Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Vos questions sont nombreuses et intéressantes.

Vous avez évoqué la cohérence nationale, européenne et les accords internationaux.

Il nous faut d'abord une cohérence nationale. Nous sommes tous d'accord. Vous l'avez dit, il convient de tous avancer dans la même direction. Les États généraux de l'alimentation ont été un succès, partagé par tous. Ceux qui l'ont partagé doivent aujourd'hui continuer et, par conséquent, consentir des efforts.

Pour ce qui est de l'aspect européen, nous travaillons largement à l'étiquetage. J'ai réalisé bien des déplacements en Europe : je me suis rendu en Europe orientale et en Europe occidentale, nous oeuvrons avec le groupe de Weimar et celui de Visegrád. J'ai également discuté avec mes homologues du sud de l'Europe. Nous devons progresser tant il est vrai que les différences entre les statuts économiques, sociaux, environnementaux sont trop grandes. C'est ainsi que nos principaux concurrents ne sont pas les pays extérieurs mais l'Europe elle-même. Il est nécessaire de réfléchir à ce que nous allons faire, bien sûr s'agissant de la PAC, mais pas uniquement. Dans le cadre des réunions de chefs d'État et de gouvernement, des conseils des ministres de l'économie, de l'agriculture, du travail et des affaires sociales, les choses doivent progresser, sans quoi les problèmes subsisteront. Aujourd'hui, sur le marché de Strasbourg, une salade produite en Allemagne est vendue beaucoup moins cher qu'une salade en France. Pourquoi ? Parce que, contrairement à la France, les Allemands emploient de nombreux travailleurs détachés en provenance des ex-Pays de l'Est, tels que la Pologne, pour effectuer leurs travaux agricoles.

Pourquoi, l'an dernier, le Parlement et le Gouvernement ont-ils fait évoluer la réglementation relative aux travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi dans l'agriculture (TODE) ? Il est dramatique d'être obligés d'employer des TODE pour être à la hauteur économiquement. Sans TODE, c'en serait fini ! Il faudra le répéter cette année.

Par ailleurs, lors du G 20 à Osaka, la Commission « descendante » a indiqué aux chefs d'État et de gouvernement que le Mercosur était un accord équilibré et intéressant pour l'Europe. Le Président de la République a donc déclaré que, en l'état, il y était favorable. Dans un premier temps, nous ne disposions même pas des traductions juridiques. Ensuite, en étudiant l'accord, nous avons relevé plusieurs difficultés. Nous savons tous ce qui s'est passé cet été au Brésil, les feux en Amazonie et les problèmes climatiques.

Ainsi que cela s'est produit avec les États-Unis, la France ne valide aucun accord si les Accords de Paris ne sont pas respectés. Le Président l'a dit et répété au journal télévisé de 20 heures de France 2, le lundi 26 août. Aussi, je n'ai aucune difficulté pour affirmer que l'accord du Mercosur n'est pas ratifiable sur les plans agricole et alimentaire. Je ne veux pas que nous échangions des BMW et des Mercedes contre de l'alimentation et de la viande bovine. Je salue, du reste, l'action de l'Assemblée nationale et de la présidente Marielle de Sarnez qui, dans le cadre de la commission des affaires étrangères, a lancé une réflexion sur la définition d'un accord commercial au XXIe siècle. À l'exception de quelques-uns au sein de cette commission, nous sommes tous favorables au principe des accords commerciaux.

De toute façon, nous sommes dans un monde ouvert et des accords économiques existent. Mercosur ou non, CETA ou non, des produits transitent du Canada ou d'ailleurs, la question des barrières douanières et des taxes demeurant dans ce cas.

Je suis favorable au fait que l'agriculture et l'alimentation ne soient pas considérées au même titre que les autres objets commerciaux. Donc, je vous le répète, l'accord du Mercosur n'est pas ratifiable. S'il l'était, c'en serait fini de la filière « volaille » en France alors que, d'ores et déjà, 80 % de produits sont importés de l'étranger, notamment du Brésil, et sont vendus en grande surface, y compris sous la forme de plats transformés. Avant même l'accord du Mercosur, le Canada importait en France. Mais si cet accord était signé, ce serait pire encore : ce serait la fin de la filière « volaille ». Quant à la viande bovine, ce n'est pas celle que nous voulons consommer. Des slogans sont portés par la profession agricole, que le Gouvernement partage car nous ne voulons pas importer une alimentation que nous ne voulons pas produire !

La question ne se pose pas dans les mêmes termes pour le CETA. Si la Commission finissante n'avait pas abordé le sujet du Mercosur, le débat sur le CETA se serait déroulé différemment. En effet, le CETA a été lancé et discuté par le Président Sarkozy, travaillé par le Président Hollande et validé sous la présidence du Président Macron. Nulle raison que les représentants des principales organisations politiques ne soient pas d'accord pour valider un traité que tout le monde approuvait. Je pense sincèrement que des interférences sont intervenues et qu'à ce titre le Mercosur en a constitué une énorme. À cela s'ajoutent les craintes réelles – Nicolas Turquois l'a indiqué fort justement et je ne pourrais pas le formuler aussi bien que lui. J'ai rencontré des éleveurs, des personnes honnêtes, qui pensent que le CETA pose problème. Ce peut être le cas dans une certaine mesure et nous allons essayer de répondre aux questions soulevées. Mais avant tout, se pose la question, centrale, de l'organisation de la filière bovine et de la viande.

Nous avons instauré une commission sur le CETA qui réalisera des contrôles. Le Président de la République a indiqué qu'il ferait jouer la clause de sauvegarde si nous constations que des produits alimentaires ne répondaient pas à nos standards. Aujourd'hui, les produits canadiens émanent de trente-six fermes homologuées sur les 72 000 existantes. Nous nous penchons donc sur le sujet. Je souhaite également que nous travaillions avec le Canada pour plus de transparence et de clarté s'agissant des farines animales. Il faut appeler un chat un chat ! Voilà pour les accords commerciaux.

S'agissant du Conseil national de l'alimentation, nous oeuvrons largement avec Guillaume Garot à l'étiquetage des modes d'élevage car, quoi qu'il se passe, nous devons aller vers plus d'étiquetage. J'ai évoqué précédemment l'éducation du consommateur qui réside dans l'éducation à l'alimentation, il faut apprendre à manger différemment, prendre conscience du gaspillage alimentaire, etc.

Pour répondre à votre dernière question, non, nous ne disposons pas, à ce jour, de tous les éléments. Il reste deux années d'expérimentation au cours desquelles nous allons intensifier notre action et je lirai avec grand intérêt les conclusions de la commission d'enquête.

J'ai peut-être été un peu long, monsieur le président.

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