Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec Thibault Bazin et avec l'amendement qu'il a défendu, et cela pour une raison simple : dans la pratique, des centres réalisent déjà des dons croisés, contribuant ainsi à creuser un peu plus le fossé des discriminations. Pourquoi ?
En l'absence d'interdiction, des personnes candidates à une AMP trouveront soit un membre de leur entourage, soit une connaissance pour faire un don. Cette pratique est en totale contradiction avec l'article 1er du projet de loi. D'abord, elle est discriminante puisqu'elle instaure un traitement différent des dossiers de demande d'AMP selon que les intéressés sont parvenus ou pas à convaincre un tiers donneur de donner ses gamètes. Ensuite, elle risque de créer une dette à l'égard du donneur de complaisance qui pourrait ensuite poursuivre les bénéficiaires toute leur vie. À l'inverse, un refus peut créer une forme de rancune.
J'appelle donc à la vigilance. Si le projet de loi autorise le don croisé d'organes, les deux pratiques – don croisé d'organes et don croisé de gamètes – doivent être distinguées car dans le premier, tous les maillons de la chaîne de la solidarité sont liés les uns aux autres à un instant t, alors que dans le cas du don croisé de gamètes, les seuls bénéficiaires directs du don sont les candidats à l'AMP et ce bénéfice prend la forme d'un coupe-file. Les gamètes profiteront ou non à une personne dans l'avenir.
Je rejoins Thibault Bazin : puisque nous constatons que cette pratique discriminatoire a cours, réaffirmons dans le projet de loi l'interdiction du don croisé de gamètes, qui est différent du don croisé d'organes.