La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.
Il vise à éviter tout risque de marchandisation, en matière d'insémination artificielle. Comme vous le constatez, monsieur le président, j'économise le temps de parole de notre groupe.
Nous avons parfaitement compris. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements.
Il est défavorable. Les amendements portent sur une interdiction qui existe depuis 2011, mais qui n'est pas respectée. La renforcer n'est guère souhaitable, comme cela a été expliqué cet après-midi.
Par ailleurs, la décision pénaliserait durement les populations appartenant à des ethnies minoritaires dans notre pays, faisant peser sur elles une forme de discrimination. Nous vous proposons donc de retirer vos amendements.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je comprends bien.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 936 .
Des actions d'information relative aux chances de grossesses en fonction de l'âge et aux risques inhérents aux grossesses tardives – voilà ce que nous vous proposons.
Les actions proposées trouveront leur place dans le grand plan de lutte contre l'infertilité et les difficultés liées à des grossesses tardives. Je pense que cet alinéa, isolé de tout contexte, serait peu opérant. Je vous suggère donc de retirer ces amendements, mais de travailler à poursuivre l'objectif qu'ils visent, dans le cadre de ce plan. À défaut de retrait, l'avis serait défavorable.
Nous partageons votre avis sur la nécessité de mieux informer les femmes sur les risques inhérents aux grossesses tardives et à la diminution des chances de grossesse avec l'âge. Cela constitue évidemment un des grands axes de notre stratégie d'information sur la santé. Nous considérons donc qu'il s'agit d'un sujet majeur et que nous agissons en conséquence, grâce à une coordination d'actions de prévention et d'information ; cependant, nous pensons qu'il n'est pas utile de donner à cet aspect un niveau équivalent au reste du texte. Toutes nos actions dans le cadre de la stratégie de santé sexuelle étant déjà prévues, nous vous proposons de retirer l'amendement, sans quoi nous y serions défavorables.
Sauf objection, je considère que l'amendement no 68 de M. Xavier Breton a été défendu en même temps que les précédents.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis que précédemment. J'ajoute que nos collègues pourraient faire apparaître certaines de leurs propositions dans le futur plan national de lutte contre l'infertilité, mais aussi saisir les présidents de conseils départementaux, qui sont compétents pour mener des actions de ce type.
L'amendement no 68 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le don de gamètes vise un objectif de procréation et n'est donc pas du même ordre que le don du sang, de plaquettes ou de moelle osseuse. Par conséquent, il me semble malvenu qu'il fasse l'objet d'une information lors de la journée défense et citoyenneté, ce que Sereine Mauborgne a confirmé, compte tenu de son expertise sur le sujet. Elle a en effet pu rencontrer des soldats estimant que le cadre de la défense n'est pas approprié pour cette action.
Mme Sereine Mauborgne et M. Guillaume Chiche acquiescent.
Il est défavorable. C'est pour le moins contradictoire de vouloir offrir une information solide aux jeunes générations et de demander la suppression de l'information sur le don de gamètes lors de la journée défense et citoyenneté. Nous estimons qu'il faut la maintenir, voire développer les messages sur de tels sujets à cette occasion.
Donner son sang et donner ses gamètes sont évidemment des démarches distinctes, comme il n'est pas non plus équivalent de donner son sang ou sa moelle osseuse. Le niveau d'engagement est différent à chaque fois. Mais pourquoi ne pas informer de cette possibilité ?
Nous ouvrons l'AMP, l'aide médicale à la procréation, aux couples de femmes ; nous savons que nous aurons besoin de spermatozoïdes. En raison du changement de réglementation sur l'accès aux origines, il nous faudra renouveler notre réserve de donneurs. Nous sommes donc favorables au maintien de cette information lors de la journée de citoyenneté, et défavorables aux amendements.
Je suis saisi de deux amendements, nos 934 et 1243 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 934 .
Je propose que le Parlement prenne le pouvoir, sans pour autant usurper le rôle du Président, et déclare la fertilité « Grande cause nationale 2020 ». Les pouvoirs publics s'engageraient à promouvoir cette disposition par tous les moyens.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement no 1243 rectifié .
Je le ferai avec le même enthousiasme que mon collègue. En effet, le sujet devient préoccupant ; on constate un manque d'information et de prévention, et les difficultés croissent. Le groupe Libertés et territoires pense donc qu'il est très important de déclarer la lutte contre l'infertilité « Grande cause nationale », avec tous les moyens afférents.
Sur l'amendement no 2259 rectifié , je suis saisi par les groupes La République en marche et UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques nos 934 et 1243 rectifié ?
Nous sommes respectueux des institutions ; le label Grande cause nationale est attribué par le Premier ministre à l'issue d'un concours. Le Parlement ne peut décider à la place du Premier ministre. Nous vous proposons donc de retirer les amendements. Vous êtes libres, si vous le souhaitez, de saisir le Premier ministre…
… par la voie que vous désirez.
Cela n'enlève rien à l'importance ni à l'intérêt de l'amendement qui va être présenté incessamment.
La cause est belle, mais un amendement n'est pas le bon moyen de la servir. Nous vous soutenons sur la cause, mais pas sur le moyen ; notre avis est donc défavorable.
J'ai entendu votre appel et je fonde désormais tous mes espoirs sur l'amendement à venir, que nous avons coconstruit, à la mode du « nouveau monde ».
L'amendement no 934 est retiré.
Nous le retirerons si M. le rapporteur et Mme la ministre confirment que ce sera au profit de l'amendement no 2559 rectifié , amendement transpartisan, à l'écriture duquel mes collègues ont participé.
L'amendement no 1243 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale, pour soutenir l'amendement no 2559 rectifié .
Nous n'aimons pas les lois bavardes. Madame la ministre, nous avons bien conscience que l'amendement que nous présentons se situe à la frontière de la loi, du règlement et de ce qui relève, madame Tamarelle-Verhaeghe, de la compétence d'autres institutions. Pourtant, madame la ministre de la justice, devant une volonté partagée par les députés de toutes les tendances – l'amendement a été signé par 423 parlementaires – ,…
… nous espérons voir cette grande cause nationale figurer dans le projet de loi.
Nous savons que l'amendement n'est pas parfait, comme l'a dit tout à l'heure M. le secrétaire d'État, mais nous l'avons rédigé tous ensemble, en nous réunissant la semaine dernière dans ce but.
Nous avons entendu l'avis favorable que le Gouvernement souhaite lui donner et nous en sommes ravis. Nous continuerons sûrement à l'améliorer, mais nous considérons que l'adoption d'un amendement visant à créer un grand plan national de lutte contre l'infertilité, à l'image du plan cancer, serait un signal positif. Cela constituerait aussi une incitation à continuer de travailler ensemble pour cette grande cause.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ce sujet est une préoccupation quotidienne des acteurs du ministère des solidarités et de la santé. Le plan Priorité prévention comporte beaucoup de mesures visant à améliorer la fertilité : la lutte contre le tabac évidemment, la lutte contre les perturbateurs endocriniens, la stratégie de santé sexuelle ; de plus, le ministère de Frédérique Vidal anime des actions de recherche.
Placer en synergie la totalité des actions que nous menons tout en leur donnant une cohérence, et inscrire dans un arrêté la stratégie spécifique ainsi définie, sont des idées excellentes. Cela donnera aux actions de la visibilité et permettra de vérifier qu'il n'y a pas de « trou dans la raquette » ; nous sommes donc très favorables à cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 35
Contre 1
L'amendement no 2559 rectifié est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous en venons aux amendements portant article additionnel avant l'article 3.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 577 .
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.
Cet amendement n'est pas véritablement rédactionnel. Il vise à supprimer l'intitulé du chapitre II du titre 1er – et donc à modifier le sens du chapitre – , au motif qu'il renvoie à un objet plus large que le projet de loi.
Pourtant, le titre « Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d'assistance médicale à la procréation » renvoie exactement aux deux objets des articles 3 et 4 qui sont regroupés dans ce chapitre. Il me semble donc parfaitement choisi…
Je constate que vous utilisez les titres pour faire de la littérature, des effets d'affichage. Les titres ne sont pas faits pour cela. Ils doivent être sobres, indiquer l'objet des articles. Les transformer en slogans, ce n'est pas notre conception de la loi.
L'amendement no 577 n'est pas adopté.
Il s'agit de préciser qu'à l'article 3, l'intérêt supérieur de l'enfant sera pris en considération. Les membres du Gouvernement nous répondront sans doute que cette précision figure déjà dans d'autres articles du projet de loi, mais l'argument est à géométrie variable. En effet, quand le Gouvernement veut insister, la répétition ne le dérange pas.
Selon nous, en tout cas, la référence à l'intérêt supérieur de l'enfant doit figurer dans plusieurs articles du projet de loi, notamment ici.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1197 .
Les amendements sont déjà satisfaits, parce que des décisions juridictionnelles – notamment du Conseil constitutionnel – ont consacré l'exigence constitutionnelle de la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Si certains pourraient peut-être débattre de la différence entre les notions d'intérêt supérieur de l'enfant et de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, il n'en reste pas moins que l'un des deux a une valeur constitutionnelle. Il n'est donc pas nécessaire de les inscrire de nouveau dans l'ordre normatif. Avis défavorable.
Je vous rassure, monsieur Hetzel, la notion d'intérêt supérieur de l'enfant irrigue l'ensemble de notre droit. Il figure dans les articles du code civil consacrés aux procédures judiciaires dans lequel l'enfant est concerné. Aux termes des articles 373-2-6 et 375-1 du code civil, le juge aux affaires familiales et le juge des enfants statuent en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant. Une adoption, de même, ne peut être prononcée que si elle est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
Comme le rappelait Mme la rapporteure à l'instant, il s'agit d'une exigence de valeur constitutionnelle, comme le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de le rappeler récemment dans sa décision portant sur les tests osseux pour les mineurs non accompagnés. Cet intérêt est protégé constitutionnellement, mais aussi conventionnellement, puisqu'il s'agit d'un des principes cardinaux de la Convention internationale des droits de l'enfant dont nous fêterons le trentième anniversaire le 20 novembre prochain. Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose de retirer les amendements.
Vous souhaitez inscrire dans ce projet de loi le principe de non-discrimination, alors qu'il est déjà consacré dans des décisions de justice. Quand il s'agit d'inscrire l'intérêt supérieur de l'enfant, en revanche, vous considérez que c'est une répétition inutile.
