La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 190 portant article additionnel après l'article 1er.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 190 .
Il vise à ajouter un alinéa à l'article 16-4 du code civil, qui serait ainsi complété : « Est interdite toute intervention ayant pour but ou conséquence de concevoir un enfant qui ne serait pas issu de gamètes provenant d'un homme et d'une femme. »
Nous avons, à plusieurs reprises, répété dans le texte des principes qui existaient déjà, dans le code pénal par exemple. Vous nous avez expliqué qu'il s'agissait de principes importants contre la discrimination, et qu'il était vraiment indispensable de les réaffirmer.
Cet amendement vise à garantir le respect d'un principe tout aussi fondamental, qui doit être rappelé sans ambiguïté, à savoir l'interdiction de concevoir un enfant qui ne serait pas issu de gamètes provenant d'un homme et d'une femme. Cela permettra de renforcer le principe de précaution à l'égard de l'intégrité de l'espèce humaine, et de préserver le caractère sexué de sa reproduction.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, pour donner l'avis de la commission.
Comme vous le savez, nous partageons pleinement votre préoccupation : il serait effrayant d'imaginer une telle conséquence. Vous m'accorderez que, pour en arriver là, il faudrait d'abord passer par l'implantation d'un embryon qui aurait été produit dans un laboratoire de recherche, opération interdite : on n'a pas le droit de créer des embryons humains à des fins de recherches.
La perspective que vous évoquez est donc, pour l'instant, prohibée par la loi, puisque la phase initiale, celle qui précède l'implantation de l'embryon dans l'utérus maternel, est interdite. Votre amendement est donc satisfait. Toutefois, comme je suis particulièrement soucieux de prohiber ces évolutions futures qui, vraisemblablement, ne commenceront pas en Europe, mais sur d'autres continents, j'émets un avis de sagesse : votre amendement est, certes, satisfait mais, comme certains l'ont dit ce matin, répéter les choses contribue à une bonne pédagogie.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
Permettez-moi de commencer par excuser Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui devait être avec nous cet après-midi : elle a dû se rendre à Rouen en raison de l'incendie qui a frappé la ville hier.
Vous avez raison, madame Genevard, de dire que la recherche sur la production de gamètes in vitro progresse. C'est une bonne chose dans la mesure où elle permet des avancées dans la compréhension des mécanismes de différenciation des gamètes, ce qui pourrait aider à comprendre et à traiter notamment l'infertilité, sujet qui vous est cher. La recherche est donc porteuse d'espoir, notamment lorsque les infertilités résultent de chimiothérapies, par exemple, pour soigner des cancers pédiatriques.
Toutefois, je veux réaffirmer fortement, à la suite du rapporteur, qu'il n'est pas question, dans le texte, de lever l'interdiction de production d'embryons dans le cadre de la recherche. Comme l'a souligné le rapporteur, cette prohibition est inscrite dans la partie du code de la santé publique relative à la recherche sur l'embryon.
Les tests qui seraient nécessaires pour aboutir à l'utilisation des gamètes produits in vitro dans le cadre de l'AMP ne pourraient donc pas être engagés. Votre amendement étant satisfait, nous vous proposons de le retirer. À défaut, nous émettrons un avis défavorable.
Ce qui va sans dire va mieux en le disant, monsieur le secrétaire d'État…
… et en l'inscrivant dans la loi. Je suis sensible à l'avis de sagesse du rapporteur, dont on connaît bien le souci de ne pas être trop libéral à l'égard de nos amendements : si M. le rapporteur émet un avis de sagesse, cela vaut quasiment un avis favorable du Gouvernement.
Sourires – M. Patrick Hetzel applaudit.
Je m'accorde en général avec notre rapporteur, mais je voudrais souligner un point. J'ai bien compris l'intention qui inspire votre amendement, madame Genevard, et je ne vous en prête aucune autre, mais je voudrais souligner un point que j'ai déjà rappelé plusieurs fois depuis le début de ce débat : à force d'invisibiliser une partie de notre population – notamment les personnes trans – on finit par susciter des effets collatéraux qui peuvent être dommageables.
On a malheureusement mal compris, hier, l'intention de mon amendement qui tendait à permettre à un couple de femmes homosexuelles composé d'une femme cisgenre et d'une femme trans qui aurait conservé ses gamètes, donc ses spermatozoïdes, de réaliser une AMP à partir des gamètes disponibles au sein du couple. M. Bazin et moi-même, hier, étions pourtant d'accord sur le fait qu'il faut utiliser en priorité les gamètes disponibles au sein du couple.
Le Gouvernement a réaffirmé à plusieurs reprises que c'est la mention du sexe à l'état civil qui doit déterminer la possibilité d'accéder à une pratique médicale. Je peux le comprendre, même si je ne suis pas forcément d'accord avec cette position – c'est en tout cas celle qu'ont plusieurs fois rappelée la garde des sceaux et la ministre des solidarités et de la santé. Je crains qu'en ajoutant à cette disposition un amendement comme celui-ci, on n'en arrive à interdire dès maintenant l'utilisation future des gamètes disponibles au sein d'un couple homosexuel qui aurait des gamètes masculins et des gamètes féminins à sa disposition.
Si l'on prend pour critère d'accès à la PMA le sexe inscrit à l'état civil, une femme trans, considérée comme une femme par l'état civil, mais ayant des gamètes masculins, ne pourrait pas mener à bien son projet parental.
Non, mais le texte a confirmé que c'est l'état civil qui détermine le sexe de la personne : homme ou femme. En l'occurrence, il s'agira d'un couple de deux femmes à l'état civil avec des gamètes masculins et féminins. J'ai bien compris que telle n'était pas votre intention, madame Genevard, mais il faut être extrêmement prudent, afin d'éviter les interférences entre différentes dispositions.
Après les échanges que nous avions déjà eus hier sur ce sujet, j'ai été très heureuse d'entendre l'avis de sagesse du rapporteur. Il semblerait que la nuit porte effectivement conseil.
Sauf erreur de ma part, monsieur le secrétaire d'État, il s'agit d'interdire non pas uniquement la fécondation à destination de la recherche, mais aussi celle en vue de produire un embryon qui pourrait être réimplanté. Je voudrais au moins quelques précisions à ce sujet.
Monsieur Hetzel, si le Gouvernement ou le rapporteur souhaite répondre, ils sauront le signifier sans avoir besoin de votre intervention.
L'amendement no 190 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement no 1905 .
J'en reviens à ce que j'ai dit hier : la ministre des solidarités et de la santé ayant alors argué que de telles perspectives relèvent de la science-fiction, j'avais répondu que nous étions justement là pour parer à toutes les dérives qui pourraient se produire dans le futur. Une loi de bioéthique n'a pas pour objectif de régir ce qui existe déjà, mais d'éviter les dérives que la recherche permettra immanquablement un jour ou l'autre.
La pédagogie étant l'art de la répétition, je prends simplement un exemple : si l'on parvenait à sexuer les gamètes indépendamment de la personne sur laquelle ils ont été prélevés, on pourrait avoir – faisons un effort d'imagination – une cellule issue d'un homme qui pourrait être reprogrammée en ovocyte, et une cellule issue d'une femme qui pourrait être reprogrammée en spermatozoïde, …
… donc un enfant qui serait issu d'un ovocyte venant d'un homme – cet homme serait-il le père ou la mère ? – et d'un spermatozoïde issu d'une femme – même question. Essayons de concevoir cette possibilité, même si c'est difficile. Je vous pose la question.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Qu'est-ce que produire, en réalité, des gamètes artificiels – cette expression n'étant peut-être pas, d'ailleurs, la plus exacte ? Cela consiste à prendre des cellules somatiques d'un adulte, à faire une manipulation génétique pour les transformer en OGM, si on peut le résumer ainsi, et à créer des cellules souches pluripotentes induites, dites cellules CSPi, à partir desquelles on fait dériver des gamètes potentiels.
Tout cela, qui relève bien sûr du domaine futuriste de la recherche, n'est pas envisageable, dans l'immédiat, pour l'espèce humaine. Il n'empêche que nous voulons, bien entendu, écarter un tel spectre. Toutefois, les choses sont déjà tout à fait bien codifiées puisque, comme cela a été expliqué hier, la création d'embryons humains à des fins de recherches est totalement prohibée dans notre pays.
Cet amendement est donc satisfait. Faut-il prévoir maintenant le nombre d'années de réclusion dont seraient passibles ceux qui feraient cette chose qui est impossible dans l'immédiat ? C'est peut-être aller un peu loin. Je vous propose donc d'en rester à l'état actuel de notre prohibition, et de ne pas anticiper une réalisation qui, de toute façon, est bloquée dès la phase initiale. On doit prohiber tout ce qui y conduit, afin que le résultat ne puisse pas survenir. Avis défavorable, donc.
Monsieur Hetzel, je n'ai pas refusé de répondre à Mme Brocard : je savais que je pourrais le faire à l'occasion de l'examen de son amendement.
Le rapporteur a très bien expliqué que, dans le contexte dont on parle, la validation des tests, qui seraient nécessaires pour aboutir à l'utilisation de gamètes produits in vitro, supposerait que l'on crée un embryon pour la recherche, ce qui n'est pas possible. Les gamètes ne peuvent pas être validés pour un usage clinique : une possibilité est bloquée en amont, comme vient de l'expliquer très bien le rapporteur.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant de votre second argument, quand bien même une telle manipulation serait réalisée à l'étranger, l'importation de son résultat est prohibée. Tout risque est donc écarté également sur ce point.
Enfin, nous aurons l'occasion de revenir sur le sujet lors de l'examen du titre IV consacré à la recherche.
Votre raisonnement en tuyaux d'orgue risque de produire une musique cacophonique. En effet, le cocktail associant les articles 1er, 2, 14 et 15 du projet de loi est assez explosif.
L'amendement mérite d'être discuté, puisque le texte prévoit de faire évoluer la recherche. Il instaure même un simple régime de déclaration pour certaines recherches. L'article 15 mentionne ainsi « les protocoles de recherche conduits sur des cellules souches pluripotentes induites ayant pour objet la différenciation de ces cellules en gamètes » : attention, la science-fiction devient réalité !
Bien sûr, il ne s'agit pas encore d'implanter ces cellules dans un embryon, quoiqu'il est prévu d'expérimenter cette insertion dans un embryon animal – je ne mens pas, tel est le texte qui a été, de plus, complété en commission. Certes, il est question d'une femelle et pas encore d'une femme, mais on commence à jouer avec le feu.
Si votre objectif est d'interdire ces pratiques, autant l'écrire dans la loi, cela évitera des tentations.
Je me demande si la cacophonie, que vient d'évoquer M. Bazin, n'est pas introduite par ceux qui déposent des amendements déjà satisfaits par la loi.
Je m'interroge, en outre, sur le sens et l'interprétation qui peuvent être donnés à des amendements de ce genre laissant penser à nos concitoyens que notre pays n'a pas pris d'ores et déjà toutes les dispositions pour se prémunir contre de telles dérives. Je perçois dans ce débat une instrumentalisation de certains fantasmes, laquelle risque d'aboutir, dans l'opinion publique, à un résultat contraire à celui qui est recherché.
J'aimerais que nous nous concentrions sur ce qui mérite de faire débat et non pas sur ce qui ne le mérite pas, puisque la loi a déjà tout prévu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce ne sont pas forcément des fantasmes, monsieur Saulignac. En effet, le projet de loi prévoit des évolutions dans plusieurs domaines, s'agissant notamment du régime d'autorisation de la recherche embryonnaire. Le texte autorise également l'implantation d'une cellule humaine dans un embryon animal, qui était jusqu'à présent interdite. Ces évolutions du droit peuvent conduire à d'éventuelles dérives que personne ne souhaite sur ces bancs. Certes, les règles éthiques françaises nous en préservent aujourd'hui – nous sommes d'accord – , mais la pression internationale, la course à l'échalote dans la recherche, en particulier la recherche génomique, ainsi que la pression du marché peuvent conduire demain à ne plus pouvoir contrôler ce qui est aujourd'hui considéré comme impossible en France.
La recherche n'a pas de limites. Ce qui importe, c'est de l'encadrer – ce que nous faisons ici – et de s'assurer que les progrès de la recherche sont bénéfiques à la société, voire à l'humanité.
Les chimères que vous avez évoquées – consistant à implanter une cellule humaine chez un animal – existent déjà et sont autorisées, à titre expérimental, à des fins thérapeutiques. Mais elles ne seront pas utilisées pour autant, nous en sommes très très loin – nous en avons discuté en commission.
De même, il est possible de faire de la parthénogenèse chez l'animal, c'est-à-dire de manipuler l'ovocyte d'une souris femelle pour lui permettre de faire un souriceau toute seule – ce n'est pas de la science-fiction.
Notre souci en tant que législateurs n'est pas d'arrêter la science, ni d'interrompre le progrès. Les lois de bioéthique sont là pour en limiter les effets et vérifier que les découvertes scientifiques sont applicables et peuvent être utilisées dans la société. Je le répète, notre objectif n'est pas de limiter la recherche.
L'amendement no 1905 n'est pas adopté.
L'amendement no 1457 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement est satisfait puisque – peut-être à regret pour moi – nous avons prohibé la procréation post mortem.
L'amendement no 1457 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1456 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement vise à interdire l'exportation de gamètes dans le cadre d'une insémination post mortem. Or la jurisprudence du Conseil d'État est contraire. Comme il n'y a pas de raison de modifier ce que le Conseil d'État a établi, je vous demande donc de retirer l'amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Défavorable.
Je reviens sur un argument avancé par le rapporteur. Je rappelle que nous faisons la loi ici. L'argument de la jurisprudence du Conseil d'État ne vaut donc pas. En effet, nous avons toujours la possibilité de revenir sur une jurisprudence.
Je suis prêt à accepter de nombreux arguments mais celui-ci n'est pas pertinent. C'est le rôle de l'Assemblée nationale que de modifier la jurisprudence si besoin est.
De la part d'un député confirmé comme vous, monsieur le rapporteur, je suppose qu'il s'agit d'un égarement sémantique.
L'amendement no 1456 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 2568 .
Cet amendement peut paraître tautologique puisqu'il vise à préciser, dans le code civil, s'agissant de ses applications, notamment en matière de droit de la famille et de filiation, que le couple, sous toutes ses formes – mariage, PACS ou concubinage – ne peut être composé que de deux personnes au maximum. Vous allez me répondre, étymologie du mot à l'appui, que le couple ne peut concerner que deux personnes.
Mais, aux termes du projet de loi, le projet parental, c'est-à-dire la volonté d'être parent, primera et – nous y reviendrons longuement à l'occasion de l'article 4 – c'est elle qui permettra d'établir la filiation. Dès lors, une insécurité juridique pourrait naître dans le cas où trois ou quatre personnes revendiqueraient un projet parental : quelles seraient les conséquences en matière de droit de la filiation ? Il en résulterait d'importantes difficultés : alors que la notion de parent pourrait être entendue comme telle, la notion de père ou de mère deviendrait absolument inopérante. Cela ouvrirait un champ infini de contentieux en matière de droit de la filiation, comme en matière de droit des successions.
Il s'agit d'une erreur de dénomination imputable aux médias, qui évoquent à tort des bébés à trois parents.
En fait, il s'agit des cas dans lesquels, en raison d'une maladie mitochondriale dans une famille, on utilise les mitochondries d'une troisième personne pour corriger l'apport génétique des deux parents, afin d'éviter que la femme ne transmette la maladie. Mais la personne qui fournit les mitochondries ne peut pas plus prétendre au statut de parent que celle qui apporte les gènes dans une thérapie génique chez un nouveau-né : cette personne ne devient pas un troisième parent. La technique permet de corriger un défaut, sans avoir d'effet sur la définition, même biologique, des parents.
En cas de correction mitochondriale, il n'y a que deux parents : ceux qui ont fourni les gamètes mâles et femelles.
Monsieur Hetzel, si ma formulation était ambiguë, je la précise : la jurisprudence du Conseil d'État est très satisfaisante, donc je propose de ne pas la corriger. J'estime non pas que nous sommes obligés de la suivre mais qu'il convient de s'y tenir.
Pour rassurer M. Brindeau, le risque d'insécurité est écarté. D'une part, la notion de couple vise – chacun en conviendra – deux personnes. D'autre part, elle figure dans l'article 515-8 du code civil et n'a jamais prêté à confusion ni à interprétation.
Voilà les raisons pour lesquelles je suis défavorable à l'amendement.
Mon amendement ne vise absolument pas les situations que vous avez décrites, monsieur le rapporteur, mais je suis intéressé de vous entendre vous appuyer sur la biologie pour établir des liens de parenté et de filiation.
C'est dans l'article 4 que ce sujet sera débattu – l'amendement vient sans doute trop tôt. Dans le projet de loi, c'est la volonté individuelle qui crée le lien juridique de filiation, niant de ce fait la biologie sur laquelle repose aujourd'hui l'équilibre du droit de la filiation. Je ne prétends pas que la biologie seule fonde la filiation puisque, dans le cas d'une adoption, la filiation naturelle n'est pas pertinente. Mais dès lors que vous chamboulez l'édifice du droit de la filiation, vous vous exposez à des possibilités de revendication de la part de plusieurs personnes, pas seulement de deux. Pour moi, une telle possibilité est source de fragilité juridique au sein même du code civil.
L'amendement no 2568 n'est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 1247 .
Le modèle bioéthique français fait reposer le don de gamètes, au même titre que tout produit issu du corps humain, sur le principe de gratuité, qui est fondé sur les principes de dignité et d'indisponibilité du corps humain. Si ces principes n'ont pas été remis en question par le projet de loi, ils n'ont pas non plus été réaffirmés avec suffisamment de force.
Or, pour des raisons impératives de protection de la santé publique et de la dignité humaine, il apparaît essentiel que notre législation interdise de manière précise la vente de gamètes, y compris à distance.
L'importation de gamètes achetés à distance, outre qu'elle relève d'une marchandisation en totale contradiction avec notre législation, fait entrer sur notre territoire des produits qui peuvent ne pas répondre aux normes de qualité et de sécurité en vigueur dans notre pays.
De plus, certaines banques de gamètes situées à l'étranger permettent aux acheteurs de se réserver l'exclusivité d'une semence, ce qui ne correspond nullement au modèle bioéthique français. L'article L. 1273-2 du code la santé publique dispose : « Le fait d'obtenir des gamètes contre un paiement [… ] est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». Pour le groupe Libertés et territoires, cet article est insuffisamment précis. Cet amendement vise donc à renforcer notre législation relative à l'interdiction de l'achat et de la vente à distance – notamment en ligne – de gamètes.
Votre amendement est en partie déjà satisfait, en ce que l'entremise pour favoriser l'achat depuis l'étranger est sanctionnée par la loi. Ainsi, les ventes à distance sont-elles contrôlées et font l'objet de sanctions, nombreuses et précises, lorsqu'elles ne se déroulent pas selon la réglementation en vigueur. Peut-être manque-t-il de contrôles suffisants visant à s'assurer que les ventes ne se déroulent pas en catimini, mais leur renforcement ne relève pas du domaine de la loi.
Vous proposez par ailleurs de modifier l'article L. 1273-2 du code de la santé publique : or celui-ci reprend, mot pour mot, la rédaction de l'article 511-9 du code pénal, le premier ne pouvant être amendé indépendamment du second. Peut-être une telle démarche paraîtra-t-elle opportune à l'avenir en cas de danger avéré. Pour l'heure, il nous semble que les sanctions dont sont passibles les entremetteurs sont de nature à dissuader les utilisations inopportunes, en France, de gamètes achetés à l'étranger.
C'est pourquoi, et même si je vous concède qu'un renforcement des contrôles serait bénéfique, je vous demande le retrait de votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Pour les mêmes raisons que celles exposées par M. le rapporteur, je demande également le retrait de l'amendement et émettrai, dans le cas contraire, un avis défavorable. Le code de la santé publique s'articule effectivement avec le code pénal. Les échanges dans l'hémicycle servant à éclairer l'intention du législateur, il convient de réaffirmer que les dispositions du code pénal en la matière couvrent bien l'ensemble des possibilités d'obtention de gamètes contre paiement, directement ou par entremise, y compris lorsque la transaction se déroule à distance et par internet. Aussi votre amendement est-il satisfait.
Dans la mesure où M. le rapporteur souligne que notre amendement n'est qu'à moitié satisfait et comme il a été déposé par mon collègue Philippe Vigier, vous comprendrez que je le maintienne.
L'amendement no 1247 n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 2151 .
Cet amendement vise à compléter la demande de rapport relatif à la structuration des centres de procréation médicalement assistée, à leurs taux de succès respectifs et à l'opportunité d'une évolution structurelle, en veillant à y intégrer les centres situés dans les collectivités ultramarines.
Nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, les CECOS – centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains – ne fonctionnent pas de manière uniforme, tandis que certaines populations et minorités ethniques, notamment les personnes afro-descendantes, éprouvent des difficultés d'accès aux gamètes, étant régulièrement victimes de pénuries de donneurs et de délais d'attente supérieurs à cinq ans.
Malheureusement, comme on a parfois l'habitude d'élaborer la loi en oubliant les territoires ultramarins, ajouter cette précision à notre demande de rapport permettrait d'obtenir un état des lieux précis, tenant compte des problématiques spécifiques auxquelles sont confrontées les populations ultramarines, et de s'assurer que la loi s'applique avec les mêmes effets pour l'ensemble de nos concitoyens.
Votre amendement est satisfait, étant entendu que le projet de loi ne vise pas le seul territoire métropolitain, mais l'ensemble du territoire national.
Vous n'évoquez en outre que les collectivités d'outre-mer, qui relèvent de l'article 74 de la Constitution. Or, à vous entendre, je comprends qu'il serait opportun de mentionner également les départements et régions d'outre-mer, qui relèvent de l'article 73 de la Constitution, afin de n'oublier aucun territoire situé hors de la métropole.
Ainsi, monsieur le député, je comprends parfaitement votre préoccupation, mais celle-ci n'a pas à figurer dans le texte, étant donné que celui-ci s'appliquera à la France dans son intégralité. Il serait en revanche utile de s'assurer que les organismes, les agences, ainsi que l'ensemble des acteurs concernés porteront une attention spécifique aux territoires sous tension, en souffrance ou victimes de délais excessifs. « Tout ce qui se mesure, s'améliore », dit-on. Ainsi, en cas d'écart excessif constaté entre des régions, des efforts, y compris budgétaires, devront être engagés en faveur des zones sensibles.
J'estime donc que votre amendement n'améliore pas la rédaction initiale de l'article et vous suggère de le retirer – même si la préoccupation que vous émettez mérite d'être communiquée à tous les acteurs concernés.
Vous avez raison, monsieur Gérard, vous qui occupez des responsabilités au sein de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, de nous faire part de cette préoccupation. Nous la partageons, même s'il est vrai que, dans l'élaboration de la loi, parfois, nous ne prenons en considération les spécificités relatives aux collectivités d'outre-mer que de manière imparfaite.
S'agissant de la distinction entre les territoires relevant de article 74 de la Constitution et ceux relevant de l'article 73, je partage la même analyse que M. le rapporteur et vous invite à évoquer, à l'avenir, l'ensemble des outre-mer.
Je précise par ailleurs que la loi, comme vous le savez probablement, ne sera pas applicable directement à Wallis-et-Futuna et à la Polynésie française, mais seulement après la publication de l'ordonnance prévue à l'article 31 du texte, dans un délai de dix-huit mois.
De plus, comme l'a rappelé M. le rapporteur, le rapport prévu par cet article 1er bis portera automatiquement sur tous les centres de procréation médicalement assistée ayant reçu une autorisation à pratiquer cette activité, y compris ceux situés au sein des collectivités ultramarines – dès lors que la nouvelle loi y sera applicable et sans qu'il soit nécessaire de le préciser.
Je vous demande donc le retrait de votre amendement, en vous assurant que le Gouvernement restera attentif à cette question.
M. le secrétaire d'État ayant assuré que les centres de procréation médicalement assistée situés dans les territoires ultramarins seront bien concernés par le rapport, j'accepte de retirer cet amendement.
L'amendement no 2151 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 2236 .
Cet amendement vise à résorber la diversité – que nous avons tous notée lors des auditions conduites en commission – des réponses apportées selon les centres aux projets parentaux présentés par les demandeurs. Nous constatons une trop importante hétérogénéité et souhaitons promouvoir et évaluer, dans chacun des centres, le respect des bonnes pratiques édictées par la voie réglementaire.
