Veuillez m'excuser de m'exprimer après vous, monsieur le secrétaire d'État.
Je conçois tout à fait que l'on puisse avoir, d'un point de vue théorique ou idéologique, des états d'âme concernant telle forme de don ou telles conditions de don. C'est parfaitement compréhensible et même respectable.
Cependant, tous ceux qui se sont rendus de façon prolongée dans les centres concernés y ont rencontré des professionnels qui, bien que partageant les mêmes valeurs éthiques que nous et ayant initialement des réticences, ont été amenés à recourir à ces formes de don. Si nous n'encadrons pas ces pratiques, nous allons vers une suprême hypocrisie.
Première éventualité : nous allons faire ce que nous faisons pour les produits dérivés du sang. La loi impose la gratuité du don du sang. Or nous ne sommes pas capables de produire suffisamment de dérivés sanguins, notamment de gammaglobuline, pour traiter tous les malades qui en ont besoin. Dès lors, nous les achetons à des pays voisins dans lesquels les donneurs sont rétribués. Pour ne pas enfreindre la loi, nous prenons, à intervalle régulier de quelques années, un texte réglementaire autorisant à déroger à la loi.
Confrontés à la pénurie d'ovocytes qui s'annonce, nous ferons la même chose : nous les achèterons à l'étranger, ce qui est grave, à mon avis. Cette suprême hypocrisie nous coûtera cher.
Deuxième éventualité : on ne fera rien, et l'on ne satisfera plus aucune des demandes d'AMP avec don d'ovocytes. Dès lors, on incitera un nombre de femmes encore plus important qu'aujourd'hui à se rendre en Belgique ou en Espagne, où elles trouveront les ovocytes qui font défaut en France.
Nous n'aurons probablement pas de difficultés pour les dons de spermatozoïdes – dans la plupart des cas, ce sont des gamètes masculins qui sont recherchés, ce qui réduit l'ampleur du problème. En revanche, pour ce qui est des ovocytes, il est évident que nous allons organiser une filière, avec des établissements espagnols ou belges, payants pour la plupart, qui accueilleront les femmes françaises fortunées, lesquelles pourront bénéficier d'un don d'ovocytes grâce à leurs deniers. Telle est la réalité.
Je ne dis pas qu'il faut choisir un système plutôt qu'un autre. Je dis simplement que nous devrions, pour une fois, avoir le sens du concret. Gardons toutes nos valeurs éthiques, mais ne demeurons pas dans une abstraction totalement coupée de la réalité ou dans l'idéologie pure et simple, très loin des pratiques. J'exhorte chacun d'entre vous à se rendre dans le centre d'AMP le plus proche. Vous constaterez que tous les professionnels partagent le point de vue que j'exprime.