Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mardi 3 septembre 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Monsieur le rapporteur, je me contente d'évoquer les sujets relatifs à l'agriculture et non ceux concernant le code du commerce et mon collègue Bruno Le Maire, de Bercy.

En tout cas, cette prise de conscience devra traverser tout le monde. Pour ce faire, je crois à la transparence et à l'information la plus complète. Le consommateur doit savoir ce qui se passe, comme l'agriculteur ou le salarié d'une PME. Car des PME souffrent aussi dans notre pays et le tissu de PME dans le secteur agroalimentaire est vraiment important.

Nous devons remettre un rapport au Parlement au 1er octobre 2020. Avec Bruno Le Maire, nous avons donné mandat, en avril dernier, à deux économistes pour réaliser une évaluation indépendante avant de faire notre propre analyse politique et de la transmettre au Parlement en vue d'un riche débat. Il s'agit de Cécile Bonnet, directrice de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), spécialiste des politiques industrielles et des relations verticales dans les politiques agroalimentaires et nutritionnelles, et de François Gardes, professeur à l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialisé en microéconomie appliquée et en économétrie. Ce sont des personnes de très haut niveau. Cette évaluation portera notamment sur le revenu des agriculteurs à partir des données dont dispose l'administration, notamment celles de l'INSEE, de FranceAgriMer, de l'OFPM, les statistiques du ministère et de l'institut Nielsen.

Nous avons souhaité que cette évaluation soit réalisée en toute transparence vis-à-vis des professionnels. C'est la raison pour laquelle un comité de suivi rassemblant les représentants de la production, de la transformation, de la distribution, ainsi que les associations de consommateurs s'est réuni pour la première fois le 17 juillet, afin d'informer sur la méthodologie que nous souhaiterons mettre en place. Les échanges ont permis de mettre en avant plusieurs points, que je citerai rapidement.

Les OPA ont compris la difficulté de mesurer comment la répartition du revenu pouvait retomber dans la cour de ferme. Elles ont donc souhaité évaluer les stratégies des distributeurs et les comportements des consommateurs, notamment les substitutions ou reports d'achats, sujets importants auxquels vous avez travaillé. Les industriels ont demandé l'évaluation des évolutions de l'offre – le nombre de références en rayons, etc. Du côté de la grande distribution, seul un représentant a souligné l'importance de parvenir à dissocier les effets du relèvement du SRP et celui de l'encadrement des promotions. C'est un point difficile. L'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) a proposé de partager les données du panéliste IRI dont il dispose afin de disposer d'une analyse plus fine qui sera dans les mains de la DGCCRF.

Nous avons besoin de l'analyse la plus claire, la plus objective et la plus fine possible, afin de déterminer si ce SRP a été une bonne chose ou pas. Je n'ai jamais cru une seconde que l'augmentation du seuil de revente à perte allait ruisseler dans la cour de ferme. L'augmentation du prix du Coca-Cola ou d'autres produits n'allait pas apporter plus de revenus aux agriculteurs. En revanche, cela aurait dû avoir pour conséquence, à l'intérieur de la grande surface, une répartition de la valeur au profit de l'amont. Or tel n'a pas été le cas. Par ailleurs, lorsque nous avons pris l'ordonnance, en janvier, en plein mouvement des gilets jaunes, au moment où le pouvoir d'achat était dans tous les esprits, dans tous les débats télévisés et sociétaux et à tous les ronds-points, nous craignions que l'augmentation du SRP, tant réclamée par la profession agricole, ait un effet inflationniste. Or vous avez cité des chiffres, l'institut Nielsen a fourni des éléments montrant que cela n'a pas été le cas.

On peut donc considérer que le SRP a représenté 800 millions d'euros en direction des GMS sans contrepartie directe. Je rappelle que tous les distributeurs se sont engagés à jouer le jeu, mais qu'à l'exception de celui que vous évoquiez, cela n'a pas été le cas. C'est pourquoi nous en revenons à l'intitulé même de votre commission d'enquête : les négociations commerciales doivent-elles continuer dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui ou ne faut-il pas les modifier afin que les agriculteurs s'y retrouvent ?

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