. Je n'en dis pas davantage aujourd'hui. Nous disposons des outils nécessaires, dont il faut se saisir pour un bon fonctionnement du secteur.
Votre question portant sur la viande bovine est essentielle. La filière bovine est déséquilibrée. L'amont n'a pas la force de l'aval et l'amont n'a pas la force des trois ou quatre entreprises du secteur de la viande, la plus importante occupant 75 % du secteur. Je reçois ses représentants prochainement et je me rendrai au Sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand. Nous travaillons activement avec Interbev et son président, Dominique Langlois, comme avec le président Bruno Dufayet de la Fédération nationale bovine, avec lesquels j'entretiens les meilleurs rapports. Il est absolument nécessaire de faire évoluer la situation et qu'ils deviennent partenaires, ce qu'ils ne sont pas aujourd'hui.
L'élevage est un élément positif pour le captage du carbone, la lutte contre le changement climatique, l'entretien du paysage, la filière économique qu'il représente et l'alimentation tracée que nous demandons. Des centaines de personnes travaillent sur le sujet. Encore faut-il se mettre d'accord sur ce que nous voulons. Si le produit que fournit la filière bovine n'est pas exactement celui souhaité, s'il faut que la viande soit un peu plus persillée, par exemple, la filière est en mesure de s'adapter. Mais la contractualisation doit lui offrir une visibilité, car l'absence de visibilité conduirait à donner des coups de volant en tous sens.
La visibilité est possible. Nous l'avons évoquée à propos de l'export, nous pouvons l'évoquer au sujet du marché intérieur. Et je reviens à votre question : comment rendre les consommateurs « accrocs » à la viande française ? Tout simplement en leur disant que la viande est française. Ainsi que je l'ai indiqué en évoquant l'étiquetage, je souhaite que le consommateur sache ce qu'il achète. Je ne dis pas que la viande allemande n'est pas bonne. Tel n'est pas le sujet. Mais je sais que pour rendre les gens accrocs à la viande française, il faut que l'on sache qu'elle est française. Il ne faut pas non plus qu'elle coûte x pour cent de plus que d'autres viandes, sans quoi nous n'atteindrons pas notre objectif. Nous revenons là à l'essence même de votre commission, à savoir la répartition de la valeur.
Tout cela passe par la communication. Les filières doivent y travailler. Créé par mes prédécesseurs, notamment par M. Guillaume Garot, alors ministre de l'alimentation et de l'agroalimentaire, le logo bleu-blanc-rouge « Viandes de France », « Viande d'agneau français » marque les esprits. Bien que, je vous l'accorde, je ne me rende pas tous les jours dans les rayons de supermarché – j'ai juré de dire la vérité, toute la vérité, je vous dis la vérité ! –, il m'est arrivé de faire les courses cet été pendant mes quelques jours de vacances. Je n'ai pas pris de photos comme le Président Benoit, mais j'ai vu certaines choses. Lorsque le logo bleu-blanc-rouge est affiché sur le produit, on en est fier et on achète ! Lorsque je peux acheter des fruits de France, je suis heureux. Mais quand je vois le prix auquel le producteur vend son kilo de pêches ou d'abricots et que je le compare à celui il est vendu en grande surface ou sur les marchés, je me dis qu'il y a un dysfonctionnement et qu'il est nécessaire d'y mettre un terme.
Nous sommes confrontés à une difficulté. La PAC n'est pas seule concernée ; est également en cause le rééquilibrage social et fiscal de l'Union européenne. Les fruits et légumes produits en Espagne sont vendus moins cher sur les étals du nord de la France que les légumes issus de l'agriculture locale. Il convient par conséquent de se pencher sur le sujet.
Votre troisième question portait sur les conditions générales de vente et les pénalités de retard. Je ne peux vous répondre, il appartient à M. Le Maire et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de s'en préoccuper. M. Garot a évoqué l'amende assez lourde infligée à un distributeur. La DGCCRF a pour objectif d'effectuer 6 000 contrôles annuels, dont 2 000 ont d'ores et déjà été réalisés sur l'ensemble du territoire national.
J'ai bien indiqué aux industriels alimentaires et aux producteurs en amont qu'il fallait dénoncer les dysfonctionnements s'ils en constataient car c'est bien grâce à la transparence que le système fonctionnera.
