Sur cette question, chacun le comprendra, les avis sont très partagés au sein même de tous les groupes : c'est la preuve qu'il s'agit d'un vrai sujet éthique, puisque nous sommes au-delà des limites et des barrières politiques.
J'ai pour ma part la conviction que l'on n'arrêtera pas l'aspiration des jeunes, en particulier des jeunes adultes, qui veulent connaître leurs origines ; elle est naturelle, elle est le fait de beaucoup de gens, voire de tout un chacun. J'ai été très frappé par l'histoire d'Arthur Kermalvezen ; il se trouve que je l'ai croisé très tôt dans son itinéraire, avant qu'il ne retrouve son père.
Si les Français se précipitent sur les études généalogiques les plus diverses, ce n'est pas pour rien ; si les jeunes issus d'une adoption, aspirent à connaître leurs origines, même lorsqu'elles sont au bout du monde, ce n'est pas pour rien. C'est toujours la même histoire ! Ce n'est pas l'histoire d'un individu singulier ; nous sommes tous des chaînons.
Chacun de ces jeunes a été heureux d'être accueilli dans une famille généreuse ; il n'empêche qu'il cherche à connaître ses origines. Vous ne les arrêterez pas ! Et la science contribuera de plus en plus à sa recherche. Cette demande sera plus forte encore de la part des enfants qui auront été élevés par des couples lesbiens, puisque la vraisemblance biologique n'y existera pas ; la demande des origines se manifestera donc très tôt.
Il faut donc se poser cette question, clairement, sans ambiguïté.
Quelle qu'elle soit, la paternité est une responsabilité. Qu'elle soit légitime, qu'elle résulte d'une unique soirée, qu'elle résulte d'un don, c'est toujours une responsabilité.
Je mets ma main au feu, madame la garde des sceaux, que nous assisterons ici à la même histoire juridique que celle qu'ont parcourue les enfants naturels. Au début, on leur a tout refusé ; ils n'avaient pas accès à leur histoire, à leur patrimoine culturel, et puis petit à petit le droit a dû évoluer. Sur cette question que nous traitons ce soir, ce sera la même chose : nous n'arrêterons pas cette demande, parce qu'elle est légitime, parce que la science contribuera à répondre aux questions.
Elle est d'ailleurs légitime pour de multiples raisons : pour des raisons sanitaires, simplement, parce que l'on peut être confronté à des maladies génétiques ; pour des raisons sociales aussi, puisqu'il est bon de savoir si l'on croise sa soeur, sa demi-soeur, pour un homme, ou son frère, son demi-frère, pour une femme !
Pour toutes ces raisons, la paternité, quelle qu'en soit la nature, engage toujours. Celui qui donne engage aussi une forme de responsabilité, même si celle-ci ne sera assumée que si l'enfant issu de ce don le souhaite – il ne s'agit pas d'obliger qui que ce soit.
C'est pour cela qu'il faut, d'une manière ou d'une autre, permettre l'information ; nous en avons déjà longuement parlé. Une fois donnée l'information que l'on n'est pas biologiquement issu du couple qui vous a élevé, il faut permettre à celui qui le souhaite, à celui qui en a le courage aussi, parce que ce ne sont pas des découvertes faciles, de découvrir ses origines.
Je le redis, l'histoire sera la même que celle des enfants naturels : ils ont été mis au ban, puis ils ont gagné leur place en droit ; ces enfants issus de dons de gamètes parcourront le même itinéraire.