Il y a pourtant là un objet d'inquiétude. L'intérêt de l'enfant est bien inscrit dans notre législation, mais dans des dispositions ayant trait à la protection de l'enfance et sous la forme d'un « intérêt de l'enfant » et non d'un « intérêt supérieur de l'enfant ». Or, comme le dit souvent Jean Leonetti, dans le domaine éthique, il peut y avoir des conflits entre plusieurs formes du bien, en l'occurrence entre l'autonomie de l'adulte et l'intérêt de l'enfant. Il nous semble qu'il faut faire primer les plus vulnérables, les plus petits, ceux qui n'ont pas encore leur mot à dire. C'est pourquoi nous demandons que soit inscrite dans le projet de loi la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les trois amendements identiques nos 75 de M. Xavier Breton, 401 de M. Patrick Hetzel et 1198 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Je formulerai l'avis de la commission sur ces amendements, en même temps que je répondrai aux propos que M. Bazin vient de tenir sur le principe de non-discrimination. J'espère clore le sujet pour le reste des débats – sans quoi, j'ai l'impression que vous comptez y revenir..
Comme vous l'aurez remarqué, dans le texte conventionnel, le principe de non-discrimination est inscrit sous la forme de listes non exhaustives, or, en droit interne, les discriminations font l'objet d'une liste exhaustive. Le droit pénal pointe ainsi vingt-deux critères de discrimination, comme le droit du travail.
Dans le présent projet de loi, nous avons décidé de ne choisir que certains de ces critères, les autres n'étant pas adaptés à l'ouverture de la PMA pour toutes.
Pour cette raison, le principe de non-discrimination devait être inscrit et précisé. Ce n'est pas le cas de l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, déjà reconnue par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable, donc.
Je suis sensible à votre argumentation, madame la rapporteure. Pourtant, vous ne répondez pas à ma question, qui sera posée de nouveau : faites-vous prévaloir, d'un point de vue éthique, l'autonomie de la personne adulte ou la protection de la vulnérabilité de l'enfant ?
L'intérêt supérieur de l'enfant est déjà un principe de valeur supralégislative, puisqu'il est reconnu par la Convention internationale des droits de l'enfant, dont nous fêtons cette année les trente ans, par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui s'inspire de cette convention, et enfin par le Conseil constitutionnel, qui l'a consacré dans sa décision du 17 mai 2013.
Monsieur Bazin, le temps programmé vous laisse pourtant la liberté de le faire.
Madame la ministre, le problème est que la décision du Conseil constitutionnel du 17 mai 2013 est une coquille vide. Le Conseil s'y prononce sur un jugement privant délibérément un enfant d'un de ses parents par la voie de l'adoption.
Dans cette décision, la référence à l'intérêt supérieur de l'enfant est de l'ordre de l'effet d'affichage, et le contenu de cette notion n'est pas défini. C'est pour cette raison que nous avons proposé les présents amendements. Ils permettront de rappeler cette notion, de lui donner une consistance.
Les amendements identiques nos 402 de M. Patrick Hetzel et 1199 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Monsieur Hetzel, on reconnaît l'enseignant à ce goût de la répétition.
Sourires.
Madame Belloubet, vous n'avez encore rien vu ; nous nous entraînons en prévision des articles sur la filiation.
Sourires.
Nous avons déjà eu cette discussion à propos du principe de précaution. Ce principe vient du droit de l'environnement et a été appliqué dans le droit de la santé. Les modifications apportées par ce projet de loi concernent peu le code de la santé et beaucoup le code civil, où le principe de précaution n'a pas d'application. Il serait ainsi curieux de faire référence à ce principe dans une loi relative à la bioéthique, où il n'est qu'incident.
Par ailleurs, le principe de précaution ne peut valoir que dans des situations caractérisées par des risques qu'il est impossible d'évaluer ou de maîtriser. Ce n'est pas le cas ici : le présent texte s'appliquera dans des contextes où nous savons à quels risques nous répondons ; il nous permet d'ailleurs de maîtriser des risques qui ne l'étaient pas dans le passé.
Dans les situations qui nous intéressent, il n'y a pas de confrontation entre, d'une part, l'autonomie de la volonté d'un adulte et, d'autre part, une vulnérabilité absolue de l'enfant. C'est uniquement si nous ne répondions pas aux besoins exprimés par des enfants devenus adultes que nous les placerions en situation de vulnérabilité. Avis défavorable.
Vous parlez comme si vous saviez quels effets aura ce projet de loi dans dix-huit ans – il faudra que vous m'expliquiez tout ce que vous savez…
Pour ma part, j'ignore quelles seront les conséquences de ce texte, notamment pour les enfants qui n'auront qu'un parent, une femme seule. Vous savez que la question me préoccupe – nous en parlerons lors de l'examen des dispositions sur la filiation. Comment être capable d'assurer que tout sera merveilleux pour ces enfants ? S'il arrive quelque chose au parent unique, ce que je ne souhaite ni à la mère ni à l'enfant, il faudra réfléchir aux vulnérabilités que crée ce texte.
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
Si nous insistons sur la référence à l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est que, notamment dans ce texte, le désir prend la primauté. Si le désir d'enfant est légitime, il y a là un glissement, qui a une incidence : on ne reconnaît plus le fait qu'il existe une finitude biologique. Ce glissement comporte des risques. Nous examinons un projet de loi relatif à la bioéthique ; un minimum d'éthique demanderait d'appliquer le principe de précaution.
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
Que vous ne vouliez pas l'entendre montre que vous choisissez de faire primer le désir d'enfant des adultes sur la protection de l'enfant.
Le groupe MODEM est favorable à l'article 3. Il témoigne d'un choix nouveau – celui d'une PMA avec tiers donneurs plus humaine – , et de l'écoute des personnes conçues par dons, ce qui était attendu.
Ces personnes pourront à leur majorité, si elles en éprouvent le besoin, combler le vide qu'elles décrivent souvent et découvrir un visage, une vie qui laisse forcément quelques traces dans la leur, n'en déplaise à notre collègue Jean-Luc Mélenchon, qui n'était pas de cet avis lors de son intervention d'hier.
Savoir d'où l'on vient permet de savoir qui l'on est et d'éviter de transmettre à sa descendance le poids du secret. Plus trivialement, cela permet d'éviter la consanguinité lors de rencontres, et de connaître ses antécédents médicaux. Ces personnes ne recherchent pas tant un parent, qu'une identité plus complète.
Il reste à bien appréhender, lors de l'examen de l'article, les formes concrètes que prendra cet accès aux origines : est-ce qu'une personne ayant donné avant l'entrée en vigueur de ce texte et dont le dossier aurait été perdu, pourra se faire connaître des personnes demandeuses, si elle le souhaite ? Dans ces cas, la question du recours aux tests génétique se pose. N'est-il pas légitime de contacter un donneur pour connaître son avis, si une personne majeure conçue grâce à son don souhaite le contacter ? Les dossiers des CECOS – centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains – seront-ils tous bien conservés le temps qu'il faut ? Comment rendre plus humaine, et la moins intrusive possible, la rencontre éventuelle ? L'examen de l'article sera l'occasion de poser ces questions.
J'ai enfin une remarque : je m'étonne – et je regrette – que des amendements que j'ai déposés aient été déclarés irrecevables au motif qu'ils contrevenaient aux dispositions de l'article 40 de la Constitution, alors que d'autres amendements qui créent pourtant une charge, ne l'ont pas été. C'est bien dommage, parce que cela nous empêche de défendre nos idées.
M. Bruno Fuchs et Mme Josie Poueyto applaudissent.
Après l'adoption de l'article 1er ce matin, de l'article 2 cet après-midi, nous voici à l'orée d'un débat ô combien important sur l'article 3. Je dois dire que je m'inquiète de constater qu'il va commencer dans un hémicycle qui n'est pas très rempli – est-il judicieux de poursuivre la séance tard ce soir, dans ces conditions ?
Ce débat me paraît central.
Ce débat me paraît absolument central. Il ouvre aux personnes nées d'AMP avec tiers donneur la possibilité d'accéder aux informations non identifiantes relatives au tiers, ainsi qu'à son identité. Il s'agit d'une avancée essentielle pour ce que l'on appelle communément l'accès aux origines. Cette sécurisation législative était nécessaire et attendue depuis longtemps. Nous nous félicitons de sa présence dans ce texte.
Nous nous satisfaisons également du maintien du principe d'anonymat du don, puisque le couple n'aura pas connaissance de l'identité du donneur au moment de l'acte. Il s'agit d'un principe fondateur de notre éthique.
Le Gouvernement a retenu l'option du consentement du tiers donneur au moment de son don de gamètes, contrairement à l'avis du Conseil d'État qui recommandait de l'interroger à la majorité de l'enfant. Dont acte, élaborer la loi, c'est faire des choix.
Toutefois, cette décision pose de nombreuses questions, qui seront laissées en suspens de très nombreuses années, puisque les premières demandes n'arriveront que dans une vingtaine d'années au plus tôt. Le donneur ayant expressément consenti à la levée de son anonymat souhaitera-t-il la révélation de son identité dix-huit, vingt, vingt-cinq ou trente ans plus tard, quand sa vie aura complètement changé ? La vie est telle qu'il est impossible de prévoir l'état d'esprit du donneur à une telle échéance : dès lors, ne faudrait-il pas l'interroger à nouveau ? Nous poserons ces questions qui nous animent au cours du débat.
À ce titre, le rapport voté en commission sur l'évaluation du dispositif en 2025 nous apportera certainement quelques éclairages, mais il faudra évidemment évaluer l'impact de cette mesure à un horizon plus long, au moment où les premières levées d'identité auront été effectuées.
L'article 3 modifie fondamentalement les modalités de l'anonymat du don. Le cheminement de la réflexion autour du projet de loi a remis en question de nombreux principes, en tout cas pour moi.
Quelle est la place de la biologie dans la filiation ? Est-elle importante ? Qu'est-ce qui fait un parent à part entière ? Qu'est-ce qui est essentiel pour l'enfant ? Où celui-ci trouvera-t-il le fondement et la base sur lesquels il va se construire ? Certains d'entre nous pensent que le pilier biologique est indispensable ; d'autres défendent le principe d'intention, qui, seul, prévaut dans l'acte d'être parent.
Pour ma part, si je suis consciente de l'importance de la biologie dans ce que je suis et dans ce que nous sommes, je découvre toujours davantage que ce que je suis m'a été donné par tous ceux qui ont été des présents dans ma vie et dans la nôtre. Ils ont partagé leurs valeurs et ont fait grandir les miennes et les nôtres ; ce sont des femmes et des hommes qui s'engagent pour l'autre, en un mot des personnes aimantes.
Où sont mes origines ? Que met-on derrière le droit aux origines ? Qu'est-ce qui est fondamental dans mes origines ? Le projet de loi me confronte à un paradoxe : le parent est bien celui qui choisit de faire sien un enfant et la biologie est secondaire. J'ai eu l'occasion de le dire en commission lorsqu'il a été sous-entendu que la mère qui porte l'enfant serait peut-être plus la mère que l'autre femme du couple. Non ! Il n'y a pas une mère qui le serait plus que l'autre.
