Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Nous considérons que, pour l'instant, le sujet est un peu éruptif. Les représentants de la profession agricole veulent maintenir la date butoir du 28 février, la grande distribution veut l'avancer. Le calendrier des négociations commerciales est une particularité française. Au Sénat, le Gouvernement a complété le projet de loi en vue de modifier, s'il en était besoin, les dispositions relatives aux dates d'envoi des conditions générales de vente. Cet hiver, au sommet « Choose France », de nombreux dirigeants du secteur agroalimentaire, notamment de grosses entreprises, m'ont dit qu'il n'y a qu'en France que cela se passe de la sorte. Quand une grande marque de soda américain de couleur noire ou de pâtes italiennes négocie avec la grande distribution, elles relèvent la particularité de la négociation française.

Concernant le lien entre l'orientation du coût de production et l'orientation du prix de vente, comme je l'évoquais tout à l'heure, une grande surface a bâti sa communication sur le prix le plus bas possible. C'est son choix et il est respectable, mais en matière d'alimentation, il faut faire comprendre aux consommateurs que le prix d'un produit n'est pas ce que cela coûte mais ce que cela vaut. En-deçà d'un certain prix, ce n'est pas sérieux, les producteurs se font étrangler. Or je souhaite défendre les producteurs qui parfois se font étrangler. Connaissons-nous, en France, une autre profession vendant sa production à un prix inférieur au prix de revient ?

Un menuisier qui fabrique des chaises qui lui reviennent à 100 les vend 100 fois un coefficient multiplicateur, tandis qu'un agriculteur qui produit du boeuf ou du lait pour x peut les vendre pour moins de x. Ce n'est pas possible !

Il faut donc dire aux Françaises et aux Français que l'on ne peut pas toujours avoir les prix les plus bas et qu'il faut parfois faire un effort. J'ai aussi conscience qu'il y a des Français auxquels on ne peut pas le demander. Je le dis sans état d'âme. Certains comptent à l'euro près et il est impossible de leur demander de payer plus cher. C'est la raison pour laquelle je précisais dans mon propos liminaire que tous les produits alimentaires ou agroalimentaires français sont de très bonne qualité. Certains produits sont « grand public », d'autres plus « classe supérieure »… mais nous devons parvenir à une meilleure répartition de la valeur afin qu'elle profite davantage à l'agriculteur sans pénaliser le consommateur. Tel est, me semble-t-il, le but de votre commission d'enquête, et telle est la volonté du Gouvernement. Cela signifie qu'au milieu et en bout de chaîne, certains doivent faire des efforts. Quand on voit les conséquences de l'augmentation du seuil de revente à perte de 10 % et que, parallèlement, on voit le cagnottage, les bons de fidélité, les rabais de 80 % sur le prix du baril de lessive, quelque chose ne va pas. Je préfère ne pas avoir 80 % de rabais sur le prix de la lessive et éviter d'avoir 40 ou 50 % de marge sur les produits frais issus de l'agriculture.

Pour répondre à votre question sur les OP et les interprofessions, la loi EGALIM et les États généraux de l'alimentation ont unanimement donné mission aux interprofessions de définir le coût d'objectif. Il est parfois un peu élevé et c'est ce qu'il faut recaler. Je puis vous assurer qu'avec Bruno Le Maire, le Gouvernement sera intransigeant. Car après que la loi a été votée et que les ordonnances ont été prises, nous pourrons aborder cela en amont. De plus, l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) peut nous fournir des éléments de nature à éclairer la situation.

Je partage votre point de vue, monsieur le président. Nous avons besoin d'éclairer un peu mieux la situation, le consommateur et l'agriculteur, lequel a besoin de savoir pourquoi lorsqu'il vend son litre de lait à 33 ou 34 centimes, il le retrouve à plus d'un euro en magasin, ce qui est un vrai problème.

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