L'amendement vise également à favoriser la coopération entre les centres, afin que des réponses collégiales soient apportées aux demandeurs. Aucun centre, quel que soit son emplacement sur le territoire métropolitain ou ultramarin, ne devrait être en mesure de cultiver son autonomie au point de ne pas bénéficier de l'expérience des autres, voire d'échanges matériels : notre objectif est d'aboutir à une absence de disparité et à l'égalité sur tout le territoire national.
Je rappelle que la commission spéciale prévoit, dans cet article 1er bis, la remise d'un rapport relatif à la « structuration des centres de procréation médicalement assistée, à leurs taux de succès respectifs et à l'opportunité d'une évolution structurelle ». Monsieur le rapporteur, vous souhaitez que ce rapport évalue également la qualité de la réponse aux projets parentaux, notamment le respect des bonnes pratiques, telles qu'elles sont établies par l'Agence de biomédecine.
Le Gouvernement n'a pas d'objection de fond à émettre sur l'évaluation du respect des bonnes pratiques professionnelles, même si, en l'espèce, ce rôle incombe aux agences régionales de santé – ARS – ainsi qu'à l'Agence de biomédecine. En revanche, l'évaluation de « la qualité de la réponse aux projets parentaux », pour reprendre votre formulation, me semble constituer un domaine subjectif : je doute de notre faculté à évaluer ces réponses. Pour autant, je m'en remets à la sagesse de cette assemblée.
Je suis rassuré par le questionnement de M. le secrétaire d'État sur cet amendement, car votre exposé sommaire, monsieur le rapporteur, stipulant que chaque centre d'AMP doit « être en mesure de répondre aux demandes », m'étonne et me gêne. Comment évaluer la qualité de la réponse ? De plus, si cette dernière devait être défavorable, les centres d'AMP perdront-ils des points ? Il me paraît dangereux de faire croire que les réponses aux demandes puissent être systématiquement favorables. Il faut éviter d'introduire un tel espoir.
L'objectif de cet article 1er bis, auquel je ne me sens pas étranger, est de pouvoir comparer les taux de succès de l'AMP d'un centre à l'autre, compte tenu des profondes inégalités constatées : certaines bonnes pratiques sont certainement insuffisamment diffusées. Ainsi, l'évaluation pourra-t-elle conduire, comme cela s'est produit dans d'autres domaines, à une concentration des centres d'AMP, afin qu'ils soient mieux équipés et plus à même de répondre aux projets parentaux avec succès. Nous entretenons l'espoir d'un taux de succès de 30 % ou 40 %.
L'adage que j'énonçais plus tôt, monsieur Bazin, selon lequel « tout ce qui se mesure s'améliore » me paraît, sur cette question, pertinent. Avec l'évaluation des centres, notre but n'est pas de leur attribuer des sanctions, mais de déceler leurs faiblesses, afin de les corriger.
Pas du tout ! Tant qu'aucune discrimination n'est constatée, il est évident que les capacités d'évaluation des équipes pluridisciplinaires ou des centres demeurent entières, autonomes et respectables. Nous cherchons à améliorer la qualité des réponses, car l'impossibilité de certains centres à accéder aux demandes de dons d'ovocytes pourrait être compensée par la capacité d'autres lieux, proches géographiquement, à le faire. Cela éviterait à des femmes de devoir attendre des années. Une fois identifiées les faiblesses des uns et les capacités des autres, il sera possible de fournir davantage de réponses satisfaisantes : il s'agit de simple pragmatisme.
En effet, nous faisons face à un important morcellement, le fonctionnement départemental ne permettant pas d'assurer une qualité et une égalité universelles dans les réponses données aux demandeurs. Le petit moyen que représente la photographie occasionnelle du fonctionnement des centres nous offrira la chance de corriger ces faiblesses. Il faut y voir non pas une ambition gigantesque, mais un moyen modeste d'obtenir une meilleure homogénéité des réponses : les femmes ne recevront plus de réponses trop disparates d'un centre à un autre.
J'adhère donc aux arguments émis par M. Berta : les taux de réponse et de succès peuvent s'avérer très variables d'un centre à l'autre, mais il n'est pas question de leur retirer leur droit à refuser, à récuser ou à demander des éléments supplémentaires, lequel est parfaitement respectable. Il serait en revanche choquant que des pourcentages de succès d'AMP soient deux fois supérieurs dans un centre par rapport à un autre et que personne ne cherche à corriger l'anomalie.
À la comprendre pour la corriger !
Nous connaissons des situations analogues dans d'autres domaines : dans certains établissements, le taux de césariennes est plus du double de ce qu'il est dans d'autres. Cela appelle, vous me l'accorderez, des corrections, car des femmes subissent des césariennes inutiles, contre leur intérêt.
De la même façon, l'échec d'une PMA n'est pas bon pour une femme, qui connaîtra dès lors un parcours répétitif. Notre rôle est de protéger les personnes.
On comprend bien l'intention, mais les termes utilisés ne semblent pas correspondre à notre préoccupation. Peut-être pourrions-nous rédiger l'amendement différemment, en parlant de l'« accueil » des personnes qui se présentent dans les centres de PMA – couples hétérosexuels, couples homosexuels ou femmes seules – , et de la manière dont leur « attente » est satisfaite ou non. Par ailleurs, il est assez délicat d'inscrire une telle disposition dans la loi. Il faudrait donc soit modifier la rédaction, soit inclure cela dans les bonnes pratiques.
Il conviendrait en outre de tenir compte de cet aspect dans les moyens d'évaluation de l'Agence de la biomédecine.
L'amendement no 2236 n'est pas adopté.
L'amendement no 2235 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 1639 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er bis, amendé, est adopté.
L'article 2 porte sur la vitrification des ovocytes. Je rappelle que j'avais âprement défendu, en 2011, un texte visant à l'autoriser pour les femmes françaises, car, jusqu'alors, l'Agence de la biomédecine l'assimilait à une recherche sur l'embryon et l'interdisait. C'était donc assez compliqué à l'époque. Finalement, le recours à cette technique a été autorisé par la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, sur le fondement suivant : « Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d'être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation ou de la restauration de sa fertilité. » On voit bien qu'il y a, dans ce texte, un lien entre infertilité et bioéthique, et qu'il est question d'actes médicaux.
C'était une avancée, et nous ne comprenons pas ce que vous voulez en faire aujourd'hui, si ce n'est que vous nous livrez aux apprentis sorciers. Nous nous opposons à l'idée qu'une femme doive, avant 35 ans, choisir entre la réussite professionnelle et sa vie de famille. Jusqu'à présent, c'est la société qui s'adaptait à la grossesse des femmes, mais, avec la proposition que vous présentez, c'est l'entreprise ou la société qui programmeront les grossesses et disposeront de l'horloge biologique des femmes.
J'insiste sur un point, dans le temps très bref qui nous est imparti : le Conseil d'État lui-même a relevé que cette mesure risquait de réduire, consciemment ou non, la liberté de la femme de procréer pendant sa période de fertilité – ce qui n'est pas mineur, ajoute-t-il.
La suppression de la barrière de la pathologie permettra des pratiques d'un nouveau type. J'ai défendu âprement la possibilité pour les femmes françaises de congeler leurs ovocytes pour raison médicale, possibilité qui constituait vraiment une avancée, mais l'autorisation de la congélation des ovocytes par convenance dans notre pays aboutirait plus tard à la légalisation de la gestation pour autrui et ouvrirait ainsi la voie à la marchandisation du corps, lequel relève de notre humanité profonde. Je suis favorable à la préservation de la richesse du patrimoine mais le corps doit rester inaliénable.
On fait croire aux femmes qu'elles peuvent avoir un enfant à tout moment de leur vie. Il faut cesser de diffuser ce mensonge institutionnel, qui nuit à la fertilité des femmes et à leurs projets de grossesse. Ce mensonge est très dangereux, sauf, bien évidemment, pour le business procréatif, qui se réjouira de la mesure que vous présentez.
J'y insiste : proposer aux femmes de vitrifier leurs ovocytes par convenance, sans motif médical, c'est s'engager dans une voie très dangereuse. Soyons prudents, mes chers collègues !
Nous avons eu de longs débats passionnants sur l'article 1er. J'espère que l'article 2 fera lui aussi l'objet d'échanges constructifs.
En toute objectivité, madame Boyer, quel lien faites-vous entre l'autoconservation ovocytaire et la gestation pour autrui ?
J'aimerais que vous m'expliquiez votre raisonnement. Vous établissez chaque fois un lien entre des techniques de procréation artificielle totalement différentes.
Vous avez parlé tout à l'heure d'une « avancée ».
Selon moi, l'extension de l'autoconservation des ovocytes, prévue à l'article 2, sera effectivement une avancée sociale majeure. Elle permettra à certaines femmes de s'affranchir d'un choix que leur imposait jusqu'à présent notre société, de manière absolument inique. J'invite ceux qui font un raccourci très tendancieux entre autoconservation ovocytaire et gestation pour autrui à approfondir la question, voire à adopter une autre approche.
Avec l'article 2, nous allons modifier l'article L. 1244-2 du code de la santé publique, et je m'en félicite, car une telle réforme était nécessaire. Nous mettrons ainsi fin à la discrimination superfétatoire entre les donneurs qui ont procréé et ceux qui n'ont jamais procréé. Celle-ci était fondée sur le critère de la majorité du candidat au don, alors même que les problèmes de fertilité, qui pourraient justifier cette exigence, ne tiennent pas nécessairement à l'âge de l'intéressé.
Nous mettrons aussi fin à l'obligation de recueillir le consentement du partenaire lorsque le candidat au don est en couple. Le don doit relever d'un choix personnel, fait en son âme et conscience par l'individu qui souhaite faire un geste altruiste. D'autant qu'il est de toute façon impossible, on le sait, d'établir un quelconque lien de filiation entre le donneur de gamètes et la personne qui sera issue du don.
Pour ma part, je ne peux que me réjouir de cette simplification du régime applicable au don de gamètes. Désormais, le donneur devra simplement être majeur et consentant. La levée des obstacles actuels, a fortiori si elle est combinée avec des initiatives incitant au don et sensibilisant notamment aux questions de santé sexuelle, contribuera à l'augmentation des dons de gamètes, qui sont tout aussi importants, je le rappelle, que les dons d'organes ou de sang.
Je ne chercherai pas à vous faire changer d'avis, madame Boyer. Je voudrais simplement que vous puissiez, pour votre propre compréhension, lever l'ambiguïté que vous semez…
… en établissant un lien entre autoconservation ovocytaire et gestation pour autrui. Ce sont là deux choses différentes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Au moment où nous abordons l'examen de l'article 2, il importe de rappeler un principe cardinal de notre législation relative à la bioéthique, qui fait notre fierté et dont notre pays peut s'honorer, celui de la gratuité du don, qui ne laisse pas la moindre place à une quelconque marchandisation.
Or le fait d'autoriser des établissements privés à but lucratif à procéder à la conservation des gamètes téléscope directement ce principe. Lesdits établissements sont en effet soumis à une contrainte : ils doivent, et c'est bien normal, rentabiliser à moyen terme, voire à court terme, l'investissement de leurs actionnaires. Cette logique, qui n'est pas condamnable en soi, contredit toutefois le principe de gratuité du don, qui implique l'absence de rentabilité financière.
Nous devrons veiller très attentivement à ce que ce principe nous guide tout au long de l'examen de l'article 2. Il faudra sans doute que nous revenions sur la disposition précitée, que nous avons introduite par amendement en commission spéciale, lors d'un petit moment d'égarement.
Je trouve cela triste. Je me mets à la place d'une jeune femme de 25 ans. La proposition qui nous est présentée aujourd'hui revient, selon moi, à lui demander de choisir entre sa vie de famille et sa vie professionnelle.
Premièrement, cela semble signifier que les femmes de cette tranche d'âge ne peuvent pas envisager de mener les deux de front, et le faire correctement.
Mme Valérie Boyer applaudit.
… pourquoi notre société ne donnerait-elle pas aux femmes, à l'inverse, les moyens de s'organiser paisiblement pour fonder une famille tout en menant une carrière professionnelle ?
Mmes Valérie Boyer et Maud Petit applaudissent.
J'ai beaucoup de mal à comprendre que l'on considère cette mesure comme une avancée sociale.
Je suis ce qu'on appelle « féministe » – je crois que nous le sommes toutes ici – , et le fait que je siège dans cet hémicycle le prouve d'une certaine manière. Or, de mon point de vue, ce sera une régression pour les femmes.
Mme Maud Petit applaudit.
Mon intervention ira un peu dans le même sens que la précédente.
Je suis très partagé au sujet de l'autoconservation des ovocytes. Nous comprenons l'esprit initial de la mesure, qui vise à lutter contre l'infertilité potentielle des femmes. Toutefois, comment ne pas voir qu'une pression sociale supplémentaire s'exercera sur les femmes, notamment – mais pas seulement – de la part des employeurs ? Puisqu'elles disposeront des moyens de reporter leur grossesse, on les incitera à privilégier leur vie étudiante ou leur parcours professionnel.
D'ailleurs, si ce risque n'était pas avéré, nous n'aurions pas voté l'amendement, à l'initiative de Mme Bergé, je crois, qui tend à interdire aux entreprises de financer la conservation des ovocytes. On voit immédiatement, en effet, l'utilisation qui pourrait être faite de cette mesure par des employeurs qui souhaiteraient imposer un calendrier à leurs collaboratrices féminines, en décidant du moment où elles travaillent et, éventuellement, du moment de leur grossesse. Dans certains pays, notamment aux États-Unis, de grands groupes, en particulier des GAFA, financent la conservation des ovocytes pour le compte de leurs collaboratrices.
Je n'ai pas de position arrêtée à ce sujet, mais j'avoue être assez troublé par la possibilité d'une telle pression sociale.
Je souhaite d'abord réagir aux interventions précédentes.
La question de la liberté des femmes de choisir et de maîtriser leur corps est au coeur de l'article 2. Je me félicite qu'il aille jusqu'au bout de la logique en la matière, et notre groupe le soutiendra.
Avant d'en venir à la question de la vie professionnelle, notons que la possibilité d'autoconserver les ovocytes n'est pas seulement une réponse aux inégalités ou aux différences de traitement qui touchent les femmes dans l'univers du travail.
L'autoconservation était déjà autorisée pour raison médicale, mais bien d'autres accidents de la vie peuvent avoir des conséquences sur la fertilité. Il est de plus en plus fréquent aussi, dans nos sociétés, de rencontrer tardivement la personne avec laquelle on veut avoir des enfants : or, nous l'avons tous lu, après l'âge fatidique de 37 ans, les capacités ovocytaires baissent de manière drastique, et il est tout à fait possible de ne rencontrer l'amour qu'à ce moment-là.
De nombreux facteurs retardent aujourd'hui l'entrée dans la vie adulte, et la recherche d'un travail n'est pas le seul ; il faut aussi trouver un logement et rencontrer un compagnon ou une compagne.
Vous avez raison sur un point : malgré toutes ces évolutions, l'âge auquel on peut ou non concevoir un enfant ne change pas. C'est pourquoi nous ferons une proposition pour lutter contre l'infertilité, et pour prévenir les femmes et les hommes de cet état de fait.
Au sujet des conséquences de l'article 2 susceptibles de s'apparenter à une marchandisation, nous considérons que les gamètes doivent être conservés et gérés par des établissements publics, et non privés. J'espère que vous nous soutiendrez sur ce point.
Je vais conclure en revenant à la question du travail. Il est vrai que l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail a été la principale cause d'une conception des enfants plus tardive qu'il y a cinquante ou soixante-dix ans. On peut envisager contradictoirement cet événement. Que l'univers capitaliste soit capable de digérer ces avancées de façon à opprimer encore davantage les êtres humains, les femmes en particulier, est une chose ; mais enlever encore une part de liberté aux femmes dans le contexte de cette oppression me paraît contradictoire avec la dénonciation de celle-ci.
Chaque femme doit être pleinement libre d'avoir ou non des enfants. Il faut bien se garder de considérer les femmes comme des personnes ayant naturellement vocation à procréer.
Elles doivent évidemment être en mesure d'avoir des enfants au moment où elles le souhaitent, si elles le souhaitent. C'est un constat : l'âge de la première maternité en France recule : il est de 28,5 ans en moyenne. Il y a de bonnes et de moins bonnes raisons à cela. L'allongement de la durée d'étude, l'accès facilité à des postes à responsabilité, la volonté de connaître des carrières professionnelles dynamiques sont de bonnes raisons. Les mauvaises sont l'incapacité des pouvoirs publics à mettre en place des services de garde adaptés, ainsi que des mécanismes permettant une bonne articulation entre la vie professionnelle et la vie privée.
Avec M. Lurton, nous avions mis un fait en lumière, dans le cadre de la rédaction d'un rapport sur la politique familiale : une femme sur deux passe au temps partiel ou arrête de travailler à la naissance du premier enfant. Je pense donc que l'autoriser à conserver ses capacités reproductives, afin de pouvoir décider du moment de l'arrivée d'un premier enfant, tout en restant dynamique dans son parcours de femme, n'est pas un asservissement mais une libération.
Nous voterons l'article 2, qui ouvre la possibilité pour les femmes et les hommes d'avoir recours à l'autoconservation des gamètes sans condition d'infertilité liée à une maladie, comme c'est le cas actuellement.
Je voudrais répondre à l'argument avancé par les députés du groupe Les Républicains, selon lequel autoriser l'autoconservation forcerait les femmes à construire leur vie professionnelle avant leur vie de famille. L'argument me semble surprenant, justement parce que je suis favorable à permettre aux femmes d'avoir toujours le droit de choisir – c'est une question de liberté. De plus, je conçois comme un devoir éthique et philosophique d'empêcher les femmes de seulement subir le poids de la maternité.
Une femme n'est pas seulement une mère, et c'est à elle de choisir le moment où elle veut l'être. Il faut sortir de ce canevas, et j'estime qu'il faut soutenir toutes les propositions allant en ce sens : peut-être, chers collègues de la droite, rédigerez-vous un jour une proposition de loi visant à instaurer des congés de paternité égaux aux congés de maternité.
Je regrette toutefois que l'article ne définisse pas les bornes temporaires de l'accès à ce nouveau droit d'autoconservation et que les établissements privés à but lucratif soient autorisés à conserver des gamètes – c'est à mon sens un problème. Enfin, je souligne une incohérence que nous aurions pu résoudre dans l'article 1er : les personnes pourront autoconserver leurs gamètes, mais la modification de la mention de sexe à l'état civil pourra paradoxalement les priver du droit de les utiliser. Il me semble que nous avons raté quelque chose à ce sujet dans la rédaction de l'article 1er.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avant d'examiner l'article 2, il faut souligner que ce droit nouveau pour les femmes d'autoconservation des ovocytes, dans la perspective d'une utilisation personnelle pour une procréation future, s'accompagne de la possibilité d'en faire don si la vie leur offre l'occasion d'une grossesse naturelle. Rien n'est obligatoire : c'est un nouveau droit, une nouvelle liberté.
Aucune entreprise, aucun employeur, aucune structure susceptible d'avoir une emprise économique sur une femme ne seront autorisés à participer directement ou indirectement à l'autoconservation. Il s'agit donc bien d'une liberté nouvelle, sans dépendance ni lien économique avec un employeur éventuel.
Nous considérons que ce droit est cohérent avec ceux ouverts par les dispositions de l'article 1er. Les débats qui nous animent dépassent évidemment le cadre de la bioéthique ; le terrain sur lequel nous sommes entraînés mériterait d'être examiné de plus près, par exemple à l'occasion d'un débat ultérieur.
J'étais partisan de voter les mesures que vous avez évoquées, monsieur Martin, interdisant aux entreprises d'user de ce droit à leur profit, mais je pense que les dispositions législatives ne suffiront pas.
Il existe encore aujourd'hui des entretiens d'embauche au cours desquels on demande à des jeunes femmes si elles sont enceintes ou si elles ont prévu d'avoir des enfants. C'est interdit, c'est blâmable, mais cela existe, nous en avons des témoignages.
Pour moi, c'est la marque d'un monde du travail dans lequel le culte de la rentabilité, de la compétitivité, du « travailler plus pour gagner plus », que nous avons entendu s'installer au coeur des discours, ces dernières années, fait des dégâts. Nous devons regarder cette situation en face. Ce constat n'enlève rien à ce que j'ai dit précédemment, bien au contraire : il faut prendre des mesures pour protéger les femmes et les hommes au travail, différemment de la manière dont ils le sont actuellement. Il existe une injonction à faire carrière très tôt ; s'interrompre quelque temps pour accompagner ses enfants en bas âge se paye en matière de progression professionnelle – plus souvent pour les femmes, mais pour les hommes aussi.
Ces philosophies existent dans le monde du travail : il faut les combattre. Ce texte n'est pas le lieu pour y parvenir, mais le débat que nous avons peut nous inciter à prendre ces questions au sérieux, peut-être à considérer le travail autrement, pour faire évoluer les mentalités. Il s'agit des structures, des rapports sociaux et de l'organisation du travail dans le monde capitaliste tel que nous le connaissons. Nous avons ratifié des ordonnances réformant le code du travail dont je ne suis pas certain qu'elles aient des effets bénéfiques dans ces domaines.
Je répondrai à certains de vos arguments lorsque j'émettrai un avis défavorable sur les amendements de suppression, mais, pour la clarté des débats, je souligne que cet article 2 autorise l'autoconservation des gamètes sans avoir de caractère incitatif.
Des bornes d'âge seront définies par décret. L'étude d'impact évoque un minimum de 30 à 32 ans et un maximum de 37 ans pour les femmes et de 45 ans pour les hommes au moment du prélèvement ; la limite d'âge pour l'utilisation des gamètes est de 43 ans pour les femmes et de 59 ans pour les hommes.
Le projet prévoit une prise en charge par l'assurance maladie du recueil de gamètes, mais la conservation sera à la charge des demandeurs et ne pourra être assumée par l'employeur, conformément à la décision de la commission, prise à l'initiative de Mme Bergé et de M. Chiche.
Je voudrais ajouter trois remarques. D'abord, l'autoconservation de gamètes est possible sans condition d'âge pour des raisons médicales, par exemple de cancer chez l'enfant ou l'adulte jeune ou d'endométriose.
Ensuite, l'âge tardif de la première grossesse est majoritairement lié non pas au parcours professionnel mais plutôt au parcours de vie, à la maturité d'un projet et à l'allongement des études, qui ne me semble pas relever de l'échec collectif.
Enfin, nous aurons à coeur de revenir pendant l'examen des amendements sur l'ouverture de l'activité d'autoconservation aux centres privés, comme l'a évoqué Mme Wonner.
Mes chers collègues, avant de passer à l'examen des amendements sur l'article 2, permettez-moi de vous livrer des informations concernant l'organisation de nos travaux dans le cadre du deuil national décrété en hommage au président Chirac.
Le Gouvernement reporte au lundi 7 octobre, à seize heures, la déclaration sur la politique migratoire de la France et de l'Europe, initialement prévue lundi 30 septembre.
La discussion du projet de loi relatif à la bioéthique se poursuivra lundi 30 septembre, à vingt et une heures trente.
Par ailleurs, le président de l'Assemblée nationale rendra hommage au président Jacques Chirac mardi 1er octobre, à quinze heures, avant les questions au Gouvernement.
Nous en revenons à l'examen du projet de loi.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 2 , 8 et 19 , qui visent la suppression de l'article 2.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 2 .
Monsieur le président, nous avons entendu votre annonce et nous sommes très surpris qu'un jour de deuil national, la discussion d'un texte continue à l'Assemblée. Nous comprenons qu'il existe des contraintes de calendrier mais il nous semblerait important que l'ensemble des Français partage cette journée. Or savoir que nous aurons séance à vingt et une heures trente pour poursuivre la discussion d'un texte nous pose un vrai problème, s'agissant de la manière dont nous pourrons vivre cette journée de deuil national.
Je le répète : reprendre nos travaux uniquement sur la question de la bioéthique en soirée nous touche profondément. Une journée de deuil de l'Assemblée aurait été l'expression d'un véritable respect pour la mémoire du président Chirac.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur Breton, il ne m'appartient pas de juger ce choix et ma position personnelle n'a pas à être exprimée ici. Il me revient, en revanche, de vous rappeler qu'un deuil national n'a pas pour effet de suspendre les travaux du parlement.