Le projet de loi affirme la nécessité pour un enfant d'accéder à l'identité du donneur, afin de construire sa propre identité. Un enfant, accompagné par ses parents pour vivre avec la particularité de la conception par don, peut comprendre que celui ou celle qui a donné ne souhaite pas être nommément identifié. En revanche, le message du donneur expliquant le sens de son don constitue une pierre d'angle dans la construction d'un enfant.
Voilà pourquoi je défendrai, lors de l'examen de l'article, la possibilité de donner des droits aux donneurs, sans porter préjudice à ceux de l'enfant.
L'ouverture à toutes les femmes de la procréation médicalement assistée représente la principale mesure du présent projet de loi. Aujourd'hui, nous savons que les couples hétérosexuels, qui ont déjà accès à la PMA, les biologistes et les médecins des centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains – CECOS – font face à un manque criant de dons de gamètes.
Au-delà de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, son effectivité, son application et sa traduction concrètes constituent l'autre enjeu de ce texte. Malheureusement, celui-ci n'est pas suffisamment pris en compte.
Le taux de réussite des PMA, assez moyen en France, et l'augmentation de l'infertilité doivent faire l'objet d'un plan d'action destiné à développer la recherche, à permettre à chacun de réaliser un bilan régulier de fertilité...
... et à étudier l'impact de la pollution des eaux, de l'air, des sols, donc de notre alimentation et de l'environnement, sur l'infertilité.
L'ouverture de la PMA à toutes les femmes augmentera inévitablement la demande de gamètes ; or, les exemples européens nous montrent que la levée de l'anonymat des donneurs entraîne toujours une baisse drastique des dons de gamètes.
En outre, la levée de l'anonymat des donneurs peut créer des confusions dans la famille du donneur, chez la personne issue du don et dans la famille qui a fait appel à la PMA. Vous allez donc, avec la levée de l'anonymat, faire diminuer les dons au moment où leur demande va augmenter. Pour éviter la future pénurie, il faut engager une politique nationale visant à encourager les dons, en sensibilisant, informant et communiquant davantage. Il convient de laisser aux donneurs le choix de leur anonymat et de mettre en place des dispositifs incitant aux dons.
De même, l'afflux des demandes de procréation médicalement assistée et le manque de dons font courir le risque d'une marchandisation, contraire au principe de gratuité du don.
Enfin, la levée de l'anonymat des donneurs pourra, à terme, remettre en cause la filiation avec les parents d'intention. Que se passera-t-il lorsqu'une personne issue d'un don voudra établir la filiation avec son père biologique ? Rien n'est prévu dans le texte pour anticiper juridiquement ces situations, qui ne manqueront pas de se produire.
On fait souvent appel à la Cour européenne des droits de l'homme : dans vingt ans, qui vous dit que la Cour ne reconnaîtra pas la possibilité d'établir la filiation ? Nous ne savons pas où nous en serons à cette époque et nous rédigeons des lois créant des problèmes que d'autres auront à résoudre dans l'avenir. Nous devons donc réfléchir à cette question.
Manque de gamètes, inégalités territoriales dans l'accès à la PMA, absence de politique publique de recherche et de prévention de l'infertilité : le présent projet de loi manque de vision sur les problèmes à venir.
Mme la ministre a défendu la gratuité des dons de gamètes, comme l'avait fait M. Touraine. Mais vous faites le contraire de ce que vous dites, car la levée de l'anonymat va freiner la PMA. Soit vous développez la PMA, soit vous la freinez, mais ne prenez pas les deux directions à la fois. Je répète que la levée de l'anonymat diminuera les dons de gamètes, donc la possibilité de recourir à la PMA.
M. Maxime Minot applaudit.
L'article 3, que nous nous apprêtons à discuter, constitue l'une des pierres angulaires du projet de loi relatif à la bioéthique, en ouvrant son chapitre II relatif à la reconnaissance et à la sécurisation des droits des enfants nés d'une AMP.
Les oppositions à ce texte ont été nombreuses, certains ne reculant devant aucune imprécision. La plupart d'entre elles se sont cristallisées autour de l'intérêt supérieur de l'enfant, que nous avons toujours eu à coeur de sanctuariser, comme le montre cet article.
Celui-ci ouvre l'accès aux données non identifiantes et à l'identité des tiers donneurs, il met en place une commission chargée d'accueillir les demandes des personnes nées d'un don et d'organiser, avec l'Agence de la biomédecine, l'échange opérationnel et centralisé des données relatives aux tiers donneurs, et il permet aux donneurs et aux enfants nés d'un don avant l'entrée en vigueur du projet de loi de se manifester auprès de la commission.
Ces avancées répondent aux attentes formulées depuis trop longtemps par les enfants nés d'un don. La possibilité d'accéder aux origines facilite la construction de l'identité et l'épanouissement personnel ; elle améliore aussi l'accès des soignants aux données médicales.
En somme, il s'agit d'un article très riche et indispensable. Ouvrir l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur revient à consacrer un droit presque fondamental pour les enfants issus d'une AMP. Pour toutes ces raisons, je suis très fière d'appartenir à la majorité qui défend une telle disposition devant notre assemblée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 3 tendant à supprimer l'article.
L'article 3 vise à ouvrir l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur. Les avis que l'on a pu entendre sur cette mesure semblent presque unanimes, mais je voudrais que l'on prenne le temps de la réflexion.
Tout d'abord, la levée de l'anonymat, pour le dire rapidement même si cette formule ne résume qu'imparfaitement les considérations techniques de l'article, participe de l'effet domino de ce projet de loi : on étend l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, ce qui débouche obligatoirement sur la revendication de la levée de l'anonymat des donneurs. Il s'agit également d'un effet mikado : si l'on demande cette levée pour les couples de femmes et les femmes seules, on l'imposera ensuite aux couples hétérosexuels. Cette mesure est typique des effets domino et mikado qu'engendre ce texte.
Deuxièmement, il est faux d'affirmer que la société est unanime sur ce sujet. Bien sûr, des ouvrages et des émissions audiovisuelles donnent une répercussion très médiatique à certaines demandes, qui traduisent le besoin compréhensible de jeunes hommes et de jeunes femmes de connaître leurs géniteurs. Mais d'autres personnes nées grâce à un don de gamètes ne souhaitent pas la levée de l'anonymat, comme nous l'ont expliqué des représentants d'associations que nous avons reçus.
Je ne sais pas si ces personnes représentent une majorité silencieuse ou une minorité importante, peu importe à vrai dire, mais une grande partie des gens dont la naissance provient d'un don de gamètes demande qu'on ne touche surtout à rien, car leur situation leur convient.
Nous avons entendu, tout à l'heure encore, des propos défendant l'incitation, au nom d'une sorte d'obligation sociale, à révéler ce qui doit rester un secret de famille. On peut certes évoquer cette question à l'intérieur de la famille si tel est le souhait de ses membres : mais attention à ne pas imposer un changement qui n'est pas voulu !
Mon troisième point porte sur notre position de fond. En réalité, il n'existe pas de bonne réponse à la question de la levée de l'anonymat. Le noeud du problème, c'est le don de gamètes.
Certains de mes collègues, tels Marc Le Fur, sont favorables à la levée de l'anonymat et le revendiquent hautement, alors même que nous partageons de nombreuses positions. Pour ma part, j'y demeure très réticent, au nom de notre vision de la filiation.
Une vision de la filiation repose uniquement sur l'intention, le projet, d'où le pilier corporel est évincé. La nôtre repose sur trois piliers : un pilier corporel, un pilier affectif et un pilier social.
Chers collègues de la majorité, vous manifestez une volonté de les dissocier, considérant que seule compte la volonté d'élever et d'aimer un enfant, tandis que la dimension biologique et corporelle n'aurait aucune importance.
Nous convenons qu'il ne faut pas surévaluer cette dernière, mais il ne faut pas non plus l'évincer. Nous tâchons toujours d'assurer l'harmonie, l'unité de la personne, autour des trois piliers de la filiation que sont le pilier corporel, le pilier affectif et le pilier social.
Avec l'article 3, nous allons vers leur dissociation. C'est pourquoi nous proposons de le supprimer.
Mon cher collègue Breton, j'avoue ne pas avoir compris si vous avez défendu la suppression de l'article 3 ou si vous souhaitez également supprimer l'article 1er, relatif à l'ouverture de la PMA. Vous avez prononcé un réquisitoire évoquant la filiation et la suppression du pilier corporel. Nous sommes assez loin de l'article 3.
Pour vous répondre, je remonterai le temps. En 1994, le législateur de cette assemblée vous a répondu, en créant un mécanisme de filiation dans le cadre des PMA ouverte aux couples hétérosexuels, au sein de laquelle la filiation avec le donneur est bloquée. Aucune difficulté n'est survenue alors, et le droit de la filiation en France n'a pas été bousculé.
La situation n'est pas plus compliquée de nos jours. Revenons-en véritablement à l'article 3, relatif à l'accès aux origines : il ne bouscule pas davantage le principe de l'anonymat du don. Je ne voudrais pas qu'une ambiguïté demeure à ce sujet. Le principe de l'anonymat du donneur est maintenu, et même réaffirmé, vis-à-vis de la société comme du receveur.
Il s'agit simplement de donner accès à des informations – des données identifiantes et des données non identifiantes – , lors de la majorité de l'enfant, si celui-ci le souhaite. Cela n'a rien d'automatique et ne constitue pas une obligation. Nous en avons débattu tout à l'heure : nous n'obligeons pas les parents à révéler l'identité du donneur ; nous permettons à l'enfant, devenu personne majeure, d'y accéder, ce qui est très différent.
Nous laissons le temps aux familles, au cours de la minorité de l'enfant, d'installer un mode de relation avec l'enfant leur permettant, au moment qui leur convient, de dialoguer avec lui à ce sujet. Nous ne tombons ni dans un excès ni dans un autre. Au contraire, nous ménageons parfaitement les équilibres.
Nous ménageons celui des parents, qui auront vécu le parcours de la PMA et devront construire leur relation avec l'enfant, à leur façon. Chaque famille aura sa méthode pour aborder le sujet avec lui, et lui parler de son mode de conception, au moment qui sera opportun pour chacun.
Nous ménageons également celui de l'enfant qui, devenu majeur, devra répondre à des questions soulevées par son histoire – et non sa filiation, ce qui est très différent – , ainsi que par une partie de son patrimoine génétique, sans interroger aucunement ses relations filiales. Je ne vois pas de difficulté particulière à ce sujet.
J'aimerais aussi dissiper les peurs relatives au principe de gratuité, qui résultent à mon sens d'une erreur d'appréciation. Nous ne modifions pas du tout ce principe. Nous l'avons même réaffirmé au cours des trois jours précédents. Je répète que la possibilité d'accéder à une partie de ses origines ne modifie en rien le principe de gratuité.
S'agissant de la peur de la pénurie de gamètes, l'une de nos collègues a cité l'exemple de certains pays étrangers. Or ces exemples démontrent que le niveau des stocks remonte à l'issue d'une brève période d'accalmie, et atteint même un niveau supérieur au précédent, car il y a davantage de donneurs, et davantage de donneurs assumés. Tant mieux ! Je suis très fière et heureuse pour la France, que nous avancions dans cette direction, comme l'ont montré nos travaux en commission.
Monsieur Breton, à défaut du retrait de votre amendement – qui n'est pas opportun – , j'émets un avis défavorable.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux propos de Mme la rapporteure, qui a tout dit. Je tiens toutefois à réaffirmer devant vous, mesdames, messieurs les députés, que l'on constate fréquemment une confusion entre la levée de l'anonymat et l'accès aux origines.
Nous ne procédons pas à la levée de l'anonymat du don de gamètes. Les donneurs ne choisiront pas les couples auxquels ils donnent, et les couples de receveurs ne choisiront pas le donneur auquel ils ont accès. L'anonymat du don est donc parfaitement conservé.
Il existe toutefois une différence entre le don de gamètes et le don d'organe, de cellules ou de tissus, c'est qu'une tierce personne en est issue. Celle-ci – Adrien Taquet en parlera mieux que moi – a parfois besoin d'obtenir des informations pour mieux se connaître, mieux se construire ou comprendre certains pans de sa vie personnelle ou familiale qu'elle ne comprend pas.
Pour ceux qui le voudront, nous ouvrons cette possibilité. C'est à la tierce personne que nous donnons accès à des données non identifiantes, qui souvent suffiront, voire à des données identifiantes, si le besoin s'en fait sentir.
Par conséquent, il ne s'agit en rien – je vous demanderai d'y être attentifs, car il s'agit d'un principe fondamental en France – d'une levée de l'anonymat du don de gamètes. Nous ouvrons aux enfants nés d'un don l'accès à leurs origines.
Par ailleurs, le risque d'une pénurie de donneurs a été évoqué. Je rappelle que l'ouverture de la PMA aux femmes ne nécessite a priori que des spermatozoïdes, et non des gamètes féminins, sauf exception. Or il n'existe aucune tension sur les spermatozoïdes. Depuis que les personnes n'ayant pas eu d'enfants ont le droit de donner leurs gamètes, il n'y a plus de pénurie.
Comme l'a rappelé Mme la rapporteure, nous savons que nous avons changé de profil des donneurs. Nous risquons d'observer une légère baisse des dons, à tout le moins un changement de profil des donneurs, qui nous amènera à attendre d'avoir reconstitué un stock avec les nouveaux donneurs pour basculer d'un régime à l'autre.
Nous mettons tout en place pour qu'il n'existe aucun risque de pénurie de gamètes, à aucun moment. Par conséquent, il n'y a pas lieu de brandir ce risque dans le cadre du présent projet de loi.
À présent, je laisse la parole à Adrien Taquet, qui évoquera l'intérêt de l'enfant.
J'aimerais revenir sur l'effet domino ainsi que sur l'effet mikado évoqués par M. Breton, et parler de l'intérêt de l'enfant. Je tiens à rassurer M. Hetzel et M. Bazin : ce principe a irrigué la rédaction du projet de loi, qu'il s'agisse de l'article 3 ouvrant la possibilité d'accéder à ses origines ou de l'article 4 – dont nous débattrons ultérieurement – sécurisant le droit de la filiation ou du refus de l'AMP post mortem.
Il n'y a là aucun effet domino. Nous ne permettons pas l'accès aux origines parce que nous avons ouvert l'accès à l'AMP, mais parce que c'est une bonne chose au regard de l'intérêt de l'enfant.
Il n'y a pas davantage d'effet mikado. Nous n'imposons pas aux couples hétérosexuels de révéler l'origine des enfants. Nous instaurons un régime dans lequel le donneur, lorsqu'il donne ses gamètes, en connaissance de cause et en conscience, sait que des éléments d'identité pourront être transmis à l'enfant à naître lorsque celui-ci aura dix-huit ans.
Ces dispositions sont importantes pour l'enfant. Les experts, ainsi que les personnes concernées – dont l'avis me semble essentiel – , s'accordent à considérer que le secret sur les origines, le mensonge sur les conditions de la conception, ainsi que la fiction parfois entretenue au sujet de la procréation naturelle – dans le cadre d'enfants nés de tiers donneurs mais aussi de l'adoption – , sont délétères et peuvent avoir un retentissement considérable sur la vie des personnes concernées.
Connaître la vérité, avoir la possibilité, pour les personnes qui le souhaitent et qui en ressentent intimement le besoin et l'envie – tel n'est pas toujours le cas – , d'avoir accès à l'identité de la personne ayant participé à leur venue au monde semble être un besoin fondamental. Même si on ne le leur a pas dit, elles sentent et savent au fond d'elles-mêmes qu'il y a quelque chose.
J'ai reçu, j'ai écouté – vous avez reçu, vous avez écouté – de nombreux enfants issus d'un don de gamète. Vous avez probablement lu l'ouvrage d'Arthur Kermalvezen. Tous expriment leur désarroi face à l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui d'identifier leurs origines.
Je parlent de ceux qui en ressentent le besoin, car il ne s'agit pas d'une obligation. Nous souhaitons donner la possibilité, à ceux qui en ressentent le besoin, d'accéder à leurs origines, le donneur sachant, au moment de procéder au don de ses gamètes, que l'enfant pourra accéder à ces informations lors de sa majorité.
Les pédopsychiatres confirment la difficulté de se construire dans le secret et la frustration – suscitée par ce qui s'apparente à un trou noir dans l'histoire et le récit de l'individu – , ainsi que dans l'impossibilité de connaître qui l'on est.
Il n'y a pas unanimité au sein de l'opinion en la matière ; vous avez probablement raison sur ce point. Toutefois, plusieurs études démontrent qu'une très grande majorité de Français, conscients de la situation, sont favorables à l'ouverture de la possibilité pour les enfants nés d'un tiers donneur d'accéder à leurs origines. Les associations, dans leur très grande majorité, sont acquises à l'ouverture de ce droit fondamental pour les enfants concernés.
Enfin, il semble nécessaire de répéter qu'il ne faut pas confondre la recherche des origines, ainsi que l'accès aux origines, avec une recherche en paternité ou en maternité. Au demeurant, ce n'est pas ce que demandent les enfants concernés. Par conséquent, cette ouverture ne menace en rien la famille fondée sur une filiation faisant coïncider parentalité biologique, juridique et sociale.
Ce que ressentent les enfants nés d'un don, ce n'est pas la nécessité de rechercher un père ou une mère, mais celle de rechercher un récit, une histoire. Il n'existe donc aucun risque que les donneurs soient pris pour les parents. Chacun fait bien la distinction entre les statuts respectifs.
Quant aux enfants nés d'un don, rien ne les oblige à rencontrer le donneur, permettez-moi de le préciser. Nous leur ouvrons seulement le droit de connaître une identité, un récit, une histoire, sans qu'il en résulte nécessairement une rencontre.
Ce droit que nous ouvrons par le truchement de l'article 3 peut nous inspirer une certaine fierté, comme l'indiquait tout à l'heure Mme Brunet. Il permettra à de nombreux enfants de notre pays de se construire, de se développer et de s'épanouir mieux qu'ils ne le font à l'heure actuelle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je tâcherai de me mettre à la place de chacun. En tant que députés, nous sommes là pour les gens. Même si j'ai mes convictions, je me mets à la place des autres.
Qui nous dit que les donneurs sont favorables à la levée de leur anonymat ? Parmi les enfants, certains seront de bons enfants, d'autres seront assez durs. Ceux-ci, une fois majeurs, exigeront – en se fondant sur le présent projet de loi – de savoir qui est leur père biologique, et la Cour européenne des droits de l'homme finira par leur donner gain de cause.
Je suis favorable à l'ouverture de la PMA, car il est certain qu'il faut aider les couples qui ne peuvent pas avoir d'enfant. Mais vous ne pouvez pas simultanément ouvrir le droit à la PMA et y mettre des freins. Je répète qu'il faut aider ceux qui veulent donner leurs gamètes à donner davantage.
Mme la rapporteure a cité l'exemple des autres pays européens. Mais nous sommes français ! Nous autres, Français, ne raisonnons pas nécessairement comme nos amis européens. Pensez-y ! Il faut mettre tout cela dans la balance !
Au lieu d'exiger de lever l'anonymat des donneurs, mieux vaudrait mitiger le texte, en acceptant une levée de l'anonymat pour certains donneurs. Si quelqu'un veut donner ses gamètes pour aider l'humanité, ou à tout le moins ses concitoyens, laissez-le donner dans l'anonymat !
C'est tout ce que je demande. Madame la ministre, je veux être juste. Vous êtes médecin comme moi. Nous sommes confrontés à des gens aux avis divers. Il faut les aider et faire preuve de justice, en nous mettant à leur place des autres, pas davantage.
L'amendement no 3 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1467 .
L'amendement no 1467 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 758 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur cette question, chacun le comprendra, les avis sont très partagés au sein même de tous les groupes : c'est la preuve qu'il s'agit d'un vrai sujet éthique, puisque nous sommes au-delà des limites et des barrières politiques.
J'ai pour ma part la conviction que l'on n'arrêtera pas l'aspiration des jeunes, en particulier des jeunes adultes, qui veulent connaître leurs origines ; elle est naturelle, elle est le fait de beaucoup de gens, voire de tout un chacun. J'ai été très frappé par l'histoire d'Arthur Kermalvezen ; il se trouve que je l'ai croisé très tôt dans son itinéraire, avant qu'il ne retrouve son père.
Si les Français se précipitent sur les études généalogiques les plus diverses, ce n'est pas pour rien ; si les jeunes issus d'une adoption, aspirent à connaître leurs origines, même lorsqu'elles sont au bout du monde, ce n'est pas pour rien. C'est toujours la même histoire ! Ce n'est pas l'histoire d'un individu singulier ; nous sommes tous des chaînons.
Chacun de ces jeunes a été heureux d'être accueilli dans une famille généreuse ; il n'empêche qu'il cherche à connaître ses origines. Vous ne les arrêterez pas ! Et la science contribuera de plus en plus à sa recherche. Cette demande sera plus forte encore de la part des enfants qui auront été élevés par des couples lesbiens, puisque la vraisemblance biologique n'y existera pas ; la demande des origines se manifestera donc très tôt.
Il faut donc se poser cette question, clairement, sans ambiguïté.
Quelle qu'elle soit, la paternité est une responsabilité. Qu'elle soit légitime, qu'elle résulte d'une unique soirée, qu'elle résulte d'un don, c'est toujours une responsabilité.
