Avoir le courage politique de déconnecter la filiation de la vraisemblance biologique et de l'acte d'engendrer un enfant de manière charnelle est une décision réellement fondatrice. On ne pouvait pas attendre une autre réaction de ma part, puisque c'est moi qui ai défendu l'amendement relatif au projet parental.
Cela dit, j'ai un sentiment d'inachevé : le texte serait d'une modernité totale si le dispositif s'appliquait à tous les couples ayant recours à un tiers donneur. L'article 311-20 du titre VII du code civil, relatif aux couples hétérosexuels ayant recours à un tiers donneur, fait déjà sortir depuis fort longtemps de la vraisemblance biologique la relation que ces deniers ont avec leurs enfants. On a créé une sorte de fiction, mais on sait bien aujourd'hui que le père n'est pas forcément le géniteur. Ouvrir le dispositif de la reconnaissance anticipée à l'ensemble des couples ferait du projet de loi le grand texte d'avenir sur une vraie réforme de la filiation que la rapporteure appelait de ses voeux tout à l'heure.
J'ai également bien entendu, depuis le début du débat – la garde des sceaux l'a suffisamment rappelé – , qu'il existait une sorte de ligne rouge, correspondant à une des recommandations du Conseil d'État : n'enlever aucun droit aux couples hétérosexuels. Je ne partage pas totalement ce point de vue mais l'entends. Si l'on ne va pas maintenant au bout de cette révolution, en proposant à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels, l'accès au dispositif de la reconnaissance anticipée, franchissons ce pas plus tard. Réservons-le pour un grand texte qui revisiterait complètement nos modes d'établissement de la filiation…