Monsieur le président, nous connaissons tous votre affection pour Jacques Chirac…
Nous remarquons en tout cas qu'il y a deux poids deux mesures : les débats sur l'immigration sont supprimés à cause de ce deuil, mais non ceux sur la bioéthique. Chacun assumera ses décisions.
L'amendement demande la suppression de l'article 2, qui porte notamment sur l'autoconservation des ovocytes. Développer mes arguments en vaut-il la peine ? On sent bien que vous voulez de toute manière faire adopter ces dispositions, en vous appuyant sur de grandes affirmations, des déclarations sur les principes, la liberté – une liberté qui est d'ailleurs purement formelle, sans lien avec le réel.
Je rappelle que le Comité consultatif national d'éthique, dans son avis no 126, émis en 2017 – qu'importe ici la date puisqu'il est valable dans la durée – soulignait l'existence de plusieurs risques : l'apparition de pressions sociales et professionnelles, le développement des grossesses tardives, et enfin, au niveau économique, la constitution d'un marché de la procréation. Nous savons que des sociétés et des entreprises comptent sur ces techniques pour gagner beaucoup d'argent en utilisant les attentes, les besoins et les souffrances individuelles et familiales.
L'Académie nationale de médecine a émis un avis similaire, pleinement actuel. Elle souligne que, « si les risques associés à une telle pratique sont bien connus des professionnels, ils ne sont pas mentionnés dans l'exposé des motifs de la loi, et n'ont pas été réellement discutés lors des débats préparatoires, ce qui est éminemment regrettable » : je cite ici l'avis d'une instance que nous respectons, je pense, tous.
L'Académie nationale de médecine ajoute : « D'une part, le recours à l'autoconservation des ovocytes augmenterait davantage encore la surmédicalisation des grossesses. D'autre part, elle pourrait contribuer au recul de l'âge moyen de la première grossesse. Or on sait que l'augmentation significative des infirmités motrices-cérébrales qui en découlent pour l'enfant. »Tel est l'avis de l'Académie nationale de médecine.
Enfin, lors des auditions qui ont été organisées, le Dr Sarah Bydlowski, pédopsychiatre, a expliqué que « ces grossesses tardives sont à risque sur le plan somatique et peuvent se traduire par un retard de croissance intra-utérin, une hypertension gravidique ou une prématurité. Elles sont également à risque du point de vue des interactions mère-bébé ».
Écouterons-nous les propos d'une pédopsychiatre ? Ou préférerons-nous des positions de principe sur l'autonomie et la liberté, au mépris de la réalité des choses, des avertissements et de la prudence ? Nous vous proposons la suppression de l'article no 2.
Notre collègue Xavier Breton a appuyé son argumentation sur l'avis de l'Académie nationale de médecine. Un autre avis mérite d'être étudié : celui du Comité consultatif national d'éthique, émis en 2017. Le propos sur l'autoconservation des ovocytes y est, là aussi, fort intéressant. Selon ce comité, autoriser cette pratique pour des motifs autres que médicaux contribuerait à retarder encore l'âge de la première grossesse, alors que l'on sait qu'il s'agit déjà d'un sujet très sensible.
Une grossesse tardive accentue les risques médicaux pour la femme, durant la grossesse et au moment de l'accouchement, comme pour l'enfant lui-même. Le problème ne concerne pas seulement la santé, il est aussi éthique, puisqu'une autorisation pourrait conduire au développement d'un marché de l'autoconservation des ovocytes ; enfin, l'ouverture au secteur privé fait courir un risque réel de marchandisation.
Le rapport du Comité consultatif national d'éthique s'achève en indiquant d'autres solutions. Il faut, d'une part, mieux informer, en menant de larges campagnes de sensibilisation aux questions de fertilité et de procréation. Il faut, d'autre part, développer les politiques familiales afin d'éviter une médicalisation et une marchandisation galopantes.
Pour ces raisons, le présent amendement vise à supprimer l'article 2.
L'article 2 vise à donner aux femmes et aux hommes la possibilité d'autoconserver leurs gamètes, sans y associer de limitation sérieuse. La ministre des solidarités et de la santé elle-même est sensible au risque qu'implique cette possibilité, celui de créer une dynamique incitative à l'autoconservation et au report des grossesses. Cette disposition pourrait donc avoir des conséquences dommageables.
Je me pose de nombreuses questions : les grosses tardives que cette mesure risque d'inciter ne seront-elles pas davantage à risque pour la femme et l'enfant ? Cela ne va-t-il pas à l'encontre de la prévention, de la santé de la femme et de l'enfant ? Ne peut-on pas craindre – à la suite de mon collègue Pierre Dharréville – que certains s'appuient sur ces dispositions pour exercer des pressions sur les femmes, leur demander de repousser leurs projets parentaux et de privilégier à court terme l'activité économique ou institutionnelle, pour ceux qui travaillent dans les services publics, notamment médicaux ? La femme serait alors moins libre de devenir mère à l'âge qui y est pourtant le plus adapté, du point de vue de sa santé comme de celle de l'enfant.
L'autoconservation de gamètes est déjà possible pour des raisons bien définies. Elle est déjà plus fréquente que le don de gamètes. Peut-être serait-il possible d'ajouter de nouvelles raisons médicales à l'autoconservation de gamètes : cela pourrait être étudié. Ce serait du moins une approche sérieuse.
Mais il ne faut pas élargir l'autoconservation à des raisons non médicales. J'ai entendu un collègue justifier cet élargissement par la liberté : et si la création de ce droit sans raison médicale rendait, finalement, les femmes moins libres ?
Avis défavorable. Chacun sait que le système qui a prévalu jusqu'à présent en matière d'autoconservation des gamètes a démontré son insuffisance. Il est trop restrictif. Il est évident que les modalités d'accès à l'autoconservation des ovocytes et des spermatozoïdes doivent être adaptées au temps actuel.
Je viens d'entendre dire que les motifs des reports de grossesses et de l'autoconservation d'ovocytes qu'ils justifient étaient presque exclusivement professionnels. Non ! Des motifs professionnels ou médicaux expliquent ces reports parfois, mais la raison principale est d'ordre personnel. Quand les femmes évoquent leur désir de procréation, elles ne sont pas toujours au sein d'un couple stable. Elles préfèrent attendre que ce soit le cas pour commencer une grossesse et fonder une famille, avec le risque, qu'à ce moment là, leurs ovocytes ne puissent plus être fécondés, d'où le recours à cette pratique. La première des causes d'autoconservation ovocytaire est donc personnelle, devant les causes médicales et professionnelles.
Par ailleurs, si, aujourd'hui, l'âge moyen de la première procréation – 28,5 ans – est plus élevé de cinq ans qu'il y a une ou deux générations, ce n'est que très marginalement pour des raisons professionnelles et personnelles. La cause principale est l'efficacité de la contraception, qui rend le choix possible. Je n'ai pas besoin de vous rappeler, mes chers collègues, que, dans le passé, le moment de la naissance du premier enfant n'était pas toujours planifié. Le recours à la contraception, qui est bénéfique, retarde la naissance du premier enfant.
J'ai entendu des craintes – des frayeurs, allais-je dire – , selon lesquelles les employeurs pourraient prendre en charge l'autoconservation des ovocytes de leurs salariées, avec des intentions malveillantes. Que l'on se rassure, durant les travaux en commission, l'interdiction de toute forme de prise en charge par l'employeur a été insérée dans le texte.
La référence à des cas étrangers n'est pas pertinente ici : ces situations ne peuvent pas du tout se présenter dans notre pays. Ces pratiques sont prohibées et ne se développeront pas. Cette crainte que d'aucuns cultivent ne vaut qu'en théorie ; elle n'a pas de fondement pratique.
Je m'adresse ici, en particulier, à nos collègues de la droite, qui ont fortement marqué hier leur préoccupation face au nombre d'embryons surnuméraires – préoccupation que nous partageons d'ailleurs tous : l'autoconservation d'ovocytes est un des moyens qui permet de diminuer cette production excessive d'embryons surnuméraires lors des fécondations in vitro. Cet aspect ne doit pas être négligé.
Enfin, n'ignorons pas que nous allons bientôt tous voter un amendement important, qui permettra de développer un plan de lutte contre l'infertilité à destination de toute la population, et plus particulièrement des jeunes générations. Cette disposition est importante, parce que très peu savent ce qu'il en est de la fécondabilité de la femme. Je le rappelle : l'âge optimal pour procréer ne dure que de 19 ans à 26 ans ; alors seulement, chaque cycle ovarien est associé à 50 % de chances de grossesse. À partir de 27 ans, le taux tombe à 40 % ; après 35 ans, à seulement 30 %. Les taux se réduisent infiniment à partir de 40 ans.
Il faut éduquer dans ce domaine les jeunes filles et les jeunes hommes d'aujourd'hui. Cela évitera les cas où la décision de concevoir n'est prise qu'à 38 ans, âge à partir duquel, à cause de la qualité des ovocytes, les grossesses sont moins probables et les risques de complications pour le nouveau-né sont accrus.
Nous partageons tous les mêmes objectifs. Pour les atteindre, toutefois, il faut absolument maintenir cet article, voire renforcer les dispositifs qu'il met en place. Avis très défavorable à ces amendements de suppression.
Avis défavorable. Nous sommes effectivement confrontés aujourd'hui à un recul de l'âge de la première procréation. C'est un mouvement d'ampleur, qui n'est pas limité à la France, et qui ne devrait pas s'inverser, parce qu'il résulte de changements considérables dans nos comportements au cours des dernières années. Le rapporteur a raison de rappeler que le recul de cet âge n'est pas tant lié à des raisons professionnelles, qu'à l'évolution des parcours de vie, au fait que le projet parental arrive plus tardivement à maturité.
Indépendamment de la question de l'autoconservation des ovocytes, cette évolution a déjà un impact sur les modes de garde, les congés parentaux, elle remet en question les politiques publiques en la matière. Nous accompagnons déjà les parents pour les aider à maîtriser les conséquences de l'allongement des études – phénomène qui ne doit pas, madame Broca, être considéré comme un échec collectif, il me semble. Les parcours professionnels sont aussi devenus plus intenses qu'ils ne l'étaient auparavant.
Ces questions seront au coeur de la réflexion des experts composant la commission des 1 000 premiers jours de la vie de l'enfant, si chère à M. Breton. Offrir la possibilité aux femmes et aux hommes de conserver leurs gamètes leur permettra de différer leur projet parental pour le réaliser, le moment venu.
Il ne s'agit évidemment pas d'inciter, nous vous rejoignons sur ce point, monsieur Bazin, les jeunes filles et les jeunes gens à le faire. Je le répète : le projet de loi prévoit des conditions d'accès et de mise en oeuvre strictes, notamment des bornes d'âge qui seront fixées par décret en Conseil d'État. Pourquoi par décret ? Pour pouvoir les déterminer avec les sociétés savantes, en étant éclairés par les dernières connaissances en la matière.
Cette avancée présente d'autres avantages, plus incidents mais néanmoins importants, à moyen et long termes. Elle réduira la demande de dons d'ovocytes, puisque la femme pourra utiliser ses propres ovocytes conservés antérieurement. Elle augmentera également, comme le rapporteur l'a souligné, les gamètes disponibles pour le don, dans l'hypothèse où, n'en ayant pas eu besoin, les femmes et les hommes concernés les donneraient finalement pour qu'ils bénéficient à d'autres femmes et à d'autres hommes. Cette mesure participe en outre au renforcement de l'égalité entre les hommes et les femmes, en réduisant le poids de la fameuse horloge biologique. Enfin, point important, l'autoconservation des gamètes n'apparaît pas contraire à un quelconque principe de bioéthique.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que l'article 2 a toute sa place dans le projet de loi. J'émets donc un avis défavorable aux amendements tendant à le supprimer.
Je ne vais pas évoquer les différents arguments à l'appui du refus d'autoriser l'autoconservation ovocytaire : pressions des employeurs, dérives de marchandisation, risques que la fécondation échoue lorsque la femme décidera, plus tard, d'avoir un enfant.
Je vais m'appuyer sur les propos de notre collègue Guillaume Chiche : dans son rapport, il souligne, à juste titre, qu'une femme sur deux s'arrête de travailler ; encore une fois, posons-nous les bonnes questions ! Vous venez de dire, monsieur le secrétaire d'État, que l'allongement des études ne représente pas un échec collectif : évidemment, non ! Ce n'est pas du tout ce que je dis, je connais parfaitement toutes les mesures, dont je vous remercie, que vous prenez pour les femmes, les mères et les pères. Mais, avec cet article, nous mettons le mouchoir sur une réalité que nous ne voulons pas voir. Nous prenons l'exemple des pays scandinaves dans de nombreux domaines : essayons de nous organiser comme eux ! À dix-sept heures, il n'y a plus personne dans les entreprises, ni mères ni pères.
C'est pour cela que l'article sur l'autoconservation des ovocytes me dérange. Tout à l'heure, l'une de nos collègues a évoqué la liberté du corps des femmes : or celle-ci n'existe pas, car on impose aux femmes d'être ou mères ou salariées, pour satisfaire à une organisation donnée de la société. Voilà ce qui me contrarie beaucoup et nourrit mon opposition à cette mesure, même si je comprends vos arguments. Il faut aller plus loin et s'interroger sur notre vision de la femme dans la société : veut-on qu'elle soit ou mère ou salariée ? Toutes les femmes ici présentes, qui ont aussi des enfants, ne se posent pas la question : elles vivent leur vie professionnelle comme elles l'entendent et savent qu'elles sont de très bonnes mères à la maison. Voilà le fond de mon intervention !
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 52 de notre règlement et concerne un sujet qui a été évoqué, mais sur lequel je souhaiterais revenir. Lundi, la France portera le deuil : tous les Français, dans leur diversité, porteront le deuil de celui qui fut, pendant deux mandats, le président de la République française. Cela crée pour nous des obligations quant à notre activité. Je sais, monsieur le président, que, plus que d'autres, vous y êtes sensible.
Nous souhaitons que ce deuil soit respecté. Il le sera l'après-midi, puisque le débat initialement prévu a été retiré de l'ordre du jour, mais nous souhaitons qu'il en soit de même le soir. Cela ne retardera pas exagérément nos débats, puisque la séance du soir est désormais brève et ne dure plus que deux heures et demie. Nous demandons que la logique de cette journée de deuil soit entièrement respectée. Ce souhait est peut-être plus vif dans notre groupe, parce que nos choix politiques nous conduiront à rejoindre des rassemblements et des réunions spontanées qui se tiendront dans nos circonscriptions lundi soir après le travail. Il est assez légitime que les députés que nous sommes s'y rendent, comme il est tout à fait légitime que l'ensemble des parlementaires y soient. Jacques Chirac ne nous appartient pas, il appartient désormais à nous tous.
Je vous remercierais, monsieur le président, de vous faire l'avocat du respect entier de la journée de deuil.
Monsieur le président Le Fur, je me permettrais de vous rappeler ce que j'ai dit tout à l'heure : pour les raisons que vous avez en tête, il ne m'appartient certainement pas d'avoir une appréciation sur ce sujet ; en outre, vous le savez bien, monsieur le président, l'ordre du jour de la semaine prochaine a été fixé par le Gouvernement, qui l'a modifié par une lettre du Premier ministre. L'ordre du jour de lundi sera donc celui que je vous ai indiqué tout à l'heure.
Je vous rappelle qu'un deuil national n'a pas pour effet de suspendre les travaux du Parlement : ainsi, l'Assemblée avait continué de siéger en novembre 2015 et en juillet 2016, pendant des périodes de deuil national, décrétées à la suite d'attaques ayant frappé notre pays. J'entends néanmoins parfaitement votre demande.
Article 2
Il m'est très difficile d'intervenir, car il y a une exigence de décence et de dignité. Je suis mal à l'aise de continuer à parler d'ovocytes et de sperme. Je ne suis pas bien à l'idée de débattre de ces sujets lundi soir, jour de deuil national.
Je vais tout de même répondre au rapporteur et au secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, vous avez parlé de projet parental, mais pensez à cette femme, parfois en couple stable, qui souhaite mener sa carrière et pourrait être incitée à reporter son désir d'enfant. Si nous ne pensons qu'au projet parental, nous ne comprenons pas ce dilemme. Monsieur le secrétaire d'État, notre société se résigne à ne pas mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale, ce qu'il ne faut pas accepter ; si cette conciliation était plus facile, nous ne penserions pas à instaurer une telle mesure, hors raisons médicales.
Le vrai défi est de se poser des questions sur la politique familiale, dans le but de mieux accompagner ces projets. Que fait-on primer ? Si les femmes ne peuvent pas mieux concilier ces projets aux âges les plus propices, nous échouons à les respecter vraiment.
Au début, je ne souhaitais pas intervenir, chers collègues, mais je me suis dit, en vous écoutant, qu'il serait utile d'apporter l'éclairage d'une Française parmi tant d'autres, qui a trente-six ans et a parcouru la vie professionnelle et sentimentale. Monsieur Bazin, quand vous dites que l'article 2 ne pose pas de limites sérieuses à l'autoconservation, c'est vous qui manquez de sérieux ! Définir une cible d'âge entre 32 et 37 ans, années où la fertilité a déjà pu commencer à diminuer, comme l'a expliqué M. le rapporteur, n'est-ce pas fixer une limite sérieuse ?
En outre, je vous rappelle le parcours en lui-même : séquence hormonale, traitement hormonal, prélèvements, tout cela n'est pas anodin ; on ne se lève pas un matin en se disant : « Tiens, et si j'allais faire une autoconservation ? ». Il faut se rendre compte du geste que cela représente pour une femme. Ce sera toujours un choix très difficile et sérieux.
Monsieur Hetzel, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut améliorer la sensibilisation. Il faut en effet sensibiliser à la fertilité, au don de gamètes et à beaucoup d'autres sujets, dont nous aurons l'occasion de reparler. Mais, sur la politique familiale, de quoi parlez-vous quand vous dites qu'il faut la reprendre ? Soyez plus explicites ! Voulez-vous revenir au modèle du mariage à visée nataliste, dans lequel on incite les jeunes à se marier et à faire des enfants très tôt, et abandonner le modèle du mariage d'amour, conclu une fois que l'on a rencontré quelqu'un avec lequel on est bien ? Je n'ose évidemment imaginer que tel est votre propos.
Devons-nous, plutôt, inciter les couples en union libre à faire, très jeunes, des enfants ? Est-ce le message à transmettre ? Un couple, quel qu'il soit, ne doit-il pas attendre d'avoir mûri son projet parental ? Quel est votre message derrière cette fameuse politique familiale ? Des choix de société ont été opérés il y a quelques décennies, à savoir laisser chacun choisir, dans la libre détermination de son corps et de son épanouissement personnel, l'individu qu'il souhaite devenir. Cette assemblée n'a cessé de confirmer cette orientation au fil des années. Nous n'allons pas revenir là-dessus aujourd'hui !
Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : il y a évidemment une pression sur les femmes au travail, mais elle n'a pas attendu l'autoconservation des gamètes pour s'exercer. J'avais 23 ans la première fois que je suis entrée en entreprise et que l'on m'a mis la pression sur une éventuelle maternité : 23 ans ! J'ai entendu ce refrain environ tous les deux ans dans ma vie professionnelle. La plupart des Françaises vous diraient la même chose ! Que comptez-vous faire dans ce domaine ? Avez-vous des propositions de loi destinées à sanctionner plus gravement les employeurs qui mettent la pression sur les femmes ? Allez-vous proposer – je rejoins le collègue Éric Coquerel – un congé de paternité équivalent au congé maternité ? Que comptez-vous faire ?
Il y a bien une urgence, mais elle tient non pas à l'interdiction de l'autoconservation mais à la différenciation des situations et à la nécessité de libérer la femme de certaines contraintes biologiques – l'autoconservation le permet – et, surtout, sociales. Il n'y a pas de confusion entre ces luttes que nous devons mener conjointement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame Dubost, je vous renvoie à l'avis no 126 de 2017 du CCNE, auquel j'avais fait allusion lors de mon intervention sur la politique familiale. Je vous invite à le lire si vous n'avez pas eu l'occasion de le faire. Le Comité y recommandait qu'« un effort particulier soit consenti par la société pour faciliter la maternité chez les jeunes femmes qui le souhaitent ». Il y a dans cet avis un développement très intéressant sur cette question.
Ne cherchez surtout pas à nous stigmatiser en qualifiant notre vision de ringarde ! La politique familiale est, au contraire, très noble, et vous nous feriez un mauvais procès. Vous devriez vous pencher sur cet avis et sur les mesures intéressantes qu'il défend : vous ne semblez pas vouloir le comprendre, ce qui est bien dommage pour une rapporteure.
L'amendement no 1458 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'alinéa 2 exige que le donneur soit majeur. L'amendement vise à ajouter la condition qu'il ait déjà procréé par les voies naturelles. La loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a supprimé cette disposition de notre droit. Avec la levée de l'anonymat et la mise en oeuvre d'autres mesures, il faut reposer cette question.
La suppression de l'exigence pour le donneur d'avoir déjà procréé n'a rien d'anodin, et le don d'ovocytes sans avoir procréé présente parfois des inconvénients. En effet, lorsque le donneur n'a pas procréé, il ne peut complètement réaliser la portée de son geste, alors que l'avoir déjà fait permet un consentement en toute connaissance de cause – pour les hommes qui ont la chance d'être père, la prise de conscience pleine et entière ne s'opère parfois qu'à l'arrivée du bébé, je vous le dis sincèrement et d'expérience. Les conditions de l'expression d'un consentement libre et éclairé ne paraissent pas réunies en l'état.
Accepter le don de gamètes de personnes n'ayant pas procréé risque, par ailleurs, d'entraîner des conséquences pour le donneur et pour les enfants issus du don : si, à 18 ans, un enfant, peut-être privé d'un deuxième parent, cherchait à entrer en contact avec son géniteur qui n'aurait pas eu d'enfant, une affection mutuelle pourrait se nouer. Que se passerait-il dans ce cas ? L'enfant issu du don pourrait avoir envie de rechercher davantage que son origine biologique. Il faut se poser ces questions dans une optique dynamique et à une échéance d'au moins dix-huit ans. En 1994, une majorité des parlementaires avait pensé que l'anonymat était une bonne chose, mais on a constaté que ses effets n'étaient pas bons pour les enfants. Soyons prudents et étudions bien les effets de cette mesure, notamment pour les relations entre les donneurs et les enfants qui deviendront majeurs.
Il est simplement défendu, en raison du temps programmé, monsieur le président.
En raison du temps programmé et de l'amicale pression de mes collègues, il est simplement défendu.
Sourires.
L'amendement no 1640 de Mme Agnès Thill est simplement défendu pour les mêmes raisons.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
L'avis de la commission sur ces amendements est défavorable, comme il l'était sur l'amendement no 1458 de Mme Ménard. En définitive, rétablir la condition de procréation antérieure au don serait néfaste à divers égards.
Je rappelle qu'elle a été supprimée par la loi du 7 juillet 2011, ce qui a permis non seulement de simplifier le don de gamètes destinés à la procréation, mais aussi d'augmenter de façon significative le nombre des donneurs, sans subir les inconvénients que vous craignez, chers collègues.
L'expérience, qui a été analysée très rigoureusement depuis 2011, démontre bien que cette évolution n'a pas du tout été néfaste, au contraire. Il n'est pas souhaitable de revenir en arrière.
Je n'ai pas de meilleurs arguments que le rapporteur : avis défavorable à tous ces amendements.
Je suis saisi de huit amendements, nos 922 , 56 , 379 , 739 , 847 , 1770 , 745 et 926 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 56 , 379 , 739 , 847 et 1770 , d'une part, et les amendements nos 745 et 926 , d'autre part, sont identiques.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 922 .
Les amendements identiques nos 379 de M. Patrick Hetzel, 739 de M. Marc Le Fur, 847 de M. Gilles Lurton et 1770 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Les amendements identiques nos 745 de M. Marc Le Fur et 926 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
En effet, monsieur Bazin, le don est gratuit, et il n'est pas question de modifier cet état de fait ! Il n'est pas davantage question de nourrir quelque crainte que ce soit.