Je mets ma main au feu, madame la garde des sceaux, que nous assisterons ici à la même histoire juridique que celle qu'ont parcourue les enfants naturels. Au début, on leur a tout refusé ; ils n'avaient pas accès à leur histoire, à leur patrimoine culturel, et puis petit à petit le droit a dû évoluer. Sur cette question que nous traitons ce soir, ce sera la même chose : nous n'arrêterons pas cette demande, parce qu'elle est légitime, parce que la science contribuera à répondre aux questions.
Elle est d'ailleurs légitime pour de multiples raisons : pour des raisons sanitaires, simplement, parce que l'on peut être confronté à des maladies génétiques ; pour des raisons sociales aussi, puisqu'il est bon de savoir si l'on croise sa soeur, sa demi-soeur, pour un homme, ou son frère, son demi-frère, pour une femme !
Pour toutes ces raisons, la paternité, quelle qu'en soit la nature, engage toujours. Celui qui donne engage aussi une forme de responsabilité, même si celle-ci ne sera assumée que si l'enfant issu de ce don le souhaite – il ne s'agit pas d'obliger qui que ce soit.
C'est pour cela qu'il faut, d'une manière ou d'une autre, permettre l'information ; nous en avons déjà longuement parlé. Une fois donnée l'information que l'on n'est pas biologiquement issu du couple qui vous a élevé, il faut permettre à celui qui le souhaite, à celui qui en a le courage aussi, parce que ce ne sont pas des découvertes faciles, de découvrir ses origines.
Je le redis, l'histoire sera la même que celle des enfants naturels : ils ont été mis au ban, puis ils ont gagné leur place en droit ; ces enfants issus de dons de gamètes parcourront le même itinéraire.
C'était une très belle intervention, monsieur Le Fur, mais qui n'avait rien à voir avec les amendements en discussion, et c'est sur ceux-ci que je dois vous donner l'avis de la commission.
Sourires.
Ces amendements tendent à modifier l'article 3 pour que seul un médecin ait accès aux données non identifiantes. L'avis est défavorable.
Nous reviendrons certainement sur tout ce que vous avez dit. Je veux seulement répéter qu'en droit français, la question de la filiation avec un donneur est réglée depuis 1994 : il n'y a pas de paternité du donneur. Il n'y a qu'une parenté génétique.
La parole est à Mme Christine Hennion, pour soutenir l'amendement no 2348 .
Cet amendement vise à clarifier la notion de « données non identifiantes ». Il s'agit en effet de données à caractère personnel, régies par le règlement général sur la protection des données – RGPD. Or certaines données pourraient être indirectement identifiantes. Nous parlons ici de périodes très longues, mais aussi de techniques qui évoluent très vite : nous ne savons pas ce que sera, dans quelques années, une donnée directement ou indirectement identifiante. L'identification sera, à coup sûr, de plus en plus facile.
Je propose de remplacer le terme de « données non identifiantes » par celui de « données non nominatives ». Cela précisera l'intention du législateur.
J'entends votre demande, et je sais que c'est une réflexion que vous menez avec notre collègue Paula Forteza, qui travaille beaucoup sur ces sujets. C'est un débat que nous avons eu en commission. Les termes que vous proposez ne me semblent pas correspondre exactement aux mêmes données. Comme en commission, je suggère le retrait de l'amendement ; à défaut, un avis défavorable.
La notion de « données nominatives » n'existe ni dans le RGPD, ni dans la loi informatique et libertés. Le terme employé par le RGPD est celui de « données à caractère personnel », définies comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable [… ] directement ou indirectement ». La notion de données non nominatives ne permet donc pas de discriminer des données directement ou indirectement identifiantes.
Le terme de données non nominatives ne couvre pas bien le champ souhaité ; par exemple, la date de naissance est une donnée non nominative, mais plus identifiante que l'âge. C'est pourquoi nous préférons conserver le terme de « identifiantes » et « non identifiantes ». Avis défavorable.
Dans le cas où il faut accéder, pour des raisons médicales, à des informations sur le donneur, comment saurez-vous si certaines données ne pourraient pas être indirectement identifiantes, et permettre d'identifier celui-ci ?
Parmi les données identifiantes, il y a le nom, le prénom, la date de naissance, éventuellement le lieu de naissance du donneur. Cela couvre un champ assez large, et permet de mieux décrire ce que sont, par opposition, des données non identifiantes.
Vous décrivez des données directement identifiantes, madame la ministre. Il conviendrait peut-être de parler alors d'employer ce terme : des données « directement identifiantes ».
Ces dispositions sont nouvelles, et il y a peut-être un problème de formulation.
Ce qui est prévu, c'est qu'un enfant né d'une PMA puisse choisir, à sa majorité, s'il a besoin de se construire un récit génétique, d'avoir accès soit à l'identité du donneur, soit à des données non identifiantes. Il aura finalement le choix entre trois blocs : données non identifiantes ; données identifiantes ; ou l'ensemble de toutes les données connues.
Il est tout à fait possible que certains choisissent de ne recevoir que des données non identifiantes et ne souhaitent pas, peut-être dans un premier temps, ou définitivement, avoir accès à l'identité du donneur. Peut-être une personne n'a-t-elle besoin que de quelques éléments pour construire le récit génétique dont elle a besoin. Parmi les données non identifiantes figurent l'âge, l'état général du donneur tel qu'il le décrit au moment du don, ses caractéristiques physiques, une situation familiale et professionnelle, son pays de naissance, les motivations du don rédigées par le donneur lui-même. Les détails seront précisés par décret.
Ces données sont de nature à permettre de raconter une histoire sans pour autant donner accès à l'identité si tel n'est pas le choix de l'enfant issu d'un don et devenu majeur, à ce moment de sa vie. Il s'agit de respecter les besoins de chacun de façon graduée.
Je retire l'amendement, mais je pense qu'il faut continuer à réfléchir sur ce sujet, ce que je ferai avec Mme Forteza.
L'amendement no 2348 est retiré.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 2506 .
Je vais présenter cet amendement en disant tout de suite qu'il ne me satisfait pas tout à fait moi-même.
Imaginons un enfant né d'un don et qui présente un tableau clinique particulier ; le médecin qui s'occupe de cet enfant souhaiterait alors pouvoir accéder aux données médicales du donneur. Dans ce cas, l'amendement prévoit un passage par le DMP – dossier médical partagé – du donneur, à condition que celui-ci en autorise l'accès au médecin de l'enfant, soit par l'intermédiaire de la commission, soit – ce qui fait l'objet d'un autre amendement, no 2505 – directement.
Il apparaît toutefois qu'il n'est pas possible de séparer, dans le DMP, les données identifiantes des données non identifiantes. Or seul l'enfant devenu adulte peut accéder à ces données identifiantes ou non identifiantes. J'ai essayé de modifier mon amendement, mais je n'y suis pas arrivée… Peut-être Mme la rapporteure pourrait-elle déposer un amendement proche ? Le but est de garantir l'intérêt supérieur de l'enfant ; si celui-ci est malade, il est important de disposer d'autant d'informations que possible, en particulier sur le patrimoine génétique du donneur.
L'idée serait que le médecin de l'enfant puisse s'adresser à la commission ad hoc, laquelle aurait la faculté de remonter au dossier médical du donneur et de transmettre les seules données médicales non identifiantes nécessaires au dossier, à la condition expresse que le donneur lui en ait donné l'autorisation.
J'ai trituré les choses dans tous les sens et le résultat est un peu complexe, mais il me semblait important de trouver une solution pour avoir rencontré, au cours de mon activité clinique, le cas extrêmement problématique d'un adolescent né d'un don qui présentait les symptômes d'un début de chorée de Huntington – sachant que le donneur avait lui-même développé cette maladie.
L'idée est que le médecin qui s'occupe d'un enfant présentant une problématique clinique puisse avoir accès à toutes les informations nécessaires tout en protégeant le donneur. Je ne sais pas si c'est la bonne solution mais Mme la rapporteure peut toujours le sous-amender.
C'est effectivement un sujet dont la commission a longuement débattu et qui a beaucoup occupé nos collègues sur tous les bancs. Nous avons beaucoup échangé sur ce sujet parce que nous étions très préoccupés par cette question.
le deuxième alinéa de l'article prévoit déjà qu'un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité médicale au bénéfice d'une personne conçue à partir de gamètes issues d'un don ou au bénéfice d'un donneur de gamètes. En outre, aux termes de l'alinéa 25, la commission a l'obligation de se prononcer, à la demande du médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission. Cela peut constituer une réponse au genre de cas que vous évoquez.
La question à laquelle je n'arrive pas encore tout à fait à répondre est celle de savoir où elle pourra trouver ces informations, et c'est là que la question du DMP se pose. Je pense que c'est votre question : quels moyens a la commission de répondre à la demande du médecin d'avoir accès aux données non identifiantes dans les cas définis par l'article, puisqu'il n'existe pas, à ce jour, de registre des données médicales ? En un mot, l'alternative est soit l'autorisation d'accéder au DMP du donneur, soit l'enregistrement des données médicales.
Il est très compliqué de concilier l'accès au DMP du donneur et la protection du secret médical. Quant au registre des données médicales, je sais que la question de sa création est en suspens. Les amendements tendant à créer un tel registre ont été retoqués au titre de l'article 40 comme créant une charge supplémentaire – on sait que les députés ne sont pas habilités par la Constitution à prendre l'initiative de dépenses nouvelles. Reste que c'est une demande très forte de nombreux parlementaires. Je remets donc entre vos mains, madame la ministre, cette question que nous n'avons pas résolue : comment la commission pourra-t-elle avoir accès à de telles informations et les transmettre au médecin qui en fera la demande ?
Le sujet est complexe, en effet, et je comprends évidemment l'inquiétude des parlementaires qui ont travaillé sur la question : ils ont le sentiment que l'enfant né d'un don subirait une forme de perte de chance du fait de ne pas avoir accès aux données médicales du donneur.
Je voudrais d'abord vous rassurer d'un point de vue général : on doit, avant un don de gamètes, remplir un questionnaire extrêmement précis sur tous les antécédents familiaux, visant à éliminer tout risque de pathologie génétique, maladie rare ou maladie chronique. C'est une forme de sélection médicale des donneurs. Heureusement que l'ensemble de la population française n'est pas soumis à une telle obligation avant de faire un bébé parce que, si tel était le cas, il n'en naîtrait plus beaucoup ! C'est pour cette raison que, d'une certaine façon, l'enfant né d'un don a en réalité une chance supplémentaire de ne pas être malade par rapport à la population générale.
On estime en outre que 15 à 20 % des enfants ne sont pas les enfants de leur père putatif : la perte de chance concerne donc énormément de gens en France, malheureusement ! C'est même pire puisque, dans ce cas, les médecins se fondent sur des informations fausses.