Je souscris au propos de M. Guillaume. J'y ajouterai deux ou trois éléments.
D'abord, il faut de la cohérence entre ce que nous faisons sur le plan national, les actions que nous soutenons sur le plan européen et les accords que nous signons sur le plan international. Le Mercosur a été signé à l'arraché par la précédente Commission européenne. Le Président Macron a indiqué que, pour des raisons qui tiennent au climat, à l'écologie, ce traité n'est plus satisfaisant, cela après avoir déclaré, il y a maintenant un mois et demi, qu'il y était favorable. Que pouvez-vous nous dire sur la viande et la volaille en particulier car nous savons les difficultés qui pèsent sur la production de volailles autant que sur la viande bovine ?
Je voudrais également vous interroger, monsieur le ministre, sur la politique de l'alimentation dans le cadre des relations commerciales – dans la mesure où c'est un thème traité par la commission d'enquête.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous mettez en avant la nécessité d'une plus grande transparence, indispensable à de bonnes conditions de négociation et au marché. Le Conseil national de l'alimentation (CNA) que je préside travaille à l'étiquetage des modes d'élevage afin de présenter des propositions au Gouvernement et ainsi progresser, comme vous en aviez exprimé le souhait, monsieur le ministre. Par ailleurs, dans moins d'un mois, nous rendrons des recommandations portant sur l'éducation à l'alimentation qui représente un volet considérable.
Je voudrais maintenant vous interroger sur l'équilibre des relations commerciales. Vous avez indiqué que des mesures seraient prises si nous percevions de trop forts déséquilibres dans la négociation commerciale. Vous semblez dire que vous agirez avec fermeté et que la main de l'État ne tremblera pas. Monsieur le ministre, disposez-vous à ce jour de l'ensemble des éléments nécessaires pour intervenir avec la fermeté voulue ? Depuis longtemps, nous sommes informés par les représentants des différents maillons, notamment ceux de la transformation de l'alimentation. Pour avancer, disposez-vous donc de tous les éléments d'information utiles afin que des mesures fortes, nécessaires aujourd'hui, soient prises, de sorte à respecter les règles et à sanctionner les pratiques abusives et déloyales ?
Vos questions sont nombreuses et intéressantes.
Vous avez évoqué la cohérence nationale, européenne et les accords internationaux.
Il nous faut d'abord une cohérence nationale. Nous sommes tous d'accord. Vous l'avez dit, il convient de tous avancer dans la même direction. Les États généraux de l'alimentation ont été un succès, partagé par tous. Ceux qui l'ont partagé doivent aujourd'hui continuer et, par conséquent, consentir des efforts.
Pour ce qui est de l'aspect européen, nous travaillons largement à l'étiquetage. J'ai réalisé bien des déplacements en Europe : je me suis rendu en Europe orientale et en Europe occidentale, nous oeuvrons avec le groupe de Weimar et celui de Visegrád. J'ai également discuté avec mes homologues du sud de l'Europe. Nous devons progresser tant il est vrai que les différences entre les statuts économiques, sociaux, environnementaux sont trop grandes. C'est ainsi que nos principaux concurrents ne sont pas les pays extérieurs mais l'Europe elle-même. Il est nécessaire de réfléchir à ce que nous allons faire, bien sûr s'agissant de la PAC, mais pas uniquement. Dans le cadre des réunions de chefs d'État et de gouvernement, des conseils des ministres de l'économie, de l'agriculture, du travail et des affaires sociales, les choses doivent progresser, sans quoi les problèmes subsisteront. Aujourd'hui, sur le marché de Strasbourg, une salade produite en Allemagne est vendue beaucoup moins cher qu'une salade en France. Pourquoi ? Parce que, contrairement à la France, les Allemands emploient de nombreux travailleurs détachés en provenance des ex-Pays de l'Est, tels que la Pologne, pour effectuer leurs travaux agricoles.
Pourquoi, l'an dernier, le Parlement et le Gouvernement ont-ils fait évoluer la réglementation relative aux travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi dans l'agriculture (TODE) ? Il est dramatique d'être obligés d'employer des TODE pour être à la hauteur économiquement. Sans TODE, c'en serait fini ! Il faudra le répéter cette année.