Il n'existe aucune ambiguïté sur ce point : le don de gamètes, comme de toute partie du corps humain, ne peut qu'être gratuit. Soyez donc rassuré : votre intention est satisfaite et il n'y a aucun risque en la matière !
Par ailleurs, nous avons adopté en commission – et confirmerons notre position en séance publique – des amendements visant à interdire l'importation de gamètes faisant l'objet d'une quelconque commercialisation.
Les dons de gamètes, en France, sont absolument et totalement gratuits. Les gamètes qui peuvent éventuellement être importés ne pourront l'être qu'à la condition absolue qu'ils soient gratuits. Il n'existe donc aucun risque de commercialisation du don de gamètes. Chers collègues, soyez rassurés ! Il n'est pas nécessaire de le rappeler une douzième fois dans le projet de loi. Avis défavorable à tous ces amendements en discussion commune.
Je compléterai les propos de M. le rapporteur et suggérerai le retrait de tous ces amendements.
Ceux-ci sont largement satisfaits, par la convention d'Oviedo – notamment son article 21 interdisant le profit en la matière – signée et ratifiée par la France ; par l'article L. 16-6 du code civil ; et par le code de la santé publique, dont l'article L. 1211-4 dispose : « Aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte de ses produits ». Demande de retrait ou avis défavorable.
Je ne retirerai pas mon amendement. Je suis un peu interloqué. Lorsqu'il s'agit d'inscrire dans le projet de loi le principe de non-discrimination qui, pourtant, figure déjà dans le code de la santé publique, on l'y inscrit. Lorsqu'il s'agit d'y inscrire le principe de gratuité, on ne l'y inscrit pas.
Je suis un peu ennuyé. En matière de bioéthique, la gratuité du don est véritablement l'un de nos principes fondamentaux.
L'amendement no 922 n'est pas adopté.
Simplement défendu, en raison du temps programmé, monsieur le président.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, nous ne sommes pas rassurés par vos réponses. Nous savons fort bien que la pénurie de gamètes entraînera inéluctablement leur marchandisation, en exerçant une pression en ce sens. L'ouverture aux centres privés à but lucratif de l'assistance médicale à la procréation le démontre.
Nous proposons d'affirmer très clairement le principe de gratuité du don de gamètes, en prévoyant une sanction pour tout abus qui y contreviendrait. Ainsi, toute personne obtenant un don de gamètes en étant rémunérée ou en octroyant un avantage serait punie de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros, afin de s'assurer du maintien effectif de la gratuité.
L'amendement no 749 de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Breton propose d'alléger les sanctions prévues pour les établissements de santé et les personnes obtenant des dons de gamètes rétribués.
En effet, il propose de punir cette infraction de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros, alors même que le code pénal prévoit qu'obtenir des gamètes en échange d'un paiement, quelle qu'en soit la forme, est puni de cinq ans d'emprisonnement – soit plus de deux fois ce que vous proposez – et d'une amende de 75 000 euros – soit également plus de deux fois ce que vous proposez.
Je vous conseille donc de retirer vos amendements. Je doute que vous ayez l'intention d'alléger les pénalités frappant ceux qui pourraient se livrer à de tels trafics de gamètes. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 382 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 744 rectifié et 925 .
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement no 744 rectifié .
L'un de nos collègues a témoigné qu'il avait jadis donné des gamètes pour aider son frère et sa belle-soeur, qui avaient besoin d'un tiers donneur. Ainsi, si l'homme est le receveur des gamètes, il peut aussi arriver que la femme fasse un don d'ovocyte.
Je propose d'insérer, après l'alinéa 2, l'alinéa suivant : « Le couple receveur ne peut pas être donneur ». Il s'agit de lui éviter toute pression. La gratuité du don doit être respectée, et aucune contrepartie, de quelque nature qu'elle soit, ne doit être prévue.
Rien de surprenant, vous êtes favorable à la méthode ROPA – réception d'ovocytes de la partenaire !
Nous aurons ultérieurement l'occasion de statuer sur les conditions nécessaires à la protection du don de gamètes. Nous sommes ici hors du cadre dans lequel s'inscrit l'alinéa 2.
Les amendements identiques nos 744 rectifié et 925 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
L'amendement no 1459 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2328 rectifié de M. Jean François Mbaye est rédactionnel.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement contribue à la lisibilité du droit pour les citoyens. Avis favorable.
L'amendement no 2328 rectifié est adopté.
L'alinéa 4 prévoit le recueil du consentement du donneur. Nous proposons de faire en sorte qu'il prévoie également, si celui-ci est en couple, le recueil du consentement de l'autre membre du couple.
Le don de gamètes a des conséquences sur la vie du donneur, surtout si la levée de l'anonymat qui le protège, prévue à l'article 3 du présent texte, est votée. Il importe que le conjoint du donneur donne formellement son consentement.
Il me semble plus complet que ceux de nos collègues, car il précise que cette logique s'applique à « un couple marié, pacsé ou en concubinage au moment du don ». Nous tenons vraiment à assurer la prise en considération de l'accord du conjoint.
Vous imaginez, chers collègues, le cocktail formé par la conjonction de cette absence d'accord et de la disposition relative à la levée de l'anonymat du don. À dix-huit ans, une fois devenu majeur, l'enfant parviendra potentiellement à entrer en contact avec le foyer du donneur, ce qui peut susciter des tensions sociales.
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé l'importance d'assurer une stabilité à l'enfant et de faire primer son intérêt. Il convient d'assurer également celui des enfants vivant dans un foyer comportant un donneur.
L'amendement no 139 de Mme Annie Genevard est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur tous ces amendements ?
M. Bazin tient beaucoup à son amendement, ce qui est légitime, puisqu'il l'a rédigé ! Nous, nous tenons à ce qu'il ne soit pas introduit dans le projet de loi.
Nous ne voulons pas revenir à cette période révolue des dons de couple à couple, qui ont provoqué tant de difficultés et tant de désarroi par le passé ! Le don de gamètes est chose personnelle.
Je suis tout à fait favorable aux couples, surtout quand ses membres sont liés par le plus grand des amours, mais, comme l'a rappelé l'un d'entre vous il y a quelques jours, tous ne durent pas éternellement. Dans ces couples qui se font et se défont, comment imposer des accords de don de couple à couple ? Cela ne me semble pas raisonnable.
Le don de gamètes engage chacun personnellement. Que le donneur tienne informé son conjoint ou sa conjointe – pacsé, marié ou en concubinage – , c'est très bien, mais cela relève de sa liberté. On a le droit, même si on est en couple, de prendre des décisions individuelles.
Au demeurant, cela est important pour les hommes, mais peut-être plus encore pour les femmes. Faisons en sorte que les femmes ne doivent pas demander à leurs maris l'autorisation de donner des gamètes, de même qu'elles ne doivent plus leur demander une autorisation pour travailler ou posséder un carnet de chèques depuis plusieurs décennies !
Ne revenons pas en arrière ! Dans un couple, la femme, comme l'homme, a le droit de prendre une telle décision. Elle a également le droit d'en tenir informé son mari. Ce n'est pas le couple qui donne, mais l'un de ses membres. Cette disposition a été abrogée pour de bonnes raisons, restons-en là.
Avis défavorable. L'information du partenaire est en effet légitime et le Gouvernement l'encourage ; demain, les professionnels inciteront le donneur à faire connaître son acte à son conjoint. Nous l'avons déjà dit, les règles de bonnes pratiques seront réactualisées, et ce point pourra leur être intégré.
Mais, monsieur Breton, vous vous interrogiez tout à l'heure sur l'intervention de l'État dans la sphère familiale. Eh bien, ici, je vous rejoins : nous considérons que ce que vous proposez relève davantage de la sphère privée que de la loi. Nous préférons laisser les couples décider eux-mêmes de l'attitude à adopter.
Par ailleurs, le recueil du consentement de l'autre membre du couple n'a lieu aujourd'hui qu'en France : il nous semble nécessaire d'adapter nos règles aux évolutions de la société.
Il faut enfin sécuriser le don de gamètes en permettant au seul donneur de révoquer son consentement jusqu'à l'utilisation des gamètes.
Mais c'est fou ! Nous vous posons des questions sur l'enfant, sur les autres enfants, et vous n'y répondez pas. Je suis perturbé ! Allons-nous tendre vers une individualisation totale ? Un couple qui reste ensemble ne mérite-t-il pas toute notre considération ? Aujourd'hui, 78 % des enfants vivent avec leurs parents, et c'est une bonne chose pour les enfants eux-mêmes ; demain, l'irruption d'un autre enfant qui serait devenu majeur peut créer une instabilité, des tensions, qu'il ne faut pas négliger.
On ne donne pas des gamètes comme on donne son sang ! C'est un engagement profond dont les implications sont beaucoup plus importantes. Le rapporteur, je le sais, pense que le mariage est complètement désuet. Nous sommes en désaccord : je crois, moi, qu'il s'agit d'une belle institution sociale. Ayant été maire pendant près de dix ans, je suis en particulier très touché par l'article du code civil qui dispose que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». Le mariage est une cellule de solidarité et d'entraide.
Or, ici, vous créez quelque chose qui ne correspond pas à cette institution telle qu'elle existe dans la société française ; d'autres sociétés, d'autres pays, ne conçoivent pas le mariage de la même façon : les articles de loi qui l'encadrent sont différents. Comment imaginons-nous la société de demain ? Voulons-nous éviter des tensions dans les foyers, voulons-nous assurer une plus grande stabilité aux époux comme aux enfants ? Voilà la question, elle est très importante.
L'exception française était une belle chose, dont nous pouvions être fiers ; j'espère que nous pourrons la conserver.
Vous dites que nous sommes le seul pays où l'on demande le consentement du conjoint, monsieur le secrétaire d'État. Tant mieux ! Soyons fiers de l'exception bioéthique française, et ne nous alignons pas sur les logiques utilitaristes anglo-saxonnes ! Nous sommes porteurs d'une vision, d'une tradition, où la personne humaine n'est pas un individu interchangeable, standardisé, anonyme : soyons-en fiers.
À vous entendre, on dirait que l'accord du conjoint est une disposition désuète qui date du siècle dernier, voire du siècle précédent. Mais c'est la loi actuelle, monsieur le rapporteur ! Elle stipule : « Le donneur doit avoir procréé. Son consentement et, s'il fait partie d'un couple, celui de l'autre membre du couple sont recueillis ». Nous ne demandons que le maintien de dispositions qui sont aujourd'hui en vigueur, et qui n'ont rien de rétrograde, puisqu'elles ont été votées en 2011.
Au-delà, c'est la conception de la famille qui est en jeu. Vous voudriez, vous, la désintégrer pour en faire une addition d'individus liés par un contrat – ce qui se traduit par exemple dans des mesures fiscales très concrètes, puisque vous souhaitez une individualisation de l'impôt, que prépare le prélèvement à la source, alors que nous défendons la familialisation. Nous avons au contraire la conviction profonde que la famille existe, et que la notion de couple a une réalité. Il ne faut pas la surévaluer, bien sûr, mais un don de gamètes, ce n'est tout de même pas anodin, surtout après la levée de l'anonymat, si elle est votée.
C'est une mesure de précaution que nous vous proposons, et même une mesure d'affirmation de la réalité du couple dans notre société.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui porte sur l'éventuelle révocation du consentement. C'est notre sage collègue Gilles Lurton qui vous le propose, et je crois que vous pouvez lui faire confiance.
Sourires.
Monsieur Bazin, vous utilisez souvent le terme de « rédactionnel » : à chaque fois, il faut se pencher de très près sur l'amendement en question, car vous cherchez ainsi à dissimuler vos intentions.
Sourires.
Sourires.
Mais si, mais si.
Si nous adoptions cette disposition, qui est contraire à l'esprit de la loi, nous n'améliorerions pas la sécurité du don, puisque la révocation pourrait intervenir à n'importe quel moment, y compris lorsque le gamète est manipulé dans le cadre d'une fécondation in vitro.
Avis défavorable à cet amendement qui n'est pas rédactionnel.
L'amendement no 868 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2546 .
Je n'ai pas pu, en raison d'un contretemps, présenter mon amendement no 2545 ; celui-ci est un amendement de repli, sur le même sujet.
Il s'agit d'une question très complexe, et pour être sincère, je vous dirai que je ne sais pas quelle est la bonne solution.
Le don de gamètes affecte peu ou prou la vie du couple ; penser qu'il s'agit d'une démarche uniquement individuelle me paraît très réducteur. C'est plutôt, à mon sens, un engagement à deux. Ces amendements tendaient donc à préciser que le don se fait à deux, que c'est un don du couple, puisque la fertilité de l'un des membres du couple conditionne en quelque sorte celle du couple lui-même.
Ces amendements font également suite aux réflexions menées par la fédération des CECOS, ainsi qu'au rapport de l'OPECST – Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques – du 25 octobre 2018 : en n'exigeant pas le consentement, ou l'information, du partenaire de vie, on risque de retenir un candidat au don dont le partenaire s'opposerait à la démarche. Cela pose question, surtout dans un cadre où l'anonymat sera levé. Des révélations pourront avoir des conséquences sur un couple, dont l'un des membres aurait ignoré le don de l'autre.
De plus, une femme peut difficilement dissimuler son don – le conjoint sera peu ou prou au courant, du fait des nécessaires démarches médicales – , tandis que la réciproque n'est pas vraie.
Ces deux amendements voulaient poser cette question qui me paraît bien réelle. À la réflexion, ils me semblent trop contraignants, puisqu'ils imposent, l'un, un consentement, et l'autre, une information. Mais le problème est véritable : comment associer le couple à une démarche de don de l'un ou l'autre de ses membres ? Nous pourrons peut-être nous pencher à nouveau sur cette question.
Je retire l'amendement.
L'amendement no 2546 est retiré.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 2240 .
Cet amendement, que ma collègue Annie Genevard et moi-même avons déposé, est important. S'il est parfaitement normal de ne pas imposer aux donneurs de gamètes les études de suivi, nous pensons qu'il est nécessaire d'imposer aux équipes de les proposer, et de les mener si les donneurs les acceptent. Notre société doit prendre cet engagement.
Cet amendement, je vous l'accorde, monsieur le rapporteur, n'est pas tout à fait rédactionnel.
Sourires.
Vous avez raison, monsieur Bazin, cet amendement n'est pas tout à fait rédactionnel. Nous avons déjà évoqué cette question hier ; par cohérence, j'émettrai à nouveau un avis défavorable.
Souhaiter des études de suivi et les systématiser en les imposant aux personnes, ce n'est pas la même chose.
Nous ne voulons pas les imposer aux personnes, mais obliger les équipes à les mener si les personnes le souhaitent.
Nous préférons écrire qu'une étude de suivi « peut être » proposée à « est » proposée. Nous laissons ainsi clairement le choix aux uns et aux autres.
Même avis.
Non, monsieur le président, je ne veux pas utiliser tout le temps de mon groupe !
Sourires.
Sourires.
Nous sommes passés en quelques minutes sur cette question du consentement, ou de l'information, du conjoint. Elle a, je le rappelle, été abordée par un rapport de l'OPECST ; celui-ci alertait sur les risques qui pouvaient survenir si nous ne prêtions pas attention à la situation. La fédération des CECOS a également appelé notre attention sur ce sujet.
Je l'ai déjà dit plusieurs fois : le rôle de l'opposition, c'est de se faire lanceur d'alerte et de prévenir la majorité lorsque des lignes rouges sont sur le point d'être franchies. Mme Tamarelle-Verhaeghe a certes retiré son amendement, mais celui-ci était tout à fait fondé, car il posait une question de fond. L'absence de consentement ou même d'information du conjoint dans un processus de don pose problème. Un don de gamètes, ce n'est pas du tout la même chose qu'un don du sang, tout le monde le dit, même s'ils sont gratuits tous les deux.
Le rejet de ces amendements pose vraiment problème. Une nouvelle fois, ce Gouvernement nous propose, dans le cadre de ce projet de loi bioéthique, du moins-disant éthique. C'est un vrai problème politique.
L'amendement no 2240 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1462 .
C'est un débat que nous avons eu en commission. La loi dispose que le recours aux gamètes d'un seul donneur ne peut « délibérément » conduire à la naissance de plus de dix enfants et c'est ce mot de « délibérément » que vous souhaitez voir supprimer, madame Ménard. Or on ne peut pas assurer à 100 % qu'il ne naîtra pas plus de dix enfants d'un même don de gamètes Il est possible en effet que dans certaines circonstances il en naisse onze, par exemple si la dixième fécondation donne lieu à une grossesse gémellaire. L'un des jumeaux n'aura-t-il pas droit, alors, à son état civil ? L'emploi du mot « délibérément » a simplement pour fonction d'indiquer que tout doit être fait pour ne pas excéder cette limite raisonnable de dix enfants par donneur, par exemple si la grossesse gémellaire intervient à la cinquième ou à la sixième fécondation. Avis défavorable.
L'amendement no 1462 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il faut quand même que nos collègues sachent de quoi on parle ! Les membres de la commission ont été alertés sur le fait que le risque de consanguinité est d'autant plus élevé que les enfants de tiers donneurs ont tendance à se regrouper autour de leur problématique commune et qu'il arrive qu'ils se prennent d'affection les uns pour les autres. La question alors se pose à eux : celui ou celle avec qui je souhaite construire quelque chose peut être mon frère ou ma soeur.
C'est pourquoi, d'ailleurs, certains proposeront par voie d'amendements qu'on étende la levée de l'anonymat aux fratries issues du même donneur. Nous préférons la voie de la prévention : c'est pourquoi nous proposons que la limite soit fixée à cinq au lieu de dix – certains, je le sais, préféraient quinze ! – le nombre d'enfants issus d'un même donneur.
L'amendement no 1463 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Il n'est pas aisé de lutter contre la pénurie de gamètes tout en cherchant à réduire le nombre d'enfants qui peut naître d'un même donneur. Vous imaginez bien que le choix de retenir le nombre de dix naissances est issu d'une longue réflexion. S'il arrive exceptionnellement que onze enfants naissent d'un même donneur, bien souvent il en naît moins de dix et on reste dans des proportions tout à fait raisonnables. Ce chiffre est donc une juste mesure entre les abus qu'on a pu connaître dans un lointain passé, où il pouvait arriver qu'une centaine d'enfants naissent d'un seul donneur, et une limitation excessive à quatre ou cinq enfants par don.
Oui, il est compréhensible et légitime que les enfants connaissent leurs origines et nous allons les y aider. Connaissant leurs origines, ils seront avertis sur le risque d'un géniteur commun, dont la probabilité sera faible compte tenu de cette limitation à dix. Descendre à cinq aboutirait à coup sûr à la pénurie que vous dites vous-même redouter.
Les alinéas 6 à 21 sont d'une importance cruciale ; les supprimer changerait radicalement la tonalité du texte. Par ailleurs la commission a, je le répète, introduit dans le texte l'interdiction de toute forme de prise en charge par l'employeur. Si c'était une de vos craintes, vous pouvez donc l'éloigner de votre esprit.
Expliquer l'intérêt de chacun de ces alinéas nous entraînerait trop loin mais, croyez-moi : ils sont vraiment utiles et je pense que vous serez très fiers de les voter ! Avis défavorable.
Pour les raisons développées en réponse aux demandes de suppression de cet article, l'avis est défavorable à des amendements qui vont à l'encontre du projet du Gouvernement.
Nous sommes très favorables à l'article 2, qui élargit les possibilités d'autoconservation des ovocytes. Les ouvrir aux femmes âgées de 32 ans ou plus nous semble cependant trop restrictif. Aujourd'hui, en effet, de nombreuses femmes souffrent de pathologies telles que l'endométriose ou l'insuffisance ovarienne prématurée et auraient besoin de pouvoir procéder à l'autoconservation de leurs ovocytes. Or elles risquent de se voir refuser cette possibilité.
On nous répondra peut-être que certaines femmes risqueraient de prendre une telle décision avec légèreté, mais nous savons tous que c'est une opération qui n'est pas anodine : il est peu vraisemblable que des femmes y recourent sans avoir une bonne raison. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons qu'elles soient autorisées à le faire à partir de 18 ans.
Le Conseil d'État sera, certes, amené à fixer des âges optimaux pour la conservation des gamètes, mais nous pensons que l'âge de 25 ans est le seuil raisonnable pour autoriser ces jeunes femmes à donner leurs ovocytes.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1049 .
Il vise à différencier les intervalles d'accès et de remboursement à l'autoconservation de gamètes. Pourquoi, en effet, opposer un refus à une telle demande si la patiente en assume le coût ? Par ailleurs ces gamètes pourraient alimenter le circuit du don d'ovocytes.
En précisant toujours que c'est le Conseil d'État qui, par décret, fixera les périodes de don…
… il est proposé d'introduire la notion de « périodes de fertilité maximale », pour éclairer le choix du Conseil d'État, car nous savons très bien qu'il y a une période optimale de prélèvement des gamètes.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1063 rectifié .
Si la disposition que je propose dans l'amendement no 1049 n'était pas retenue, celui-ci vise à ce qu'elle fasse l'objet d'une expérimentation d'au moins trois ans.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
La commission a émis un avis défavorable sur tous ces amendements, non qu'elle ne soit pas sensible à leurs arguments, mais le projet de loi a la sagesse de ne pas fixer un âge limite, considérant qu'il revient aux professionnels de l'Agence de biomédecine de le définir en fonction de données objectives et des besoins de ces personnes – de ces très jeunes femmes de 32 ans ou de ces extraordinairement jeunes femmes de 18 ans ! Le décret en Conseil d'État se fondera sur leurs recommandations.
Je veux rassurer les auteurs de ces amendements : toute indication médicale, qu'il s'agisse de l'endométriose ou de toute autre pathologie, exonère de ces limites d'âge et permet l'autoconservation à tout moment. En cas de pathologie maligne, de chimiothérapie, que sais-je, l'autoconservation peut même être autorisée à des mineures. Mais s'agissant des demandes motivées par des raisons autres que médicales, ce seront les professionnels de l'Agence de biomédecine qui inspireront la plume du Conseil d'État.
L'avis sera également défavorable à l'ensemble de ces amendements tendant à ce que la loi fixe un âge, probablement inférieur à celui qui sera défini par décret si l'on se fie à l'étude d'impact.
À 25 ans, monsieur Martin, on a encore toutes ses chances de procréer de façon naturelle. Il me semble donc que votre proposition ne répond pas à un besoin réel. Madame Pau-Langevin, je vous rappelle ce que j'ai déjà dit tout à l'heure : dans le décret, seront compris les risques médicaux de la procréation liés à l'âge, avec la place des enfants à naître dans les générations familiales. Vous motivez le fait de permettre aux femmes d'accéder dès 18 ans à l'autoconservation pour des pathologies risquant d'affecter la fertilité des femmes, notamment l'endométriose : or nous sommes là dans le cadre de l'autoconservation à des fins médicales. Dans ce cadre, il n'y a bien sûr, le rapporteur l'a précisé, aucune limite d'âge, aux termes de l'article L. 2141-11 du code de la santé publique.
Puisque vous l'évoquez, je me permets de souligner que la détection d'une endométriose nécessite une attention particulière et une meilleure formation des professionnels de santé. Cela a été l'objet de nombreux débats au sein de cette assemblée. C'est la raison pour laquelle la ministre des solidarités et de la santé a lancé un plan d'action dont un volet est dédié à la préservation de la fertilité dans ce cadre. Toutefois, l'autoconservation n'est pas systématiquement indiquée dans toutes les formes d'endométriose ; la situation relève d'une appréciation médicale, d'où les actions d'information et de formation qui seront engagées.
L'objectif de cet article est de permettre l'autoconservation de gamètes sans l'encourager. C'est pourquoi des limites d'âge seront prévues par décret, en restant, notamment pour le prélèvement d'ovocytes, qui n'est pas un geste anodin, dans des cadres où le rapport entre les bénéfices et les risques est favorable.
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à l'ensemble de ces amendements.
Les amendements nos 1794 , 1807 ,1049 , 1803 et 1063 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Il vise à ajouter la mention « lorsque les raisons médicales l'exigent » à l'alinéa 8 de l'article 2. Cette proposition s'inscrit dans le droit fil des arguments que nous venons de développer. Nous considérons que l'autoconservation doit être rendue possible lorsque des raisons médicales l'exigent, mais qu'elle ne doit pas être généralisée.