Nous allons essayer d'améliorer la situation et de remédier à cette perte de chance éventuelle. Nous proposons ainsi, parce que la santé est quelque chose de dynamique et non de statique et que les données médicales du donneur peuvent avoir évolué dix, vingt ou trente ans après le don, l'obligation pour le donneur d'informer l'enfant, via la commission d'accès aux données, de la présence d'éventuelles maladies d'origine génétique, et inversement.
La commission fera son travail. Je n'imagine pas qu'elle s'oppose à la transmission d'une donnée médicale essentielle. Selon moi, il vaut mieux que le règlement dise quel type d'informations on transmet plutôt de mettre en place au niveau législatif une sorte de communication entre DMP qui me paraît horriblement compliquée. C'est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement sinon j'y serai défavorable : nous ne savons pas faire cela aujourd'hui.
La disposition dont Mme la ministre vient de parler figure à l'article 9, modifié par la commission. Le texte originel prévoyait, dans le cas où une anomalie génétique serait identifiée chez un tiers donneur, que l'information puisse être transmise à l'enfant né du don, et inversement. Désormais, cette alerte est impérative, ce qui satisfait votre demande sur le terrain génétique.
Merci, madame la rapporteure et madame la ministre. J'entends vos arguments mais avant de retirer mon amendement, je voudrais préciser qu'il ne s'agissait pas tant d'une perte de chance, d'autant moins que cela ne concernera pas beaucoup d'enfants, le questionnaire opérant une sélection très importante. Certes, le DMP du donneur n'est pas une réponse satisfaisante à notre problématique, mais il présente l'avantage de continuer à être alimenté bien après que le donneur a répondu au questionnaire en question, ce qui, au-delà des pathologies les plus graves, est sécurisant pour le médecin en charge de l'enfant.
Je suis cependant prête à retirer l'amendement, en formant le voeu que cette affaire soit résolue au niveau réglementaire.
L'amendement no 2506 est retiré.
La parole est à Mme Florence Provendier, pour soutenir l'amendement no 107 .
Afin d'éviter tout risque de consanguinité, il semble primordial que toute personne issue d'une PMA n'ayant pas souhaité accéder à l'identité de son donneur et sur le point de s'unir civilement, puisse vérifier qu'elle n'est pas issue du même donneur que son futur conjoint, sans remise en cause de l'anonymat.
Aujourd'hui, l'article L. 1244-6 du code de la santé publique dispose qu'un médecin peut, à la demande du couple, vérifier que les deux personnes ne sont pas issues du même donneur. Cette possibilité doit devenir une obligation. Certaines personnes souffrent de ne pas pouvoir accéder à cette information avant de s'unir et d'envisager d'avoir des enfants ensemble.
Nous avons eu aussi ce débat en commission et certains couples – dont les époux Kermalvezen qui, je crois, nous écoutent depuis les tribunes – nous ont dit qu'ils n'avaient pas pu opérer cette vérification avant de se marier. Depuis, l'article L. 1244-6 a été modifié et la nécessité médicale a remplacé la nécessité thérapeutique. En effet, l'accès à ces informations leur avait été refusé au motif que le risque de consanguinité ne serait pas un risque thérapeutique. Désormais, la consanguinité relève bien de cette notion de nécessité médicale, je tiens à le réaffirmer pour les magistrats qui se poseraient la question.
C'est donc une demande de retrait.
Un médecin peut toujours prescrire une recherche de consanguinité. En outre, la loi prévoit que le médecin peut demander au CECOS à l'origine du don s'il y a consanguinité ou non. Tout cela sera centralisé à l'Agence de la biomédecine lors de la mise en place du registre. Les personnes nées d'un don pourront consulter le registre pour vérifier s'il y a consanguinité. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
Me voilà rassurée. Je vous fais confiance et je vais retirer cet amendement, même si je le défends au nom d'un collègue.
L'amendement no 107 est retiré.
L'amendement no 864 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le présent amendement vise à inscrire la mention du mode de conception au sein du dossier médical partagé de l'enfant conçu à partir d'un don de gamètes. Il propose également que la mention du mode de conception soit accompagnée d'une autre mention précisant si l'enfant est informé ou non de sa conception par tiers donneur.
Même si cette solution n'est pas parfaite, il s'agit de permettre aux personnes conçues par don de bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée. Cette mention dans le DMP permettra au médecin de ne pas se fonder sur les données médicales des parents. Elle éviterait aussi aux parents de devoir rendre compte de leur parcours procréatif à chaque consultation. En outre, les parents, qui, tant que l'enfant est mineur, sont titulaires de son DMP, ont la possibilité de cacher cette information aux professionnels qui n'auraient pas à le savoir. Enfin, les données du DMP étant effaçables à tout moment, lorsque la personne issue d'un don aura connaissance de cette information, il sera à même de la donner au médecin et n'aura pas à la laisser dans le DMP ad vitam aeternam.
J'espère que le débat débouchera sur une issue plus favorable à cet amendement en séance qu'en commission, où il n'a pas été accepté.
La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement no 1334 .
Cet amendement de mon collègue Philippe Vigier vise également à donner au médecin l'accès à cette information, mais il propose de l'inscrire dans le DMP des parents plutôt que dans celui de l'enfant.
Madame Romeiro Dias, le sujet que vous soulevez a longuement occupé la commission, et différents interlocuteurs – y compris des professionnels – nous en ont saisis durant les auditions. Une première difficulté tient au fait que le mode de conception n'est pas une information médicale à proprement parler. Par ailleurs, des médecins nous ont expliqué qu'ils n'étaient pas tenus au secret médical vis-à-vis d'un patient mineur – disons, un adolescent plutôt qu'un petit enfant – qui traverse un moment de souffrance possiblement lié à l'ignorance de son mode de conception. Il leur est extrêmement délicat de déterminer s'ils doivent ou non lui révéler cette information. De ce point de vue, la solution du dossier médical partagé ne paraît pas pleinement satisfaisante. Cela étant, je salue les avancées réalisées en commission grâce à Philippe Berta et à son amendement, qui permettront de traiter en partie cette question. Ainsi l'article 3 prévoit-il que le médecin puisse accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité médicale, et non plus seulement en cas de nécessité thérapeutique. L'information du médecin sera donc renforcée.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, je m'associe à mes collègues parlementaires pour considérer que nous devons progresser en la matière d'un point de vue réglementaire, particulièrement vis-à-vis d'adolescents qui peuvent être en proie à des interrogations lorsqu'ils atteignent leur majorité sexuelle et désirer avoir des rendez-vous médicaux sans leurs parents. Quelles informations leur seront alors communiquées, a fortiori si le médecin n'est pas lui-même informé de leur mode de conception ? Nous ne sommes pas parfaitement mûrs sur ce sujet, et n'avons pas trouvé la solution législative idéale. Je ne doute pas que vous-mêmes et votre ministère la trouverez prochainement, car je sais combien ces situations vous préoccupent. À ce stade, je ne peux donner un avis favorable.
L'intention est ici de sécuriser la vie des enfants issus d'une conception par tiers donneur et de leur donner accès au plus grand nombre d'informations possible – souhait qui nous anime tous, que nous soyons médecins ou non. Dans les couples homosexuels, l'enfant saura de toute évidence qu'il est né d'un don ; il n'est donc pas besoin de le préciser dans le dossier médical partagé. Pour les enfants nés d'un don dans un couple hétérosexuel en revanche, l'inscription de cette information dans le DMP équivaudrait à la rendre obligatoire à l'état-civil. Ce serait une autre façon de communiquer l'information à l'enfant.
À l'âge de 18 ans, un enfant a le droit d'accéder à son DMP, qui est sa propriété privée. En découvrant ses données médicales, il sera informé qu'il est né d'un don. Les couples hétérosexuels seront donc contraints de révéler cette information. Cela me paraît problématique au regard des choix que nous avons faits en matière de filiation, et dans la mesure où nous avons maintenu le droit pour les parents de ne pas informer l'enfant qu'il est issu d'un don, tout en les incitant à le faire. Or une inscription dans le DMP rendrait cette information systématique.
Je propose un retrait des amendements, à défaut de quoi mon avis sera défavorable.
Je ne partage votre inquiétude quant à la révélation du mode de conception de l'enfant à ses 18 ans, puisque cette mention peut être effacée du DMP avant la majorité de l'enfant. Elle y figure tant qu'il est mineur et qu'elle est utile d'un point de vue médical. En revanche, je n'ai pas trouvé de solution à la question du secret médical portant sur les origines de l'enfant. Je retire l'amendement, en espérant que la navette parlementaire nous laissera suffisamment de temps pour aboutir à une solution.
L'amendement no 2558 est retiré.
Je maintiens l'amendement no 1334 et j'aimerais obtenir une réponse à son sujet.
Je ne vois pas l'intérêt de mentionner la conception par tiers donneur dans le dossier médical des parents, comme le préconise votre amendement. Par définition, les parents possèdent cette information et peuvent en discuter avec leur médecin. Nous nous attachons plutôt ici à la protection d'un enfant qui, devenu adolescent, aurait des entretiens seul à seul avec un médecin. Le médecin ne sera pas informé de son mode de conception si l'information figure dans le DMP de ses parents. Cette mesure est donc moins utile que celle que préconise l'amendement précédent – bien qu'il ne donne pas toute satisfaction quant au juste équilibre du secret médical.
Je reconnais que le sujet est extrêmement compliqué. Nous y travaillons depuis un mois, après un an de travaux menés par les services. Pour le moment, aucune solution satisfaisante ne se dégage.
L'amendement no 1334 n'est pas adopté.
L'amendement no 1569 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Alors que les stocks de gamètes sont déjà faibles, la levée de l'anonymat risque d'aggraver la situation et de créer une pénurie. Les exemples européens montrent qu'après la levée de l'anonymat, le nombre de donneurs de gamètes diminue. Il remonte certes par la suite, mais chaque pays a ses spécificités, et rien ne dit que la France suivra le même mouvement que les autres. Outre une pénurie de dons qui rendra la loi presque inapplicable, la levée de l'anonymat du donneur soulève d'autres interrogations. Lorsqu'une personne issue d'un don retrouvera son donneur, quelles en seront les conséquences pour l'équilibre de ce dernier, s'il vit en couple et élève des enfants ? Rappelons que ce donneur aide l'humanité, par altruisme envers ses concitoyens.
L'histoire et l'identité d'un enfant conçu par assistance médicale à la procréation ne se résument pas à sa filiation biologique ; elles sont le fruit d'un projet parental, porté par ses parents d'intention. Je m'oppose donc à la levée de l'anonymat des donneurs de gamètes.
Madame la ministre, nous vivons dans une démocratie. Laissez aux donneurs la liberté de lever ou non leur anonymat ! Ni vous, madame la ministre, ni moi, ne pouvons savoir ce qui se passera dans vingt ans. Alors, prenons quelques précautions au bénéfice de nos donneurs altruistes.
L'amendement no 1540 de M. Xavier Breton est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
Je le répète : l'anonymat du don de gamètes n'est pas levé. Un droit d'accès aux origines personnelles est simplement institué pour un enfant issu d'une AMP devenu majeur. Pour sa part, le projet parental qui était à l'origine de l'AMP est intouché. Disons-le encore et encore : lorsqu'un enfant né d'une AMP atteint la majorité et se met en quête de bribes de son récit personnel et de son identité génétique, il ne remet pas en cause sa relation filiale avec ses parents, ses seuls parents, ceux qui ont recouru à une AMP. Il n'y a aucune confusion à ce sujet, et c'est la raison pour laquelle nous assumons le droit d'accès aux origines. Nous mettons fin à des décennies durant lesquelles notre société a entretenu cette confusion – et à cet égard, nous vivons bel et bien un changement culturel. Pendant des décennies a été imposée une culture du secret, qui était même inscrite dans le code civil. Dans les années 80, on conseillait de bonne foi aux parents qui pratiquaient une AMP de ne pas en parler. La commission spéciale a recueilli des témoignages bouleversants de parents qui regrettaient d'avoir entretenu ce secret et qui auraient été soulagés de parler plus tôt à leur enfant de sa conception, sans que cela ne change rien à leurs relations de filiation et de parenté.
La recherche par l'enfant de ses origines personnelles et de son patrimoine génétique n'ébranle pas les relations familiales. Les enfants devenus majeurs l'affirment, tout comme l'affirment les parents qui ont accompagné leurs enfants dans cette recherche. Les donneurs qui ont accueilli les requêtes d'enfants issus d'une insémination artificielle – car il y en a eu, avant même que l'on envisage de permettre l'accès aux origines personnelles – n'ont pas établi avec eux de relation de substitution paternelle. Ce n'est le souhait de personne, chacun sait rester à sa place, et cela se passe très bien. Continuons ainsi. Mon avis est défavorable.
Chère collègue, je pense que vous noyez le poisson et que vous trompez les Français. Vous leur faites croire que l'anonymat n'est pas levé, alors qu'il le sera dans vingt ans, en application de la loi. Si un enfant veut connaître le nom du donneur dont il est issu, il l'obtiendra. Je le répète, vous vous apprêtez à lever l'anonymat. Cela aura des conséquences catastrophiques. Rendez-vous compte de ce que cela implique pour un donneur ayant une famille ! Comment prévoir les intentions qu'aura, dans vingt ans, l'enfant issu de son don ? Ni vous ni moi ne serons peut-être plus députées, mais ceux qui auront pris notre suite devront gérer l'héritage que nous leur préparons aujourd'hui.
Dans une démocratie, un individu doit avoir la liberté de donner ses gamètes dans l'anonymat. Vous n'avez pas le droit d'imposer que son nom soit révélé dans vingt ans. Respectez la liberté des autres. Peut-être ne voulez-vous pas donner vos ovocytes, car vous ne voulez pas que dans vingt ans, votre nom soit dévoilé à l'enfant qui en sera issu. Ne défendez pas ce qui n'est pas défendable ! Je défends avant tout l'intérêt des autres. Si j'ai fait de la politique dans ma vie, c'est parce que je me mets à la place des autres. J'ai mes convictions, mais comme députée et comme médecin, j'en appelle à respecter les autres. Si je défends la PMA, c'est d'ailleurs parce que je me mets à la place des femmes qui ont besoin d'une maternité – car je suis une femme, une mère, un médecin et une députée.
Vous invoquez l'intérêt de l'enfant pour justifier la divulgation d'informations sur les donneurs de gamètes. J'accepte qu'un médecin soit autorisé à communiquer à un enfant quelques informations sur son donneur, à la condition absolue qu'il respecte l'anonymat de ce dernier. Une fois encore, ne noyez pas le poisson et ne trompez pas les Français dans votre présentation des choses. Expliquez clairement à nos concitoyens ce que vous êtes en train de faire : vous diminuez la possibilité de faire des dons, et vous donnez la possibilité à des personnes d'intenter des procès aux donneurs. Je tiens à ce que les donneurs de gamètes soient protégés. Il faut mesurer à quel point ce geste est important ! C'est le signe d'un véritable altruisme. Respectez les donneurs, c'est tout ce que je vous demande, et mettez-vous à leur place : dans vingt ans, nous ne savons pas ce qui pourra leur arriver.
Notre audition de l'institut Famille et République nous a sensibilisés à la question du statut du donneur, et je voudrais que le Gouvernement se prononce sur cette question ; c'est d'ailleurs pour cela que nous avons été quelques-uns à présenter des amendements de suppression de certains alinéas de l'article.
D'après l'analyse de l'institut, il semble que le droit international oblige à créer un lien de filiation entre l'enfant et le donneur. Il serait donc juridiquement incohérent, nous ont dit les juristes de l'institut, de dissocier la question des origines de celle de la filiation. En effet, en cas de levée de l'anonymat, il deviendrait difficile, au regard de la jurisprudence européenne, de refuser à l'enfant l'établissement de sa filiation avec le donneur dans les dix ans qui suivent sa majorité.
De plus, le premier alinéa de l'article 7 de la convention internationale des droits de l'enfant associe origines et filiation, comme un système de preuve de la filiation véritable de l'enfant. Au minimum, en l'absence d'établissement de la filiation avec le donneur, il paraîtrait inenvisageable de fermer à l'enfant qui connaîtrait l'identité du donneur l'exercice d'une action à fins de subsides. Ce problème serait donc susceptible de se poser à un moment ou à un autre pour les donneurs ; c'est du moins l'analyse des éminents juristes qui nous l'ont exposée lors des auditions.
Le droit a évolué depuis l'adoption de la convention internationale des droits de l'enfant. Si elle était adoptée aujourd'hui, elle saurait sans doute ignorer la section dérogatoire sur l'AMP, et un juge international n'y verrait aucune difficulté.
Madame Ramassamy, il n'y a pas ici de poisson qui se noie, en tout cas pas chez moi. Votre première question était légitime : irais-je donner mes ovocytes ? Eh bien, depuis ce texte, j'y ai réfléchi. Je n'y avais jamais pensé, je n'ai jamais été confrontée à cette situation, jamais un de mes proches n'a eu besoin d'un don d'ovocytes et ne m'en a parlé. Mais à force de travailler sur le sujet, quand on voit à quel point ce don peut améliorer la vie de certaines personnes et rendre des familles heureuses, on commence à avoir envie de surmonter l'obstacle de la stimulation hormonale et les autres difficultés. Et si j'étais un homme, j'irais demain matin donner mes gamètes !
Le don des hommes ne rencontre pas, en effet, les mêmes obstacles physiologiques que celui des femmes, et ne me poserait aucun problème. Mieux, depuis que je travaille sur ce texte, beaucoup d'hommes de mon entourage me disent qu'ils vont aller donner, et qu'ils le feront en consentant à ce que l'enfant ait accès à leur identité. Il ne faut pas vivre dans la peur !
En ce qui concerne l'anonymat du don, vous faites une confusion. Laissez-moi vous en rappeler les fondements juridiques, car élaborer la loi implique tout de même de faire un peu de droit. L'article 16-8 du code civil dispose qu'« aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur. » Ce qui signifie que le donneur de gamètes ne peut connaître le receveur de gamètes – couple ou femme seule – et réciproquement. En France, il n'est pas possible de choisir son donneur sur catalogue, ce qui porterait atteinte aux principes d'anonymat et de gratuité.
Nous avons établi en commission que, précisément, l'enfant n'est pas receveur : il est issu du don. C'est cette confusion qui a entraîné celle ayant trait à l'anonymat. Ne la cultivez pas !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Si vous-mêmes noyez le poisson, vous allez entraîner les Français dans la confusion et créer des difficultés, alors que nous sommes en train d'éclairer la question.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ne vivez pas dans la peur : le principe d'anonymat est maintenu, l'accès aux origines personnelles n'y fait aucune entorse, tout se passera dans de bonnes conditions.
Une dernière précision : en matière d'accès aux origines personnelles, plusieurs options ont été envisagées. Lisez les rapports du Conseil d'État ! Vous argumentez comme si nous avions retenu l'option maximaliste, donnant accès aux informations à n'importe qui, même sans consentement du donneur.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ce que prévoit le texte, c'est que le donneur consente, au moment du don, à ce que l'enfant ait accès à ses origines ; si les enfants déjà nés devaient y avoir accès, le consentement du donneur serait recherché. Il n'est donc pas imposé, mais choisi par le donneur en toute conscience, et au seul bénéfice de l'enfant – non des parents, qui sont receveurs.
Et vous n'avez pas donné vos ovocytes : vous ne pouvez pas non plus vous mettre à la place des donneurs.
Mme la rapporteure proteste.
Par ailleurs, l'absence de lien de filiation entre le donneur et l'enfant issu du don découle directement de l'anonymat. Encore une fois, vous noyez le poisson, vous trompez les Français. Vos exemples… Vous n'êtes pas un homme ! Vous êtes une femme !
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous citez le résultat d'études, mais avez-vous vous-même été confrontée aux personnes concernées ? Non ! Peut-être n'aviez-vous jamais fait de politique avant votre élection : nous, nous avons passé plus de vingt ans sur le terrain, à faire du porte-à-porte, confrontés à des êtres humains que vous n'avez jamais vus.
Vous trompez les Français : certes, les dispositions que vous nous avez lues sont en vigueur aujourd'hui, mais il n'en demeure pas moins que vous allez donner à des enfants la possibilité de connaître leurs origines dans une vingtaine d'années. À ce moment-là, il y aura de graves problèmes. Il faut préserver l'avenir des donneurs, de leur foyer. Pensez à ceux qui, contrairement à vous, donnent leurs gamètes – qui sont altruistes !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Mettez-vous à la place des autres et rendez-vous compte des conséquences que peut avoir la levée de l'anonymat !
Notre collègue affirme que l'on ne peut se mettre à la place d'un donneur quand on n'a soi-même pas donné de gamètes ; c'est pourquoi je souhaite livrer mon témoignage de femme qui, avant d'être députée, avait entamé des démarches afin de donner ses ovocytes. Mais cet anonymat, cette impossibilité pour un éventuel enfant d'obtenir des informations sur la personne qui aura permis sa venue au monde, me dérangeait. Je trouvais cela malsain. J'ai donc interrompu les démarches, mais je les reprendrai avec grand plaisir, dès lors que la loi aura été promulguée. La levée de l'anonymat ne me dérange pas, bien au contraire.
Je vous invite donc à mon tour, madame Ramassamy, à vous mettre à la place de toutes les femmes qui donnent ou souhaitent donner leurs gamètes. Peut-être certains donneurs seront-ils embarrassés par cette évolution, mais peut-être d'autres se mettront-ils à donner grâce à elle. Il est certain que nous verrons changer le profil des donneurs et des donneuses ; en tout cas, j'en ferai partie, et j'espère que nous serons nombreux dans ce cas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la rapporteure, je n'ai pas du tout compris votre réponse ; il s'agit pourtant d'un point important de ce texte et, à titre personnel, je me réjouis plutôt des avancées de l'article 3 en matière d'accès aux origines pour les enfants nés du don.
Il m'a semblé comprendre qu'en l'état actuel du droit, ce qui garantit l'absence de filiation avec le donneur de sperme, c'est l'anonymat. À ce sujet, vous avez répondu à côté de la plaque. Notre collègue Ramassamy a évoqué le fait que l'enfant né du don pourra, dix-huit ans plus tard, demander à connaître l'identité du donneur. La seule question qui m'intéresse à ce stade est donc la suivante : cette levée d'anonymat ouvrira-t-elle la porte à l'établissement d'une filiation, par exemple à une demande de reconnaissance de paternité ? Peut-être Mme la garde des sceaux pourrait-elle également nous éclairer à ce propos.
Après les propos de notre collègue Ramassamy, qui ont troublé plusieurs d'entre nous, je voudrais nous rappeler à la sérénité de nos débats. En commission spéciale comme dans cet hémicycle, nous avons eu à coeur, collectivement, de nous respecter…
Nous n'avons pas été irrespectueux, c'est vous qui avez tout envenimé !
… de nous écouter, de tenir des propos dignes, à la hauteur des sujets que nous évoquons. J'ose espérer que les propos de Mme Ramassamy ont dépassé sa pensée ; je voudrais seulement demander que l'on évite ce genre d'invectives personnelles et de procès en légitimité.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes tous également légitimes, hommes ou femmes ; quelles que soient notre origine professionnelle, notre appartenance politique, nous légiférons dans l'intérêt général et au nom des Français, qui nous regardent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je ne souscris pas du tout à la lecture que Mme Ramassamy fait de ce texte, mais je voudrais rappeler la nécessité de prendre en compte l'insularité et les réseaux d'interconnaissance dans les territoires d'outre-mer. En effet, la question de l'accueil qui sera réservé à un enfant né du don dans des contrées où tout le monde se connaît est de nature à susciter des inquiétudes. Je comprends à cet égard les préoccupations de Mme Ramassamy.
Le texte me semble aujourd'hui suffisamment bien encadré. C'est vrai, on ignore ce qu'il adviendra dans vingt ans mais on peut imaginer que le regard porté sur le don évolue. Il est malheureux que le don soit encore perçu aujourd'hui comme un acte honteux car il reste un geste magnifique. Si l'on réussit ce travail collectif d'acculturation pour que progressivement l'on puisse s'approprier l'idée même de la générosité du don, l'on parviendra à convaincre que naître d'un don est magnifique car une personne sera venue au secours d'un couple qui ne parvient pas à procréer. Cependant, tout en apaisant le débat, je pense qu'il conviendrait de tenir compte de la particularité des territoires ultramarins où les enjeux peuvent être plus sensibles que dans l'Hexagone.
M. Maxime Minot et Mme Nadia Ramassamy applaudissent.
M. Marleix s'inquiétait de ce que l'enfant né du don puisse chercher à connaître l'origine de sa naissance et veuille établir une filiation. Rassurez-vous, mon cher collègue, la législation est très précise en ce domaine et je vous renvoie aux articles 311-19 et 311-20 du code civil.
Je ne noie pas le poisson, je réponds simplement à la question que vous avez posée, si vous le permettez, tout comme Mme la rapporteure le fera à son tour dans un instant. Vous avez demandé ce qui garantirait qu'un enfant né du don ne toque pas, dix-huit ans après, à la porte du donneur pour chercher à établir une quelconque filiation. Je vous invite à lire les articles 311-19 et 311-20 du code civil. Le premier dispose qu'en cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation et le second que le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Mme Martine Wonner applaudit.
S'agissant tout d'abord de la forme, j'espère que ce n'est pas cette image de nos débats que nous laisserons aux Français. Il est possible, madame Ramassamy, que votre agressivité à mon égard, allant parfois jusqu'à m'attaquer personnellement – le fait que je sois une femme, jeune en politique, prétendument incapable de me mettre à la place d'autrui – tienne à ce que vous n'ayez pas encore complètement assimilé le sujet. Sans doute ne me suis-je pas suffisamment bien exprimée pour que vous ressentiez le besoin de vous montrer agressive. Je ne le serai pas en retour car nous devons être capables de débattre autrement.
Quant au fond, ma réponse devrait vous rassurer si vos inquiétudes sont sincères. Relisons ensemble l'article 311-19 du code civil, rédigé en 1994 : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur. »
Au-delà du problème de l'accès aux origines, le législateur de 1994 s'était posé les mêmes questions que vous. L'anonymat du donneur n'est pas une condition de l'absence de filiation entre ce dernier et l'enfant issu de la procréation médicalement assistée, car l'établissement d'un tel lien est de toute façon strictement impossible. Ne vous inquiétez pas et rassurez les personnes qui, autour de vous, ont nourri votre angoisse : s'ils consentent un jour à effectuer un don de gamètes et donc à autoriser l'accès à leur identité, ils ne pourront pas pour autant faire l'objet d'une action en recherche de filiation.
Qui plus est – répétons-le car leur avis compte aussi – , les personnes nées d'une AMP qui souhaitent accéder à des données non identifiantes ou à l'identité du tiers donneur ne le font pas dans le but d'établir un lien de filiation avec lui. Il est important de le rappeler, pour les donneurs, mais aussi pour les parents qui ont eu recours à l'assistance médicale à la procréation. Il faut respecter la relation que ces derniers ont tissée avec leurs enfants. D'ailleurs, ils les accompagnent généralement dans la recherche de leurs origines, dans une démarche d'autant plus sereine que la relation filiale est excellente. Il ne faut pas dénigrer les relations au sein de ces familles.
Madame la rapporteure, je vous ai écoutée à chaque fois que vous avez pris la parole. En revanche, vous avez ricané – expression que je n'aime pas mais qui décrit bien la situation – lorsque je me suis exprimée.
Vous avez fait référence à des textes qui s'appliquent aujourd'hui. Or les dispositions que nous nous apprêtons à voter pour permettre la levée de l'anonymat concernent des enfants qui n'en feront usage que dans une vingtaine d'années. Je ne dis pas que je suis opposée à la levée de l'anonymat, mais simplement qu'il faudrait la tempérer en laissant aux donneurs la liberté de consentir ou non à ce que leur identité soit révélée. Après tout, nous sommes en démocratie.
Je remercie mon collègue Raphaël Gérard d'avoir souligné la particularité des outre-mer. Le Premier ministre lui-même ne s'est-il pas engagé à la prendre en considération dans tous les textes de loi ? Je vous demande de respecter sa parole et de ne pas prendre des engagements que vous ne tiendrez pas. Plutôt que d'imposer la levée de l'anonymat, offrez simplement aux donneurs la liberté de choisir et n'empêchez pas ceux qui voudraient rester anonymes de donner. La France a besoin de donneurs. Si vous voulez réellement aider les femmes, seules ou en couple, et les couples hétérosexuels, permettez-leur de recevoir des gamètes. Offrez aux donneurs la possibilité de donner à d'autres foyers la chance d'accueillir un enfant et de l'entourer de leur amour. C'est tout ce que je demande. Respectez ce que le Premier ministre a dit et ne parlez pas pour ne rien dire. Ne faites pas aux ultramarins de fausses promesses. Nous sommes, nous aussi, des élus de la République. J'agis autant pour les Français de l'Hexagone que pour mes concitoyens ultramarins. Je veux que vous respectiez vos promesses.
J'ai écouté attentivement les propos de Mme Ramassamy que je respecte. Mais le « choix à la carte » pour le donneur me pose problème. Imaginez une famille de trois enfants, nés de donneurs différents. Certains pourraient avoir accès aux données non identifiantes et à l'identité du donneur tandis que d'autres, non. Nous créerions ainsi une inégalité au sein d'une même fratrie, ce qui pose un problème.
Je voudrais rassurer ceux qui nous écoutent. Il est bien clair que les donneurs de gamètes qui auront donné avant le changement de régime ne seront pas recontactés. Ce n'est pas prévu dans la loi. Il n'y aura pas d'accès aux origines pour les enfants nés à partir de gamètes données avant l'entrée en vigueur de la loi sauf si ces donneurs souhaitent se faire connaître auprès du registre. La loi ne sera pas rétroactive ; les donneurs sauront donc exactement à quoi ils peuvent s'attendre.
Par ailleurs, nous nous sommes penchés sur la possibilité de laisser au donneur la liberté de lever ou non l'anonymat. Cette solution aurait créé des inégalités entre les enfants. Sur le plan juridique, il n'est pas envisageable que tous les enfants issus d'une AMP ne puissent pas accéder aux mêmes droits. Cette rupture d'égalité aurait été contraire à la Constitution.
Nous avons donc choisi de ne retenir qu'un seul régime, celui qui permette d'accéder aux origines.
Par ailleurs, les donneurs qui seront soumis au nouveau régime présenteront sans doute un profil différent. À cet égard, le témoignage de Mme Charvier était éloquent.
Rappelons enfin que le donneur pourra à tout moment se rétracter – que ce soit immédiatement après le don ou dix ans ou vingt ans après – et finalement refuser que ses gamètes soient donnés.
Il serait en effet contraire à la Constitution de prévoir un régime où les enfants seraient traités différemment. Ce serait en outre néfaste pour le développement de l'enfant lui-même. Imaginons qu'il soit nécessaire de redemander l'accord du donneur lorsque l'enfant issu du don atteint sa majorité : alors que durant dix-huit ans, ce dernier aura peut-être nourri l'espoir d'accéder un jour à l'identité de celui qui a rendu possible sa naissance, il risquerait de voir la porte se refermer violemment devant lui. Ce serait la pire des choses à lui faire ! C'est pourquoi nous avons opté pour une acceptation au moment du don, afin que le donneur agisse en connaissance de cause et que l'accès aux origines soit possible dix-huit ans plus tard.
Le président de l'Assemblée nationale a reçu du Premier ministre communication du décret du Président de la République, en date du 27 septembre 2019, portant clôture de la session extraordinaire.
En conséquence, il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire.
Je rappelle par ailleurs qu'en raison de la journée de deuil national, le débat qui devait avoir lieu lundi après-midi a été annulé.
Prochaine séance, mardi 1er octobre, à dix heures :
Ouverture de la session ordinaire ;
Nomination du bureau.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra