Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du vendredi 27 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Après l'article 2

Adrien Taquet, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la santé :

Après cinq heures de débats portant sur des sujets complexes et face à des amendements en discussion commune soutenant aussi bien la réaffirmation de l'interdiction du don dirigé que sa libéralisation, j'essaierai de me montrer d'autant plus clair que je décèle une confusion, entretenue par certains argumentaires, entre don dirigé et don relationnel, qui doivent être distingués.

Sachez que l'avis du Gouvernement sera plus tranché que celui de M. le rapporteur et qu'il sera défavorable à l'ensemble des amendements : soit parce que l'interdiction de ces différents dons est déjà prévue par la loi et qu'il ne nous semble pas utile de la réaffirmer, soit parce que nous voulons nous opposer à des dispositifs qui contreviendraient aux principes fondamentaux du modèle bioéthique français relatif au don, à savoir l'anonymat, la gratuité et l'altruisme.

Pour répondre à votre amendement, monsieur Bazin, le principe d'anonymat est effectivement fondateur pour le droit bioéthique français et fait donc obstacle au don dirigé. L'article 16-8 du code civil dispose « qu'aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulgué. Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur ». Cette interdiction existant déjà dans notre droit, il ne semble pas nécessaire de la faire figurer à nouveau. Aussi je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.

Je vous propose également, monsieur Mbaye, de retirer votre amendement visant à réaffirmer l'interdiction du don croisé de gamètes, celui-ci pouvant être vu comme un moyen de réduire le délai d'attente pour l'accès à l'AMP. Votre amendement est en effet déjà satisfait, étant donné que l'article L. 1244-7 du code de la santé publique dispose que « le bénéfice d'un don de gamètes ne peut en aucune manière être subordonné à la désignation par le couple receveur d'une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d'un couple tiers anonyme ». D'autre part, comme vous le savez peut-être, l'article 511-13 du code pénal dispose que « le fait de subordonner le bénéfice d'un don de gamètes à la désignation par le couple receveur d'une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d'un couple tiers [… ] est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ». Aussi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.

Monsieur Touraine, vous souhaitez, au travers de votre amendement no 2231 , autoriser le seul don relationnel direct par la suppression de l'article L. 1244-7 du code de santé publique, que je viens de citer. Les risques que présentent le don relationnel, vous les avez brièvement évoqués et ils ont fait l'objet de débats en commission. Tels que décrits par l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, en 2011, ils peuvent prendre la forme de pressions s'exerçant sur les femmes, ainsi que de rémunérations ou contreparties occultes contrevenant aux principes de gratuité et d'altruisme. Nous ne pouvons l'accepter. Permettre aux personnes en attente de dons de se prévaloir d'un donneur ou d'une donneuse relationnelle nous semble ne pouvoir qu'aggraver ces risques et c'est pourquoi nous sommes réticents à ce que la loi soit modifiée sur ce point.

Seules des campagnes de promotion, fortes et régulières, du don de gamètes permettront la consolidation de cette ressource, qui suscite votre préoccupation et la nôtre. Si nous nous accordons sur les objectifs, nous divergeons en revanche sur les moyens à mobiliser, certaines voies proposées nous paraissant difficiles, voire scabreuses. C'est pourquoi j'émettrai un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le rapporteur, ainsi que sur les amendements nos 1051 et 2131 .

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