Intervention de Coralie Dubost

Séance en hémicycle du vendredi 27 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique :

Au début, je ne souhaitais pas intervenir, chers collègues, mais je me suis dit, en vous écoutant, qu'il serait utile d'apporter l'éclairage d'une Française parmi tant d'autres, qui a trente-six ans et a parcouru la vie professionnelle et sentimentale. Monsieur Bazin, quand vous dites que l'article 2 ne pose pas de limites sérieuses à l'autoconservation, c'est vous qui manquez de sérieux ! Définir une cible d'âge entre 32 et 37 ans, années où la fertilité a déjà pu commencer à diminuer, comme l'a expliqué M. le rapporteur, n'est-ce pas fixer une limite sérieuse ?

En outre, je vous rappelle le parcours en lui-même : séquence hormonale, traitement hormonal, prélèvements, tout cela n'est pas anodin ; on ne se lève pas un matin en se disant : « Tiens, et si j'allais faire une autoconservation ? ». Il faut se rendre compte du geste que cela représente pour une femme. Ce sera toujours un choix très difficile et sérieux.

Monsieur Hetzel, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut améliorer la sensibilisation. Il faut en effet sensibiliser à la fertilité, au don de gamètes et à beaucoup d'autres sujets, dont nous aurons l'occasion de reparler. Mais, sur la politique familiale, de quoi parlez-vous quand vous dites qu'il faut la reprendre ? Soyez plus explicites ! Voulez-vous revenir au modèle du mariage à visée nataliste, dans lequel on incite les jeunes à se marier et à faire des enfants très tôt, et abandonner le modèle du mariage d'amour, conclu une fois que l'on a rencontré quelqu'un avec lequel on est bien ? Je n'ose évidemment imaginer que tel est votre propos.

Devons-nous, plutôt, inciter les couples en union libre à faire, très jeunes, des enfants ? Est-ce le message à transmettre ? Un couple, quel qu'il soit, ne doit-il pas attendre d'avoir mûri son projet parental ? Quel est votre message derrière cette fameuse politique familiale ? Des choix de société ont été opérés il y a quelques décennies, à savoir laisser chacun choisir, dans la libre détermination de son corps et de son épanouissement personnel, l'individu qu'il souhaite devenir. Cette assemblée n'a cessé de confirmer cette orientation au fil des années. Nous n'allons pas revenir là-dessus aujourd'hui !

Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : il y a évidemment une pression sur les femmes au travail, mais elle n'a pas attendu l'autoconservation des gamètes pour s'exercer. J'avais 23 ans la première fois que je suis entrée en entreprise et que l'on m'a mis la pression sur une éventuelle maternité : 23 ans ! J'ai entendu ce refrain environ tous les deux ans dans ma vie professionnelle. La plupart des Françaises vous diraient la même chose ! Que comptez-vous faire dans ce domaine ? Avez-vous des propositions de loi destinées à sanctionner plus gravement les employeurs qui mettent la pression sur les femmes ? Allez-vous proposer – je rejoins le collègue Éric Coquerel – un congé de paternité équivalent au congé maternité ? Que comptez-vous faire ?

Il y a bien une urgence, mais elle tient non pas à l'interdiction de l'autoconservation mais à la différenciation des situations et à la nécessité de libérer la femme de certaines contraintes biologiques – l'autoconservation le permet – et, surtout, sociales. Il n'y a pas de confusion entre ces luttes que nous devons mener conjointement.

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