Par ailleurs, lors du G 20 à Osaka, la Commission « descendante » a indiqué aux chefs d'État et de gouvernement que le Mercosur était un accord équilibré et intéressant pour l'Europe. Le Président de la République a donc déclaré que, en l'état, il y était favorable. Dans un premier temps, nous ne disposions même pas des traductions juridiques. Ensuite, en étudiant l'accord, nous avons relevé plusieurs difficultés. Nous savons tous ce qui s'est passé cet été au Brésil, les feux en Amazonie et les problèmes climatiques.
Ainsi que cela s'est produit avec les États-Unis, la France ne valide aucun accord si les Accords de Paris ne sont pas respectés. Le Président l'a dit et répété au journal télévisé de 20 heures de France 2, le lundi 26 août. Aussi, je n'ai aucune difficulté pour affirmer que l'accord du Mercosur n'est pas ratifiable sur les plans agricole et alimentaire. Je ne veux pas que nous échangions des BMW et des Mercedes contre de l'alimentation et de la viande bovine. Je salue, du reste, l'action de l'Assemblée nationale et de la présidente Marielle de Sarnez qui, dans le cadre de la commission des affaires étrangères, a lancé une réflexion sur la définition d'un accord commercial au XXIe siècle. À l'exception de quelques-uns au sein de cette commission, nous sommes tous favorables au principe des accords commerciaux.
De toute façon, nous sommes dans un monde ouvert et des accords économiques existent. Mercosur ou non, CETA ou non, des produits transitent du Canada ou d'ailleurs, la question des barrières douanières et des taxes demeurant dans ce cas.
Je suis favorable au fait que l'agriculture et l'alimentation ne soient pas considérées au même titre que les autres objets commerciaux. Donc, je vous le répète, l'accord du Mercosur n'est pas ratifiable. S'il l'était, c'en serait fini de la filière « volaille » en France alors que, d'ores et déjà, 80 % de produits sont importés de l'étranger, notamment du Brésil, et sont vendus en grande surface, y compris sous la forme de plats transformés. Avant même l'accord du Mercosur, le Canada importait en France. Mais si cet accord était signé, ce serait pire encore : ce serait la fin de la filière « volaille ». Quant à la viande bovine, ce n'est pas celle que nous voulons consommer. Des slogans sont portés par la profession agricole, que le Gouvernement partage car nous ne voulons pas importer une alimentation que nous ne voulons pas produire !
La question ne se pose pas dans les mêmes termes pour le CETA. Si la Commission finissante n'avait pas abordé le sujet du Mercosur, le débat sur le CETA se serait déroulé différemment. En effet, le CETA a été lancé et discuté par le Président Sarkozy, travaillé par le Président Hollande et validé sous la présidence du Président Macron. Nulle raison que les représentants des principales organisations politiques ne soient pas d'accord pour valider un traité que tout le monde approuvait. Je pense sincèrement que des interférences sont intervenues et qu'à ce titre le Mercosur en a constitué une énorme. À cela s'ajoutent les craintes réelles – Nicolas Turquois l'a indiqué fort justement et je ne pourrais pas le formuler aussi bien que lui. J'ai rencontré des éleveurs, des personnes honnêtes, qui pensent que le CETA pose problème. Ce peut être le cas dans une certaine mesure et nous allons essayer de répondre aux questions soulevées. Mais avant tout, se pose la question, centrale, de l'organisation de la filière bovine et de la viande.
Nous avons instauré une commission sur le CETA qui réalisera des contrôles. Le Président de la République a indiqué qu'il ferait jouer la clause de sauvegarde si nous constations que des produits alimentaires ne répondaient pas à nos standards. Aujourd'hui, les produits canadiens émanent de trente-six fermes homologuées sur les 72 000 existantes. Nous nous penchons donc sur le sujet. Je souhaite également que nous travaillions avec le Canada pour plus de transparence et de clarté s'agissant des farines animales. Il faut appeler un chat un chat ! Voilà pour les accords commerciaux.
S'agissant du Conseil national de l'alimentation, nous oeuvrons largement avec Guillaume Garot à l'étiquetage des modes d'élevage car, quoi qu'il se passe, nous devons aller vers plus d'étiquetage. J'ai évoqué précédemment l'éducation du consommateur qui réside dans l'éducation à l'alimentation, il faut apprendre à manger différemment, prendre conscience du gaspillage alimentaire, etc.
Pour répondre à votre dernière question, non, nous ne disposons pas, à ce jour, de tous les éléments. Il reste deux années d'expérimentation au cours desquelles nous allons intensifier notre action et je lirai avec grand intérêt les conclusions de la commission d'enquête.
J'ai peut-être été un peu long, monsieur le président.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas trop long, vous vous efforcez d'être complet. Nous ne pouvons que nous en réjouir, d'autant que cette audition est publique et ouverte à la presse. Il est donc normal que le ministre de l'agriculture puisse évoquer les problèmes et apporter le niveau de réponse nécessaire aux questions posées.
Je formulerai maintenant une ou deux observations sur les traités internationaux, notamment le CETA. Il faut que nous expliquions à nos concitoyens qu'une exploitation agricole canadienne, notamment bovine, représente des lots de 5 000 à 10 000 bovins lorsque, en France, une exploitation en représente entre 50 et 100.
L'année dernière, après six mois de discussion dans le cadre des États généraux de l'alimentation qui ont conclu à un texte de loi, après avoir lancé des signaux aux producteurs français, notamment aux éleveurs, en faveur d'une alimentation sûre, saine et durable, il est affligeant que la France, membre de l'Union européenne, leur ait imposé nombre d'exigences supplémentaires. Ces producteurs, notamment les éleveurs, ont le sentiment qu'après avoir signé et ratifié ces traités internationaux, la France envoie des messages totalement contradictoires un an après, créant ainsi une réelle incompréhension chez certains éleveurs.
L'accord avec le Canada vient d'être ratifié, mais cela fait un an et demi qu'il est entré en vigueur. J'entends ce que vous me dites, mais je voudrais toutefois verser quelques éléments au débat.
La concurrence avec l'élevage français ne vient pas du Canada ou du Brésil, mais de l'Europe. Quatre-vingt-dix-sept pour cent de la viande sont importés d'Europe. Je peux comprendre les craintes qui s'expriment, je veux répondre à toutes les questions des éleveurs et essayer de leur apporter toutes les réponses et faire avancer encore les choses. Mais, je le répète, 97 % de la viande vient d'Europe.
Je connais la taille des élevages au Canada, si ce n'est que, depuis un an et demi, nous avons importé douze tonnes de viande à mettre en regard du million et demi de tonnes consommé par an en France.
Je comprends que les éleveurs éprouvent des craintes et s'interrogent – et ils ont raison. Il n'en demeure pas moins qu'il convient de rester rationnel, sauf à se faire peur, non pas à tort, mais il convient également de formuler les réalités.
Si j'étais mesquin, je dirais que dans la mesure nous commerçons avec le Canada depuis dix-huit mois, nous aurions pu continuer ainsi en ne ratifiant pas le CETA. Cela aurait contraint l'Europe à continuer de négocier et à chercher des améliorations. Mais tel n'est pas l'objet de la commission d'enquête.
Nous ne sommes pas seuls !
Merci, monsieur le ministre, pour la qualité de vos interventions et la franchise avec laquelle vous vous exprimez.
Premièrement, concernant les accords de libre-échange, notamment le Mercosur, tout a été dit. Mais en tant que ministre d'un État membre de l'Union européenne et en tant qu'ancien élu de la Nation, sénateur, ne trouvez-vous pas discutable que l'accord de principe du Mercosur ait été signé en catimini après que le Parlement fut renouvelé et non encore installé et avant que la nouvelle Commission ne soit en place ? Compte tenu de l'impact que ces accords auront sur les relations commerciales, je considère que ce n'est pas acceptable. Si vous voulez mon avis, cela ne s'est pas fait sans l'accord du Conseil européen, composé des chefs d'État et de gouvernement. Quoi qu'il en soit, je trouve la manière très discutable, ce dont il faudra faire état lorsque vous rencontrerez les ministres de l'agriculture.
Deuxièmement, j'entends ce que vous indiquez au sujet de l'homologation d'un certain nombre de fermes du Canada, trente-six aujourd'hui, afin que les produits arrivant sur nos marchés soient corrects et répondent aux contraintes et obligations auxquelles sont assujettis nos propres producteurs. Les Français et l'Union européenne vont-ils disposer des outils de contrôle qui permettront de vérifier la réalité des engagements, non seulement dans les fermes canadiennes, mais également aux frontières, car la problématique est bien réelle ? J'ai eu à débattre avec un député européen français très engagé dans le monde de l'agriculture qui me disait que les mailles du filet étaient parfois un peu larges et que l'aspect mercantile poussait certains producteurs de pays étrangers à ne pas toujours respecter les engagements qu'ils avaient pris. Qu'en pensez-vous ?
Troisièmement, je ne veux pas que, dans le cadre des accords de libre-échange, l'agriculture soit une variable d'ajustement par rapport à l'industrie.
Guillaume Garot s'est fort habilement engagé sur le terrain politique et a dévié les travaux de la commission d'enquête sur la question des traités internationaux. Le ministre s'est efforcé de répondre parce qu'il a pris le sujet au sérieux. C'était aussi l'occasion pour lui de développer quelques messages sur ce thème. J'ai moi-même saisi la balle au bond. Cela dit, Monsieur le rapporteur est en passe de rédiger son rapport. Aussi bouillonne-t-il car il souhaiterait que nous revenions à la question des relations commerciales.
Cela impactera inévitablement les relations commerciales et les producteurs.
Je précise que c'était l'ancienne eurodéputée qui s'exprimait !
Je vais repartir frustrée, car, moi aussi, j'aurais bien aimé évoquer le sujet !
Mon propos est d'une actualité brûlante. On parle de la grande distribution. Je m'attarderai sur Amazon, nouvelle grande enseigne de la distribution. Nous n'avons pas évoqué la viande avec ses représentants, du moins pas dans le sens où je vais m'en entretenir avec vous. Nous savons toutefois que Jeff Bezos, président-directeur général d'Amazon, a investi des fonds pour promouvoir le bien-être animal, mais il investit, en parallèle, dans la viande de substitution, ce que nous n'ignorons pas puisque nous travaillons sur cette question dont tout le monde parle. Carrefour, entre autres, investit dans des start-up qui fabriquent de la viande de substitution. Étant d'origine du pays Charolais, aimant la bonne viande, je me disais que personne ne pouvait se laisser séduire par un tel produit. Eh bien si ! Elle est déjà vendue aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Jeff Bezos étant investisseur tant dans la distribution que dans la confection du produit, je pense que l'on peut penser que son arrivée sur le marché est imminente.
Des industriels européens de la viande ont d'ailleurs été invités à déguster ce produit et l'ont trouvée très bon. Jeff Bezos n'est pas seul, des représentants des GAFA et autres investisseurs font partie de ce consortium. Ce produit, commercialisé en Grande-Bretagne, arrive en France.
Monsieur le ministre, vous avez parlé d'étiquetage. Il me semble essentiel d'étiqueter la viande et tous les produits français. Merci du travail que vous effectuez et que nous vous demanderons de poursuivre car il est nécessaire. Mais que fera-t-on par rapport à un produit tel que la viande de substitution ?
Je reprendrai les chiffres que vous nous avez livrés et qui correspondent à ceux dont je dispose : 400 000 agriculteurs, 17 000 industriels de l'agroalimentaire. Au sein de cette commission d'enquête, seuls quatre acheteurs ont été auditionnés. Un chiffre en commun : aucune plainte déposée auprès de la DGCCRF, aucune plainte déposée auprès de l'autorité de la concurrence ; seules quelques plaintes ont été déposées auprès du Médiateur des relations commerciales agricoles et de l'autorité de la concurrence. J'aurais souhaité avoir votre avis sur cette absence de plaintes et sur l'éventualité d'augmenter les moyens et l'autorité du médiateur des relations commerciales, qui est apparemment sollicité.
Pourriez-vous nous éclairer sur le portefeuille des ministères ? Car nous avons eu de multiples retours de l'industrie agroalimentaire qui ignore qui est le ou la ministre des biscuitiers, premier consommateur de céréales, qui est exactement le ou la ministre des conserveries de légumes, premier consommateur de légumes. La même interrogation a été portée par les producteurs de la confiserie, de pâtes, etc. Rapporté à un chiffre d'affaires de la grande distribution de 30 milliards d'euros, un milliard seulement est dépensé en achats de matières agricoles brutes qui relèvent de votre portefeuille.
Certes, Bercy est animé d'une philosophie de pouvoir d'achat que l'on peut comprendre, surtout dans des périodes très difficiles comme celles que nous avons traversées ou que nous traversons encore, même si le beau temps se profile à l'horizon. Nous connaissons votre passion à faciliter la vie des agriculteurs pour qu'ils vivent dignement de leur métier. Mais n'y a-t-il pas un trou dans la raquette en ce qui concerne l'industrie agroalimentaire sur la partie relative aux produits transformés ? La façon dont on consommait il y a vingt ans, un temps où l'on cuisinait, et la façon dont on consomme aujourd'hui en achetant via des sites internet des produits et des plats préparés que l'on se fait livrer, sont bien différentes. Le ministère de l'agriculture ou Bercy ne devraient-ils pas disposer d'un portefeuille plus large afin qu'une véritable autorité soit en charge de l'industrie agroalimentaire, qui, je le rappelle, représente 300 milliards d'euros de valeurs échangées sur le territoire ?
Bonne observation ! Parce que cela nous a été rapporté au cours de certaines auditions, j'ajoute que cela vaut aussi pour la consommation. Je n'ai rien contre les administrations, bien au contraire, mais si on veut que ce soit le politique qui donne les impulsions, il est bon pour l'ensemble des acteurs, ce que vient de souligner Monsieur le rapporteur, que des ministres et des hommes politiques soient chargés de l'exécution. Mais le Président de la République est sans doute un peu pris à son propre piège qui veut réduire le nombre des membres du Gouvernement ; cela vaudra peut-être aussi à l'avenir pour le nombre de parlementaires.
Merci, monsieur le malicieux président !
Vous avez eu raison de signaler à Mme Auconie que nous étions là pour aborder l'objet traité par la commission d'enquête et non d'autres sujets, mais d'une certaine manière, tout est dans tout. À cet égard, Guillaume Garot a bien fait d'évoquer les choses fort habilement.
Madame Auconie, rien n'a été fait en catimini, la Commission européenne a signé car tel était son mandat. Certes, les États membres n'ont pas été informés et tout le monde a été surpris que cet accord intervienne juste après les élections européennes. Les chefs d'État et de gouvernement, contrairement à ce que vous avez déclaré, n'ont pas été consultés. Ils le seront dans les mois qui viennent, lors de leurs prochaines réunions. Le Président français a dit ce qu'il en était. Dans la mesure où le vote requiert l'unanimité, je crois comprendre que cet accord ne sera pas ratifié. Quand bien même devrait intervenir ensuite un vote au Parlement européen puis dans les parlements nationaux, et donc au parlement français, il n'y aurait pas de ratification à ces différents échelons. Je voulais le souligner parce que c'est important.
Madame Auconie, vous évoquiez les outils de contrôle. Je vous enjoins à avoir confiance en notre administration. Que signifie « les mailles du filet sont un peu larges ? ». Notre administration contrôle : les services vétérinaires du ministère, les services des douanes comme les services de la DGCCRF. Je pense vraiment que nous avons la possibilité de progresser sur cette voie. On peut ne pas avoir confiance mais, personnellement, j'ai confiance, monsieur le président, vous l'avez dit, en notre administration.
S'agissant d'Amazon et de la grande distribution, on voit bien que les choses sont en train d'évoluer. Je ne veux pas en dire plus sur le sujet. Amazon comme Alibaba et d'autres deviennent des acteurs de la distribution alimentaire et agroalimentaire. Nous verrons comment les choses se passent, mais il n'existe qu'une viande, c'est la viande qui est produite par nos animaux. Nous continuerons donc à travailler dans cette direction. Là encore, chacun est libre de faire et de manger qu'il veut.
J'en viens aux questions de M. le rapporteur. Il y a le code du commerce et le code rural, leur application et la délimitation des portefeuilles gouvernementaux. Peu importe le nombre de ministres, monsieur le président. J'ignore si les répartitions sont bien faites, tout ce que je sais, c'est que selon la feuille de route qui m'a été fixée par le Premier ministre, je suis en charge de l'alimentation et de l'agroalimentaire. Je suis donc en contact avec le secteur de l'agroalimentaire. Parallèlement, Bercy exerce ses responsabilités. Faut-il modifier cette configuration ? Je n'en suis pas sûr parce qu'il y aura toujours une bonne raison de concentrer les compétences, et une telle voie n'a pas de limite.
J'affirme donc que le ministère que j'ai l'immense honneur de diriger a en charge l'alimentation, qui est un secteur essentiel, et l'agroalimentaire. Dans le cadre du pacte productif, j'anime l'atelier sur les industries agroalimentaires et l'export. Nous bénéficierons, en outre, à la fin de l'année d'un comité de suivi ainsi qu'il est indiqué dans le rapport. L'agroalimentaire doit rester au ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Quant à d'autres découpages ministériels éventuels, il ne m'appartient pas d'en juger. Tout peut se faire. Ce qui compte, monsieur le président, c'est que le politique dirige son administration ; c'est essentiel, et ce dans tous les domaines, que l'on soit maire, président de département, président de région, ministre ou autre. Une fois que l'on aura compris que le président de l'exécutif dirige l'administration, nous travaillerons en bonne intelligence. L'administration et le politique associent leurs forces.
J'ai confiance dans le médiateur qui joue un rôle très important et qui est un médiateur efficace. Il fait son travail, nous informe des questions qui se posent. Lorsque nous nous réunissons dans le cadre du comité de suivi des relations commerciales et que le médiateur s'exprime, tout le monde écoute. Faut-il lui donner plus de pouvoir ? À vous d'en juger. Nous n'en avons pas parlé, mais le Gouvernement, je le suppose, sera ouvert à vos propositions. Je pense que le médiateur des relations commerciales, par le travail qu'il effectue, est un maillon central.
Quant aux plaintes, je salue la DGCCRF. Nous avons une bonne administration de contrôle. Parfois, on dit qu'elle est trop laxiste ; souvent, j'entends dire qu'elle est trop tatillonne. Pour finir, cela signifie qu'elle est efficace et fonctionne bien.
Je veux vous remercier, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, parce que j'attache une grande importance au rôle du Parlement, au travail des parlementaires et à leur liberté. Le fait que vous ayez ouvert cette commission d'enquête sur ce sujet précis m'importe beaucoup dans le cadre de ma fonction.
J'attends avec intérêt le rapport que M. Besson-Moreau produira, sur lequel vous serez amené à voter et qui sera présenté au nom de la commission d'enquête. Le Gouvernement se saisira de ce rapport d'importance. Nous étudierons ce que nous pourrons en retenir pour aller de l'avant. Nous avons un intérêt commun porté par nos échanges et l'identité même de votre commission d'enquête. Ensemble, bien sûr sous couvert de nos différences politiques, mais ensemble, parlement, Assemblée nationale, Sénat, vous en tant que membres de cette commission d'enquête et nous-mêmes, pourrons faire avancer les choses.
Je termine par ce par quoi j'ai commencé : les États généraux ont été un immense succès. Beaucoup ont critiqué la loi EGAlim, certains parce qu'elle allait un peu trop dans un sens, d'autres parce qu'elle allait un peu trop dans l'autre sens. Elle comprenait deux titres. Le titre II n'a pas encore totalement déployé ses ailes. Le titre I les a déployées, mais nous sommes à l'année zéro. Il faut donc faire preuve d'un peu de patience !
Ensemble, nous devons affirmer que le statu quo n'est pas possible. Ensemble, suite aux États généraux de l'alimentation, nous pouvons affirmer que nous serons les acteurs de la révolution de la répartition de la valeur parce que nous ne pouvons pas continuer à regarder les agriculteurs se faire étrangler pendant que d'autres vivent un peu mieux. L'objectif tend à une meilleure et réelle répartition de la valeur, à une agriculture étendue sur l'ensemble du territoire, à continuer à être fiers de notre agriculture et à permettre à nos concitoyens de se nourrir de produits de qualité, à des prix abordables, mais pas n'importe comment, ni à n'importe quel prix parce que ce n'est pas à n'importe quel prix que nous atteindrons notre objectif, c'est dans l'esprit des États généraux de l'alimentation. Je vous remercie.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir pris le temps de répondre à l'ensemble des questions des parlementaires aujourd'hui présents.
Nous vous souhaitons bon vent afin de porter l'agriculture française, de soutenir les agriculteurs et les acteurs des filières agroalimentaires françaises en France, en Europe et à travers le monde !
La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 17 heures
Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, M. Guillaume Garot, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Martine Leguille-Balloy, M. Nicolas Turquois
Assistaient également à la réunion. - Mme Sophie Auconie, M. Guy Bricout