Madame Genevard, vous vous êtes inquiétée de la création de la possession d'état pour les couples hétérosexuels à laquelle le texte procéderait, mais ce dispositif existe déjà.
Madame la ministre, vous avez précisé que ce dispositif devait être non équivoque, mais le caractère équivoque ne se fonde absolument pas sur la vraisemblance ou sur la constatation biologique, comme l'a rappelé en ces termes la Cour de cassation dans son arrêt no 08-20475 du 16 juin 2011 : « Attendu qu'en matière de constatation de possession d'état, il ne peut y avoir lieu à prescription d'une expertise biologique », la demande d'une possession d'état par la deuxième femme ne peut, dès lors, être entachée d'un caractère équivoque, exigence posée par l'article 311-2 du code civil.
Puisque, comme vous l'avez dit, l'éducation est la science de la répétition, ou l'inverse, je vais rappeler, pour mes collègues qui n'ont pas eu la chance de participer aux travaux de la commission spéciale, en quoi consiste la possession d'état. L'article 4, que nous examinons actuellement, permettra de reconnaître les effets de la filiation des enfants nés de couples de femmes qui auront recours à une AMP avec tiers donneur en France, et de leur donner ainsi une protection.
Pour tous les enfants nés de parents de même sexe ayant eu recours à une AMP avec tiers donneur avant l'entrée en vigueur de ce texte de loi, il est nécessaire de prévoir une filiation qui garantisse les mêmes droits que ceux dont bénéficient les enfants issus de familles hétérosexuelles, preuve que nous comptons bien résoudre ces problèmes à l'aide de la possession d'état.
En effet, on ne saurait distinguer les enfants selon qu'ils sont nés avant ou après la promulgation du présent projet de loi. Si la loi dite du « mariage pour tous » a ouvert aux couples de même sexe la possibilité d'adopter l'enfant de la conjointe, cette solution n'a pas été appliquée aux familles dont les parents s'étaient séparés avant la promulgation de la loi.
En outre, il était tout bonnement inconcevable, pour certains parents, d'adopter leur propre enfant, comme l'a rappelé tout à l'heure notre collègue Raphaël Gérard. En principe, l'adoption s'applique si un parent a renoncé à sa filiation ou en cas d'absence de l'un des deux parents, ce qui ne correspond pas du tout à leur situation familiale.
On ne peut dresser un parallèle entre ces familles et celles dont la situation nécessite une adoption. Pour les familles concernées par ce vide juridique, la filiation est donc incomplète.
Il faut également tenir compte de la situation des enfants nés d'une AMP dont l'un des parents est un homme transgenre et l'autre un homme. Pour l'enfant de ce couple, composé de personnes de même sexe – et je sais, monsieur Breton, que cela bouscule un peu ce que l'on entend en général par « famille » – , il faut également prévoir une filiation. Il est nécessaire de tenir compte de ces familles, fussent-elles peu nombreuses, car leurs enfants méritent de jouir des mêmes droits que les autres.
La possession d'état permet d'établir l'existence d'un lien de filiation entre un parent et son enfant, en apportant la preuve des liens qui les unissent. Cette filiation entraîne pour eux, en matière de droits et de devoirs, les mêmes effets que pour les autres, et sécurise ainsi les enfants et leur famille.
En ouvrant la possession d'état aux couples de même sexe, comme nous le proposons par le biais de l'amendement no 2092 , nous offrons une filiation aux enfants nés d'une AMP avec tiers donneur, donc une protection identique à celle des autres, qu'ils soient nés avant ou après la promulgation du présent projet de loi, en France ou à l'étranger, et quelle que soit l'identité de genre de leurs parents.
L'amendement no 2093 procède du même esprit et porte également sur la possession d'état, qu'il vise à ouvrir uniquement aux couples de femmes ayant eu recours à une AMP avec tiers donneur à l'étranger.
Je tenais à instruire nos collègues qui, fussent-ils issus de nos rangs, ne comprennent pas forcément en quoi consiste la possession d'état.