L'amendement no 924 de M. Thibault Bazin est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Il serait contraire à l'esprit de la loi d'exclure l'autoconservation lorsqu'aucune indication médicale ne l'impose. L'article 2 détaille les conditions s'appliquant aux personnes ayant pour projet personnel d'effectuer une autoconservation ou de donner leurs gamètes à un tiers.
Quant à l'article 22, il décrit très précisément les conditions dans lesquelles les personnes qui affrontent un parcours médical ou thérapeutique susceptible d'altérer leur fertilité peuvent recourir à l'autoconservation, en vue d'utiliser leurs gamètes ultérieurement. Cet article n'impose pas de contrainte d'âge et instaure une grande facilité, y compris dans la délivrance d'informations aux intéressés. J'émets par conséquent un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Avis défavorable, pour les raisons que nous avons exposées lors des débats précédents.
L'amendement no 2242 de Mme Annie Genevard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Monsieur Bazin et madame Genevard voudraient réserver l'autoconservation aux seuls ovocytes, et ainsi priver les hommes de toute possibilité d'autoconservation.
Je n'ai pas sous-entendu que vous aviez des propensions castratrices, mais que vous souhaitiez réserver l'autoconservation aux femmes ! Avis défavorable.
Avis défavorable.
L'amendement no 2242 n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 2135 .
Il vise à préciser que la restitution des gamètes conservés doit avoir pour finalité « la réalisation d'un projet parental ».
Même avis.
L'amendement no 2135 n'est pas adopté.
En supprimant les mots « dans les conditions prévues au présent chapitre » à la fin de l'alinéa 9, cet amendement vise à permettre aux personnes d'exporter leurs gamètes à l'étranger, pour deux raisons principales. Tout d'abord, les personnes qui déménagent et qui n'ont pas l'intention de revenir en France peuvent vouloir bénéficier d'une AMP dans leur nouveau pays de résidence. Ensuite, les délais d'attente étant toujours très longs dans certains centres français, des couples risquent d'avoir recours à une AMP à l'étranger. La possibilité d'exporter leurs gamètes les allégerait d'un poids. En d'autres termes, cet amendement vise à accorder davantage de liberté à celles et ceux qui souhaitent recourir à une AMP.
Je vous propose de retirer cet amendement, en faveur de l'amendement no 2228 que nous examinerons bientôt. Ce dernier, qui définit les conditions d'importation et d'exportation des gamètes selon les standards éthiques du droit français, donnera satisfaction à votre demande légitime.
Je demande le retrait de cet amendement, dont l'intention sera satisfaite par l'amendement no 2228 . Les exportations de gamètes sont actuellement permises et restent possibles dans le cadre du présent projet de loi. Elles sont soumises à une autorisation de l'Agence de la biomédecine, qui s'assure que les gamètes sont effectivement utilisés dans le pays de destination, conformément à nos normes de qualité et de sécurité et dans des conditions éthiques comparables à celles qui valent dans notre pays.
Ce régime d'autorisation a notamment pour objet, notamment, d'empêcher un contournement de nos principes éthiques par une exportation vers un pays où la législation serait moins exigeante. Les mots que vous souhaitez supprimer sont indispensables : ils garantissent que l'AMP effectuée à l'étranger avec des gamètes exportés répond bien à nos principes et à nos normes. Sachant toutefois que nos intentions se rejoignent, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 1036 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements, nos 2346 , 2472 et 2473 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2472 et 2473 sont identiques.
Sur l'amendement no 2472 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 2346 de Mme Caroline Janvier est défendu.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 2472 .
Il vise à mettre en cohérence la possibilité pour une personne transgenre de conserver ses gamètes avec la possibilité de les utiliser ultérieurement en vue d'une PMA. Cette autoconservation n'a pas de sens, si ce n'est de pouvoir donner naissance à un enfant sans recourir à un tiers donneur – je pense notamment à un couple de femmes dont l'une est cisgenre et porte l'enfant, et dont l'autre est transgenre et a pu conserver ses gamètes.
Pour couper court à vos éventuels contre-arguments, je vous renvoie à l'étude Myosotis menée par David Cohen et Agnès Condat sur le développement psychoaffectif des enfants conçus par assistance médicale à la procréation et dont le père est transgenre. Elle démontre que l'identité de genre des parents n'a pas d'impact sur l'épanouissement des enfants. La transidentité n'est donc en aucun cas une contre-indication à la parentalité, pas plus pour les hommes que pour les femmes.
Alors que l'on autorise une personne à autoconserver ses gamètes, craignant qu'elle ne puisse plus engendrer après sa transition, il est impensable de lui interdire d'effectuer une PMA avec ces mêmes gamètes. Cela équivaudrait à inscrire dans la loi une discrimination selon le sexe à l'état civil, puisqu'une femme transgenre n'ayant pas fait de changement à l'état civil pourrait utiliser ses gamètes dans un projet de PMA, alors qu'une femme transgenre ayant fait son changement à l'état civil ne le pourrait pas.
Les personnes transgenres n'ont pas à être placées devant une alternative terrible entre la parentalité et la mention à l'état civil qui respecte leur identité de genre, au nom d'une conception trop rigide de cette identité.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 2473 .
C'est en tant que président du groupe d'études contre les discriminations et LGBTQI-phobies dans le monde que je défendrai cet amendement. La loi a beau comporter de nombreuses avancées, elle présente une incohérence : elle autorise les personnes transgenres à conserver leurs gamètes tout en leur interdisant de les utiliser ultérieurement dans le cadre d'une PMA. Il n'y a là aucune logique. Pourquoi ne pas leur permettre d'agir comme un couple hétérosexuel, c'est-à-dire d'organiser une PMA sans tiers donneur, en recourant aux gamètes de la femme transgenre qui les aura autoconservés avant son changement d'état-civil ?
Il se pose ici une question d'égalité et d'humanité. Pourquoi demander à un couple qui pourrait bénéficier d'une PMA sans tiers donneur de recourir à un tel tiers ? De ce point de vue, la loi présente une incohérence fondamentale, qui entraînera de toute évidence la condamnation de la France devant les instances européennes : il n'est pas possible que le code civil condamne des discriminations fondées sur l'identité de genre, que la loi relative à la bioéthique consacrerait. Une fois encore, nous défendons ici une mesure d'égalité et d'humanité, qui ne poserait a priori de problème à personne.
Applaudissements sur les bancs du groupe La France insoumise. – Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon applaudit également.
Nous ne pouvons pas, sans dommage, interdire l'autoconservation des gamètes à des personnes transgenres. Du reste, un grand nombre de CECOS et de centres la réalisent déjà. Ceux qui s'y opposent – ils sont rares – ont été accusés de discrimination. La logique n'est pas de réserver l'autoconservation à des personnes d'un sexe ou d'un autre, ni aux personnes transgenres ou à celles qui ne le sont pas, ce qui nous ferait, du reste, encourir des poursuites significatives. J'émets donc un avis favorable.
Vous souhaitez que la loi précise qu'une personne transgenre peut conserver ses gamètes. Or l'article L. 2141-11 du code de la santé publique, qui traite de la préservation de la fertilité avant une maladie ou un traitement potentiellement stérilisant, n'exclut pas les personnes transgenres. Le défenseur des droits l'a d'ailleurs rappelé dans son avis du 22 octobre 2015. Les personnes transgenres peuvent être accueillies et prises en charge par les centres de préservation de la fertilité en vue d'une conservation de leurs gamètes. Tel est l'état du droit. Si des CECOS y contrevenaient, un rappel des règles leur serait transmis. Il n'y a donc pas de raison de viser spécifiquement cette situation dans la loi, puisque le cadre actuel y répond déjà. Nous ne rouvrirons pas pour autant – comme vous cherchez à le faire – la question de l'AMP pour les personnes transgenres, qui a déjà fait l'objet de nombreux débats.
Je le répète, l'état du droit permet aux personnes transgenres de recourir à l'autoconservation des gamètes. Comme nous l'avons expliqué hier, l'utilisation de ces gamètes dépendra de l'état-civil de la personne au moment où elle en exprimera la volonté.
En conséquence, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que nous nous comprenions bien. S'agissant de la conservation des gamètes, je vous donne raison, abstraction faite des CECOS qui ne respectent pas le droit et sont condamnés à ce titre. Toutefois, nous parlons ici d'une femme transgenre qui voudrait que ses gamètes soient implantés chez sa partenaire. Il s'agirait de permettre à une femme cisgenre de bénéficier d'une PMA, et non d'ouvrir la PMA à une personne transgenre.
Nous parlons bien d'une PMA pour une personne cisgenre en couple avec une personne transgenre, qui pourrait utiliser les gamètes de son partenaire plutôt que de recourir à un don anonyme. En revanche, il ne s'agit absolument pas d'ouvrir la PMA à une personne transgenre.
Il s'agit, par ces amendements, de permettre à une personne cisgenre de bénéficier des gamètes de sa partenaire transgenre. Et soyez certain, monsieur le secrétaire d'État, que nous continuerons à demander la PMA pour toutes, y compris pour les personnes transgenres. Si nous avons voté en faveur de l'article 1er, nous avons dit et nous redirons que ce rétablissement du droit et de l'égalité est partiel, puisqu'il exclut les personnes transgenres.
Sur ce point, je ne sais pour quelle raison – oubli, oppositions internes ? – , vous reculez. Il est en tout cas regrettable que vous ne fassiez qu'un petit pas, que vous fassiez les choses à moitié, comme ce fut déjà le cas sous la précédente législature. Il faudra donc à nouveau se mobiliser, et nous continuerons, par tous les moyens, tous les véhicules possibles, à réclamer l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, cisgenres et transgenres.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous avoir rappelé l'état du droit ainsi que l'avis du Défenseur des droits. Je voudrais toutefois souligner qu'il existe une distinction entre « peut » et « doit » : à l'heure actuelle, les CECOS – centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains – peuvent assurer l'autoconservation des gamètes ; et dans la pratique, d'un CECOS à l'autre, il arrive que l'on oppose au requérant le fait que son infertilité ou sa stérilité est la conséquence d'une démarche volontaire de traitement médical.
Votre mise au point permettra, je pense, de régler ce point. Il reste que, dans ce domaine, ce qui n'est pas permis aujourd'hui le sera peut-être dans cinq ou dix ans, et que l'objectif de l'autoconservation des gamètes est, non pas de les utiliser immédiatement, …
… mais de mener à bien un projet parental dans le futur. En interdisant aujourd'hui l'autoconservation aux personnes transgenres, on préjuge de ce que sera la loi dans dix, quinze ou vingt ans. À mon sens, ce n'est pas possible.
L'amendement no 2346 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 16
Contre 28
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement no 1740 .
Il s'agit d'une demande de rapport – quoique je sache que cela n'enthousiasme pas l'Assemblée. Nous voudrions néanmoins mieux connaître le profil des personnes qui se voient refuser une AMP ou l'autoconservation de leurs gamètes. Nous souhaiterions avoir connaissance de leur nombre, ainsi que des raisons pour lesquelles elles ont été exclues de ces dispositifs.
L'amendement est satisfait par l'article 1418-1 du code de la santé publique, qui charge l'Agence de la biomédecine « de suivre, d'évaluer et, le cas échéant, de contrôler les activités médicales et biologiques ». Demande de retrait ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
Je partage l'analyse du rapporteur. Même avis.
L'amendement no 1740 est retiré.
Je demande une suspension de séance, monsieur le président.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures dix.
La séance est reprise.
L'amendement no 2211 de M. Jean-Louis Touraine est rédactionnel.
L'amendement no 2211 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 927 de M. Thibault Bazin est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
Il s'agit d'un simple amendement de précision, tendant à ajouter « , les responsabilités » après « risques » !
Monsieur Bazin, vous voulez attribuer des « responsabilités » au recueil, au prélèvement et à la conservation, mais les responsabilités s'attribuent à des personnes physiques ou morales ! Peut-être est-ce un problème de rédaction, mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
Monsieur Bazin, je commence à comprendre la ruse qui consiste à parler hors micro pour que le temps ne soit pas décompté…
Sourires
La parole est au rapporteur, que j'invite à donner son avis. M. Bazin pourra ensuite y réagir, mais son temps de réponse lui sera décompté.
L'avis est défavorable : une démarche – ce dont il s'agit en l'espèce – peut présenter des risques, des inconvénients, des limites, mais elle ne saurait avoir de responsabilités. Le terme de « responsabilité » ne peut, en l'état, figurer dans cet alinéa.
Si M. Bazin souhaite, dans un contexte différent, rappeler que chacun doit prendre ses responsabilités, c'est une autre affaire, mais, en l'état, la commission est défavorable à cet amendement.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Sourires.
L'amendement no 927 n'est pas adopté.
Cet amendement, qui est pour ainsi dire collectif, tend à ce que la liberté de consentement de l'intéressé soit correctement appréciée.
Avis défavorable : sans reprendre dans le détail chacun des éléments, je rappellerai que l'équipe pluridisciplinaire est déjà définie et qu'il n'est pas nécessaire de revoir sa composition ni de préciser les conditions de l'entretien. Inscrire dans la loi le détail du déroulement des entretiens conduirait à rigidifier avec excès le protocole et trahirait une forme de défiance à l'encontre des personnes qui en auraient la charge.
Bref, autant je comprends le souhait légitime de prévenir toute dérive – ce qui est le sens de la loi – , autant je crois nécessaire, pour que ces dispositions deviennent effectives, que les professionnels puissent se les approprier.
En l'espèce, nous ne pouvons pas rigidifier à l'excès l'ensemble des pratiques.
Avis défavorable. Je suis d'accord avec M. le rapporteur quant à la nécessité de laisser une marge d'appréciation à l'équipe. Par ailleurs, cette mesure est d'ordre réglementaire.
Les amendements identiques no 60 de M. Xavier Breton, no 383 de M. Patrick Hetzel et no 928 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Sourires.
Ces amendements sont en grande partie satisfaits par l'alinéa 10, qui prévoit une « information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites ». Les autres précisions souhaitées relèvent du domaine réglementaire, comme vient de l'indiquer M. le secrétaire d'État.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Les amendements identiques no 1816 de M. Patrick Hetzel et no 2067 de M. Xavier Breton sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable : des mesures d'encadrement ont déjà été adoptées par la commission. Je pense que nous ne pouvons pas aller plus loin sans risque.
Cet amendement vise à préciser le texte adopté par la commission spéciale afin de bien différencier les dons de spermatozoïdes des dons d'ovocytes, pour lesquels le parcours médical n'est pas le même. Nous tenons à indiquer que ce droit est ouvert uniquement lorsque les gamètes conservés sont des spermatozoïdes.
L'amendement no 2329 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 110 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 2045 .
J'ai déjà mentionné ce point, dont nous avions longuement discuté en commission, lors de mon intervention sur l'article. Si l'autoconservation des ovocytes représente une liberté importante, les enjeux qu'elle soulève et les risques qui y sont associés représentent un défi. La gestion de cette conservation devrait donc être confié au service public, plus à même de prévenir ces risques. Il m'a semblé qu'une majorité s'était dégagée en commission en ce sens ; la version finalement retenue n'a été adoptée qu'à l'issue de plusieurs votes. J'espère que nous parviendrons à retrouver cette majorité ici.
Je crains que s'il était adopté, votre amendement n'ait un résultat contraire à votre intention, madame Faucillon. En effet, en supprimant l'alinéa 12, vous permettriez à tous les établissements, y compris privés, d'agir sans autorisation, donc sans contrôle. Ce serait d'un libéralisme outrancier. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Avis défavorable : je pense moi aussi que la suppression de l'alinéa 12 irait dans le sens inverse du but recherché, qui est aussi celui de la série d'amendements que nous nous apprêtons à examiner.
L'amendement no 2045 n'est pas adopté.
Je suis saisi de six amendements identiques, nos 779 , 878 , 1542 , 1558 , 2194 et 2266 .
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 779 de Mme Marie-France Lorho est défendu.
La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale, pour soutenir l'amendement no 878 .
Comme nous l'avons réaffirmé tout à l'heure, le don est gratuit en France ; c'est un principe dont nous pouvons nous enorgueillir. Il implique que les produits de ce don restent dépourvus de valeur marchande. Tout profit doit donc être exclu de l'activité de recueil et de conservation – y compris d'autoconservation – des gamètes.
Nous proposons, par cet amendement, de revenir à la rédaction initiale de l'alinéa 12 qui disposait que « seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privé à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent [… ] procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes ».
On voit bien qu'un marché de la procréation est en train de s'organiser. Reconnaissons au moins le mérite de la cohérence aux députés qui ont proposé plusieurs amendements visant à ouvrir ce marché aux établissements privés à but lucratif ! Un vote ayant malheureusement permis de dégager une majorité en ce sens lors des débats en commission, il me semble important de rectifier le texte. Nous devons absolument interdire toute tentative de marchandisation du corps.
On le sait, l'extension de l'AMP va entraîner une pénurie de gamètes, donc la création d'un marché. On nous dira que ce marché se trouve pour l'instant hors de France ; mais l'on a déjà entendu circuler dans cet hémicycle l'argument selon lequel une pratique existant à l'étranger devait être autorisée en France. Un jour, on prétendra qu'il existe un achat éthique de gamètes.
Nous devons par conséquent agir dès maintenant en interdisant aux établissements privés à but lucratif de procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes. Ce n'est pas là leur faire un procès d'intention : leur intérêt les pousse naturellement à développer ces activités. Nous tenons à échapper à cette logique.
Nous verrons, par ce vote, qui est favorable à l'ouverture d'un marché de la procréation et aux pressions financières qu'il implique, et qui reste attaché à la notion d'intérêt général.
En défendant cet amendement, déposé à l'initiative de M. Mesnier et cosigné par plusieurs collègues de la majorité, je joins ma voix à celle d'autres groupes. Il importe de souligner, en rétablissant la rédaction initiale du projet de loi, que la conservation des gamètes ne peut pas être laissée aux centres privés : les gamètes ne sont pas des marchandises comme les autres.
C'est bien ce que je dis. Pour déjouer ce risque potentiel de marchandisation par les centres privés, nous souhaitons, comme vous, que cette gestion soit exclusivement dévolue aux centres publics ou aux centres privés à but non lucratif. Il est important de réaffirmer nos principes dans le cadre de cette loi de bioéthique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Excellent !
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 2266 .
Cette rédaction était le garde-fou affiché par Mme la ministre des solidarités et de la santé contre les dérives marchandes. Elle a malheureusement été modifiée en commission au cours d'une nuit qui a aussi été, au figuré, celle de la bioéthique à la française.
Nous entendons enrayer la possibilité de valorisation marchande de la pénurie de gamètes qu'entraînera l'extension de l'AMP avec tiers donneur – procédure qui ne concerne aujourd'hui que 4 % des enfants issus d'une AMP – , car elle ouvrirait la voie à toutes les dérives. Pour ce faire, nous proposons de confier la gestion de la pénurie à des établissements publics ou à des centres privés sans but lucratif. Il s'agit d'une défense essentielle contre une marchandisation inadmissible. Cette ligne rouge ne doit pas être franchie.
La commission a émis un avis défavorable, mais, à titre personnel, j'émets un avis de sagesse.
Permettez-moi de prendre un peu de temps pour répondre sur cette question.
Nous touchons ici à un point majeur de l'équilibre d'ensemble du projet de loi, et j'aimerais rappeler les conditions de la construction de l'article 2 et les questions, notamment éthiques, qui ont présidé à sa rédaction initiale – celle que vos amendements visent à rétablir.
Si l'autoconservation des gamètes est une mesure défendue par le Gouvernement, il n'a jamais été dans notre intention d'y associer une campagne d'incitation, surtout pas à destination des jeunes femmes, comme on a pu nous le reprocher. Nous ne serons donc pas confrontés à un déficit d'offre qui nécessiterait d'augmenter le nombre d'établissements autorisés, quitte à inclure des structures dont l'objectif serait de recruter le plus de candidates possibles.
Dans ce contexte, je ne souhaite pas modifier l'équilibre des lois de bioéthique actuelles qui excluent les établissements privés à but lucratif de l'activité de conservation des produits issus du corps humain. Nous nous appuyons en cela sur les travaux d'une académie que vous avez citée à de nombreuses reprises.
L'Académie nationale de médecine considère en effet que, pour éviter les démarches mercantiles, « seuls devraient être autorisés les centres publics à but non lucratif, offrant toutes les garanties techniques de succès de conservation des ovocytes ». En outre, nous espérons que les gamètes non utilisés seront orientés vers le don, si la personne y consent. L'exercice de l'activité de conservation dans les établissements publics ou privés à but non lucratif facilitera le transfert des gamètes vers le circuit du don.
D'autre part, je suis confiant sur le fait que les limites posées par ce projet de loi, notamment les bornes d'âge qu'il détermine, empêcheront l'inflation de la demande et le débordement des centres spécialisés. J'entends vos inquiétudes relatives à l'incapacité du secteur public et du secteur privé non lucratif à répondre à la demande, mais je répète que nous avons veillé à prévenir les risques de demande excessive.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons le rétablissement de l'alinéa 12 dans sa rédaction initiale et nous vous remercions d'avoir déposé ces amendements, sur lesquels nous émettons un avis favorable.
J'entends bien vos précisions, monsieur le secrétaire d'État, et je partage complètement votre souci de ne pas ouvrir un marché des gamètes. Néanmoins, durant les auditions menées ces derniers mois, j'ai été alerté par les acteurs du secteur public et du secteur privé à but non lucratif sur la réalité du fonctionnement actuel de l'AMP en France. Aujourd'hui, de nombreux centres sont des établissements privés à but lucratif et il n'est pas rare qu'en pratique, ces centres soient obligés de recourir à une autoconservation de gamètes dans le cadre de l'AMP.
Que l'on verrouille l'autoconservation telle qu'elle est introduite dans ce projet de loi, je peux l'entendre ; mais, dans le cadre d'un processus d'AMP, il n'est pas rare que le prélèvement des ovocytes sur la femme ne puisse pas se faire au même moment que le prélèvement des spermatozoïdes. Par exemple, à l'Institut de médecine de la reproduction – IMR – de Marseille, qui est un centre privé spécialisé dans un certain nombre de pathologies, on réalise des AMP pour des couples sérodiscordants : lorsque les spermatozoïdes sont porteurs du virus, il y a besoin de conserver les gamètes prélevés.
Que fait-on si on leur supprime cette possibilité ? On ferme pour toute une population sérodiscordante du sud-est de la France la possibilité d'avoir recours à une AMP. Je m'interroge donc sur les conséquences de cette mesure sur la pratique actuelle des centres d'AMP, qui sont en permanence amenés à faire de l'autoconservation.
Nous avions déposé un amendement allant dans le même sens, mais qui, n'étant pas identique, n'est pas examiné dans le cadre de cette discussion. Nous soutenons l'idée d'empêcher les centres privés à but lucratif de pouvoir remplacer les centres publics ou privés à but non lucratif auxquels l'autoconservation est actuellement réservée. En effet, il ne faut pas ouvrir la voie à une quelconque marchandisation du corps humain, ce qui pourrait être le cas avec la rédaction adoptée par la commission spéciale. Nous soutenons donc le retour à la version initiale du texte.
Sans vouloir distribuer des bons ou des mauvais points, je voudrais reprendre notre collègue Aurore Bergé. Je me doute qu'il s'agit d'un lapsus – et un lapsus intéressant ! – , mais elle a dit que les gamètes ne sont pas des marchandises comme les autres. Soyons clairs : ce ne sont pas des marchandises du tout ! On peut être en désaccord sur l'AMP, mais considérer que le reste doit être hors secteur marchand. Il importe de le rappeler, et tel est l'objet de ces amendements. Si, sur le fond, nous sommes contre, il faut bien faire en sorte qu'une fois le texte adopté, les choses soient gérées en bonne intelligence.
Si l'on veut empêcher la marchandisation des corps, vers laquelle nous semblons nous diriger inéluctablement, il faut empêcher que le marché, dont les règles sont différentes et qui vise le profit, organise les choses. Il faut tout au moins que la puissance publique – ou le secteur privé à but non lucratif – prenne les choses en main.
Bien sûr, des problèmes se poseront – nous l'avons souligné, et M. Raphaël Gérard aussi : certaines régions rencontrent des difficultés, l'accès à l'AMP y est plus ou moins satisfaisant, et cela constitue une rupture d'égalité pour nos concitoyens. Certains territoires se sentiront nécessairement écartés – même si, bien évidemment, ce n'est pas ce que je souhaite. Mais dès lors que l'on souhaite l'AMP pour toutes, il appartient à la puissance publique de se donner les moyens de sa politique. Chacun tirera ensuite les conclusions qui s'imposent, non seulement au moment du vote de ce texte, mais aussi lors d'autres échéances, plus politiques, car c'est la responsabilité de chacun qui sera alors engagée.
La proximité est certes un enjeu, mais le marché doit rester à l'écart de ce que vous souhaitez faire.
Nous nous trouvons effectivement face à un dilemme. Je souhaiterais appeler votre attention sur l'amendement no 1313 de M. Cyrille Isaac-Sibille, qui sera examiné ultérieurement, mais qui prend en considération cette problématique et propose de résoudre le dilemme grâce à la formulation suivante : « Les tarifs des gestes de prélèvement, de recueil et de conservation effectués sur indication médicale seront déterminés par arrêté ministériel. » Cela permettrait de résoudre le problème de l'enrichissement et du profit, tout en assurant la possibilité à tout Français, où qu'il se trouve sur le territoire national, de bénéficier des services du privé.
Je partage l'opinion qu'il est nécessaire de garantir la non-marchandisation de la conservation des ovocytes. Je reconnais toutefois que l'un des arguments avancés en faveur de l'ouverture aux centres privés de la possibilité de prélever et conserver des ovocytes – je dois me faire le défenseur du rapporteur Jean-Louis Touraine sur ce point – était de garantir une forme d'égalité d'accès à ces actes sur l'ensemble du territoire. Cela partait donc d'une bonne intention.
Peut-être la solution serait-elle être de recourir à un dispositif que l'on utilise par ailleurs dans d'autres domaines de la médecine hospitalière – c'est l'objet de mon amendement no 2579 , qui risque de tomber si les amendements que nous examinons actuellement sont adoptés : celui de la concession de service public, qui permettrait à des centres privés d'opérer les prélèvements et la conservation de gamètes dans le cadre d'un accord avec un établissement public. Cela permettrait d'encadrer la tarification et garantirait l'absence de caractère mercantile de ces actes. Peut-être est-ce une voie permettant de concilier les deux objectifs, celui de la garantie de la non-marchandisation des actes et celui d'un accès plus aisé de nos concitoyens à ces dispositifs.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 38
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 33
Contre 5
Mmes Aurore Berger et Martine Wonner applaudissent.
Je veux bien le défendre, monsieur le président, mais le vote qui vient d'avoir lieu revient, de fait, à le faire tomber. Je sais fort bien quel sort lui est réservé.
Défavorable : on ne peut pas encadrer les tarifs d'une activité non-marchande.
Même avis.
N'en étant pas le premier signataire, il ne m'appartient pas de le retirer.
L'amendement no 1313 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1644 , 61 , 384 et 607 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 1644 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Les amendements identiques no 61 de M. Xavier Breton, no 384 de M. Patrick Hetzel et no 607 de M. Philippe Gosselin sont eux aussi défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Certains de nos concitoyens, de temps en temps, se déplacent. Ils peuvent être amenés à passer quelques années dans un autre pays, et on ne peut pas pour autant les priver de toute capacité de procréation. Adopter ces amendements reviendrait pourtant à empêcher une femme qui déménagerait à l'étranger et souhaiterait y faire un enfant dans le cadre d'une procédure d'AMP d'importer ses gamètes. Si elle les a autoconservés, elle doit pouvoir les utiliser. C'est donc le bon sens qui nous amène à demander le retrait de ces amendements, qui voudraient imposer à nos concitoyens de choisir entre déplacement et procréation. À défaut d'un retrait, l'avis de la commission serait défavorable.
Même analyse et même avis que le rapporteur. Je rappelle à nouveau que le déplacement des gamètes est soumis à une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine, en application de l'article L. 2141-11-1 du code de la santé publique, afin notamment de vérifier la conformité de l'opération à nos principes de bioéthique.
Ces avis illustrent une fois encore l'ambiguïté de ce que nous faisons. On nous dit qu'en France, seuls le secteur public et le secteur privé à but non lucratif doivent pouvoir prélever et conserver les gamètes, et nous venons d'adopter des amendements en ce sens. Cela vaut pour la France, soit ! Mais là, nous allons autoriser la conservation des gamètes à l'étranger, sans que l'on sache si l'établissement qui s'en chargera sera public ou privé. Cela montre bien que ce que les dispositions que nous prenons ne sont que des digues de sable.
En l'espèce, la restriction sera valable en France, mais elle ne le sera pas à l'étranger, où des établissements privés font la même chose que les établissements publics, parfois même de façon plus importante – puisqu'il existe effectivement un marché.
Je tenais à souligner cette contradiction, qui s'est manifestée en l'espace de quelques minutes.
Une fois n'est pas coutume, j'abonderai dans le sens de mes collègues du groupe Les Républicains. Je ne comprends pas bien : si nous interdisons toute collecte et toute conservation de gamètes par des établissements qui ne seraient pas publics ou à but non lucratif, pourquoi l'autoriser à l'étranger ?
Dans ce cas, pourquoi aurait-il besoin d'une dérogation particulière ? Une Française qui vit en Espagne pourra bénéficier de la loi espagnole sur la PMA !
Je ne vois vraiment pas pourquoi on ne préciserait pas que les règles que nous fixons s'appliquent aux gens qui vivent sur notre territoire. J'avoue ne pas comprendre pourquoi on n'accepte pas les amendements de nos collègues du groupe Les Républicains.
L'amendement no 1644 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour soutenir l'amendement no 1744 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement no 1745 .
Ils sont partiellement satisfaits par l'alinéa 11, qui prévoit cette possibilité de don partiel pour les spermatozoïdes. En revanche, pour ce qui concerne les ovocytes, le don partiel pourrait réduire les chances de réussite. En effet, il faut en moyenne une quinzaine d'ovocytes pour avoir de bonnes chances de grossesse ultérieure, sachant qu'il y a plusieurs tentatives itératives. Que des femmes, d'emblée, donnent à d'autres une partie de leurs ovocytes, prélevés en nombre restreint – infiniment plus restreint que les spermatozoïdes – , reviendrait à les condamner à des échecs sans possibilité de chances ultérieures.
Je pense qu'il est préférable que ces amendements soient retirés et que l'Agence de biomédecine soit incitée, dans le cadre des règles de bonnes pratiques, à mener un dialogue opportun et fécond avec les donneuses d'ovocytes. À défaut d'un retrait, l'avis de la commission serait défavorable.
Ces amendements me semblent satisfaits par l'alinéa 11. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Des gamètes peuvent être utilisés pour la recherche. L'amendement prévoit d'apporter une précision à l'alinéa 16, en ajoutant « à finalité thérapeutique » après le mot « recherche ».
Cette dimension thérapeutique des recherches a été évoquée à de nombreuses reprises depuis le début des discussions et nous aurons l'occasion d'y revenir encore. Comme nous pensons que cela va mieux en le disant, nous proposons de l'inscrire à l'alinéa 16 de cet article 2.
Quel danger de limiter la recherche à sa seule finalité thérapeutique !
Le premier avis du Comité consultatif national d'éthique date de 1985. Nous étions tous très jeunes, voire à peine nés.
Cet avis portait sur l'utilisation des tissus prélevés sur le foetus humain à des fins thérapeutiques et scientifiques au sens large. On ne peut pas dissocier l'un de l'autre !
Il en va de même ici. Ce n'est pas que de la thérapeutique – ou alors il faut ajouter, pour être exhaustif : thérapeutique, amélioration des soins, prévention, connaissance, techniques de diagnostic…
La recherche, c'est la recherche. Elle ne doit pas se découper en morceaux. Toute recherche contribue à faire avancer les connaissances et, parfois, elle a des retombées thérapeutiques.
Je vous suggère de retirer votre amendement, qui serait très mal compris par la totalité du monde de la recherche. Vouloir limiter les chercheurs à la seule thérapeutique est une idée qui les fait bondir.
Je ne peux qu'être d'accord avec le rapporteur. Je demande le retrait de ces amendements. À défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 2312 .
Cet amendement vise à préserver le stock de gamètes. Nous proposons que les gamètes puissent faire l'objet d'un don à l'issue d'une période de dix ans, si les personnes concernées y avaient consenti au moment du prélèvement pour autoconservation et qu'elles ne se sont pas manifestées dans l'intervalle.
Je partage votre objectif, monsieur Lachaud, mais je suggérerais que vous ayez une vision moins restrictive : vous n'envisagez que le don alors qu'il serait préférable d'inclure aussi la recherche. Je vous suggère très humblement de retirer votre amendement pour vous rallier à mon amendement no 2226 . À défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
Le régime actuel me semble assez équilibré. Vous souhaitez, monsieur Lachaud, que les gamètes puissent faire l'objet d'un don en l'absence de réponse de la personne durant dix années, si elle y avait consenti lors du prélèvement dans le cadre de l'autoconservation. Or, au moment de l'autoconservation, la personne n'a pas nécessairement une vision claire de ce qu'elle souhaitera faire des années plus tard.
Il me semble donc nécessaire de garder l'équilibre du texte, qui prévoit d'interroger la personne chaque année. Une personne qui n'avait pas initialement envisagé un don de ses gamètes pourra avoir changé d'avis dans l'intervalle et, finalement, consentir à un don.
C'est la raison pour laquelle nous sommes plutôt défavorables à votre amendement.
L'amendement no 2312 n'est pas adopté.
Cinq années consécutives, sans réponse de la personne, paraissent suffisantes pour mettre fin à la conservation des gamètes.
Sourires.
Le présent amendement, qui vise à limiter la durée de la conservation à cinq ans, fait suite à des échanges avec la fédération des CECOS.
Selon la fédération, les personnes qui vont demander une conservation de gamètes hors indication médicale vont le faire de manière volontaire et motivée, probablement, comme cela devrait être proposé par le Conseil d'État, entre trente ou trente-deux ans et trente-sept ans pour les femmes et peut-être jusqu'à quarante-cinq ans pour les hommes.
La conservation sera à la charge financière des personnes concernées et il est difficile d'imaginer que, dans le cadre d'une démarche volontaire, celles-ci oublient de répondre à la relance annuelle de la manière itérative.
C'est pourquoi la durée de cinq ans semble tout à fait raisonnable.
Je comprends que les CECOS aient intérêt à diminuer leurs frais d'entretien – même si la conservation d'ovocytes ne sera pas à leur charge. Je comprends donc qu'ils veuillent réduire la durée de conservation.
Cependant, en pratique, nous prendrions des risques en raccourcissant cette durée à cinq ans. Il n'est pas rare que des personnes ne répondent pas aux premières sollicitations. Imaginons que l'on détruise des gamètes au bout de cinq ans de conservation et que, moins d'un an plus tard, les personnes viennent les réclamer pour un usage personnel.
Le Gouvernement a eu la sagesse d'opter pour dix ans. Ce n'est pas une période extraordinairement longue, mais c'est un temps très raisonnable pour s'assurer de respecter la volonté des personnes concernées.
Je suggère d'en rester à dix ans et j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Le dispositif prévu me semble assez équilibré et respectueux de ce qui constitue quand même une ressource précieuse pour les personnes concernées. Il n'est pas souhaitable de réduire cette durée à cinq ans.
Ce délai pourrait être trop court pour une personne qui, pour des raisons personnelles ou matérielles, n'aurait pas pu se manifester et consentir au maintien de la conservation de ses gamètes. Pensez, par exemple, à une jeune personne qui déménage et qui oublie de signaler son changement d'adresse au centre. Ce délai trop court pourrait porter préjudice à la personne qui perdrait alors toute chance de procréer avec ses propres gamètes.
Voilà pourquoi, face à ce risque de perte de possibilité que ces gamètes fassent l'objet d'un don à une période d'insuffisance de dons, nous sommes défavorables à ces amendements.
Il y a une question de consentement libre et éclairé. À l'alinéa 13, on prévoit que la personne est contactée chaque année civile. Cela veut dire que, chaque année, pendant dix ans, elle ne répond pas. Très sincèrement, quand elle ne répond pas au bout de cinq ans, c'est peut-être qu'il y a un problème.
Il faudrait quand même examiner cette question du consentement renouvelé chaque année. Si l'on n'a pas de réponse après avoir contacté la personne cinq fois, ce n'est pas seulement pour une histoire de déménagement !
Je ne parle pas plus, car le temps court.
Sourires.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 2226 .
Je propose, par cet amendement, d'ajouter la possibilité d'utiliser les gamètes à des fins de recherche ou pour un don, avant de les détruire au bout de dix ans, lorsque les personnes avaient donné leur accord en ce sens au moment du consentement à la conservation.
Cet amendement aligne le régime applicable à une personne qui ne répond pas pendant dix ans sur celui d'une personne qui décède. Cet alignement de situation nous semble parfaitement opportun. Avis favorable.
L'amendement no 2226 est adopté.
À travers cet amendement, nous souhaitons que soit maintenue la référence à un but thérapeutique.
L'amendement no 932 de M. Thibault Bazin est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
Leur adoption aboutirait à supprimer la conservation des gamètes prélevés à des fins autologues sur indication pathologique, au détriment des malades. Ils sont contraires à l'esprit de la loi. À défaut de leur retrait, l'avis de la commission serait défavorable.
Il s'agit d'ajouter la notion de prise en charge à celle de traitement pour les situations qui ne correspondent pas à des pathologies.
Au sens du droit de la sécurité sociale, la prise en charge ne fait pas l'objet d'une couverture maladie. Ce sont les actes et les traitements qui lui sont liés qui sont pris en charge. L'insertion que vous proposez n'a donc pas de réelle portée juridique. Il vaut mieux en rester au texte initial. Avis défavorable.
Même analyse, même avis.
L'amendement no 933 n'est pas adopté.
L'amendement no 2227 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 2533 .
L'alinéa 26 précise que l'importation et l'exportation de gamètes ne peuvent être effectuées à titre commercial.
Cet amendement vise à préciser que les ovocytes autoconservés – une opération effectuée exclusivement aux frais des personnes concernées – pourront être exportés sous le contrôle de l'Agence de la biomédecine, y compris par des sociétés commerciales, dans le cadre de la poursuite d'un projet d'AMP à l'étranger.
Mon amendement no 2228 satisfait votre objectif, madame de Vaucouleurs, tout en étant plus complet que le vôtre. Je vous suggère donc retirer votre amendement au profit du mien.
Je demande aussi le retrait de cet amendement, mais pour d'autres raisons : il me semble satisfait par les textes en vigueur.
Vous souhaitez, madame de Vaucouleurs, préciser que l'interdiction de l'importation et de l'exportation de gamètes par des sociétés commerciales – que vous avez introduite en commission – n'est pas opposable aux personnes ayant des gamètes en cours de conservation.
Or le code de la santé publique permet l'importation et l'exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain, sous réserve de l'autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine.
Seuls les gamètes et les tissus germinaux recueillis et destinés à être utilisés conformément au droit national peuvent faire l'objet d'une autorisation d'importation ou d'exportation. La situation que vous envisagez est donc déjà prévue par les textes.
Toute personne qui a des gamètes conservés en France dans le cadre de la préservation de la fertilité et, à l'avenir, dans le cadre de l'autoconservation, pourra obtenir une autorisation d'exportation si elle part s'installer à l'étranger. L'autorisation d'importation est prévue dans le cas inverse.
Il ne me semblait pas que le cas était déjà prévu, mais, si vous me l'assurez, je veux bien vous faire confiance sur ce point et retirer mon amendement.
L'amendement no 2533 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 2228 .
Cet amendement de coordination vise à permettre le déplacement des gamètes autoconservés, afin qu'une personne s'installant à l'étranger puisse y poursuivre son parcours d'AMP ou, inversement, qu'elle puisse poursuivre ce parcours en France lorsqu'elle vient s'y installer.
L'importation et l'exportation des gamètes font l'objet d'une décision de l'Agence de la biomédecine. L'article L. 2141-11-1 du code de la santé publique précise que cette autorisation est délivrée au regard des principes éthiques mentionnés aux articles 16 à 16-8 du code civil.
L'amendement no 2228 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 2532 .
Cet amendement tend à supprimer les alinéas 27 et 28. Ceux-ci sont en effet satisfaits par l'alinéa 26, qui dispose que l'importation et l'exportation de gamètes « ne peuvent s'effectuer à titre commercial ».
En réalité, le champ de l'alinéa 28 est plus large. Idéalement, il conviendrait de reconstruire cette partie du texte.
Quoi qu'il en soit, la suppression de l'alinéa 28 aurait pour inconvénient d'exclure les prises en charge indirectes, par exemple par les mutuelles des employeurs. Ce serait dommage. Peut-être sera-t-il possible ultérieurement de réviser la formulation de ces alinéas 26 à 28 afin de la rendre plus claire, mais pour l'heure, nous avons besoin des deux alinéas car ils sont complémentaires.
Avis défavorable.
Même analyse que celle de M. le rapporteur : il nous semble utile et, à ce stade, nécessaire de conserver les formulations adoptées en commission.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 2532 est retiré.
L'amendement no 1524 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1525 .
L'amendement no 1525 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté à l'unanimité.
Bravos et applaudissements.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 2515 .
En commission spéciale, nous avons introduit dans le texte l'interdiction de l'importation de gamètes en France par toute entreprise commerciale. La notion d'entreprise commerciale me paraissant trop restrictive, le présent amendement vise à la remplacer par la formulation : « entreprises publiques et privées ainsi que pour les personnes morales de droit privé ». Cela permettrait d'inclure par exemple des associations ou des fondations qui se lanceraient dans cette démarche d'importation de gamètes – l'interdiction ne concernant, en l'état du texte, que les entreprises commerciales.
Je ne me sens pas apte à déterminer si certaines associations exerçant une activité à titre commercial entrent, ou non, dans le cadre de la définition d'une entreprise commerciale. Il me semble toutefois que c'est le cas. Dans le doute, j'émets un avis de sagesse afin que ceux qui souhaiteraient retenir l'expression « entreprises publiques et privées ainsi que pour les personnes morales de droit privé » puissent voter en ce sens. Cela signifierait néanmoins que l'on supprimerait le terme « commercial » qui, selon moi, présentait l'avantage de la précision.
Nous demandons le retrait de l'amendement, et je souhaite, madame Rossi, vous en expliquer les raisons. Quoi qu'il en soit, nous aurons besoin de poursuivre dans le cadre de la navette parlementaire la discussion que nous engageons maintenant.
À l'issue de son examen en commission, le projet de loi dispose que « l'importation de gamètes en France est interdite sous quelque forme que ce soit pour les entreprises commerciales ». Vous souhaitez remplacer « entreprises commerciales » par « entreprises publiques et privées, ainsi que pour les personnes morales de droit privé ».
Je suis d'accord avec vous : la notion d'entreprise manque de clarté dans le cadre de l'article 2141-11-1 du code de la santé publique. Nous devons toutefois rester prudents. En effet, ledit article prévoit que « seul un établissement, un organisme, un groupement de coopération sanitaire ou un laboratoire titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 2142-1 pour exercer une activité biologique d'assistance médicale à la procréation peut obtenir l'autorisation » d'exporter ou d'importer des gamètes. Or de tels établissements de santé ou organismes peuvent avoir la nature d'une personne morale de droit privé.
Je comprends donc votre intention, mais nous devons veiller à ce qu'une telle modification ne provoque pas d'effets collatéraux en excluant des établissements aujourd'hui inclus dans le dispositif. C'est pourquoi je demande, à ce stade, le retrait de l'amendement, afin que nous puissions approfondir la question. À défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour ces précisions. J'entends parfaitement ce que vous dites.
Je propose de ce fait de rectifier mon amendement en supprimant la mention des personnes morales de droit privé, tout en conservant la première partie du texte, qui concerne les entreprises publiques et privées. La suppression de la notion d'entreprise commerciale me semble néanmoins importante car la formulation actuelle ne viserait que les entreprises exerçant des activités à l'import et à l'export, alors que d'autres, qui n'exercent aucune de ces activités, pourraient acheter des gamètes à l'étranger pour les revendre dans notre pays.
Madame la députée, nous partageons votre inquiétude. Toutefois, je ne souhaite pas prendre la responsabilité aujourd'hui d'adopter des dispositions que nous pourrions regretter par la suite. Nous aurons dans le cadre de la navette parlementaire des discussions suffisamment nourries, je pense, pour que nous puissions trouver ensemble la meilleure formulation, ou du moins la plus sécurisante. Je suis désolé de ne pouvoir répondre favorablement à votre demande aujourd'hui ; nous le ferons de manière plus sereine dans le cadre de la navette.
Rires.
Je préfère, monsieur le président, accepter la proposition de M. le secrétaire d'État de travailler à une formulation plus précise dans le cadre de la navette parlementaire. Je retire l'amendement.
L'amendement no 2515 est retiré.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 1453 .
Certes, l'importation de gamètes contre paiement est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, mais nous ne pouvons nous contenter de la rédaction actuelle du texte, tant les enjeux sont importants et tant il est difficile de lutter contre ces pratiques. L'avènement de l'internet a rendu plus facile l'organisation commerciale de ces pratiques et plus difficile la détection et la sanction de leurs auteurs.
Le présent amendement vise à adapter le code de la santé publique à ces nouvelles pratiques et, en l'occurrence, à préciser que l'interdiction d'importer ou d'exporter des gamètes à des fins commerciales touche également les particuliers.
Je pense que l'amendement est en partie satisfait et que l'ajout proposé ne simplifierait pas la démarche. Pour importer ou exporter des gamètes, les particuliers ont besoin d'une autorisation de l'Agence de la biomédecine, qui vérifie que les gamètes ont bien été recueillis dans des conditions conformes à l'éthique et au droit français.
Il paraît difficilement concevable qu'un particulier puisse récupérer des gamètes à l'étranger, puis procéder à une AMP sans le déclarer à un centre d'AMP. L'idée que des particuliers puissent échapper à tout contrôle dans ce domaine me semble assez théorique.
Je crains que s'il était adopté, cet amendement n'introduise au contraire une confusion. Nous souhaitons précisément en finir avec les pratiques du passé et les AMP artisanales, effectuées à domicile, dans des conditions incontrôlées et dangereuses. J'espère qu'à l'avenir toutes les AMP feront l'objet de contrôles et que les gamètes seront officiellement importés, s'ils viennent de l'étranger.
Il me semble donc que votre amendement peut être considéré comme satisfait et que le risque que vous évoquez n'est pas réel. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Je pense qu'effectivement l'amendement est pleinement satisfait, pour les raisons que viens d'évoquer M. le rapporteur et parce que les dispositions du code pénal interdisant l'importation de gamètes – 30 000 euros d'amende et deux ans d'emprisonnement – valent aussi pour les particuliers. Aucun particulier ne peut donc aujourd'hui importer des gamètes à des fins commerciales sauf à être passible de ces sanctions.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, je vous remercie pour ces informations. Néanmoins, cet amendement ayant été déposé à l'initiative de ma collègue Sylvia Pinel, je le maintiens.
L'amendement no 1453 n'est pas adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 2516 rectifié , qui fait l'objet d'un sous-amendement no 2599 .
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement.
En commission spéciale, nous avons adopté un amendement interdisant la prise en charge ou la compensation, par une entreprise, de l'autoconservation des gamètes. Il s'agit d'une avancée importante. Dans le même esprit que l'amendement no 2515 , qui concernait l'importation, le présent amendement vise à étendre cette interdiction à tout type d'entreprise et à toute personne morale de droit privé. Il s'agit ainsi de protéger les salariés qui travaillent non pas pour une entreprise, mais pour une fondation d'entreprise. À l'étranger, de grands groupes tentent déjà de convaincre des salariés de conserver leurs gamètes. À l'avenir, une association, une fondation ou tout autre type d'entreprise pourrait faire de même en France.
Autre précision d'importance, l'amendement tend à interdire aussi la prise en charge indirecte de l'autoconservation des gamètes, celle-ci pouvant faire l'objet d'une compensation sous la forme de dons, d'avantages en nature ou de cadeaux.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir le sous-amendement no 2599 et donner l'avis de la commission sur l'amendement.
Je souhaiterais, par ce sous-amendement, supprimer les mots « par quelque moyen que ce soit et ». Le reste de l'amendement me semble clair et bénéfique.
Avis favorable, sous réserve de cette correction.
Merci, madame la députée, d'avoir précisé le texte adopté en commission. Nous partageons votre souci.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement de M. Touraine, qui vise à surmonter une difficulté légistique et assurer une bonne lisibilité du droit.
Le sous-amendement no 2599 est adopté.
L'amendement no 2516 rectifié , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 2229 .
Je propose de substituer, à la fin de l'alinéa 29, les mots « gamètes de ses salariés » aux mots « ovocytes de ses salariées ». Cela permettrait d'assurer une cohérence avec le reste du texte.
Nous préciserions ainsi ce que nous souhaitons tous éviter dans les entreprises.
Je n'ai pas le sentiment que cet amendement apporte une précision absolument indispensable. Nous nous en remettons bien volontiers à la sagesse du rapporteur et de cette assemblée.
L'amendement no 2229 est adopté.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 2538 .
Cet amendement vise à renforcer le dispositif prévu à l'alinéa 29, lequel interdit à une entreprise de prendre en charge ou de compenser en quoi que ce soit l'autoconservation des ovocytes. Nous avons déjà renforcé ce dispositif en adoptant l'amendement no 2516 rectifié , mais je propose de le rattacher au chapitre V du code du travail, intitulé « Maternité, paternité, adoption et éducation des enfants », en introduisant au sein de celui-ci une sous-section 7 ainsi rédigée : « L'autoconservation ovocytaire est une démarche personnelle, toute incitation d'une entreprise à procéder à cette autoconservation par quelque moyen que ce soit est interdite sous peine d'une sanction. Tout manquement à cette disposition est passible de sanctions définies à la section 5 du chapitre V du code du travail. »
Défavorable, pour trois raisons.
D'abord, comme vous l'avez dit vous-même, cette question relève davantage du droit du travail – c'est d'ailleurs le code du travail que vous proposez de modifier. Votre amendement est légitime mais, pour ce qui concerne le présent projet de loi, il est déjà satisfait par les dispositions adoptées en commission.
Deuxième point, plus important peut-être : votre amendement ne couvre que le don d'ovocytes, alors que l'ensemble du dispositif de l'article 2 porte à la fois sur les spermatozoïdes et les ovocytes.
Enfin, votre amendement n'inclut pas les agents publics, qui sont pourtant concernés eux aussi. Il ne faut pas se limiter aux gens qui travaillent dans les entreprises !
Je comprends votre idée, que nous pourrons peut-être prendre en compte à l'avenir, mais dans sa rédaction actuelle, votre amendement laisse trop d'aspects de côté, ne serait-ce que les hommes et les agents publics.
Je suis désolé, madame de Vaucouleurs, mais pour les raisons évoquées par le rapporteur, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, je lui donnerais un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, je peux comprendre votre dernier argument concernant les entreprises publiques. En revanche, je ne suis pas d'accord avec les deux premiers. Les dispositions que je souhaite introduire dans le code du travail vont au-delà des mesures dont nous avons discuté jusqu'à présent, qui portent essentiellement sur la prise en charge de l'autoconservation ovocytaire. Mon amendement vise à interdire aux entreprises d'encourager, par quelque moyen que ce soit, cette autoconservation – la nuance n'est pas mince. Quant à la conservation des gamètes mâles, elle ne me paraît pas faire l'objet de la même pression potentielle que l'autoconservation des ovocytes.
À mon sens, il serait opportun d'aller plus loin, dans le cadre du code du travail, afin de mieux protéger les femmes des pressions liées à l'autoconservation ovocytaire. Je retravaillerai donc sur cet amendement en vue d'en déposer une nouvelle version, incluant peut-être le secteur public, dans le cadre de la navette parlementaire. Pour l'heure, j'accepte de le retirer.
L'amendement no 2538 est retiré.
Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 850 , 2000 rectifié et 2547 .
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 850 .
La future levée de l'anonymat des donneurs, le manque de communication sur le don de gamètes et l'absence de dispositif incitatif pour encourager les dons rallongent d'ores et déjà les délais. Après l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, la demande de gamètes va inévitablement augmenter. Dès lors, comment limiter la future pénurie de gamètes et permettre l'application effective de la loi ? Pour ma part, je pense qu'une autorisation d'absence de l'employeur pour celles et ceux qui se rendent aux examens et se soumettent aux interventions nécessaires pour le don de gamètes permettrait de limiter en partie la future pénurie d'ovocytes et de spermatozoïdes.
La parole est à M. Bruno Fuchs, pour soutenir l'amendement no 2000 rectifié .
Cet amendement est identique au précédent : il vise à accorder aux hommes donneurs de spermatozoïdes et aux couples donneurs d'embryons les mêmes droits d'absence que ceux dont bénéficient déjà les femmes salariées qui donnent leurs ovocytes.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2547 .
Il s'agit aussi d'encourager les personnes au don. Nous reconnaissons que cette démarche peut affecter l'activité professionnelle, parce que le don d'ovocytes nécessite des examens et que les autres types de dons impliquent aussi des démarches administratives. C'est pourquoi notre amendement vise à permettre à tous les donneurs d'obtenir une autorisation d'absence au travail.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
La question posée est tout à fait légitime, mais elle relève plutôt du droit du travail. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure à Mme de Vaucouleurs, nous examinons actuellement un projet de loi relatif à la bioéthique ; dans ce cadre, nous ne pouvons pas apporter de réponses aux questions relevant du droit du travail. Vous pourrez faire prospérer vos amendements dans un autre cadre.
Je le répète, nous ne pouvons pas introduire ces dispositions dans une loi de bioéthique, et je le regrette car votre intention est plus que louable. Avis défavorable.
L'argument avancé par M. le rapporteur est tout à fait fondé. Permettez-moi cependant d'en ajouter d'autres. Je comprends l'intention des auteurs de ces amendements, mais vous conviendrez que les donneurs de sperme et d'embryons ne subissent pas les mêmes traitements ni les mêmes interventions médicales que les donneuses d'ovocytes, lesquelles doivent effectuer des bilans préalables, puis subir une stimulation ovarienne avant la ponction. Ce parcours beaucoup plus long – beaucoup plus chronophage, si vous me passez cette expression – justifie l'octroi de jours de congé. C'est pourquoi nous sommes plutôt défavorables à ces amendements identiques.
Les amendements identiques nos 850 , 2000 rectifié et 2547 ne sont pas adoptés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 39
Contre 5
L'article 2, amendé, est adopté.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 1934 .
Cet amendement déposé à l'initiative de notre collègue Cathy Racon-Bouzon tend à modifier le code de l'éducation afin de compléter les cours d'éducation à la sexualité déjà prévus par un module sur la fertilité féminine et masculine. Il s'agit de construire une politique de prévention de la perte de fertilité, dont on a vu au cours des débats qu'elle s'amorçait très tôt dans la vie. Cette sensibilisation à la problématique de la fertilité permettrait de répondre à des questions évoquées en commission par notre collègue Thibault Bazin, qui avait souligné la nécessité de mettre en place une véritable politique publique de prévention de l'infertilité.
Bon courage !
Je donnerai un avis général sur les différents amendements ayant le même objet.
La lutte contre les causes de l'infertilité est une priorité. Il est nécessaire de mettre en place un plan de lutte général, que nous appelons tous de nos voeux – nous y reviendrons ultérieurement. Alors que l'infertilité progresse, tant chez les garçons que chez les filles, il faut favoriser la recherche pour déterminer les causes de ce phénomène – environnement, obésité, tabac, information insuffisante sur les effets de l'âge – et sensibiliser les jeunes générations, notamment dans le cadre de l'éducation nationale.
La mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique a révélé des informations intéressantes sur les perturbateurs endocriniens, ainsi que sur les effets du tabac et de l'obésité. Elle a aussi conclu à la nécessité de sensibiliser les hommes et les femmes à la courbe de fertilité, très largement méconnue au sein de la population. C'est pourquoi il nous semble important de mettre en oeuvre ce vaste plan – c'est d'ailleurs l'une des propositions que nous partageons sur tous les bancs.
Un grand débat s'est tenu en commission spéciale, et de nombreux amendements ont été déposés. Plutôt que d'adopter plusieurs amendements punctiformes traitant l'un ou l'autre des aspects – l'information dans les lycées, l'organisation de campagnes ici ou là – , il nous est apparu plus opportun de rédiger un amendement général transpartisan, recueillant la signature des membres de la commission spéciale et de tous ceux qui veulent s'y associer. C'est chose faite avec l'amendement no 2559 rectifié , auquel je donne d'ores et déjà un avis favorable.
Ce faisant, je demande le retrait de tous les autres amendements, qui sont tous intéressants mais ne couvrent pas la totalité du projet. Or les grands plans mis en oeuvre dans notre pays – je pense au plan cancer, au plan greffe ou au plan national maladies rares – ont montré que le succès tenait à la complémentarité, à l'interaction et à la synergie entre tous les acteurs, qu'ils soient médecins, chercheurs ou responsables de l'éducation nationale. Au lieu de traiter l'un ou l'autre des aspects, il est préférable de les englober tous dans un plan dont nous pourrions suivre la mise en oeuvre tous les ans. C'est pourquoi j'invite les auteurs des différents amendements à les retirer au profit de l'amendement no 2559 rectifié .
Permettez-moi de donner moi aussi un avis global sur l'amendement no 1934 et sur l'ensemble des amendements suivants, qui sont très nombreux à porter sur ce sujet de la fertilité. Certains proposent de mettre en place une sensibilisation à cette problématique au lycée, dans l'enseignement professionnel, sous l'égide du président du conseil départemental…
Comme vous, nous faisons de la prévention de l'infertilité une priorité. C'est un vaste sujet que le Gouvernement considère comme important, à tel point qu'il fait déjà l'objet d'un certain nombre de mesures prises dans le cadre des différentes stratégies nationales de prévention que nous menons – je pense évidemment à la lutte contre le tabagisme, à la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens que nous avons présentée récemment avec Agnès Buzyn et Élisabeth Borne, ou encore à la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030.
La recherche est également active et elle progresse dans la compréhension fondamentale du rôle de certaines substances – je pense ici aux perturbateurs endocriniens, notamment – , ainsi que dans le domaine des sciences humaines et sociales.
À ceux qui souhaitent que cette information soit dispensée en milieu scolaire et au lycée – alors que ce n'est pas forcément le moment plus opportun – , je signale que les questions relatives à la reproduction humaine, dont celle de l'infertilité, sont d'ores et déjà intégrées dans le programme de sciences de la vie et de la terre qui est dispensé aux élèves de seconde.
Au-delà, auprès des plus jeunes, nous menons des actions spécifiques, que vous connaissez : elles visent surtout à éviter les grossesses non désirées, ou à prévenir les infections sexuellement transmissibles – IST – , en particulier chez les mineurs. Nous devons simplement veiller à ce que nos messages n'entraînent pas une certaine confusion.
Cela étant, il y a bien un besoin d'information, en quelque sorte par anticipation, et ce sujet a fait l'objet de nombreux débats en commission. Les réflexions ont convergé vers un amendement très largement transpartisan, je crois, qui a été déposé par Mme la présidente de la commission spéciale : l'amendement no 2559 rectifié , auquel je donne par anticipation un avis favorable, même si sa formulation nécessitera peut-être d'être encore retravaillée lors de la navette parlementaire.
Cet amendement a pour but de mieux coordonner la prévention de l'infertilité, la formation des professionnels de santé et la coordination de la recherche.
Regrouper l'ensemble de ces politiques peut contribuer à leur cohérence et à leur visibilité, mais ayons conscience que ce souci de lutte contre l'infertilité se traduit d'ores et déjà par des mesures bien concrètes au sein de plans sectoriels, et que cela a une raison d'être bien pertinente.
Avis défavorable sur cet amendement, donc, ainsi que sur tous ceux sur le même sujet qui suivront, au bénéfice de l'amendement no 2559 rectifié de la présidente.
Je remercie M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État pour leurs réponses très claires. Comme je ne suis que cosignataire de cet amendement, je vais malgré tout le maintenir afin qu'il soit mis aux voix.
L'amendement no 1934 n'est pas adopté.
Les amendements identiques no 391 de M. Patrick Hetzel et no 935 de M. Thibault Bazin sont retirés.
Je vais retirer cet amendement pour me rallier au no 2559 rectifié, qui sera présenté par Mme la présidente de la commission spéciale.
Je crois que nous sommes tous d'accord sur l'effort à faire pour répondre à la nécessité d'avoir un vrai programme pour ce qui est de la lutte contre l'infertilité, laquelle ne cesse de croître, pour des raisons environnementales, notamment. Nous devons vraiment nous mobiliser pour y travailler.
Certes, chacun de nous va axer ses arguments sur tel ou tel point, mais ce qui compte, c'est que nous nous retrouvions autour de l'amendement de Mme la présidente de la commission spéciale.
L'amendement no 66 est retiré.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1798 rectifié , 1799 rectifié et 1248 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Josette Manin, pour soutenir l'amendement no 1798 rectifié .
Il vise à introduire dans le code de l'éducation des dispositions spécifiques relatives à l'infertilité précoce, au don de gamètes et à l'accès aux origines, comme il en existe déjà pour les dons d'organes et le don du sang.
Vous conservez la parole, madame Manin, pour soutenir l'amendement no 1799 rectifié .
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 1248 rectifié .
Sur tous les bancs de cet hémicycle, la question de la lutte contre l'infertilité a été jugée suffisamment cruciale pour que nous prenions le temps, tous ensemble, à l'issue des travaux de la commission, de proposer un amendement qui nous réunirait tous. Si nous avons la certitude que le Gouvernement soutiendra l'amendement transpartisan déposé par Mme la présidente de la commission spéciale, nous retirerons le nôtre.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je suggère le retrait de ces amendements au profit de l'amendement commun, qui vise à regrouper la totalité des activités proposées dans un plan de lutte contre l'infertilité. Nous demandons à tous les professionnels de travailler ensemble, par-delà leurs disciplines de rattachement, et je suggère que nous-mêmes, nous travaillons ensemble pour peaufiner cet amendement commun.
Je répète, monsieur Favennec Becot, que le Gouvernement sera favorable à l'amendement présenté par Mme la présidente de la commission spéciale, même si sa rédaction devra probablement être modifiée dans le cadre de la navette parlementaire. Je demande donc le retrait de ces trois amendements.
Nous serons vigilants concernant la mise en oeuvre de ce plan. Toutefois, compte tenu des engagements qui ont été pris ce soir par le rapporteur et le secrétaire d'État, et sous réserve que nous puissions encore travailler ensemble sur l'amendement de la présidente de la commission spéciale, nous retirons le nôtre.
Les amendements nos 1798 rectifié , 1799 rectifié et 1248 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1044 rectifié et 284 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir l'amendement no 1044 rectifié .
La loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a introduit dans le code de l'éducation des dispositions spécifiques relatives à l'information sur les dons d'organes et les dons du sang. En revanche, aucune information n'est prévue sur le don de gamètes ou sur la possibilité d'accès aux origines. Aujourd'hui, en France, on ne sait pas forcément où donner, ni pourquoi donner.
Or, dans la mesure où cette loi risque d'engendrer une réduction sensible des stocks de gamètes, il paraît nécessaire de sensibiliser les Français à cette question pour inciter ceux qui le souhaiteraient à donner leurs gamètes.
L'amendement no 1044 rectifié suggère donc de compléter l'article L. 312-17-2 du code de l'éducation par deux alinéas ainsi rédigés :
« Une campagne de sensibilisation au don de gamètes peut être prévue dans les établissements secondaires et d'enseignement supérieur.
« Cette campagne peut être soutenue par les associations spécialisées sur ces questions. »
Mme Nadia Ramassamy applaudit.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 284 rectifié .
Les cas d'infertilité se multiplient aujourd'hui dans notre pays, mais il n'existe pas de grande politique publique sur le sujet, contrairement à ce qui se fait dans d'autres domaines de la santé.
Le présent amendement vise à proposer aux hommes et aux femmes, à leurs 25 ans, un bilan systématique de fertilité, pris en charge par la sécurité sociale. Cela permettrait de les sensibiliser au déclin de la fertilité liée à l'âge, ainsi qu'à d'autres facteurs environnementaux et comportementaux : tabagisme, pollution, exposition à des substances chimiques…
Réaliser ce bilan vers l'âge de 25 ans permettrait aussi aux personnes qui montrent déjà des signes d'une réserve ovocytaire en déclin et qui n'ont pas de projet d'enfants à court terme de réaliser une autoconservation préventive des ovocytes.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Je suggère là encore leur retrait, puisque tout ce qui doit être dispensé aux jeunes, que ce soit dans le cadre de l'éducation nationale, dans l'enseignement supérieur ou dans d'autres instances, a vocation à être inclus dans un plan global de lutte contre l'infertilité, faute de quoi l'efficacité de ces enseignements ne serait pas suffisante.
On le sait tous, la pédagogie suppose la répétition : il ne suffit pas que le message soit transmis aux jeunes générations une fois dans leur cursus, il faut s'assurer qu'elles le reçoivent de façon répétitive dans les collèges, dans les lycées, dans les facultés, dans les entreprises, et que cette information soit évaluée afin d'en déterminer l'efficacité. Ce travail doit être conduit par des professionnels travaillant dans le domaine de la fertilité.
Je suggère donc aux auteurs de ces amendements de continuer à travailler avec la présidente de la commission spéciale pour que le texte inclue bien chacune des mesures nécessaires à une lutte efficace contre l'infertilité. À défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
Nous sommes très engagés sur cette question, et nous allons intensifier, par l'intermédiaire notamment de l'Agence de biomédecine, les campagnes d'information destinées au grand public. J'aimerais rappeler une fois de plus ce qui existe déjà. Ce dont il s'agit, me semble-t-il, c'est plutôt d'une coordination et d'une plus grande cohérence que d'un véritable plan national.
Le code du service national prévoit qu'une information générale sur le don de gamètes soit délivrée lors de la journée nationale de défense et de citoyenneté. Je souhaite que l'on garde une certaine souplesse, et que nous déterminions, en concertation avec les professionnels et avec les associations, les meilleurs canaux et la fréquence des messages à diffuser.
Pour être efficace, le dispositif doit garder souplesse et agilité. Tout cela nous amène à soutenir l'amendement transpartisan présenté par la présidente de la commission spéciale, auquel je vous propose de vous référer. Je demande donc le retrait des deux amendements. À défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
Quand on est jeune, on ne pense pas à faire des enfants. Or on peut avoir des accidents, ou de gros problèmes. Il importe donc d'inciter les jeunes à la conservation de gamètes. Certaines femmes ont des accidents, comme cette dame dont on a entendu parler récemment : elle était enceinte de sept mois et, à la suite d'un accident, elle a perdu son utérus. Elle n'a donc pas pu conserver d'ovocytes.
Si une disposition législative de ce type existait, nombre de jeunes se remettraient en question et prendraient leurs responsabilités concernant leur avenir, en tout cas s'agissant des enfants. Je suis heureuse que l'on parle aujourd'hui de la PMA pour ces personnes, mais il serait bon qu'en amont, on anticipe pour les inciter à conserver leurs gamètes.
Je maintiens donc mon amendement, parce que je pense à toutes les personnes qui sont aujourd'hui dans cette situation.
Deux remarques sur ces amendements.
D'abord, leur rédaction englobe les lycées et l'enseignement supérieur. En tant qu'ancien responsable de l'enseignement supérieur, je voudrais insister sur la nécessité de traiter de manière distincte l'enseignement supérieur et le second degré. Les enjeux n'y sont pas les mêmes : si l'on peut parfaitement comprendre que certaines choses se fassent dans l'enseignement supérieur – c'est légitime, parce que l'on a affaire à des adultes – , la situation est quelque peu différente dans les lycées. Je tiens donc à vous alerter sur la nécessité d'éviter une rédaction qui englobe les lycées et l'enseignement supérieur.
Autre source de gêne dans la formulation de ces amendements : leurs auteurs proposent de faire appel aux associations militantes. Or on sait bien que l'irruption d'associations militantes dans l'éducation nationale est un sujet éminemment sensible – d'autant que, comme l'a souligné M. le secrétaire d'État, l'éducation nationale a elle-même, en la matière, un rôle à jouer.
Lesdites associations militantes n'ont pas été expressément nommées, mais que diriez-vous si l'on vous suggérait d'inclure parmi elles par exemple la Manif pour tous ? Il faut savoir raison garder ! Je pense qu'il serait sage de retirer ces amendements.
Certes, certains parents d'élèves ne seront peut-être pas favorables à ce type d'information, et peut-être faut-il le respecter – mais c'est de la sécurité sociale que je parlais.
On peut tout refuser en bloc, mais l'intervention de la sécurité sociale me semble justifiée dès lors qu'il s'agit d'une question de santé. En l'occurrence, l'action des pouvoirs publics consisterait non pas à présenter aux enfants telle ou telle possibilité – il est vrai que, dans ce cas, certains parents pourraient s'y opposer – , mais à inciter les jeunes à accomplir une démarche qui concerne leur propre corps. C'est très différent.
Je pense que vous devriez reconsidérer votre position sur cet amendement, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur. La disposition pourrait ne s'appliquer qu'à partir de 25 ans, ou de l'âge auquel on acquiert un certain sens des responsabilités. Cela contribuerait à réduire les problèmes liés au manque d'ovocytes ou de spermatozoïdes. C'est très important et c'est pourquoi je me permets d'insister.
Ce sujet relève d'une politique de santé publique et de prévention – j'y reviendrai régulièrement. En la matière, chacun souhaite apporter sa pierre et suggère ce qui lui semble être la meilleure réponse ; chacun a son idée sur la manière, le moment, l'âge, ou le lieu.
Pourtant, la France compte des institutions de santé publique – le Haut Conseil de la santé publique, Santé publique France ; l'Agence de la biomédecine relève plus de la médecine que de l'éducation à la santé et de la prévention – dont le métier est de savoir quelle action est la plus pertinente. Je voudrais qu'on s'appuie sur elles.
La loi n'a pas vocation à répertorier toutes les actions importantes de prévention en direction des jeunes et des moins jeunes. Pour être efficaces, de telles actions doivent s'appuyer sur ceux qui disposent des compétences et de l'expertise. Un amendement, qui a été rédigé en collaboration avec les différents groupes, – il y aura encore certainement à l'améliorer – va dans ce sens.
Les propositions qui sont faites correspondent à une démarche de santé publique et requièrent, à ce titre, une expertise. Nous avons tous envie de bien faire et nous avons tous de bonnes idées, mais celles-ci sont parfois inefficaces, voire néfastes parce qu'elles produisent l'effet inverse de celui recherché. Soyons donc attentifs à privilégier l'expertise.
Les amendements nos 1044 rectifié et 284 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Je défends bien volontiers cet amendement, qui a été déposé à l'initiative de mon collègue, voisin de banc et de circonscription, Fabien di Filippo. Il est soumis à une discussion commune avec deux amendements de M. Jean-Louis Touraine qui disent l'inverse. Je le dis en souriant, mais le sujet est très important pour nous.
Nous pensons qu'il faut impérativement réaffirmer l'interdiction stricte des dons de gamètes dirigés. Voilà pourquoi je m'oppose aux amendements nos 2230 et 2231 , présentés non pas par le rapporteur mais par le député Touraine en son nom propre, et qui visent à légaliser le don dirigé prenant, ce faisant, le risque d'encourager les dons rémunérés ou donnant lieu à une compensation. C'est une voie très dangereuse qui pourrait mener à une dérive marchande. Je vous invite donc, chers collègues, à vous opposer aux amendements de M. Touraine.
Sur les amendements nos 2230 et 2231 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour soutenir l'amendement no 1738 rectifié .
Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec Thibault Bazin et avec l'amendement qu'il a défendu, et cela pour une raison simple : dans la pratique, des centres réalisent déjà des dons croisés, contribuant ainsi à creuser un peu plus le fossé des discriminations. Pourquoi ?
En l'absence d'interdiction, des personnes candidates à une AMP trouveront soit un membre de leur entourage, soit une connaissance pour faire un don. Cette pratique est en totale contradiction avec l'article 1er du projet de loi. D'abord, elle est discriminante puisqu'elle instaure un traitement différent des dossiers de demande d'AMP selon que les intéressés sont parvenus ou pas à convaincre un tiers donneur de donner ses gamètes. Ensuite, elle risque de créer une dette à l'égard du donneur de complaisance qui pourrait ensuite poursuivre les bénéficiaires toute leur vie. À l'inverse, un refus peut créer une forme de rancune.
J'appelle donc à la vigilance. Si le projet de loi autorise le don croisé d'organes, les deux pratiques – don croisé d'organes et don croisé de gamètes – doivent être distinguées car dans le premier, tous les maillons de la chaîne de la solidarité sont liés les uns aux autres à un instant t, alors que dans le cas du don croisé de gamètes, les seuls bénéficiaires directs du don sont les candidats à l'AMP et ce bénéfice prend la forme d'un coupe-file. Les gamètes profiteront ou non à une personne dans l'avenir.
Je rejoins Thibault Bazin : puisque nous constatons que cette pratique discriminatoire a cours, réaffirmons dans le projet de loi l'interdiction du don croisé de gamètes, qui est différent du don croisé d'organes.
M. Thibault Bazin applaudit.
M. Bazin a dirigé ses flèches contre mes amendements. Dois-je en déduire qu'il souhaite retirer le sien au profit de l'amendement no 2132 de M. Gérard ?
Sourires.
Dans la série d'amendements que nous examinons, une moitié propose d'évincer toute possibilité de don orienté ou de don relationnel – je vais expliquer ce dont il s'agit – et l'autre, de les encadrer.
Quelle est la situation actuelle ? Il n'est pas nécessaire de poser un interdit dans la loi puisque cet interdit existe déjà : depuis 2011, les dons dirigés sont prohibés. Malheureusement, personne n'a été capable de faire respecter l'interdiction. La semaine dernière encore, sur une radio publique, un responsable d'un centre d'AMP indiquait que les délais d'attente dans son centre étaient réduits lorsqu'un couple arrivait avec une candidate au don d'ovocytes – non pas en leur faveur, mais pour le pool de candidats à l'AMP. Cet interdit est totalement inopérant, les auditions l'ont montré : tous les responsables de centre d'AMP interrogés ont reconnu qu'il s'agit d'une pratique occasionnelle sans laquelle il leur serait impossible de faire face aux demandes, compte tenu de la pénurie actuelle d'ovocytes, pénurie qu'une interdiction ne manquerait pas d'aggraver.
D'où cette question : si nous renforçons l'interdit, quels moyens pouvons-nous affecter pour surveiller chaque centre d'AMP ? Faut-il poster des agents de police dans chaque centre pour s'assurer des pratiques qui y ont cours ? Même si c'était possible, les agents ne pourraient pas entrer dans les salles de consultation pour vérifier que des personnes ne se livrent pas à des échanges.
L'alternative consiste à considérer qu'il est plus raisonnable d'encadrer une pratique en évitant les effets collatéraux. Le principal effet redouté est la perte de l'anonymat lorsque le don dirigé est effectué pour une personne : la donneuse vient accompagnée de celle qui est censée recevoir le don ; l'enfant sera issu d'une donneuse identifiée et le secret sera rompu, notamment par la famille qui bénéficiera du don. Cette réserve a été exprimée au sein de la commission. C'est la raison pour laquelle je retire l'amendement no 2230 .
En revanche, je maintiens l'amendement no 2231 , qui concerne le don non pas dirigé mais relationnel, c'est-à-dire que le donneur vient donner non pas pour une personne mais pour ce qu'il est convenu d'appeler la banque de gamètes – un vilain mot – , c'est-à-dire le stock global de gamètes. Cela permet de réduire la pénurie et de donner satisfaction aux demandeurs.
C'est une évidence, pour le don d'ovocytes, compte tenu de la pénibilité, de la douleur associée, il est difficile de trouver des donneuses si elles n'ont pas un minimum de motivation. Or la plus grande motivation réside dans le fait de connaître quelqu'un dans son entourage qui souffre d'une infertilité sans solution.
La solution, très modeste, que je propose n'enfreint aucun des principes éthiques fondamentaux et permet de satisfaire l'ensemble des patientes en attente ainsi que les professionnels, qui craignent, si rien n'est fait, de voir s'installer demain une pénurie redoutable.
L'amendement no 2230 est retiré.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1051 .
Je suis favorable au don dirigé. Mon amendement vise donc à autoriser un tel don de gamètes et d'embryons.
Le don dirigé est déjà pratiqué mais souvent de manière artisanale, en particulier chez les couples de femmes – il intervient, pour ces derniers, dans environ 14 % des procréations. Son encadrement me semble fondamental pour plusieurs raisons : il permet d'assurer la sécurité de chacun – celle de l'enfant en matière de filiation et celle de la mère en matière médicale ; d'éviter toute contestation de filiation, enjeu essentiel pour l'enfant.
Sans encadrement, on risque de laisser perdurer ce qu'on appelle les PMA artisanales. Pourquoi ? Parce que les délais d'attente sont aujourd'hui bien trop importants et que les facilités offertes aux femmes pour avoir un enfant sont rares.
L'amendement vise également à encadrer les dons intrafamiliaux pour éviter toute situation incestueuse.
Les conditions prévues dans cet amendement sont calquées sur celles qui s'appliquent au don d'organes ainsi qu'au consentement à la procédure d'AMP avec don de gamètes.
M. Maxime Minot applaudit.
La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, pour soutenir l'amendement no 2131 .
Cet amendement vise à autoriser, dans des conditions très encadrées et conformes aux principes de bioéthique – absence d'inceste et de marchandisation du corps, respect du consentement des personnes concernées – , le recours à un donneur connu par les candidats à l'AMP.
Dans ce cadre, le candidat à l'AMP pourra se présenter dans les CECOS avec un donneur non anonyme dont le don permettra de réaliser son projet parental. Il n'est pas question de remettre en cause le principe d'anonymat ; il s'agit de garantir l'effectivité du droit pour toutes les femmes de recourir à l'AMP.
J'appelle en outre votre attention sur les temps d'attente s'appliquant aux afro-descendants avant que ces derniers ne puissent bénéficier d'une AMP : faute de dons suffisants et notamment d'ovocytes, ils peuvent excéder dix ans dans l'Hexagone et cinq ans en outre-mer, et les pratiques d'appariement peuvent de surcroît allonger ces délais. Les associations accompagnant les demandeurs d'AMP les incitent par conséquent à se rendre en Belgique, où le don dirigé est autorisé, ou dans des cliniques de la Caraïbe, où les standards de bioéthique sont souvent éloignés des nôtres.
L'enjeu est également sanitaire pour les personnes pratiquant des inséminations artisanales, lesquelles préfèrent recourir au don d'un proche afin de prévenir la transmission de maladies ou d'infections sexuellement transmissibles.
Enfin, l'ouverture du don dirigé ne présente pas de difficulté en matière de filiation – sécurisée en application de l'article 311-20 du code civil – , les places de chacun des intervenants dans la procédure d'AMP étant clairement définies, préservant ainsi l'intérêt du donneur et des parents.
Il s'avère que la commission s'est prononcée sur des amendements presque tous différents de ceux que nous examinons aujourd'hui, ceux-ci ayant été réécris entre-temps. La commission avait émis un avis défavorable sur la totalité de ces amendements, qu'ils prônent l'interdiction ou l'ouverture du don dirigé de gamètes. Je ne suis donc pas en mesure d'émettre un avis au nom de la commission et en appelle à la sagesse personnelle de chacun pour faire le choix le plus pertinent.
Après cinq heures de débats portant sur des sujets complexes et face à des amendements en discussion commune soutenant aussi bien la réaffirmation de l'interdiction du don dirigé que sa libéralisation, j'essaierai de me montrer d'autant plus clair que je décèle une confusion, entretenue par certains argumentaires, entre don dirigé et don relationnel, qui doivent être distingués.
Sachez que l'avis du Gouvernement sera plus tranché que celui de M. le rapporteur et qu'il sera défavorable à l'ensemble des amendements : soit parce que l'interdiction de ces différents dons est déjà prévue par la loi et qu'il ne nous semble pas utile de la réaffirmer, soit parce que nous voulons nous opposer à des dispositifs qui contreviendraient aux principes fondamentaux du modèle bioéthique français relatif au don, à savoir l'anonymat, la gratuité et l'altruisme.
Pour répondre à votre amendement, monsieur Bazin, le principe d'anonymat est effectivement fondateur pour le droit bioéthique français et fait donc obstacle au don dirigé. L'article 16-8 du code civil dispose « qu'aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulgué. Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur ». Cette interdiction existant déjà dans notre droit, il ne semble pas nécessaire de la faire figurer à nouveau. Aussi je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
Je vous propose également, monsieur Mbaye, de retirer votre amendement visant à réaffirmer l'interdiction du don croisé de gamètes, celui-ci pouvant être vu comme un moyen de réduire le délai d'attente pour l'accès à l'AMP. Votre amendement est en effet déjà satisfait, étant donné que l'article L. 1244-7 du code de la santé publique dispose que « le bénéfice d'un don de gamètes ne peut en aucune manière être subordonné à la désignation par le couple receveur d'une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d'un couple tiers anonyme ». D'autre part, comme vous le savez peut-être, l'article 511-13 du code pénal dispose que « le fait de subordonner le bénéfice d'un don de gamètes à la désignation par le couple receveur d'une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d'un couple tiers [… ] est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ». Aussi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.
Monsieur Touraine, vous souhaitez, au travers de votre amendement no 2231 , autoriser le seul don relationnel direct par la suppression de l'article L. 1244-7 du code de santé publique, que je viens de citer. Les risques que présentent le don relationnel, vous les avez brièvement évoqués et ils ont fait l'objet de débats en commission. Tels que décrits par l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, en 2011, ils peuvent prendre la forme de pressions s'exerçant sur les femmes, ainsi que de rémunérations ou contreparties occultes contrevenant aux principes de gratuité et d'altruisme. Nous ne pouvons l'accepter. Permettre aux personnes en attente de dons de se prévaloir d'un donneur ou d'une donneuse relationnelle nous semble ne pouvoir qu'aggraver ces risques et c'est pourquoi nous sommes réticents à ce que la loi soit modifiée sur ce point.
Seules des campagnes de promotion, fortes et régulières, du don de gamètes permettront la consolidation de cette ressource, qui suscite votre préoccupation et la nôtre. Si nous nous accordons sur les objectifs, nous divergeons en revanche sur les moyens à mobiliser, certaines voies proposées nous paraissant difficiles, voire scabreuses. C'est pourquoi j'émettrai un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le rapporteur, ainsi que sur les amendements nos 1051 et 2131 .
Je réitère l'opposition du groupe de la Gauche démocratique et républicaine à la pratique du don dirigé, …
… lequel nous apparaît comme une torsion radicale de l'idée de don et ne constitue pas une manière judicieuse de remédier aux éventuelles pénuries de gamètes, et cela d'autant moins que le don d'ovocytes ne constitue pas une procédure neutre pour la donneuse, ce qui devrait nous inciter à prendre de grandes précautions.
S'agissant du don relationnel, il ne représente pas un changement important, si ce n'est qu'une personne à même de mobiliser son réseau et de se présenter accompagnée d'un donneur peut se voir gratifiée d'une prime de priorité. Une telle possibilité ne nous paraissant pas souhaitable, renoncer à ce type de pratique et protéger notre modèle garantissant l'anonymat – sur lequel repose le don – permettraient de ne pas fausser les relations humaines.
Je partage les arguments développés par Pierre Dharréville et vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour les précisions que vous avez apportées relatives aussi bien au don relationnel qu'on don dirigé : j'y adhère pleinement et m'oppose moi aussi à ces amendements.
J'aurais toutefois une question à vous poser. J'ai pu constater, en ayant connaissance de certaines pratiques ayant cours à la clinique La Sagesse de Rennes, que le don croisé d'ovocytes ou de spermatozoïdes permettait de réduire les délais pour bénéficier d'une AMP de trente-six mois, comme c'est la norme, à dix-huit ou vingt-quatre mois. Comment le Gouvernement compte-t-il s'y prendre pour faire appliquer les dispositions dont vous avez réaffirmé avec force la pertinence, à savoir l'interdiction de la marchandisation du corps et la gratuité du don ?
D'autre part, une politique publique destiné à éviter les pénuries de gamètes, et notamment d'ovocytes, devra être mise en oeuvre.
Enfin, je souhaiterais, monsieur le président, conserver la parole pour faire un rappel au règlement.
Rappel au règlement
Monsieur le président, pourriez-vous nous confirmer l'information circulant sur les réseaux sociaux selon laquelle la journée de deuil en hommage au Président Chirac serait appliquée, comme nous le réclamions, de manière pleine et entière par l'Assemblée nationale, ce qui signifierait que nous ne siégerions pas lundi 30 septembre dans la soirée ?
Comme nous nous écartons déjà de l'heure réglementaire de levée de la séance de l'après-midi, monsieur Hetzel, je vous propose de répondre à cette question à la fin de la séance. Procédons avec méthode afin de garder les débats clairs et intelligibles : nous avons des amendements à examiner et un scrutin public à tenir.
Après l'article 2
Je souhaite vous faire part, monsieur le secrétaire d'État, de ma déception car, après avoir déjà laissé les personnes transgenres sur le bas-côté de cette magnifique loi que nous élaborons ensemble, vous fermez désormais la porte aux afro-descendants, qui rencontrent de grandes difficultés pour accéder aux ovocytes et aux spermatozoïdes, donc pour procéder à une PMA. Il me paraît dérangeant que nous ne leur proposions pas de solution, si tant est que l'amendement no 2131 était rejeté.
Je souhaite m'adresser aux nombreuses familles qui nous écoutent et attendent beaucoup de nos débats, s'agissant notamment du don dirigé. Grâce aux amendements proposés par Mme Brunet et M. Gérard, nous serions en mesure de répondre aux difficultés et aux inquiétudes, tout en garantissant la gratuité, ainsi que la préservation de la filiation.
Je ne voudrais pas qu'avec le rejet de ces amendements – probable, compte tenu des députés présents à cet instant dans l'hémicycle – , les dizaines de milliers de familles concernées, que je continuerai à soutenir longtemps, croient que l'Assemblée nationale considère qu'elles ne sont pas respectables, tout comme je ne voudrais pas que les dizaines de milliers de femmes qui continueront à se rendre en Belgique ou en Espagne croient que nous disons que leurs familles ne sont pas respectables. Le don dirigé se pratique dans de très nombreuses familles et j'en connais, dans ma circonscription ou dans mon entourage, au sein desquelles un tiers connu a fait don de ses gamètes et participe au projet familial à sa juste place. À toutes ces personnes, je veux dire qu'elles ont bien leur place dans notre pays et que si leur demande n'aboutissait pas cette année, nous la réitérerions encore et encore. Qu'elles continuent à nous écrire et à venir nous voir ; je ne veux pas qu'elles prennent ce vote comme une violence.
Applaudissements sur certains bancs du groupe LaREM.
Personne ici ne dénigre quelque famille de notre pays que ce soit.
L'amendement no 2231 permettrait, de fait, à certaines ou certains, au motif qu'il y a un donneur connu, de bénéficier d'un accès prioritaire à la PMA. Or cela irait à l'encontre de la philosophie du texte, qui est de permettre à toutes les femmes d'accéder à la PMA, sans aucune discrimination ni priorisation.
Nous nous sommes d'ailleurs parfois inquiétés, au cours de nos débats, du risque que certaines femmes accèdent plus facilement à la PMA que d'autres, par exemple parce qu'elles sont hétérosexuelles.
Nous voulons qu'il n'y ait aucune discrimination ni priorisation entre les femmes en matière d'accès à la PMA, et nous ne souhaitons pas lever l'anonymat du donneur – nous donnerons la possibilité à l'enfant, s'il le souhaite, d'accéder à ses origines à sa majorité, mais nous ne romprons pas l'anonymat, dans l'intérêt du donneur. Soyons cohérents avec la philosophie du texte. Pour ma part, je voterai contre l'amendement no 2231 .
Je souhaite réagir aux propos de Mme Bergé. Il est tout de même question, dans le texte, d'une levée de l'anonymat du donneur, même si c'est ultérieurement, à la majorité de l'enfant.
Le dispositif proposé par le rapporteur respecte bien toutes les règles et critères s'appliquant au don de gamètes, en particulier la gratuité, sur laquelle Mme la ministre des solidarités et de la santé a insisté hier. Vos propos sont contradictoires. Pour ma part, je suis favorable à l'amendement no 2231 et je voterai en sa faveur.
Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur Mahjoubi, que la position du Gouvernement reviendrait à considérer que certaines familles sont moins respectables que d'autres. Les familles nous écoutent, et vous ne pouvez pas laisser entendre cela ; ce n'est pas du niveau des débats menés jusqu'à présent.
Mme Martine Wonner applaudit.
L'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, que nous avons décidée tous ensemble, vous compris, témoigne de l'attention que le Gouvernement porte aux familles, à toutes les familles de notre pays.
Vous m'avez demandé, monsieur Hetzel, ce que le Gouvernement comptait faire concrètement. Je rappelle qu'il est interdit de donner la priorité, dans les listes d'attente, aux demandes d'AMP avec don relationnel. Néanmoins, cela a pu se faire par le passé, ce que vous avez peut-être constaté. L'interdiction est clairement énoncée dans la loi et rappelée dans l'arrêté relatif aux règles de bonnes pratiques élaborées par l'Agence de la biomédecine. Je le réaffirme à ce stade de la discussion.
Je rappelle en outre que les centres d'AMP sont autorisés à exercer leur activité par les agences régionales de la santé, après avis de l'Agence de la biomédecine. Le renouvellement des autorisations sera l'occasion de rappeler les règles et de s'assurer que ce genre de pratique n'a pas été utilisé.
Vous avez raison, madame Vanceunebrock-Mialon : l'accès de certains groupes aux techniques d'AMP est un vrai problème, et je souhaite que nous l'admettions ensemble aujourd'hui. Toutefois, je n'aimerais pas que, pour y remédier, l'on en vienne à remettre en cause l'ensemble de notre dispositif et les principes sur lesquels il repose depuis tant données et auxquels nous sommes, je le pense, attachés.
Il convient d'agir de façon très concrète, pragmatique, empirique. D'une part, il est possible de favoriser les échanges entre centres, qui sont vraisemblablement insuffisants aujourd'hui. Néanmoins, je ne suis pas sûr que cela suffise. Il faut donc probablement, d'autre part, mener des actions de communication ciblées sur certains groupes, dans lesquels le nombre de donneurs est moindre, ce qui pose les problèmes d'appariement que vous avez évoqués. Nous préférons agir par ces moyens plutôt que risquer de rompre l'équilibre général du système. En tout cas, nous partageons votre constat et reconnaissons la nécessité d'agir.
J'ai omis de préciser un point : si un dispositif de don relationnel est instauré, cela signifie que les personnes qui n'ont pas de relations subiront une forme de discrimination, puisqu'elles ne pourront pas bénéficier du dispositif. En outre, la ministre des solidarités et de la santé l'a fait valoir en commission spéciale, cela pourrait induire une sorte de compétition entre le don en faveur d'un proche – qui peut certes en avoir besoin – et le don altruiste, anonyme et gratuit, au détriment de ce dernier. Vous pouvez estimer que c'est une vue de l'esprit, mais ce risque nous semble réel, et nous ne souhaitons pas aboutir à une telle situation.
J'espère avoir répondu à quelques-unes des interrogations que vous avez soulevées, sur ces sujets complexes et sensibles. Je maintiens l'avis défavorable du Gouvernement tant à la réaffirmation de l'interdiction qui figure déjà dans les textes qu'à l'ouverture d'un dispositif de don dirigé ou relationnel.
Mes chers collègues, nous étions censés interrompre la discussion à vingt heures, et il est déjà vingt heures vingt.
Quelques-uns d'entre vous ont demandé la parole, et nous procéderons quoi qu'il arrive, avant la levée de la séance, au scrutin public qui a été annoncé.
J'invite donc les orateurs à intervenir de manière très brève.
La parole est à M. le rapporteur.
Veuillez m'excuser de m'exprimer après vous, monsieur le secrétaire d'État.
Je conçois tout à fait que l'on puisse avoir, d'un point de vue théorique ou idéologique, des états d'âme concernant telle forme de don ou telles conditions de don. C'est parfaitement compréhensible et même respectable.
Cependant, tous ceux qui se sont rendus de façon prolongée dans les centres concernés y ont rencontré des professionnels qui, bien que partageant les mêmes valeurs éthiques que nous et ayant initialement des réticences, ont été amenés à recourir à ces formes de don. Si nous n'encadrons pas ces pratiques, nous allons vers une suprême hypocrisie.
Première éventualité : nous allons faire ce que nous faisons pour les produits dérivés du sang. La loi impose la gratuité du don du sang. Or nous ne sommes pas capables de produire suffisamment de dérivés sanguins, notamment de gammaglobuline, pour traiter tous les malades qui en ont besoin. Dès lors, nous les achetons à des pays voisins dans lesquels les donneurs sont rétribués. Pour ne pas enfreindre la loi, nous prenons, à intervalle régulier de quelques années, un texte réglementaire autorisant à déroger à la loi.
Confrontés à la pénurie d'ovocytes qui s'annonce, nous ferons la même chose : nous les achèterons à l'étranger, ce qui est grave, à mon avis. Cette suprême hypocrisie nous coûtera cher.
Deuxième éventualité : on ne fera rien, et l'on ne satisfera plus aucune des demandes d'AMP avec don d'ovocytes. Dès lors, on incitera un nombre de femmes encore plus important qu'aujourd'hui à se rendre en Belgique ou en Espagne, où elles trouveront les ovocytes qui font défaut en France.
Nous n'aurons probablement pas de difficultés pour les dons de spermatozoïdes – dans la plupart des cas, ce sont des gamètes masculins qui sont recherchés, ce qui réduit l'ampleur du problème. En revanche, pour ce qui est des ovocytes, il est évident que nous allons organiser une filière, avec des établissements espagnols ou belges, payants pour la plupart, qui accueilleront les femmes françaises fortunées, lesquelles pourront bénéficier d'un don d'ovocytes grâce à leurs deniers. Telle est la réalité.
Je ne dis pas qu'il faut choisir un système plutôt qu'un autre. Je dis simplement que nous devrions, pour une fois, avoir le sens du concret. Gardons toutes nos valeurs éthiques, mais ne demeurons pas dans une abstraction totalement coupée de la réalité ou dans l'idéologie pure et simple, très loin des pratiques. J'exhorte chacun d'entre vous à se rendre dans le centre d'AMP le plus proche. Vous constaterez que tous les professionnels partagent le point de vue que j'exprime.
M. Raphaël Gérard et Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon applaudissent.
Je ne souscris pas, dans le cas présent, aux propos de M. le rapporteur.
J'ai entendu vos arguments, monsieur le secrétaire d'État, et je retire mon amendement. Néanmoins, j'aimerais que vous répondiez à la question posée par M. Hetzel et que vous preniez ici des engagements à ce sujet : qu'entend faire le Gouvernement pour que la pratique évoquée disparaisse et que l'interdiction, inscrite dans les textes, soit effective, autrement dit pour que ce droit formel devienne réel ?
L'amendement no 1738 rectifié est retiré.
Selon moi, nous parlons d'une fausse discrimination. On s'imagine que, si l'on autorise le don dirigé, les centres donneront la priorité aux demandes d'AMP y faisant appel, car cela permettra – c'est exact – d'accéder plus facilement à des gamètes. Cependant, il faut se rendre compte que les personnes à qui l'on demandera d'attendre un don pendant plusieurs années iront à l'étranger, pour peu qu'elles en aient les moyens financiers. En réalité, il y a déjà une rupture d'égalité.
Surtout, il convient d'encadrer les AMP artisanales. À défaut, on risque d'assister à des dérives insupportables.
Je voudrais réagir aux propos de M. le rapporteur, sans reprendre l'ensemble de ses arguments ni entrer dans le détail. Notre position est inspirée non pas par l'idéologie, mais par l'éthique, ce qui n'est pas la même chose. Je ne peux pas laisser dire que nous versons dans l'hypocrisie, ni que nous organisons des filières vers l'étranger.
L'amendement no 792 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 37
Nombre de suffrages exprimés 34
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 10
Contre 24
L'amendement no 2231 n'est pas adopté.
Mes chers collègues, pour faire suite au rappel au règlement formulé par M. Hetzel, je vous indique que le président de l'Assemblée nationale a reçu une lettre du Gouvernement l'informant que la séance prévue lundi 30 septembre au soir était finalement supprimée.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra