La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
En début d'après-midi, une attaque a eu lieu à la préfecture de police de Paris. En mémoire des personnes qui ont perdu la vie, je vous invite à observer un moment de recueillement.
Mmes et MM. les députés, ainsi que Mme la garde des sceaux, se lèvent et observent un moment de recueillement.
Comme Mme la présidente vient de l'annoncer, nous avons appris il y a quelques instants qu'une attaque était survenue dans les locaux de la préfecture de police de Paris. Nous savons d'ores et déjà que plusieurs victimes sont malheureusement à déplorer.
Devant et avec vous, mesdames et messieurs les députés, j'adresse aux victimes et à leur famille toutes nos pensées ; les fonctionnaires de la préfecture de police peuvent aussi être assurés, en ces circonstances douloureuses et traumatisantes – tragiques – , de notre soutien le plus total.
Applaudissements sur tous les bancs.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant, à l'article 4, au cours de l'examen des amendements soumis à discussion commune nos 2144, 1590, 2340, 2403, 2406, 2349 et 1057, ayant fait l'objet d'un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Quelqu'un souhaite-t-il reprendre la parole sur les amendements en discussion ?…
Ces amendements visent à consacrer l'égalité des familles, en soumettant les couples qui ont désormais accès à la PMA – procréation médicalement assistée – au même régime que les autres. L'égalité est une notion simple et évidente ; l'ouverture de l'AMP – assistance médicale à la procréation – à toutes les femmes ne justifie nullement la création d'un nouveau régime de filiation.
La filiation avec un parent non-géniteur existe déjà pour les enfants de couples hétérosexuels ; nous n'avons qu'à ouvrir le même régime aux couples homosexuels, et l'histoire sera terminée. Nous voulons la même chose pour tous : élargissons la présomption de parentalité aux couples de femmes ; permettons à la femme qui accouche d'établir la filiation par l'accouchement, et à l'autre mère de reconnaître son enfant en mairie, comme un père peut actuellement le faire.
On ne demande pas au père de démontrer sa paternité au moment de la reconnaissance ; il n'y a pas lieu de l'exiger de la mère. Il n'existe aucune raison de faire persister un régime différent pour les couples lesbiens, impliquant des démarches différentes, notamment la reconnaissance conjointe anticipée.
Cela constitue une rupture d'égalité avec les couples hétérosexuels, dépourvue de sens au regard de la filiation. La modification du texte en commission n'a pas supprimé cette rupture d'égalité : elle l'a déplacée, en a changé les termes, fait croire à sa disparition, mais l'a laissé persister.
Pourquoi imposer aux couples de femmes deux actes, contre un seul aux couples hétérosexuels ? L'objectif est en effet le même : sécuriser la filiation de la mère sociale, comme est sécurisée la filiation du père qui n'est pas le géniteur en cas de don de gamètes.
Pourquoi ne pas établir ce régime pour l'ensemble des couples et l'imposer aux seuls couples lesbiens ? Il faut fusionner les moyens d'établissement de la filiation, en ne laissant perdurer que le consentement au don. En cas de contestation de la filiation ainsi établie, les couples lesbiens seront, comme c'est aujourd'hui le cas des couples composés d'un homme et d'une femme, protégés devant la loi.
Par ailleurs, il faut soutenir les parents sociaux, qui existent déjà, et qui ont de grandes difficultés à faire établir leur filiation. C'est pourquoi nous avons proposé l'ouverture de la possession d'état aux couples homosexuels.
L'établissement de la filiation de la mère sociale est un véritable parcours du combattant, impliquant mariage et adoption de l'enfant du conjoint. Durant le temps de la procédure, tout peut arriver ; si la mère biologique vient malheureusement à décéder, aucun lien ne subsiste avec la mère sociale, qui ne peut plus s'occuper de ses propres enfants.
Nous avons besoin d'une solution de filiation simple pour les couples de femmes élevant un enfant : permettons-leur de bénéficier de la possession d'état, en adoptant ces amendements. Rien de ce qui a été avancé lors du débat ne me conduit à penser qu'ils n'ont pas lieu de l'être.
Il ne s'agit pas d'une réforme du droit de la filiation. Ce projet de loi ouvre des nouvelles possibilités aux couples de femmes : il faut prendre acte de l'ensemble des conséquences juridiques. Autant les embrasser toutes, dans le cadre de la filiation des enfants nés de PMA. Ceux qui sont nés à l'étranger, ou avant l'adoption du texte, doivent bénéficier d'une filiation sécurisée avec les deux parents.
Nous proposons d'autoriser l'établissement de la filiation par possession d'état pour les enfants conçus grâce à un don et dont les parents sont de même sexe. La situation actuelle crée en effet une différence entre les enfants de couples hétérosexuels et ceux de couples homosexuels.
La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir, selon l'article 311-1 du code civil.
Il serait juste d'offrir aux couples de même sexe, qui aujourd'hui en sont privés, la possibilité d'établir leur filiation par la voie de la possession d'état, d'autant plus que de nombreux enfants sont dans la nécessité de régulariser l'absence de parentalité.
Les trois conditions nécessaires pour établir la possession d'état sont remplies et réunies par ces couples homosexuels qui ont des enfants, avec lesquels vit chacun des parents : elle doit être non équivoque, continue et paisible.
Lorsque ces trois conditions sont remplies, nous suggérons de leur accorder la possession d'état.
Notre groupe est très hostile à cette proposition, qui ouvre des perspectives préoccupantes. Si le seul fait d'avoir été suffisamment en contact avec un enfant à l'éducation duquel on a participé suffit à établir un lien de filiation, alors toutes les hypothèses sont permises !
Imaginons un enfant qui vivrait un temps avec un parent, puis avec un autre : une telle mesure susciterait une insécurité inacceptable en matière d'établissement de la filiation.
Encore une fois, nos collègues sont cohérents dans les propositions qu'ils formulent. Néanmoins, madame la garde des sceaux, vous avez choisi d'inscrire le pilier de la volonté de projet parental comme fondement de la filiation, selon l'amendement que M. le président a fait adopter.
Or vous nous opposez comme seul argument que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque ; elle est continue, paisible pour les couples de femmes, publique, mais, dites-vous, elle est équivoque.
Il faut dire en quoi les couples de femmes qui vivent avec des enfants et les élèvent font preuve d'une possession d'état équivoque, et l'assumer ; nous nous fondons sur un critère, la vraisemblance biologique, que vous avez décidé d'abandonner : dont acte. La suite logique de ce choix sera la reconnaissance de la possession d'état par les tribunaux eux-mêmes, qui exigeront que l'on justifie le caractère équivoque. Le reste s'ensuivra, dont la GPA, la gestation pour autrui – mais c'est un autre débat, bien entendu.
Encore une fois, madame la garde des sceaux, pouvez-vous expliquer en quoi la possession d'état d'un couple de femmes est équivoque ?
Rires et exclamations sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 2139 .
Il est très proche du no 2587. Je serai bref, ayant déjà expliqué mon point de vue hier. Cet amendement vise, lui aussi, à élargir la reconnaissance aux couples de femmes. Je travaille sur ce sujet depuis plusieurs mois et j'ai donc pu examiner les arguments en faveur de chaque solution envisageable ; celle-ci n'est pas forcément ma préférée, mais elle est la plus consensuelle.
Elle possède l'avantage de prendre en considération des difficultés aujourd'hui ignorées, comme la filiation dans les couples dont l'un des deux membres a changé son sexe à l'état civil.
L'amendement no 2148 , que je me permets de présenter par anticipation, est complémentaire puisqu'il tend à préciser que le changement de sexe à l'état civil ne fait pas obstacle à la transcription de la filiation. L'ouverture de l'AMP à tous les couples de femmes inclut les couples composés d'une femme cisgenre et d'une femme trans.
Il n'est pas précisé que le recours à un tiers donneur constitue une obligation, puisque nous avons refusé de clarifier ce point dans les articles 1er et 2 du texte.
Il faudra donc rapidement faire face aux interrogations sur l'utilisation des gamètes au sein du couple, et le juge devra trancher.
Le mérite de l'élargissement du titre VII aux couples de même sexe permet de résoudre en une fois une multitude de situations aujourd'hui laissées en marge de la loi ; c'est pourquoi je vous demande de voter ces deux amendements.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.
Nous avons déjà eu cette discussion. Pour les raisons précédemment évoquées, la commission a émis un avis défavorable. Je partage toutefois votre avis sur les avantages de la solution proposée.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis. Je ne répéterai pas les arguments que j'ai développés ce matin.
L'amendement no 2148 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 297 .
Par cet amendement, nous proposons que, dans un couple de femmes, le lien de filiation entre la femme qui n'accouche pas et l'enfant soit fondé sur l'adoption simple.
Le sujet a été abordé lors des auditions et pendant les travaux de la commission spéciale. On nous a objecté que le délai nécessaire à la gestion de la demande d'adoption – qui ne peut être déposée qu'après la naissance de l'enfant – créait un risque d'insécurité juridique. Mais entre deux insécurités, il faut choisir la moindre. La procédure d'adoption autorisée par la loi sur le mariage et sur l'adoption ne nous conduit pas à revisiter le droit de la filiation. En outre, le recours à l'adoption, qui s'inscrit dans la continuité d'un droit existant, nous épargnerait bien des débats dans lesquels nous aurons manifestement du mal à tomber d'accord.
Nous comprenons que la femme qui n'accouche pas ait le souci de sécuriser le lien de filiation avec l'enfant pour lequel elle a consenti une AMP. À cette fin, l'adoption offre l'avantage d'être une procédure plus claire, plus souhaitable qu'une autre et, je le répète, conforme à un droit existant.
C'est un sujet sur lequel vous avez interrogé plusieurs personnes lors des auditions préalables, puis que vous avez abordé en commission spéciale, madame Genevard. Mais nous avons émis un avis défavorable sur votre proposition.
Dans de trop nombreuses situations portées à notre connaissance, l'adoption simple ne suffit pas, par exemple en cas de désaccord ultérieur entre les mères, après le moment où elles auraient pu être mariées. En outre, les effets de l'adoption simple ne sont pas ceux de l'adoption plénière. J'ajoute que l'adoption ne permet pas de reconnaître pleinement le projet parental, fondement de l'article 1er du projet de loi.
Pour ces raisons déjà longuement expliquées, j'émets un avis défavorable.
Même avis, pour deux raisons. D'abord, aucune des instances que nous avons consultées préalablement à la rédaction du projet de loi n'a retenu une telle solution. Ensuite, il me semble assez incohérent sur le fond de permettre à des femmes de construire un projet parental tel que votre assemblée l'a défini à l'article 1er de vivre ensemble une grossesse, suivie d'une vie commune, et de proposer, après un long délai – même si l'on fera tout pour le raccourcir – , puis l'intervention d'un juge, un schéma d'adoption.
J'entends que Mme la rapporteure et Mme la garde des sceaux puissent être opposées à la proposition de Mme Genevard, mais avancer que l'adoption simple ne correspondrait pas à un projet parental est pour le moins stigmatisant envers ceux qui, au sein d'un couple hétérosexuel ou homosexuel, forment le projet d'adopter. Dans leur cas, le projet parental est réel : il ne s'agit pas de procéder à une adoption pour emporter la filiation. Dans une adoption simple ou plénière, la filiation est toujours liée au projet parental.
Le problème, madame la ministre, est la conséquence que vous voulez tirer de l'article 1er. Rien n'implique obligatoirement le scénario que vous décrivez. Vous avez d'ailleurs hésité entre plusieurs schémas et, après un week-end, sous la pression de nombre d'associations, vous êtes revenue sur celui qu'avait retenu le Gouvernement, au prix d'un certain bricolage.
Il existe dans le code civil un titre VII et un titre VIII. Aujourd'hui, si l'on ne veut pas déstabiliser le titre VII, on peut s'en tenir au fait que la mère reste la femme qui accouche – ce qui pose d'autant moins de problème que vous avez autorisé l'AMP pour les femmes seules. La femme qui accouche reste la mère certaine.
Mais, en introduisant la notion de volonté pour légitimer ou fonder la filiation, vous avez précarisé la situation, parce que la volonté est extrêmement fragile, contrairement à la filiation, fondée sur l'accouchement.
Mais non, monsieur Lachaud ! Il est extrêmement difficile de faire cohabiter dans le titre VII plusieurs modes d'établissement de la filiation. Celui du titre VIII est clair. Pour l'heure, le titre VII est cohérent. Mais là, madame la ministre, vous introduisez un ver dans le fruit. Vous ouvrez la boîte de Pandore et laissez entrer le cheval de Troie, notamment pour la GPA car vous ne permettez pas à la loi de trancher les conflits sur la filiation qui naîtront demain.
Le consentement pose en effet problème. La sémantique n'est pas appropriée – vous n'avez pas répondu sur ce point – , car la reconnaissance dont il est question dans le texte n'est pas celle qui est consacrée par le droit positif.
Mme la garde des sceaux a souligné l'importance du projet parental. Mais l'amendement no 2123 – tendant à préciser que l'AMP est destinée à répondre à un projet parental – a été voté dans les circonstances que l'on sait, à la seule initiative du président Ferrand, …
… , ce qui montre bien votre intention de passer en force sur ce point. Nous le rappellerons chaque fois que ce sera nécessaire.
J'avoue ne pas comprendre le sens de l'amendement. Si l'on contraint la « mère sociale » à adopter, on créera une insécurité pendant tout le temps de la procédure d'adoption. Qu'arrivera-t-il si la mère biologique décède durant cette période ? L'enfant sera orphelin. Il n'aura ni père ni mère, au sens où l'entend l'état civil. Est-ce votre objectif ? Ou voulez-vous créer la pluriparentalité, la mère biologique, le donneur – qui serait tenu pour le père – et la mère sociale constituant un trouple qui s'occuperait de l'enfant ? J'avoue ne pas comprendre la logique de l'amendement.
Nous n'avons visiblement pas la même logique que vous, monsieur Lachaud !
En écoutant ce débat, j'ai l'impression que, dans le camp des Républicains, si l'on ne veut surtout pas dévoyer la filiation inscrite au titre VII du code civil, on ne fait pas grand cas de celle inscrite au titre VIII. Cela pose question car, quel que soit son mode d'établissement, toute filiation emporte les mêmes effets.
Dès lors, il n'y a pas lieu, pour sauver une filiation pseudo-charnelle, au titre VII, de fragiliser la filiation adoptive visée au titre VIII. La démarche des Républicains ne me semble pas cohérente, alors que, jusqu'à présent, j'arrivais à peu près à la suivre.
Et puis, tant pis si j'en appelle encore une fois au projet parental, mais j'ai peine à admettre qu'une mère, qui a formé un projet parental avec sa compagne, soit mise en situation d'adopter son propre enfant. Cela me semble un vrai problème éthique. Pourquoi cette mère serait-elle réputée un peu moins mère que les autres ?
Vous n'avez pas suivi les cours de biologie quand vous étiez en troisième !
C'est toute la question : si l'accouchement emporte naturellement la filiation, le fait de ne pas accoucher ne l'emporte pas naturellement. Il faut donc trouver un dispositif pour l'asseoir.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes donc effectivement au coeur du sujet : sur ce point, je rejoins M. Gérard.
Madame la rapporteure, j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur cette multitude de cas problématiques, qui justifieraient que l'on évacue d'un trait de plume l'hypothèse de l'adoption. Vous avez parlé de contentieux, preuve que la situation n'est pas aussi simple que vous le prétendez. Quels sont ces cas si nombreux, qui interdiraient que l'on puisse recourir à l'adoption pour asseoir, dans un couple de femmes, la filiation de celle qui n'accouche pas ?
L'intervention de M. Brindeau était un appel à clarification. Je vais donc m'efforcer de lui répondre, car nous cherchons tous, dans cet hémicycle, à faire preuve de bon sens.
Quand je parle du projet parental, je vise celui qui a été formé à l'origine. Il existe évidemment un projet parental dans l'adoption : nul n'entend le nier.
Il y a même souvent, dans ce cadre, de très beaux projets parentaux : nul débat sur ce point.
En revanche, la venue au monde d'un enfant dans le cadre d'une PMA, que ce soit pour un couple hétérosexuel ou homosexuel, justifie non une adoption, mais un autre type d'établissement de la filiation – ce qui ne signifie pas pour autant qu'il existerait une hiérarchie entre ces modes d'établissement, qui, on l'a rappelé, emportent les mêmes effets.
C'est parce que, dans ce cas, l'adoption n'est pas adaptée à la cause de la venue au monde de l'enfant que la commission spéciale a émis un avis défavorable sur l'amendement.
Encore un mot : monsieur Bazin, vous avez évoqué la coexistence de la volonté et de la biologie. Je vous rejoins sur un point : la biologie a joué un rôle très utile pour établir l'égalité entre les enfants, et je ne souhaite nullement l'évacuer. Mais dans le cadre très spécifique de la venue au monde d'un enfant par PMA…
… , dans un couple hétérosexuel ou homosexuel, la volonté est irrévocable une fois que l'insémination a eu lieu. Il n'y a donc pas lieu d'invoquer son caractère versatile. Après l'insémination, on ne peut pas revenir ni sur le consentement au don, ni sur la reconnaissance conjointe.
Non ! Je vous renvoie, sur ce point, à l'article 311-20 du code civil, ainsi qu'aux nouveaux articles 342-10 et 342-11. Il n'y a pas de difficulté à ce sujet : un consentement n'ayant pas été révoqué par écrit avant l'insémination auprès du médecin qui doit procéder à l'insémination ne peut plus être révoqué. Nous devons être clairs à ce sujet, pour que tous les couples de France qui s'engagent dans une PMA le sachent : nul ne peut rétracter sa volonté après une insémination.
Le dispositif, extrêmement solide, ne présente donc aucun danger. Si votre critère est la sécurité de l'enfant, vous pourrez voter le texte avec nous.
L'amendement no 297 n'est pas adopté.
Nous avons déjà répondu sur le sujet. Avis défavorable.
L'amendement no 285 n'est pas adopté.
L'amendement no 1484 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 666 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sourires.
Le présent amendement vise à rétablir la place de l'altérité sexuée dans la filiation. Si le critère corporel n'est certes pas le seul qui vaille en matière de filiation – comptent aussi l'intention, le projet, l'éducation ou l'affection – il n'en constitue pas moins selon nous un pilier.
Supprimer ce critère, c'est engager une véritable révolution du droit de la filiation qui se poursuivra, soit par l'adoption d'autres textes, soit à l'occasion de contentieux.
Il ne s'agit pas de surévaluer les critères corporels mais simplement de reconnaître leur existence, que ce soit par la réalité de la grossesse et de l'accouchement ou par la vraisemblance qui objective l'altérité sexuée.
Vous avez décidé de fonder la filiation sur la seule volonté des adultes. Cela a pour effet de réduire l'enfant à un simple produit, à n'être que le fruit de la volonté des parents ; d'où les débats que nous aurons – pour peu qu'il nous reste du temps – sur les caractéristiques techniques, notamment pour les dépistages.
Dès lors que le critère de la volonté des parents est le seul qui compte, une série d'évolutions deviennent inévitables, telles que l'extension de la filiation par possession d'état ou la reconnaissance de la multiparenté, que vous ne pourrez plus refuser au nom de l'altérité sexuée.
En quoi le chiffre deux est-il magique ? Il ne l'est pas en lui-même, mais parce qu'il résulte de la somme de « un plus un ». À partir du moment où cette différence n'est plus présente, qu'importe qu'il y ait deux ou trois personnes, qu'importe la combinaison, tous pourront dire : « Mais moi aussi, j'ai un projet parental ! ».
Des associations demandent que la multiparenté soit reconnue : au moins sont-elles cohérentes, contrairement à vous, qui restez au milieu du gué. Vous bricolez avec le droit de la filiation, sans assumer la révolution que vous engagez ; les conséquences sur l'ensemble de la société en seront néfastes.
Pardonnez-moi une blague, monsieur Breton : je vous propose de rectifier votre amendement en ajoutant un « s » au mot « mère ».
Sourires.
Trêve de plaisanterie, vous vous doutez bien que l'avis de la commission spéciale est défavorable. Adopter de tels amendements irait en effet à l'encontre de l'article 1er, qui étend la technique de la PMA à tous les couples de femmes. Cela reviendrait à en nier les conséquences en matière de filiation.
Avis défavorable également. La version actuelle du texte est parfaitement rédigée. Il n'y a pas à prendre en considération l'orientation sexuelle des parents au moment de déterminer les droits des enfants – c'est là une question d'égalité.
Par ailleurs, monsieur Breton, en commission spéciale comme ici, vous avez évoqué de manière récurrente ce fantasme de la pluriparentalité. Tel qu'il a été rédigé, l'alinéa 23 retranscrit pourtant l'article 320 du code civil, lequel interdit les formes de pluriparentalité que vous craignez. Il n'y a donc pas lieu de laisser perdurer le fantasme dont nous parlons.
Tout d'abord, madame la garde des sceaux, à aucun moment je n'ai parlé de l'orientation sexuelle : je n'ai parlé que d'altérité « sexuée » car, selon moi, la sexualité n'a pas sa place dans la loi, sauf quand il s'agit d'éviter les discriminations. Vous ne m'entendrez jamais parler de « couple homosexuel » ou « hétérosexuel », car j'ignore ce que ces mots veulent dire dans la loi.
Il y a simplement des couples composés d'hommes et de femmes, d'autres composés de femmes : restons-en à la réalité corporelle. Inscrire les questions d'orientation sexuelle dans la loi est un combat politique que je ne partage pas. Je le répète : la sexualité n'a rien à faire dans la loi – sauf, je le répète, pour interdire les discriminations liées à la sexualité.
D'autre part, vous répondez que le projet de loi ne fait nullement référence à la multiparenté : dont acte. La question que je pose est politique. Si le présent texte est malheureusement adopté, des associations demanderont la multiparenté pour trois femmes, ou pour trois hommes ou pour deux hommes et une femme – car toutes les combinaisons sont possibles, selon les préférences sexuelles – , sur le fondement du projet parental.
Je ne doute pas que trois personnes puissent vivre ensemble en s'aimant et en voulant un enfant. Ils affirmeront qu'ils ont un projet parental, selon l'expression gravée dans la loi par le fameux « amendement Ferrand », et que, dès lors, il n'y a pas de raison de rejeter leur demande.
Ma position, que j'assume, se fonde sur l'altérité sexuée. Certains la diront hétéropatriarcale, réactionnaire, ou que sais-je encore : nous l'assumons.
Je ne faisais que reprendre les mots utilisés hier par votre collègue Autain, monsieur Lachaud.
Comment justifiera-t-on, disais-je, le refus de ces demandes de multiparenté ? Vous répondrez que ce n'est pas autorisé par la présente loi ; mais ils en demanderont alors une autre !
Vous vous contentez d'un bricolage, d'un entre-deux, refusant d'étendre la reconnaissance de la filiation par possession d'état aux couples de femmes parce que, à vous entendre, elle créerait des situations équivoques, sans expliquer pourquoi. De même, vous écartez l'hypothèse de la multiparenté parce qu'elle ne figure pas dans le texte. Mais quelle sera votre réponse politique ?
Ce n'est pas du tout un fantasme : des associations demandent bel et bien ces évolutions. Elles l'assument et viendront très bientôt frapper à vos portes pour les réclamer : nous avons, nous, des arguments pour leur répondre, contrairement à vous, qui n'en aurez aucun à leur opposer. Prenez-en acte ! Quand on a une conception bancale de la filiation, à un moment, on se casse la figure.
La contradiction que nous avions soulignée en commission spéciale réapparaît ici. Madame la rapporteure, vous nous dites qu'il ne s'agit pas d'une loi sur la filiation ; mais vous voyez bien ici que nous y touchons directement.
Je souhaite revenir une nouvelle fois sur les travaux du Conseil d'État, auxquels nous faisons souvent référence, comme le Gouvernement. Ils mettent très clairement en garde le Gouvernement contre les problèmes qui peuvent résulter de l'insertion de la reconnaissance d'un double lien de filiation unisexué dans le titre VII. En effet, cette reconnaissance entrerait en contradiction avec la philosophie qui préside aux modes d'établissement classiques de la filiation, lesquels reposent sur la vraisemblance.
Vous souhaitez en faire abstraction, mais le sens de la présomption et de la reconnaissance est de refléter une vérité biologique. Or, selon nous, on ne peut pas nier cette réalité biologique.
Le Conseil d'État lui-même affirme que la solution que vous envisagez « conduirait à une remise en cause des principes fondateurs du droit de la filiation fixés par le titre VII du livre 1er du code civil [… ] ».
Le paradoxe est donc manifeste : vous dites, madame la rapporteure, que ce texte ne porte pas sur la filiation ; or vous ne pouvez pas nier que vous touchez aux principes qui la fondent. Soit vous l'assumez, soit vous ne l'assumez pas, mais l'entre-deux est intenable car il donne l'impression que vous voulez passer par la petite porte, faire un acte politique que vous n'assumez pas. C'est incompréhensible ! Ayez au moins la fierté d'assumer ce que vous faites !
Un tel bricolage est donc insupportable. C'est la raison pour laquelle nous demandons, depuis le début, un projet de loi spécifiquement consacré à la filiation. Ces questions sont fondamentales, elles demandent donc un tout autre traitement que le passage par la petite porte.
On le voit bien, d'ailleurs : si votre majorité est divisée sur cette question, c'est parce que vous n'assumez pas vos choix. Vous faites cela comme par effraction, sans vraiment le dire à nos concitoyens. Nous, membres de l'opposition, le disons : vous voulez mener une révolution de la filiation sans l'assumer, parce que vous avez peur des conséquences et savez que nos concitoyens y sont opposés. Comme Thibault Bazin l'a rappelé, toutes les études montrent en effet qu'ils ne veulent pas que des enfants puissent naître ex nihilo, sans père.
La pluriparentalité n'est absolument pas un fantasme : c'est une demande sociétale. De la même manière, certaines personnes transgenres souhaitent s'appuyer sur leur genre biologique, même s'il est différent de celui inscrit à leur état civil, pour établir une filiation, demande relayée par plusieurs amendements.
La difficulté devant laquelle vous vous trouvez est que vous avez choisi de n'accéder qu'à certaines de ces demandes sociétales, celles des femmes seules et des couples de femmes qui formulent un projet parental – ce que l'on peut d'ailleurs entendre. Vous établissez donc un régime juridique de la filiation qui permet de satisfaire ces demandes, tout en en rejetant d'autres à venir, pourtant non moins légitimes si l'on considère que le projet parental prime toute autre considération.
Le problème est que le droit de la filiation n'est pas aussi plastique que votre projet : lorsque l'on déroule la pelote des solutions possibles – étendre la possession d'état ou, solution non moins cohérente proposée par notre collègue Genevard, établissement de la filiation par adoption – , aucune d'entre elles ne permet de surmonter la contradiction entre la primauté accordée au projet parental et un droit de la filiation qui, à moins d'être révolutionné de fond en comble, reste corrélé à la réalité et à la vraisemblance biologiques.
Sourires
… même si l'on pourrait débattre de la pertinence de certains mots – « hétéropatriarcat », « cishet » pour désigner les « cisgenres », ou « hétéro ». Vous avez dit quelque chose d'important : le projet de loi est bancal.
Instaurer un nouveau régime de filiation spécifique aux couples de femmes, c'est ne pas aller au bout de la logique. Il faudrait l'égalité ou le droit commun pour les couples de lesbiennes ; mais, c'est là tout le problème, vous vous arrêtez au milieu du chemin.
À titre personnel, monsieur Breton, je ne vois pas quel problème pose la pluriparentalité.
Bien sûr, nous sommes cohérents : dès lors que l'on affirme que la filiation n'est pas biologique mais culturelle et qu'elle correspond à un projet, à une construction sociale, alors pourquoi trois personnes ne pourraient-elles pas l'assumer aussi bien que deux ?
En écoutant ce débat, je me demande pourquoi ne pas tout simplement reconnaître la réalité des faits : l'adoption est utilisée pour les enfants adoptés…
Mais ces enfants existent, monsieur Touraine ! On donne alors des parents à des enfants qui existent ! Or, dans ce texte, vous faites l'inverse !
Quant à la parentalité, elle concerne les enfants d'un couple, homosexuel ou hétérosexuel. Adoption d'un côté, parentalité de l'autre : on ne saurait adopter un enfant dont on est le parent, père ou mère !
D'autre part, je peine à comprendre pourquoi vous souhaitez tant faire peur à la France entière en parlant de multiparentalité ou de pluriparentalité. Dans les faits, combien d'enfants vivant dans des familles recomposées ont aujourd'hui plus de deux parents ? Ils ont des parents et des beaux-parents.
Ils vivent, par exemple, avec une mère et un beau-père qui s'occupent d'eux, et rendent visite un week-end sur deux, ou davantage, à leur père. Ils ont donc la chance de pouvoir interagir avec plus de deux adultes qui les aiment et pourvoient à leur éducation. Cela n'a rien de choquant !
Vous en parlez comme d'un spectre effrayant mais ce n'est pas un spectre ; c'est la réalité d'aujourd'hui.
Encore une fois, je reconnais à M. Touraine le mérite de la cohérence. Je me souviens même l'avoir entendu dire, lorsque le sujet a été évoqué par la mission d'information – mais il confirmera ses propres propos – que plus il y a de parents et plus l'enfant est protégé, selon une logique quantitative.
Mme Agnès Thill et M. Patrick Hetzel s'esclaffent.
Ce n'est pas notre conception. Certains cas particuliers peuvent en effet se traduire par des situations compliquées. En l'espèce, cependant, vous créez des situations par la loi. Au moins avez-vous le mérite de dire qu'il existera des cas de multiparenté ou trois parents demanderont à avoir un enfant par projet parental, puisque cela se fait déjà dans la société et à l'étranger – bref, vous utilisez toujours les mêmes arguments.
Telle est la logique de ce texte, au moins assumée par certains. Assumez-la aussi, madame la garde des sceaux ! Vous êtes dans un entre-deux bancal : il ne s'agit pas d'une réforme de la filiation, dites-vous, mais vous reconnaissez être obligés d'y toucher tout de même un peu. Le fait est que cette logique s'appliquera soit dans un prochain texte, soit dans la jurisprudence, car les tribunaux ne pourront se contenter d'un entre-deux : il leur faudra se déterminer selon des principes d'égalité et, comme l'a indiqué M. Gérard, de nombreuses demandes de possession d'état seront déposées.
Voilà ce qui se prépare et qui est programmé, madame la ministre. Il y a derrière tout cela un combat militant. Vous étiez prête à y résister fermement avec le projet de loi initial, en adoptant une solution imparfaite, qui présentait des inconvénients. Mais il fallait l'assumer politiquement et être forts ! Le problème, c'est que vous êtes soumis à la pression d'une minorité agissante.
N'ayez pas peur de résister, madame la garde des sceaux, face à ces pressions militantes ! Eux font leur boulot ; à nous de faire le nôtre !
Mme Agnès Thill applaudit.
Chaque prise de parole de M. Touraine est très intéressante, car elle montre le chemin emprunté. Sa cohérence est tout à son honneur. En effet, une fois établi le fondement de la volonté, la voie est ouverte à la multiparentalité. Les arguments présentés au fil des amendements pourraient d'ailleurs donner lieu à des questions prioritaires de constitutionnalité, et le Conseil constitutionnel laisserait quant à lui la CEDH – Cour européenne des droits de l'homme – se prononcer. C'est la porte ouverte à la GPA et à la location du ventre des femmes ; c'est dramatique.
Prenons conscience du problème que présente l'établissement de la volonté comme principe, qui risque de se traduire par toutes sortes de dérives inadmissibles.
J'admire toujours l'argumentation de M. Touraine, dont je ne parviens jamais à savoir si la naïveté est feinte ou réelle. Vous dites de la multiparentalité qu'elle est une réalité de notre société à travers les familles recomposées, qui ont d'ailleurs tendance à devenir…
… la règle plutôt que l'exception. Aucun problème sur ce point, dites-vous ; mais il ne s'agit pas du tout de cela ! À ma connaissance, l'autorité parentale n'est jamais partagée entre quatre personnes dans ces cas-là. Le juge détermine toujours le partage de l'autorité parentale ou l'attribution d'une autorité parentale restrictive.
Sur bien d'autres points d'ordre juridique, il n'existe pas de rapport entre quatre personnes mais entre deux personnes liées à l'enfant et à la détermination de son intérêt. Ne laissons donc pas croire que l'on pourrait confondre, voire inscrire dans le marbre de la loi, un état de la société dont on peut penser ce que l'on veut mais qui existe et, selon moi, ira se développant, avec une chose bien différente, à savoir la volonté de faire du projet parental l'élément fondateur du droit de la filiation. Voilà ce que vous êtes en train de créer et que vous assumez pour partie.
Appuyer le droit de la filiation sur la primauté du projet parental, cependant, ouvrira demain – ce n'est pas de l'ordre du fantasme mais de la jurisprudence et des contentieux – la voie à des demandes particulières, qui ne correspondent pas au schéma juridique que vous créez, qu'il s'agisse de pluriparentalité ou des cas de personnes transgenres, dont témoignent certains amendements déposés ici et là.
En outre, vous aurez à l'évidence à traiter à l'avenir la situation des enfants nés par une GPA effectuée à l'étranger : vous n'y couperez pas. Vous dites qu'il faut tenir compte de la situation existante de ces enfants : certes, il faut y penser. Toutefois, dès lors que vous mettez le doigt dans un engrenage, il ne vous reste plus d'autre choix que de valider les solutions futures. Nous ne faisons que décrire ce qui se passera dans les années à venir.
Permettez-moi de revenir au texte, car il me semble que nous nous sommes quelque peu échappés sur la question de multiparentalité, entre autres. J'entends bien que certains d'entre vous ont, sur plusieurs bancs, le souhait de débattre du statut du beau-parent, du parent social ou de la recomposition familiale, mais il nous faudrait pour ce faire un autre texte pour statuer en la matière.
Ce n'est l'objet ni du texte ni, soit dit en passant, de vos amendements.
S'agissant de la notion de projet parental, j'insiste : le titre VII du code civil n'est aucunement dévoyé en ce qui concerne la volonté et la cause de la venue au monde de l'enfant. Dans ce cas précis, cette cause est la technique médicale de l'AMP, non la procréation charnelle naturelle issue de l'altérité sexuée. Parce qu'il s'agit d'une loi de bioéthique et non d'une loi sur la filiation, la situation matrimoniale et l'exercice de l'autorité parentale, nous tirons les conséquences de l'accès des couples de femmes à cette technique médicale qui permet la venue au monde d'un enfant.
C'est strictement dans ce cadre que nous établissons une filiation nouvelle qui ne s'étend à aucun autre cas, en dépit de vos peurs et de vos fantasmes. Je maintiens donc mon avis défavorable.
Nous menons un débat sérieux et vous nous parlez de peurs et de fantasmes, madame la rapporteure : en ce qui me concerne, je n'ai aucun fantasme en matière de filiation. Vous prétendez que ce sujet n'a rien à voir avec le texte : c'est faux ! Nous sommes au coeur du texte !
C'est pourtant M. Touraine qui, membre de votre majorité et rapporteur sur les articles 1 et 2, nous propose des amendements sur le sujet. Nous sommes au coeur du problème et toute l'ambiguïté, l'incohérence, les contradictions du texte apparaissent ici. Elles seront demain à la merci des tribunaux et des demandes d'évolution du droit que formuleront les uns et les autres en vertu du fondement que constitue le projet parental ! Et qui trinquera ? Les enfants.
Ce n'est pas en incriminant des « peurs » ou des « fantasmes » que vous répondrez à la question, madame la rapporteure. La multiparenté est une revendication sociale. Je ne l'ai pas rêvée : elle existe et elle est assumée. Ne disqualifiez donc pas nos propos, s'agissant de revendications qui émanent de surcroît de personnes et d'associations favorables à votre texte parce qu'il va dans leur sens ! Ce n'est que du réalisme. Vous devrez répondre à ces revendications et vous n'en aurez pas les moyens car, encore une fois, votre réforme est bancale.
Mme Thill ne peut en dire davantage en raison du temps législatif programmé !
L'amendement no 1579 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est défendu. Compte tenu du temps législatif programmé, je conserve les trois minutes qu'il nous reste.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1209 .
Le temps court, en effet, et le fait qu'il ne nous reste que trois heures de temps de parole sur un projet de loi bioéthique dont nous n'avons pas encore examiné la moitié des amendements est très ennuyeux pour la qualité du débat. C'est un réel problème et la conférence des présidents devra se montrer à la hauteur de ce texte.
L'alinéa 6 vise à abroger les articles 310 et 356 du code civil. S'agit-il d'articles mineurs ? La question peut être posée. L'article 310 proclame le principe d'égalité de tous les enfants ; quant à l'article 358, il protège les adoptés en la forme plénière.
Dans un souci de lisibilité de la loi par le citoyen, le déplacement de ces articles hors des titres VII et VIII nous paraît inopportun. L'alinéa 6 de votre texte touche à l'un des articles emblématiques du droit de la filiation, l'article 310 du code civil, qui établit le principe d'une égalité de droit entre les enfants. Ne revient-il pas à admettre, madame la ministre, qu'il pourrait exister des filiations moins protectrices de l'enfant que les autres ?
Vous nous imposez une véritable révolution de la filiation qui se traduit par une sorte de jeu de dominos. Ne faut-il pas également modifier les textes qui interdisent la recherche d'une parenté, tant que celle qu'il est proposé d'établir n'est pas libre ? La reconnaissance – point sur lequel vous ne m'avez toujours pas répondu, madame la ministre – ne joue pas dans le cadre du mariage. Or deux femmes peuvent être mariées. Quelle règle prévoyez-vous donc dans ce cas ? Vous le voyez : les imprécisions, les incohérences, les contradictions fragiliseront profondément la filiation de l'enfant.
Permettez-moi de rassurer M. Bazin, dont je connais le sérieux des demandes. L'article 6-2, qui tend à remplacer les articles 310 et 358 du code civil, dispose : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs ».
Votre proposition n'est donc pas utile : ne vous inquiétez pas pour les enfants, tout ira bien pour eux. Ils seront en situation d'égalité des droits et des devoirs avec leurs parents. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
Nous sommes déjà revenus plusieurs fois sur ce sujet et ma réponse n'a pas changé : avis défavorable.
Je repose ma question, puisque je n'ai toujours pas obtenu de réponse : pourquoi avoir déplacé cet article ?
Nous avons déjà répondu !
Non, je suis désolé, vous êtes en train de modifier en profondeur le titre VII du code civil, qui porte sur la filiation : ce ne sont pas des changements anodins, assimilables à de simples ajustements ! L'impact d'un tel choix, pris sans avis du Conseil d'État, nous inquiète profondément.
Encore une fois, nous sommes face à un problème de nature politique : vous menez une révolution profonde du droit de la filiation, que vous ne voulez pas assumer et dont vous espérez qu'elle s'accomplisse à bas bruit. Nos concitoyens y étant très largement hostiles, vous redoutez les difficultés auxquelles une trop grande publicité vous exposerait.
Le devoir du Parlement consiste à refuser qu'une telle évolution se fasse à bas bruit, car elle représente une révolution du droit de la filiation. Contrairement à ce que vous dites, les arguments excellemment développés par notre collègue Thibault Bazin montrent que vous modifiez profondément le droit de la filiation, sans oser, chose incroyable, l'assumer politiquement. Vous engagez une vraie révolution, mais vous n'allez pas jusqu'au bout de la logique et vous n'assumez pas vos choix. Il y a là quelque chose d'assez incroyable.
Monsieur Hetzel, je reconnais votre art de la pédagogie par la répétition, probablement cultivé dans votre métier d'origine.
Rires sur les bancs du groupe LR.
Oui, nous l'avons en commun !
Vous dites que « nos concitoyens sont majoritairement hostiles à » : ils ne peuvent pas être majoritairement hostiles à un article qui explique, au frontispice du code civil, à quel point l'égalité des enfants, quel que soit le mode d'établissement de leur filiation, constitue un principe fondamental. Je ne vois pas qui pourrait s'opposer à cela.
Nous avons modifié l'emplacement de ces dispositions, présentées au Conseil d'État puisqu'elles faisaient partie du projet de loi originel, parce que nous considérons justement que l'égalité des enfants est un principe majeur, qui fonde l'ensemble du droit de la filiation. Voilà pourquoi nous avons remonté cet article si haut dans le code civil.
Si vous me le permettez, je souhaiterais achever mon propos.
Oui, nous sommes fiers de ce que nous proposons ! Vous ne cessez de répéter qu'il s'agit d'une révolution et que nous ne l'assumons pas. Ce faisant, vous ne faites que reprendre un mot que j'ai moi-même prononcé hier dans cet hémicycle et il y a quelques jours en commission spéciale. Oui, nous proposons une révolution pour les couples de femmes, mais seulement pour eux. Je l'affirme, et nous en sommes fiers !
J'ai d'ailleurs précisé hier que cette révolution était tranquille, car elle arrive à un moment où notre société a mûri jusqu'à reconnaître que la PMA pour les couples de femmes était un droit et un apport nouveaux pour elles. Nous sommes bien dans une révolution, une révolution tranquille que nous assumons et dont nous sommes fiers.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Il ne faut pas se bercer d'illusions : un sondage réalisé récemment par l'institut IFOP indique que 83 % de nos concitoyens sont favorables au droit de chaque enfant d'avoir un père.
Mme Agnès Thill applaudit. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Oui, madame la garde des sceaux, 83 % ! Votre article interdira à jamais à certains enfants d'avoir un père. Voilà ce que vous défendez ! Vous y voyez la reconnaissance de nouveaux droits pour les femmes, mais vous interdisez ce faisant à des enfants à naître d'avoir un père : cela, une large majorité de Français y sont opposés.
Mme Agnès Thill applaudit.
L'amendement no 665 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 277 .
Il vise à substituer, à l'alinéa 8, le mot « déclaration » au mot « reconnaissance » pour l'établissement de la filiation, car le terme de « reconnaissance » est inapproprié pour désigner une filiation invraisemblable. En effet, un enfant ne peut pas être biologiquement issu de deux mères. Or la catégorie juridique de la reconnaissance se fonde sur la vérité, tout du moins sur la vraisemblance, biologique : l'homme ou la femme attestent de ce qu'ils sont ou de ce qu'ils pourraient être, à savoir le père ou la mère de l'enfant. Le terme de « reconnaissance » crée une confusion avec une catégorie juridique existante.
En outre, son utilisation peut ouvrir un contentieux, fondé sur le droit commun de la reconnaissance ou sur l'atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans l'exposé sommaire de mon amendement, j'ai cité l'arrêt « Mandet contre France » du 14 janvier 2016 de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a clairement rappelé que la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant conduisait nécessairement à ce que sa filiation soit établie par rapport à la vérité biologique.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des discussions que nous avons eues depuis hier. Ce nouvel amendement vise à modifier le texte adopté en commission en vue d'établir la filiation pour les couples de femmes qui auront accès à la PMA. Votre souhait de remplacer « reconnaissance » par « déclaration » ne nous semble pas pertinent : après la demande de suppression de l'article, il représente une nouvelle tentative de rejeter l'extension de cette technique et les conséquences qui en découlent pour les couples de femmes et les enfants qui en seront issus.
L'adoption de l'amendement irait à rebours des objectifs de ce texte dont nous sommes très fiers, comme l'a dit Mme la ministre. J'en demande donc le retrait ; à défaut, mon avis serait défavorable.
La terminologie a effectivement évolué, madame Genevard, puisque nous avions pensé, au départ, à une déclaration anticipée de volonté. Celle-ci a fait l'objet de très nombreuses critiques, que vous avez entendues comme moi ; nous avons considéré que sa nouveauté pouvait la rendre stigmatisante et avons donc préféré nous rapprocher des solutions qui existent en matière d'établissement de la filiation, sans toutefois instituer un droit identique.
Nous avons ainsi repris le terme de « reconnaissance », qui recouvre un acte ayant un certain usage en droit civil. Cependant, il ne s'agit pas de la reconnaissance volontaire effectuée par le père dans un couple hétérosexuel, mais d'une reconnaissance effectuée conjointement devant notaire. Le concept, proche mais quelque peu distinct, nous semble plutôt positif pour accompagner l'évolution que nous menons.
L'arrêt « Mandet contre France » de la CEDH porte essentiellement, madame la présidente Genevard, sur la gestation pour autrui et ne concerne donc pas du tout le champ de notre texte. La vérité biologique est importante en cas de contestation de la filiation, mais elle n'a pas à prévaloir en permanence, sinon l'adoption serait interdite. Avis défavorable sur l'amendement.
Madame la garde des sceaux, votre explication de l'arrêt « Mandet contre France » n'invalide pas notre argument. Vous avez eu le soin, et nous vous rejoignons sur ce point, de distinguer les dispositions que vous nous proposez du droit commun. Vous avez ainsi émis un avis négatif sur tous les amendements qui visent à rapprocher le projet de loi du droit commun.
Or le terme de « reconnaissance » s'apparente manifestement au droit commun existant. Voilà pourquoi le changement de terme serait souhaitable ; je ne suis pas accrochée à ma proposition de substitution – on pourrait en imaginer d'autres comme l'« engagement conjoint » – , mais on écarterait le risque de confusion en abandonnant le mot « reconnaissance ».
L'amendement no 277 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 2457 , je suis saisie par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements, nos 2092 , 2093 et 2457 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements, nos 2092 et 2093 peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, pour les soutenir.
Madame Genevard, vous vous êtes inquiétée de la création de la possession d'état pour les couples hétérosexuels à laquelle le texte procéderait, mais ce dispositif existe déjà.
Madame la ministre, vous avez précisé que ce dispositif devait être non équivoque, mais le caractère équivoque ne se fonde absolument pas sur la vraisemblance ou sur la constatation biologique, comme l'a rappelé en ces termes la Cour de cassation dans son arrêt no 08-20475 du 16 juin 2011 : « Attendu qu'en matière de constatation de possession d'état, il ne peut y avoir lieu à prescription d'une expertise biologique », la demande d'une possession d'état par la deuxième femme ne peut, dès lors, être entachée d'un caractère équivoque, exigence posée par l'article 311-2 du code civil.
Puisque, comme vous l'avez dit, l'éducation est la science de la répétition, ou l'inverse, je vais rappeler, pour mes collègues qui n'ont pas eu la chance de participer aux travaux de la commission spéciale, en quoi consiste la possession d'état. L'article 4, que nous examinons actuellement, permettra de reconnaître les effets de la filiation des enfants nés de couples de femmes qui auront recours à une AMP avec tiers donneur en France, et de leur donner ainsi une protection.
Pour tous les enfants nés de parents de même sexe ayant eu recours à une AMP avec tiers donneur avant l'entrée en vigueur de ce texte de loi, il est nécessaire de prévoir une filiation qui garantisse les mêmes droits que ceux dont bénéficient les enfants issus de familles hétérosexuelles, preuve que nous comptons bien résoudre ces problèmes à l'aide de la possession d'état.
En effet, on ne saurait distinguer les enfants selon qu'ils sont nés avant ou après la promulgation du présent projet de loi. Si la loi dite du « mariage pour tous » a ouvert aux couples de même sexe la possibilité d'adopter l'enfant de la conjointe, cette solution n'a pas été appliquée aux familles dont les parents s'étaient séparés avant la promulgation de la loi.
En outre, il était tout bonnement inconcevable, pour certains parents, d'adopter leur propre enfant, comme l'a rappelé tout à l'heure notre collègue Raphaël Gérard. En principe, l'adoption s'applique si un parent a renoncé à sa filiation ou en cas d'absence de l'un des deux parents, ce qui ne correspond pas du tout à leur situation familiale.
On ne peut dresser un parallèle entre ces familles et celles dont la situation nécessite une adoption. Pour les familles concernées par ce vide juridique, la filiation est donc incomplète.
Il faut également tenir compte de la situation des enfants nés d'une AMP dont l'un des parents est un homme transgenre et l'autre un homme. Pour l'enfant de ce couple, composé de personnes de même sexe – et je sais, monsieur Breton, que cela bouscule un peu ce que l'on entend en général par « famille » – , il faut également prévoir une filiation. Il est nécessaire de tenir compte de ces familles, fussent-elles peu nombreuses, car leurs enfants méritent de jouir des mêmes droits que les autres.
La possession d'état permet d'établir l'existence d'un lien de filiation entre un parent et son enfant, en apportant la preuve des liens qui les unissent. Cette filiation entraîne pour eux, en matière de droits et de devoirs, les mêmes effets que pour les autres, et sécurise ainsi les enfants et leur famille.
En ouvrant la possession d'état aux couples de même sexe, comme nous le proposons par le biais de l'amendement no 2092 , nous offrons une filiation aux enfants nés d'une AMP avec tiers donneur, donc une protection identique à celle des autres, qu'ils soient nés avant ou après la promulgation du présent projet de loi, en France ou à l'étranger, et quelle que soit l'identité de genre de leurs parents.
L'amendement no 2093 procède du même esprit et porte également sur la possession d'état, qu'il vise à ouvrir uniquement aux couples de femmes ayant eu recours à une AMP avec tiers donneur à l'étranger.
Je tenais à instruire nos collègues qui, fussent-ils issus de nos rangs, ne comprennent pas forcément en quoi consiste la possession d'état.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2457 et donner l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
Je n'ai pas déposé cet amendement en commission, car nous travaillions à la première rédaction du texte et cherchions la solution permettant de progresser globalement, s'agissant de la filiation, au profit des couples de femmes qui s'apprêtent à recourir à une procédure de procréation médicalement assistée, avant de régulariser la situation des enfants issus des précédentes.
Même si nous sommes parvenus en commission à une bonne articulation juridique, en matière de filiation, pour les couples de femmes qui auront accès à la PMA au cours des années à venir, nous n'avons pas résolu le problème s'agissant des couples qui y ont déjà eu recours à l'étranger – le plus souvent en Espagne, aux Pays-Bas ou en Belgique, à proximité.
Les enfants issus de ces PMA vivent en France et se comptent par centaines. Nous les reconnaissons dans le cadre de nos lois de bioéthique et nous établissons leur filiation. Toutefois, leur seconde maman est privée du droit d'être reconnue. De multiples situations très complexes se sont ainsi développées.
Prenons le cas de familles ayant formé un projet parental, recouru à la PMA et eu un enfant. Si les deux femmes se séparent, sans avoir été mariées ou en l'ayant été avant 2013, l'une d'elles ne peut pas adopter l'enfant. Le régime de l'adoption présente des complications. Dans certains cas, le couple a deux enfants, nés chacun de l'une des deux mamans.
Ainsi, les frères et soeurs peuvent être séparés pendant des années, alors même qu'ils ont grandi ensemble, ce qui est particulièrement injuste.
Il existe même des situations assez ubuesques dans lesquelles tout le monde est d'accord pour adopter une solution que le droit ne permet pas. Je citerai l'exemple d'un couple de femmes ayant eu une petite fille en 2002. Elles se sont séparées en très bons termes, et la petite fille vit avec ses deux mamans en alternance, comme s'il s'agissait d'une famille hétéroparentale.
Chaque femme a refait sa vie, et la petite fille continue – comme dans tous les couples hétérosexuels recomposés – à voir ses deux mamans. Sa mère biologique a ensuite épousé sa nouvelle compagne. Résultat : aucune adoption possible pour la deuxième maman, alors même que tout le monde est d'accord et que chacune est en bons termes avec les autres ! Leur requête a été rejetée par les tribunaux.
En somme, pour vous, la famille se réduit à une démarche contractuelle !
Il en résulte une situation dans laquelle cette petite fille, qui a deux mamans vivant en bonne entente – même si elles ne sont plus en couple – , alterne une semaine avec l'une et une semaine avec l'autre – comme c'est le cas dans de nombreux autres foyers – , est entourée de quatre adultes qui sont d'accord et rêve d'avoir deux mamans à égalité, est passée de ses six ans à ses dix-huit ans sans que sa seconde maman soit reconnue, car le droit ne le permet pas.
J'avoue toucher là aux limites de mon respect pour le droit pur et simple. Je sais que le régime de la possession d'état n'est pas parfaitement satisfaisant. J'ai moi-même repoussé son extension en tant que rapporteure, alors même qu'elle faisait l'objet d'une demande très large. J'ai donc veillé à cibler la disposition que je propose.
Il s'agit d'une disposition transitoire, uniquement applicable aux femmes ayant eu recours à une PMA à l'étranger. J'ai tâché de ne pas être trop hérétique vis-à-vis du régime de la possession d'état. Celui-ci révèle un lien de filiation dont on suppose qu'il existe. Cette révélation suppose une preuve par tout moyen.
En l'espèce, on pourrait considérer que ces femmes pourraient, si elles avaient pu fournir des éléments de preuve – équivalant peu ou prou au consentement au don à l'étranger, donc au consentement à l'acte médical de la PMA à l'étranger – , faire reconnaître un lien de filiation qui devrait, en toute justice, en toute équité, leur être accordé, dès lors que l'on reconnaît la PMA en France.
Si nous avions fait le choix de l'extension pure et simple du champ de l'article 311-20 du code civil, en alignant leur cas sur le modèle hétérosexuel, elles auraient été comprises dans le champ d'application du texte.
Ce choix n'a pas été retenu, afin de garantir la sécurité juridique du texte. J'ai compris que le choix de cette disposition joue un rôle très important dans l'équilibre du texte, et j'y souscris. Toutefois, j'aimerais vraiment apporter une réponse à ces petites filles, à ces mamans.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
À défaut, une situation d'iniquité profonde perdurera en France. À ce jour, en tant que rapporteure du texte, je ne me sens pas capable de ne pas leur apporter de réponse. C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Sylvia Pinel applaudit aussi.
Quel est l'avis de la commission sur les deux autres amendements en discussion, madame la rapporteure ?
Je demande le retrait des deux amendements en discussion commune au profit du mien, qui est plus ciblé sur les couples…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Pouvez-vous nous donner l'avis de la commission, madame la rapporteure ?
Compte tenu du dépôt de ces amendements dans les conditions prévues à l'article 88 de notre règlement, la commission a donné un avis défavorable aux amendements sans savoir ce qu'elle votait. À titre personnel, j'émets un avis favorable à l'adoption du mien et suggère le retrait des deux autres.
La question de la possession d'état a été abordée tout à l'heure, lors de l'examen d'autres amendements. Je ne reprendrai donc pas l'argumentation démontrant qu'elle ne constitue pas, à mes yeux, un instrument très adapté pour ce que nous voulons faire.
J'ai également évoqué tout à l'heure la difficulté – relevée par les défenseurs des amendements ainsi que par vous-même, madame la rapporteure – dans laquelle se trouvent les familles ayant eu recours à la PMA à l'étranger avant l'adoption – prochaine, je l'espère – du présent texte.
Il me semble que la réponse ne réside pas dans l'extension du régime de la possession d'état. Au demeurant, elle ne saurait résider dans le présent texte de loi, car il en résulterait un risque assez fort d'inconstitutionnalité au regard de la question des droits acquis. Nous connaîtrions sans doute un problème de cette nature. Il me semble, donc, que l'extension du régime de la possession d'état n'est sans doute pas ce qui répond le mieux à la situation.
Je rappelle que nous en avons simplifié la mise en oeuvre par le biais de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars dernier. Dorénavant, elle est établie devant notaire, en présence de trois témoins. Il ne me semble pas que son extension soit la solution la mieux adaptée, notamment en raison des risques de fraude susceptibles d'en résulter.
En revanche, il me semble avoir eu l'occasion de le dire, nous pourrions trouver une voie de passage en nous penchant sur la question de l'adoption. Mme la députée Limon, que j'aperçois dans l'hémicycle, travaille sur ce sujet. Il me semble que nous pourrions progresser dans cette voie.
Chacun pourra vérifier avec elle la validité de cette hypothèse, s'agissant notamment de l'ouverture de l'adoption à des couples non mariés, de la simplification de la procédure et de l'accord de l'autre mère, dès lors que la nécessité du double accord constitue un verrou.
Sans doute formulerez-vous des propositions sur ce point, mesdames, messieurs les députés. Si tel était le cas, je m'engage devant vous à faire en sorte qu'elles soient rapidement examinées par votre assemblée, afin de trouver une solution à la situation décrite par plusieurs d'entre vous.
C'est pourquoi je me permettrai de demander le retrait des trois amendements, et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Madame la rapporteure, je vous remercie d'avoir rappelé qu'il s'agit d'histoires de vie qui existent déjà. Avant de venir dans l'hémicycle pour défendre le texte, j'ai reçu l'appel téléphonique d'une personne me demandant de lui donner le nom d'un avocat. « Je ne parviens pas à adopter mon enfant que j'ai eu il y a un an ! Je ne sais pas comment faire ! », disait-elle.
Ce sont là des histoires de vie très simples, dont chacun ici a eu l'occasion d'être témoin. Il s'agit de mères et de leurs enfants. J'en citerai un exemple, celui d'un couple de femmes dont l'une a accouché d'un enfant, puis est décédée dans un accident de moto.
Celle qui s'est également occupée de l'enfant en a été dépossédée, alors même qu'elle l'avait élevé et qu'elle s'en était occupée. Il s'agit d'exemples simples, que l'on rencontre quotidiennement. Que demandent ces femmes ? Elles demandent que l'on sécurise la situation de leurs enfants.
L'intérêt supérieur de l'enfant, dont nous avons beaucoup entendu parler, consiste à donner à ces enfants une filiation. Madame la rapporteure, je vous remercie d'avoir déposé votre amendement, que je soutiendrai. Madame la ministre, tenez compte de ces histoires de vie !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Sylvia Pinel, ainsi que MM. Maxime Minot et Bastien Lachaud applaudissent également.
Nous parlons en effet de situations qui existent. Il faut les aborder avec précaution, en tenant compte des attentes et des souffrances qui s'expriment. Nous ne traitons pas de cas à venir, mais de cas qui existent et des attentes qui en résultent. Cela doit être clair.
C'est pourquoi j'ai été très gêné par la confusion de vos propos, madame la rapporteure. Vous mêlez des considérations qui sont de l'ordre du pathos et de l'affectif avec des considérations juridiques.
Nous sommes ici en tant que législateurs. Si nous devons être attentifs aux mots que nous employons et tenir compte des situations, nous devons également élaborer le droit. Vous avez évoqué des femmes qui sont mères, mais pas toujours, et il en résultait un mélange dans lequel il était difficile de se retrouver.
Surtout, votre argumentation présentait l'intérêt de révéler votre vision de la famille, selon laquelle il suffit que tout le monde soit d'accord pour agir. Il s'agit d'une vision exclusivement contractuelle de la famille.
Elle pourrait se résumer ainsi : « Nous concluons des contrats, nous sommes d'accord, signons ! » En somme, le droit ne sert qu'à enregistrer les situations, et le droit de la famille ainsi que le droit de la filiation sont réduits à un droit des contrats.
Telle est votre vision. Vous fondez la filiation exclusivement sur la notion de projet et sur la volonté des individus. Il s'agit typiquement d'une logique contractuelle. Dont acte.
Pour notre part, nous appelons l'attention sur le fait que la famille comporte une autre dimension, institutionnelle, et que sa réalité dépasse la seule volonté de ses membres, et l'inscrit dans la société. Tout cela, vous le mettez complètement de côté. Je tenais à dire que votre amendement est tout à fait conforme à votre vision exclusivement contractuelle de la famille.
Par le biais du texte que nous adopterons probablement dans quelques jours, nous réglerons les questions de filiation pour les enfants nés d'une PMA après l'adoption du présent texte.
Toutefois, on ne peut laisser sans réponse les enfants nés d'une PMA avant son adoption, ni les familles, confrontées à ce que je qualifierai de filiation impossible, sinon après un parcours du combattant faisant intervenir des avocats, comme l'a rappelé notre collègue tout à l'heure. Il est regrettable de devoir faire appel à des avocats pour obtenir une filiation.
Cela compte, une filiation, dans une vie ; cela compte pour toute la famille. J'ai cru comprendre, en écoutant les débats, que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant est un faisait consensus dans cet hémicycle. Dans ce cas, cet amendement doit également faire consensus, puisqu'il vise non pas seulement à régler des questions de succession, des situations complexes de deux femmes dont l'une serait plus mère que l'autre, mais surtout à sécuriser des enfants qui ne bénéficient pas aujourd'hui d'une filiation complète.
Le groupe Socialistes estime que cet amendement règle la situation d'enfants qui ont deux parents au quotidien, mais qui n'ont une filiation pleine qu'avec un seul de ces deux parents. On ne peut pas avoir un parent qui détient toute l'autorité parentale, et un autre qui n'est qu'un parent secondaire ! Ces situations ne doivent pas perdurer.
En l'adoptant, nous corrigerions une injustice et nous soignerions des souffrances ; si, comme vous l'entendez, je suis ému, c'est que j'ai ce souci de soigner des souffrances.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Maxime Minot applaudit également.
Nous regrettons la restriction du champ couvert par l'amendement de Mme la rapporteure. C'est une rustine sur une jambe de bois : la totalité du chapitre consacré à la filiation pose problème dans ce projet de loi. Sans être convaincus, donc, nous voterons néanmoins l'amendement.
Je voudrais commencer par une remarque de méthode. Madame la rapporteure, vous dites que votre amendement a été inspiré par un cas particulier ; Emmanuelle Fontaine-Domeizel en a évoqué un autre. Si émouvantes que soient ces histoires, leur utilisation me semble problématique lorsqu'il s'agit de jouer notre rôle de législateurs. Sommes-nous en train de nous livrer à un exercice de réparation d'une démarche illégale entreprise par ces couples ? Ou bien sommes-nous là pour penser les conséquences juridiques qu'emporteront les décisions que nous prenons aujourd'hui ?
Mme Agnès Thill applaudit.
Je voudrais également vous mettre en garde contre le risque de généralisation. Cela m'avait frappée au moment des auditions : il vous suffisait d'entendre un témoignage particulier pour en tirer une généralité. J'ai encore en mémoire celui d'une jeune fille née au sein d'un couple de femmes, par PMA, disant son bonheur, ce qui était tout à fait réjouissant ; mais cela avait permis à M. Touraine de conclure que tous les enfants nés par PMA étaient les plus heureux du monde. Soyons honnêtes intellectuellement !
Madame la garde des sceaux, vous vous dites sensible à la situation des enfants nés par PMA et soucieuse de trouver une solution juridique pour sécuriser leur filiation. Vous évoquez l'adoption – j'observe, au passage, que l'adoption, que nous vous suggérions, vous paraît acceptable pour les enfants nés par PMA dans un couple de femmes avant la loi, mais qu'elle ne vous paraît plus acceptable après la loi.
Ce n'est pas la même chose !
À mon sens, une procédure d'adoption simplifiée – qui est possible, puisque vous y travaillez – pourrait tout à fait résoudre les cas qui nous occupent.
J'ai envie de dire : ça suffit ! Il faut arrêter de prétendre, la main sur le coeur, défendre les droits des enfants et les droits des femmes pour, l'instant d'après, refuser de voter l'amendement de Mme la rapporteure !
Je suis pour ma part cosignataire des amendements de Mme Vanceunebrock-Mialon, qui me semblent susceptibles de régler l'ensemble des cas ; mais la proposition de Mme la rapporteure d'un dispositif transitoire et limité aux couples de femmes qui ont eu recours à des PMA à l'étranger me paraît apporter toutes les garanties nécessaires. Les droits des enfants à une double filiation – puisque c'est bien la réalité, ils ont deux mères, qu'elles soient encore ensemble ou séparées – seront établis, tout comme le droit des femmes à faire reconnaître une filiation et à prendre des décisions dans les moments importants de la vie d'un enfant, quand il est malade, quand il est hospitalisé.
On ne peut pas, je le répète, brandir l'intérêt supérieur de l'enfant, les droits de l'enfant, et s'insurger contre l'amendement de Mme la rapporteure, dont le périmètre très restreint me paraît faire la belle démonstration de notre attachement à l'intérêt supérieur de l'enfant et à l'égalité des droits de toutes les femmes.
Madame la garde des sceaux, je comprends votre argument selon lequel cet amendement pourrait être considéré comme un cavalier législatif. Mais nous ne pouvons pas en permanence renvoyer au juge ; si notre assemblée vote clairement pour les droits des enfants déjà nés grâce à des PMA à l'étranger, même si cet amendement est censuré ultérieurement par le Conseil constitutionnel, nous aurons au moins envoyé aux juges un signal qui devra être pris en considération chaque fois qu'une mère se présentera, accompagnée de la mère du ventre, pour revendiquer la comaternité de son enfant. Prenons une position claire.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Ma présence à la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la bioéthique est due au fait que le Premier ministre m'a confié une mission sur l'adoption afin de revisiter nos règles en fonction de la société d'aujourd'hui. Je travaille en binôme avec une sénatrice Les Républicains, et nous nous demandons en particulier si la loi du 14 mars 2016 est bien appliquée, et s'il convient de l'adapter ; notre rapport sera rendu dans très peu de temps.
Nous y recommandons en particulier que le droit et les pratiques des professionnels soient adaptés aux réalités d'aujourd'hui. L'adoption doit bien sûr être ouverte aux familles non mariées, aux familles pacsées ; la réserver aux couples mariés n'est plus conforme à la société d'aujourd'hui. Nous nous sommes intéressées également aux adoptions intrafamiliales, que nous souhaitons simplifier, et nous travaillons avec les services de Mme la garde des sceaux afin de trouver la formule la plus adéquate pour que le processus soit sécurisé, simple et légal.
Nous avons toujours été guidées par un principe : celui de l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est à partir de l'enfant que nous regardons ce qui est possible.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Je voudrais faire entendre mon soutien à cet amendement depuis le côté droit de l'hémicycle.
Cessons de brandir des sondages, qui peuvent se révéler trompeurs. Je voudrais revenir sur celui qu'a mentionné mon collègue Xavier Breton. Ce sondage, d'ailleurs commandé par les Associations familiales catholiques et la Manif pour tous, dit que 83 % des Français estiment que chaque enfant a le droit d'avoir un père. En réalité, personne ne se pose cette question : chaque enfant a-t-il le droit d'avoir un père, tout à fait d'accord, plutôt d'accord, pas du tout d'accord ? Bien sûr que nous sommes tous d'accord sur le fait qu'un enfant a le droit d'avoir un père !
Mais il est tout aussi important que les enfants, quels qu'ils soient, puissent se voir reconnaître deux mères. Moi aussi, je vais citer un sondage IFOP très récent, puisqu'il date du 13 septembre dernier : 68 % des Français s'y disent favorables à l'ouverture de la PMA pour toutes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, SOC et FI.
N'en déplaise à Raphaël Gérard, il est possible de concilier l'attachement à l'intérêt supérieur de l'enfant et l'opposition aux dispositions qui nous sont proposées par ces amendements, même si celui de Mme la rapporteure est plus restrictif et donc a priori plus cohérent.
Les amendements qui ouvriraient plus largement la voie de la possession d'état aux couples de femmes ayant eu recours à la PMA avant l'adoption du présent projet de loi visent, comme l'a dit Annie Genevard, à traiter des situations qui résultent de choix de personnes qui, sachant la PMA interdite en France, se sont rendues à l'étranger pour réaliser ces procédures.
Il y a là une difficulté juridique qu'il faut traiter a posteriori, c'est évident. Mais je m'étonne que d'autres amendements ne viennent pas proposer de traiter, de la même façon, les situations d'autres enfants nés à l'étranger par d'autres techniques que celle de la PMA, et pour lesquels on pourrait revendiquer ce même droit à la sécurité juridique.
Je veux bien sûr parler des enfants nés d'une GPA. C'est d'ailleurs peut-être un débat qui interviendra plus tard.
Le problème, c'est que la proposition de Mme la rapporteure lie la notion de possession d'état, et les critères pour la voir reconnaître, à une technique de procréation, ce qui n'est pas le cas de la possession d'état telle qu'elle figure aujourd'hui dans le code civil. Si jamais vous établissez le lien, vous devrez traiter cette question pour d'autres cas que celui, précis, de couples de femmes ayant eu recours à la PMA. C'est un hiatus juridique qui me semble insurmontable, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je ne peux pas être favorable à cet amendement.
Je voudrais rebondir sur les propos de mon collègue Maxime Minot : nos options divergent, mais notre famille politique est plurielle, et nous n'excluons pas quelqu'un en fonction de ses opinions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je voudrais revenir sur la question des sondages. Ce n'est pas le commanditaire du sondage qui doit le disqualifier ! Celui que je citais a été réalisé par l'IFOP, institut sérieux que l'on ne peut pas mettre en doute. Il a été commandé par les Associations familiales catholiques – « catholiques » n'est pas un gros mot dans notre pays – et par la Manif pour tous, qui fait partie d'un mouvement social. Dont acte. D'autres sondages ont été commandés par d'autres associations.
Là où nous nous rejoignons, cher collègue, c'est pour dire que la réponse dépend de la question posée. Si on demande à nos concitoyens s'ils sont d'accord pour que toutes les femmes aient les mêmes droits, j'espère bien que 80 % diront oui, et même plus ; si on leur demande s'ils pensent que chaque enfant a droit à un père, j'espère bien aussi que 80 % et plus diront oui !
Tout dépend de la manière dont la question est posée : d'un côté, il y a une logique de droits des adultes, de bon vouloir des adultes ; de l'autre côté, on se place du côté des enfants, on pense en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui a droit à un père.
Encore une fois, avec cette loi, vous allez créer une catégorie d'enfants à qui il sera à jamais interdit d'avoir un père.
Vos exemples, très intéressants, montrent que la vie n'est pas toujours rose, même dans les couples de femmes, qui peuvent se séparer.
J'avais cru comprendre, avec le professeur Touraine, que tout était merveilleux et qu'un enfant s'épanouirait encore mieux dans un couple de femmes ; finalement, je me dis que ça ne sera peut-être pas aussi évident, et que les séparations touchent tous les couples, quelle que soit leur composition. On ne cesse donc pas de s'instruire au fur et à mesure que les débats progressent.
Sourires.
Dommage que ces enseignements ne soient pas rapportés à l'article 1er.
Ces amendements représentent une fois encore, pour moi, un cheval de Troie pour la GPA, non seulement pour les enfants d'hier, mais surtout pour ceux à venir. L'amendement no 2092 dit : « La possession d'état peut être constituée à l'égard de parents de même sexe. » Il ne parle pas de couples de femmes, ce peut être un couple d'hommes. C'est donc une incitation claire à la GPA et à la PMA non éthique.
Certains de collègues ont, je le reconnais, le mérite de la cohérence : ils aimeraient aller jusqu'à la GPA, et ils poursuivent cette logique dans tous les amendements qu'ils déposent. Mais ces amendements nous font prendre de trop grands risques pour les enfants, car une situation conflictuelle peut surgir ; la régler devant notaire, avec trois témoins, par la possession d'état est risqué – la ministre l'a d'ailleurs avoué – , car seul le juge, étranger à tout clientélisme, peut être garant de l'intérêt de l'enfant. Je vous invite pour ma part, mes chers collègues, à privilégier l'intérêt de l'enfant en refusant ces amendements.
Soyons clairs, notre groupe est très largement défavorable à l'usage juridique que l'on prétend faire de la possession d'état. Mais je note, madame la rapporteure, une grande incohérence dans la manière dont vous développez vos arguments.
Nous avons débattu, avant la pause méridienne, de plusieurs amendements auxquels nous étions clairement opposés. Mais je vous ai alors entendue affirmer, avec beaucoup de véhémence – le compte rendu en attestera sans doute – que ce vecteur juridique était particulièrement inapproprié. Et là, patatras, quelques heures plus tard, alors que nous traitons du même sujet, telle un beau diable qui sort de sa boîte, vous utilisez des arguments diamétralement opposés pour défendre, cette fois-ci, la même situation.
Je dois reconnaître que, de ce point de vue, je préfère la position de Mme la garde des sceaux, parce qu'elle conserve une cohérence argumentative qui est essentielle pour nous qui faisons le droit. Mais votre position, madame la rapporteure, je ne la comprends pas, et je tenais à l'indiquer à notre assemblée.
Je suis moi aussi un peu gênée par le choix de ce dispositif. La rapporteure elle-même l'a dit, c'est par essence un dispositif fragile.
Je connais, certes – nous en connaissons tous, dans nos entourages respectifs – , des situations difficiles, comme celle de femmes dont l'une a pu devenir mère alors que la seconde rencontre des difficultés pour devenir, au même titre, mère de cet enfant. C'est pourquoi je me réjouis que nous créions ce dispositif applicable dans le cadre de la PMA.
Mais la possession d'état reste pour moi un dispositif fragile par essence. Je voudrais, à ce sujet, interroger la garde des sceaux sur un cas pratique illustrant ce qui pourrait se passer, afin de savoir si je comprends bien les risques qu'il pourrait engendrer.
Prenons l'exemple d'un couple de femmes qui aurait procédé à une PMA avant que la loi n'ait été adoptée. L'une d'elles est bien la mère, tandis que, pour de multiples raisons, la deuxième n'a pas encore pu adopter l'enfant. Imaginons que la première femme, la mère, change de vie, qu'elle change de compagne, et qu'au bout de deux ou trois ans avec cette autre femme, elle demande pour celle-ci le bénéfice de la possession d'état, parce qu'elle considère que, moyennant la théorie des apparences, il est vraisemblable que cette deuxième femme soit bien la mère, tout comme elle. Que se passe-t-il pour sa première compagne, qui a conçu la PMA avec elle et qui a été à l'origine du projet parental que nous revendiquons depuis le début de l'examen du texte ?
Si nous reconnaissons le critère de la possession d'état, cette femme qui, pour nous, devrait être la mère – c'est ce que nous proposons dans le texte – ne sera-t-elle pas écartée ? Face à des situations extrêmement complexes et douloureuses, on ne peut pas répondre par un processus qui me semble fragile, non seulement pour les femmes, mais surtout pour les enfants. J'espère vraiment que, grâce au travail de Mme Limon, nous parviendrons à un processus extrêmement solide au bénéfice des femmes et des enfants.
Je ne suis pas convaincu par les arguments de Mme Bergé. La possession d'état est déjà invoquée aujourd'hui par les couples hétérosexuels, et l'on sait qu'elle est attaquable du point de vue biologique. C'est la raison pour laquelle la Cour de cassation a dû rendre un arrêt disant que la biologie n'est finalement pas un argument pour remettre en cause la possession d'état.
Aujourd'hui, si une femme en couple avec une autre femme a un premier projet parental avec sa compagne, celle-ci se voit refuser l'établissement d'un second lien de filiation à son bénéfice – et cela continuera si, en ne votant pas cet amendement, nous entérinons cette situation – , alors même que sa compagne pourra, dans le cadre d'un mariage avec une autre femme, qui n'aura pas été à l'origine du projet parental, proposer à celle-ci une adoption intraconjugale – qui, pour le coup, est déjà parfaitement opérante – et priver la mère qu'était sa compagne au moment du projet parental de tout lien de filiation.
On refuse ainsi une filiation à l'enfant, et on refuse à la mère qui était la coconstructrice du projet parental d'établir son lien de filiation. C'est un vrai problème.
Je ne dis pas que la solution présentée par la rapporteure permettra de trancher tous les cas, mais elle permettra de remplir la case du deuxième lien de filiation pour tous les enfants dont les deux mères sont en relativement bons termes, et décidées en tout cas à renforcer les droits de leur enfant.
Vous le voyez, tous les débats que suscite mon amendement reflètent ce que nous avons dit depuis le début. Si l'on a besoin de passer par cet amendement hybride, c'est précisément parce que le code civil ne prévoit pas la comaternité. Nous sommes donc bien loin de la révolution complète que vous annonciez tout à l'heure et que vous appelez de vos voeux.
Si l'on est obligé de passer par un tel amendement et de le restreindre, c'est bien pour ne pas y englober les autres cas : il n'est pas question de ceux que vous citiez autour d'une hypothèse de GPA. Cet amendement est très restreint : il ne concerne pas tous les couples de femmes, mais strictement ceux qui auraient procédé à une PMA à l'étranger. L'article renvoie, de surcroît, au fonctionnement que nous choisissons dans ce texte. Il est donc très précis.
Pour répondre à la question de Mme Bergé – que se passera-t-il si une femme cherche à se prévaloir frauduleusement d'une possession d'état de complaisance ? – , cela peut être annulé par un juge. Cela s'est d'ailleurs déjà produit : certains notaires établissent des possessions d'état pour des couples de femmes, malgré la loi, parce qu'ils la trouvent injuste et, quand elles sont de complaisance, elles sont annulées par les juges. Ceux-ci ont toujours une fonction dans notre société, madame Bergé.
Il s'agit ici, en revanche, de permettre l'établissement de la filiation dans les cas où la possession d'état n'est pas de complaisance, mais où elle correspond bien à la réalité du projet parental initial, attestée par un document établi à l'étranger, que ce soit un consentement à l'acte médical ou un consentement au don, pourvu que son antériorité soit établie. Cet amendement prévoit précisément la possibilité de distinguer les cas de complaisance et les autres.
Quant à l'argument de la réalité biologique, ou la vérité biologique, combien d'hommes, dans l'histoire de France, se sont prêtés à des reconnaissances de complaisance ? Combien ? Et heureusement, car ils ont ainsi créé des foyers qui ont très bien fonctionné.
Ici, il ne s'agit certes pas de complaisance : on sécurise le dispositif au maximum.
Je note au passage que beaucoup de collègues nous ont rejoints pour examiner ce texte de bioéthique. Bienvenue dans ces beaux débats qui parlent de l'avenir de certaines familles, et notamment de celles qui ont effectué des PMA à l'étranger avant ce texte.
Si nous avions choisi un autre dispositif législatif, nous aurions régularisé en même temps toutes les situations. Nous n'avons pas choisi cela parce que nous avons voulu apporter beaucoup de sécurité aux femmes et à l'enfant. Et, dès lors que notre majorité a choisi d'apporter de la sécurité aux femmes et aux enfants dans le cadre des PMA futures, j'avoue que je ne comprendrais pas pourquoi on en apporterait à l'avenir, et pas pour celles qui ont déjà eu lieu. Je maintiens donc mon amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Sylvia Pinel applaudit également.
Ayant écouté nos débats, je voudrais faire trois observations. Je répète, d'abord, que la possession d'état – on l'a bien vu dans tous nos échanges – n'apporterait pas les certitudes que nous attendons. M. Gérard l'a démontré, certaines situations humaines sont non seulement douloureuses, mais extrêmement complexes, et je ne crois pas que la possession d'état puisse en apporter la solution. Aurore Bergé en a donné un exemple. Je crois que la possession d'état ne présente pas les garanties nécessaires pour fonder la certitude que la femme qui revendique la maternité par ce biais, dans un couple de femmes, a bien participé au projet parental. Je ne crois pas que ce soit le bon instrument. Ma première observation porte donc sur l'incertitude qui entoure ce dispositif, par rapport à ce que nous cherchons à faire.
Deuxième observation, qui me semble également importante – mais cela a été souligné sur différents bancs – , et notamment au regard du premier amendement de Mme Vanceunebrock-Mialon : vous voulez étendre la possession d'état à tous les couples de même sexe. Cela implique évidemment de l'étendre aux couples d'hommes, ce qui peut ouvrir une porte à la gestation pour autrui. Ce risque s'ajoute à l'argument juridique que cette extension est en contradiction avec l'article 320 du code civil, dont je parlais tout à l'heure, qui interdit plusieurs filiations dans la même branche.
Ma dernière observation s'adressera à Mme la rapporteure. Je comprends parfaitement, encore une fois, la recherche de solutions pour les situations que vous évoquez. Je pense malgré tout que celle que vous proposez – que vous présentez d'ailleurs comme une solution transitoire, au fond – , recèle un risque d'inconstitutionnalité parce qu'elle aurait un effet rétroactif.
Je me trompe peut-être – je le dis avec beaucoup de modestie – mais je pense que cela ne marche pas. En effet, au moment où l'enfant est né, la loi ne permettait pas d'imposer à la femme qui a accouché l'établissement d'un second lien de filiation maternelle, puisque nous n'avons pas encore adopté cette disposition. Or, depuis la loi du 17 mai 2013, c'est un mécanisme d'adoption qui peut être proposé à la femme mariée. Le texte que nous propose Mme la rapporteure retirerait rétroactivement cette possibilité à la mère. Je pense qu'il y a là une difficulté, et que cette mesure ne résisterait pas aux critères posés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Pour toutes ces raisons, je pense que nous n'avons pas trouvé la solution juridique pertinente à la question que vous posez. Peut-être en suis-je responsable et aurais-je pu trouver une autre solution. Je préfère donc attendre quelques semaines, ou quelques mois, pour trouver une réponse qui soit solide juridiquement, et qui convienne aux questions que vous posez. La solution que proposait Mme Limon sera peut-être une des pistes que nous devrons explorer.
Vous nous demandez encore des mois, madame la garde des sceaux ? Mais depuis combien de temps attendons-nous cette loi ? Elle devait arriver au début du quinquennat de M. Macron. On a attendu deux ans et demi, et vous n'êtes pas prête ? Ce n'est pas sérieux, voyons ! Ce n'est pas un argument, franchement !
Je vais rejoindre l'argumentaire de la rapporteure, tout en adressant une remarque à Mme Bergé. Vous ne pouvez pas nous dire que la manière dont la possession d'état est organisée aujourd'hui crée un doute, parce que c'est vous qui en avez retiré la reconnaissance au juge pour la donner au notaire.
Vous ne pouvez pas alléguer que le dispositif que vous avez créé n'est pas fiable, alors que c'est tout simplement parce que vous refusez de donner de l'argent à la justice pour que les juges aient les moyens de traiter les dossiers dans les temps. Dire « on a fait une réforme, mais cette réforme a créé une procédure dont la justesse est aujourd'hui douteuse », ça ne va pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Car ce que vous venez de dire sur la possession d'état pour les couples de femmes vaut pour toutes les possessions d'état, telles qu'elles sont attribuées aujourd'hui. Cela veut dire que, si nous ne votons pas cet amendement, en nous fondant sur les arguments de Mme Bergé, toutes les décisions actuelles de possession d'état doivent être considérées comme susceptibles d'avoir été falsifiées par les notaires. Ce serait très agréable pour cette profession, qui va apprécier.
Mais, surtout, à un moment donné, il faut assumer. Vous refusez de donner à la justice les moyens de faire son travail et vous confiez ce travail aux notaires. Ne dites pas, alors, que les notaires ne font pas leur travail.
Mme la garde des sceaux a raison de soulever la question de l'inconstitutionnalité, que nous nous sommes évidemment posée. Elle est l'une des raisons de l'avis défavorable que j'ai émis sur les amendements relatifs à la possession d'état.
C'est précisément pour tenir compte du risque d'inconstitutionnalité que mon amendement est très circonscrit et renvoie au cas visé expressément par le nouveau dispositif puisqu'il est censé révéler un lien de filiation.
S'agissant de la rétroactivité, après avoir creusé le problème, il apparaît que le Conseil constitutionnel l'admet lorsqu'elle est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général. Il nous semblait intéressant de demander au Conseil constitutionnel si la filiation d'un enfant constituait un tel motif.
Malgré les précisions de Mme la rapporteure, je confirme un doute constitutionnel très sérieux, car il est question de l'état des personnes, sur lequel le Conseil constitutionnel se montre assez intransigeant.
Mme la garde des sceaux est un ancien membre du Conseil constitutionnel !
Madame Vanceunebrock-Mialon, retirez-vous vos amendements, comme vous y a invitée Mme la garde des sceaux ?
Je tiens d'abord à remercier la rapporteure pour son plaidoyer fort et sincère en faveur des familles homoparentales. Dans un souci de rigueur, je retire mes amendements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 20
Contre 31
L'amendement no 2457 n'est pas adopté.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement no 1805 .
Il s'agit d'un amendement de repli visant à étendre le droit commun aux seuls couples de femmes mariées. Ces couples devront donner leur consentement au don à un notaire, conformément à l'article 311-20 du code civil.
L'amendement tend à créer, en cas de recours à la PMA, une présomption de comaternité, comme il existe une présomption de paternité.
Je crois connaître le sort qui sera réservé à cet amendement, mais, à travers lui, je rends aussi hommage à notre ancien collègue Erwann Binet, qui était rapporteur du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et avait, en son temps, déposé le même amendement.
Je n'étais pas parlementaire alors, mais je salue également le travail d'Erwann Binet – il a fait beaucoup en son temps.
Malheureusement, je suis obligée de donner un avis défavorable à votre amendement visant à étendre la filiation de droit commun aux couples de femmes et à toute femme non mariée pour toutes les raisons que nous avons exposées précédemment, notamment la sécurité pour les mères et la parfaite égalité entre elles que nous privilégions.
L'amendement no 1805 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement est simplement défendu, madame la présidente, en raison du temps programmé.
L'amendement no 1045 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements, nos 1810 et 2141 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement no 1810 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour le soutenir.
Cet amendement est assez proche de celui présenté par Mme la rapporteure, sans toutefois faire référence à la possession d'état. Il vise à sécuriser la filiation pour les couples de femmes ayant eu recours à la PMA avant la loi qui sera adoptée.
Ces couples pourront signer devant le notaire un consentement au don a posteriori, sous réserve de la production de preuves révélant le lien de filiation entre l'enfant et sa deuxième mère.
Cette mesure permettrait de sécuriser la filiation des enfants qui n'ont pas pu être adoptés par leur seconde mère. Les couples de femmes non mariés par exemple ne disposent actuellement d'aucun moyen de faire reconnaître une telle filiation.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 2141 .
Cet amendement, qui va exactement dans le même sens que celui de M. Saulignac, vise à donner enfin des droits à ces fantômes de la République dont nous venons malheureusement, par le vote précédent, de consacrer l'existence.
Je rappelle que les dispositions transitoires sont habituelles. La loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe en prévoyait déjà pour régulariser certaines situations antérieures à la promulgation de la loi.
Il est très compliqué pour moi de me prononcer compte tenu de l'amendement que je viens de défendre mais j'exprime l'avis défavorable de la commission pour les différentes raisons évoquées précédemment.
En premier lieu, j'ai relevé une erreur sémantique. Vous évoquez un consentement au don. Or une femme consent non pas au don mais à l'AMP avec tiers donneur.
Ensuite, l'idée d'un consentement a posteriori, c'est-à-dire à quelque chose qui s'est déjà réalisé, me semble peu appropriée sur le plan juridique.
Enfin, je le répète puisque j'ai déjà eu l'occasion de le dire depuis ce matin, le consentement à l'AMP ne permet pas d'établir la filiation. Ce consentement concerne un acte médical.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable aux amendements.
Les cinq minutes réglementaires avant le scrutin public n'étant pas écoulées, je vous invite à patienter quelques instants.
Que se passe-t-il pour une femme souhaitant devenir homme mais n'ayant pas encore effectué le changement à l'état civil qui bénéficie d'une insémination avec tiers donneur ? Pourra-t-elle ensuite changer de sexe à l'état civil ? Quelle en sera l'incidence sur l'état civil de l'enfant ?
Il s'agit bien de permettre que les cinq minutes s'écoulent, n'est-ce pas ?
Sourires.
Monsieur Bazin, nous avons, clairement et à plusieurs reprises, répondu à cette question. Ce qui compte pour l'accès à l'AMP, c'est le sexe de la personne à l'état civil.
Ensuite, il y a plusieurs cas de figure. En tout état de cause, lorsque le consentement est signé, c'est le sexe de la personne à l'état civil qui est considéré.
Pour la suite, j'ai eu l'occasion de le dire aussi, des contentieux devant la Cour de cassation sont en cours.
Cela signifie qu'un homme accouchera ! Si une femme ayant recours à la procréation médicale change de sexe au cours de la grossesse, selon sa volonté, ce sera bien un homme qui accouchera, ce sera un père qui aura donné naissance.
Je vous l'ai déjà dit, monsieur le député, il s'agit de situations extrêmement particulières qui n'ont pas nécessairement vocation à être régies par la loi. La Cour de cassation est saisie d'une affaire à peu près similaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 9
Contre 26
L'amendement no 1810 n'est pas adopté.
L'amendement no 2141 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 692 .
L'amendement no 692 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Vous prenez néanmoins du temps réservé à votre groupe !
L'amendement no 180 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 182 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1210 .
L'amendement no 1210 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1211 .
Le fait de priver un enfant d'une deuxième parentèle dans sa filiation lui porte préjudice. Il est dommage que le temps législatif programmé m'empêche d'aller plus loin dans les explications. Votez pour cet amendement.
Ces amendements reviennent à nier, dans le droit de la filiation, l'autorisation de l'AMP pour les femmes seules, prévue dans l'article 1er qui a été adopté.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 2140 .
Cet amendement vise à inscrire dans la loi la validité de la reconnaissance anticipée pour les couples de femmes qui continueront à avoir recours à la PMA dans un pays étranger après la promulgation de la loi.
Au cours des débats, nous avons refusé certains dispositifs comme le don dirigé ou la réception d'ovocytes de la partenaire – ROPA – et que les délais d'attente pouvaient varier en fonction de l'appréciation des CECOS - centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme humains.
L'idée est de s'assurer, comme vous l'avez dit lors de l'audition du 2 septembre dernier, madame la garde des sceaux, que ce dispositif de reconnaissance conjointe anticipée sera bien efficient dans le cadre des PMA effectuées à l'étranger.
Je confirme ici ce que j'avais indiqué en commission. Dans le texte, il n'est pas précisé que la disposition est limitée aux actes réalisés en France. Elle s'appliquera également aux AMP qui seraient réalisées à l'étranger à partir du moment où le consentement a été établi en France.
L'amendement no 2140 est retiré.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 2352 .
Cet amendement précise que le consentement au don peut être effectué devant un juge. Il n'y a pas de raison que la démarche se fasse uniquement chez le notaire. Pour en revenir à la discussion précédente, le recours au juge devrait rassurer Mme Bergé sur l'authenticité du consentement.
Cela implique, évidemment, que l'on donne à la justice les moyens nécessaires pour que les juges puissent rendre ce service au public. Il s'agit bien d'un service public et les gens ne devraient pas être obligés d'aller devant un notaire pour établir ce type de consentement.
Monsieur le député, vous reprenez ici un débat qui a déjà eu lieu à deux reprises.
Il en a été question au mois de mars dernier, lorsque nous avons abordé la loi pour la justice qui a confié aux notaires – et à eux seuls – le recueil du consentement à l'AMP, qui pouvait auparavant être aussi établi par le juge.
Nous avons considéré que le juge n'avait rien à faire dans ce recueil de consentement puisqu'il ne s'agit pas d'un contentieux qu'il aurait à trancher. Comme je vous l'avais indiqué à l'époque, il nous a semblé que le notaire était plus habilité à informer les couples de femmes des conséquences de l'acte qu'ils s'apprêtent à passer devant lui.
Nous en avons également discuté lors de la discussion sur l'article 1er du présent texte.
Avis défavorable.
J'entends l'argument de Mme la ministre mais nous n'avons pas changé d'opinion depuis notre dernier échange sur le sujet. Nous considérons qu'un tel acte doit pouvoir être gratuit. L'accès au juge et à la justice est encore gratuit dans notre pays, ce qui n'est pas le cas de l'accès au notaire.
Si l'on fait abstraction de cette question de la gratuité, j'aurais pu vous suivre, madame la ministre. Mais Mme Bergé n'a-t-elle pas souligné le risque qu'il y ait, par exemple, des actes de complaisance dans le cas où la démarche est effectuée devant notaire ? Avec le juge, nous serions sûrs.
Nous sommes, nous aussi, attentifs au rôle tenu par le juge dans le droit de la famille. Le juge donne de la famille une vision qui n'est pas contractuelle.
Pour vous, le cadre est celui d'individus qui s'accordent et qui, ensuite, viennent faire enregistrer leur volonté, leur désir par un notaire. Vous évacuez le juge auquel nous tenons parce que, pour nous, dans cette affaire, il représente l'institution.
Depuis des années, nous observons cette tendance dans de nombreuses procédures, notamment en matière de divorce. Pour quelle raison ? Soyons clairs : il faut pallier le manque de moyens de la justice et désengorger les tribunaux. Le problème est que cela se fait au détriment de la stabilité du droit de la famille.
Pour ces raisons, je vais voter pour l'amendement de notre collègue Lachaud.
L'amendement no 2352 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
En effet, il a été rejeté à très peu de voix près.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1834 .
C'est avec un immense plaisir que j'émets un avis favorable à cet amendement essentiel de M. le député Hetzel.
Rires.
L'amendement no 1834 est adopté.
Je voudrais profiter de l'occasion pour revenir sur les AMP qui sont effectuées à l'étranger. C'est le consentement établi dans notre pays qui compte, avez-vous expliqué. Est-ce à dire qu'une AMP qui se ferait avec des contreparties, des paiements à l'étranger, serait valable pour établir une filiation dans notre pays ?
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1212 .
Je renchéris sur la question de mon collègue Breton, mais, en raison du temps législatif programmé, je ne développerai pas d'autres arguments.
Je suis défavorable à ces amendements. Pour répondre à la question de M. le député Breton, j'indique que, au moment du consentement à l'AMP, le notaire français ne contrôle pas la manière dont le processus va se dérouler, qu'il ait lieu en France ou à l'étranger. Vous pourriez d'ailleurs poser la même question pour les couples hétérosexuels, car elle ne concerne pas que les couples de femmes.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1213 .
Défavorable. Je ne comprends d'ailleurs pas ces amendements qui préconisent des mesures auxquelles vous vous étiez opposés lors de nos débats sur l'article 3.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 2526 .
Cet amendement vise à proposer la possibilité de reconnaître, dans les mêmes conditions que pour les AMP réalisées en France, les enfants issus d'AMP effectuées à l'étranger, sous réserve que ces dernières donnent à l'enfant la possibilité d'avoir accès aux données non identifiantes ainsi qu'à l'identité du donneur au plus tard à sa majorité.
La gratuité du don est également un critère crucial pour la reconnaissance des enfants issus d'AMP réalisées à l'étranger, afin de préserver son caractère éthique.
Par définition, le consentement ne peut être recueilli après la réalisation de l'AMP, notamment pour les raisons évoquées précédemment. Le consentement doit être donné au préalable pour qu'il puisse aussi être retiré avant l'insémination, afin que l'on ait quelque chose de solide, de fiable et d'irrévocable. Avis défavorable.
Même avis pour les raisons que j'ai données précédemment.
Il s'agit ici de prendre en compte les situations à venir et non pas de régulariser des situations passées. Même s'il est adopté, ce texte n'empêchera pas certaines personnes d'effectuer des AMP à l'étranger, et cela pour diverses raisons.
Pour ces cas-là, je propose que les enfants soient reconnus dans les mêmes conditions que les autres, à partir du moment où ils sont issus d'AMP effectuées dans des conditions que nous jugeons convenables, qui incluent notamment la gratuité du don. Les enfants issus de ces dons doivent pouvoir, eux aussi, accéder à leurs origines.
Pour moi, c'est un amendement de bon sens. Il ne vise pas à régulariser des situations existantes ; il tend à anticiper des situations à venir, qui ne manqueront pas d'exister, afin de les prendre en compte correctement.
Je ne comprends pas la manière dont l'amendement est rédigé.
L'amendement no 2526 n'est pas adopté.
L'amendement no 1214 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1478 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement est important du point de vue technique mais aussi symbolique. Aujourd'hui, l'alinéa 19 du projet de loi dispose que « le consentement à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation », sauf cas particuliers. Cette formulation laisse entendre que c'est le consentement qui établit la filiation. Nous souhaiterions que l'alinéa 19 soit ainsi rédigé : « l'établissement du lien de filiation à l'égard de l'enfant issu d'une aide médicale à la procréation dans les conditions du présent chapitre interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation. »
En effet, ce n'est pas le consentement qui établit la filiation, mais bien la mention de la mère dans l'acte d'état civil, comme le dispose l'article 325 du code civil, ou bien la présomption de paternité ou encore la reconnaissance. Il est important de clarifier ce point.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1215 .
Je comprends pourquoi ces amendements sont hautement symboliques et importants pour vous, mais, pour ma part, j'émettrai un avis défavorable. Le projet de loi reprend stricto sensu le contenu de l'article 311-20 du code civil, qui dispose que c'est bien le consentement qui interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation, précisément parce que, dans le cadre d'une AMP avec tiers donneur réalisée au sein d'un couple hétérosexuel, ce n'est pas la vérité biologique qui importe, mais une démarche volontaire. C'est bien le consentement qui permettra ensuite de rendre la filiation irrévocable.
Nous ne souhaitons donc pas que le texte soit modifié. Cette disposition, introduite par la loi de 1994, fonctionne très bien. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait la modifier ; au contraire, une telle modification pourrait susciter de l'insécurité au sein de familles dans lesquelles tout va pour le mieux.
Notre avis est similaire à celle de Mme la rapporteure. La rédaction de ce texte traduit, pour l'AMP au sein des couples de femmes, la question du consentement déjà prévu dans l'article 311-20 du code civil. Comme l'a indiqué Mme la rapporteure, cette disposition existe depuis vingt ans. À ce jour, elle n'a occasionné aucun contentieux. Il n'existe donc pas à ce sujet de difficulté à surmonter. Avis défavorable.
Cet amendement vise à compléter l'article 4 et plus précisément son alinéa 19 avec la formulation suivante : « L'objet de la preuve de l'action en contestation de paternité est alors bien la preuve que l'enfant n'est pas issu de l'assistance médicale à la procréation et non la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. »
L'amendement no 2065 de M. Xavier Breton est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements sont déjà satisfaits, dans la mesure où l'action en contestation de la filiation ne peut aboutir à moins qu'il ne soit soutenu et démontré que l'enfant n'est pas issu de l'AMP elle-même. Il n'est pas utile d'ajouter cette phrase.
Comme vient de l'indiquer Mme la rapporteure, le texte est déjà suffisamment clair et précis. Votre ajout n'apporterait rien de plus, si ce n'est de la confusion, en raison de l'abondance de précisions. À défaut du retrait de ces amendements, nous émettrons un avis défavorable.
Sur l'amendement no 2345 , je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir cet amendement.
Mme la rapporteure, vous n'êtes pas parvenue à convaincre votre majorité de faire adopter votre amendement visant à résoudre le problème des familles et des enfants nés d'une PMA à l'étranger avant l'adoption de cette loi. Je vous offre la possibilité d'une nouvelle tentative avec une autre méthode que la possession d'état, qui n'a pas convaincu Mme la ministre. Cette méthode consisterait en l'homologation, en France, des consentements au don réalisés à l'étranger. La filiation pourrait ainsi être établie pour les deux parents ayant signé ce consentement au don. Ce serait une nouvelle façon de résoudre ces problèmes humains qui se posent aujourd'hui en France.
Je me suis moi aussi interrogée sur cette méthode, mais, n'étant pas certaine de sa validité, je n'ai pas déposé d'amendement en ce sens. À partir d'un consentement au don intervenu à l'étranger et reconnu comme valable par un officier d'état civil, vous proposez d'établir une reconnaissance conjointe rétroactive.
J'ai aussi envisagé cette solution, mais la rétroactivité risque de soulever un problème. En effet, pour des raisons liées à l'effet du consentement, celui-ci doit être donné avant l'insémination. Or la rétroactivité risque de remettre en cause le caractère irrévocable de ce consentement. C'est sur ce seul point que porte ma réserve. Mme la ministre de la justice va sans doute vous répondre plus longuement.
Je ne répondrai pas plus longuement mais préciserai simplement que, comme je l'indiquais précédemment au sujet des amendements ayant trait à la possession d'état, nous sommes face à une difficulté liée à la rétroactivité du texte ; un problème de constitutionnalité pourrait certainement en résulter.
Par ailleurs, en lisant la formulation de votre amendement, je ne comprends pas comment pourrait concrètement fonctionner l'homologation par un officier d'état civil. Une telle disposition serait incongrue. J'émets donc un avis défavorable.
Merci pour votre réponse, madame la rapporteure.
Madame la garde des sceaux, je vous proposerais volontiers de laisser le Conseil constitutionnel faire son travail. S'il juge que cette disposition est anticonstitutionnelle, il nous le signalera. S'il ne le fait pas, c'est qu'il estimera que nous avons bien fait de l'adopter.
Si c'est la rédaction de l'amendement qui vous arrête, adoptez-le, car rien ne vous empêchera de proposer une meilleure formulation en deuxième lecture. Je n'ai entendu aucun argument qui puisse me persuader de retirer cet amendement, ou convaincre mes collègues de le rejeter.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 9
Contre 37
L'amendement no 2345 n'est pas adopté.
L'amendement no 1714 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2459 de Mme Coralie Dubost, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement no 2459 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1217 .
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 2250 .
L'amendement no 2250 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement prévoit la conduite à tenir dans l'hypothèse d'une révocation du consentement. Nous proposons une rédaction que, en raison du temps programmé, je ne pourrai pas développer. J'aimerais néanmoins connaître l'avis de la rapporteure et du Gouvernement à ce sujet.
Je pense qu'ils sont satisfaits. L'essentiel est que le médecin soit destinataire de cette rétractation écrite puisque c'est lui qui a la charge de procéder à l'insémination. Parler à la fois du notaire, du médecin et de l'autre membre du couple risquerait d'introduire de la confusion : une personne qui aurait envoyé la rétractation de son consentement au notaire risquerait d'oublier de la communiquer au médecin ou de la lui communiquer dans les délais, de sorte que finalement l'insémination ait lieu. Pour éviter d'en arriver à ce type de situation, la simple communication au médecin est la meilleure des options. D'où une demande de retrait et, à défaut, un avis défavorable.
Je trouve que cette procédure n'est pas très sécurisée. Pour qu'elle soit « bordée » d'un point de vue formel, la décision devrait être notifiée concomitamment au notaire et au médecin. En effet, la démarche médicale n'est pas la démarche juridique. Il me semble qu'à partir du moment où vous décidez d'instituer un mode de filiation fondée sur la seule volonté, il faudrait « border » cette question de la révocation du consentement. Ce sont les notaires et non les médecins qui sont chargés par la société d'enregistrer tout cela.
Ce système fonctionne sans problème depuis 1994. Il n'est jamais arrivé qu'un hétérosexuel s'étant engagé dans une AMP aille devant les tribunaux parce que la rétractation de son consentement n'aurait pas été prise en compte par le médecin. L'extension de l'article 311-20 aux couples de femmes semble donc susceptible de fonctionner pour les familles – ce qui est indispensable – et lisible. C'est pourquoi, même si je comprends votre désir de passer par quelqu'un qui a l'habitude d'enregistrer de telles décisions, un juriste ou un officier d'état-civil, il vaut mieux, du point de vue de l'efficacité, de la pertinence, de la lisibilité, qu'on en reste au médecin.
Il me semble, monsieur le député, que la procédure prévue par le texte est très pratique et opérationnelle. C'est évidemment le médecin qui doit être prévenu puisque c'est lui qui va pratiquer l'acte. Par ailleurs, le notaire ne fait qu'enregistrer le consentement et la reconnaissance : ce n'est pas lui qui établira la filiation, mais l'officier d'état-civil. Cette procédure présente l'avantage d'être immédiatement opérationnelle ; je ne suis pas certaine qu'il faille imposer un formalisme lourd qui ne présente aucun bénéfice opérationnel.
L'effet est différent s'agissant d'un couple de femmes : dans ce cas, le consentement vaut reconnaissance et la révocation portera donc sur les deux. Elle aura un effet sur l'établissement du mode de filiation alors que, s'agissant d'un couple formé par un homme et une femme, le consentement porte uniquement sur l'AMP. Que le consentement à ce qui relève de la technique relève du médecin, c'est une chose ; mais l'interrogation porte sur la démarche de reconnaissance, qui est d'ordre juridique plutôt que médical.
J'ai compris : votre demande ne porte pas tant sur le consentement à l'AMP que sur le risque que, pour un couple de femmes, la renonciation à l'AMP de l'une rende automatiquement caduque la reconnaissance. Je ne sais pas, madame la ministre, si l'on pourrait envisager un mécanisme de transmission de la notification du médecin au notaire. Le problème est que votre amendement ne distingue pas entre les couples. C'est pourquoi je vous invite à le retirer à ce stade.
Je prends note de ce que vous venez de dire, monsieur Breton, mais votre amendement porte exclusivement sur le consentement. Dans ce cas, c'est le médecin qui doit être averti si l'on veut un dispositif opérationnel. La reconnaissance conjointe est une autre question. Je vous propose à ce stade de retirer votre amendement, et nous verrons s'il est souhaitable ou possible de le réécrire autrement.
Je vais effectivement retirer cet amendement. Il s'agissait, pour moi et mon collègue Hetzel, de poser le problème mais il est vrai que la rédaction de nos deux amendements ne permet pas d'y apporter une réponse satisfaisante. En tout cas la question reste ouverte.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 2534 .
Nous avons débattu il y a quelques jours de l'insémination post-mortem, et je m'étais alors opposée à cette possibilité en raison de ses risques psychologiques, tant pour l'enfant que pour la mère, ainsi que des problèmes de filiation que cela poserait. Il est néanmoins des situations où l'un des membres d'un couple engagé dans un projet d'AMP est décédé alors que l'AMP a été effectuée sans avoir recours aux gamètes du défunt. Nous devons nous assurer que dans ce cas la femme restée seule pourra poursuivre son projet d'AMP, la filiation s'établissant alors à son nom. J'espère avoir été claire !
Nous avons repoussé l'AMP post-mortem lors de l'examen de l'article 1er, et je ne pense pas qu'on puisse revenir sur ce vote. C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi l'avis sera défavorable.
Si je comprends bien votre amendement, madame la députée, vous proposez qu'en cas de décès d'un des membres du couple, la veuve puisse poursuivre un projet d'AMP seule mais sans avoir recours aux gamètes du défunt ? Rien ne l'interdit dans le texte. C'est pourquoi je ne pense pas utile d'y ajouter ce que vous proposez, à moins évidemment qu'il y ait un problème de rédaction.
Il me semblait bien ne pas avoir été suffisamment claire… L'hypothèse est celle du décès du membre d'un couple, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, ayant engagé un projet d'AMP mais sans recours aux gamètes du conjoint décédé. Le décès est intervenu après le consentement à l'AMP et la reconnaissance anticipée dans le cas d'un couple homosexuel. Nous sommes donc face au cas d'une femme devenue seule qui souhaite légitimement poursuivre le projet d'AMP. Celui-ci ne peut pas se poursuivre dans les conditions que nous avons examinées précédemment, où des questions comme celle de la filiation ou des risques psychologiques sont en jeu. Dans ce cas, la femme est face à sa propre responsabilité de poursuivre ou non un projet d'AMP qui n'engage qu'elle.
Vous soulevez, madame de Vaucouleurs, un cas que nous n'avons pas abordé. La filiation, ici, devrait dépendre d'une disposition que nous n'avons pas votée à l'article 1er ; c'est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement pour que nous puissions en évaluer la portée.
Si je l'ai bien compris, nous ne sommes pas dans le cadre d'une AMP à partir des gamètes du conjoint décédé. Si l'on prend l'exemple d'un couple hétérosexuel, il concerne les femmes qui, dans le cadre d'un projet d'AMP, ont été inséminées par des gamètes qui ne sont pas celles du conjoint mais d'un tiers donneur, et qui souhaiteraient poursuivre ce projet après le décès de leur conjoint. Nous n'avons pas encore abordé ce cas. Or les modalités d'établissement de la filiation dans ce cas auraient dues être fixées dans le cadre de l'article 1er.
Je vous invite donc à retirer votre amendement afin que nous puissions en discuter tranquillement avant d'adopter des dispositions en matière de filiation qui relèvent de l'article 1er.
Sans vouloir m'immiscer dans votre débat, je voudrais dire combien je suis inquiet de voir qu'il reste des cas qui ne sont pas couverts par un texte qui a été préparé de longue date, annoncé pendant la campagne présidentielle et soumis à l'avis du Conseil d'État, sans parler des rapports de mission d'information, entre bien d'autres choses.
Certes, notre amendement relatif au consentement et à la reconnaissance n'était pas complètement calé, mais c'est bien compréhensible étant donné que vous avez en l'espace d'un week-end complètement changé de pied sur l'établissement du mode de filiation. Mais il s'agit là de l'article 1er ! On mesure encore une fois combien cette révolution du droit de la filiation, qui n'a rien de tranquille, a été bricolée et combien elle est bancale.
J'accède à votre demande de retrait, madame la rapporteure, mais on ne peut pas faire l'impasse sur ce cas et il faut absolument qu'on règle cette question au cours de la navette.
Ma première interprétation était mauvaise, madame la députée : j'aurais dû mieux lire votre amendement. Le cas est en fait celui d'une veuve qui souhaite poursuivre un projet parental engagé du vivant de son mari dans le cadre d'une AMP sans recours aux gamètes du mari et qui a débuté par le consentement signé chez le notaire. Vous nous demandez si elle peut s'appuyer sur ce consentement pour poursuivre ce projet, c'est bien ça ?…
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En tout état de cause, il n'est pas possible de poursuivre un projet né du consentement d'une personne lorsque celle-ci est décédée.
Il faut quand même s'attacher plus précisément à cette question. Le processus enclenché dans ce cas ne nécessite pas, en effet, les mêmes précautions. Il ne s'agit pas d'une décision anodine, certes, mais elle n'engage que le conjoint survivant, même s'il existe déjà une fratrie et qu'on doive tenir compte de paramètres complexes qui rendront la décision plus difficile à prendre.
On doit ainsi prendre en considération le cas d'une femme d'un certain âge pressée de mener à bien son projet de maternité avec son ou sa partenaire et qui le voit s'interrompre brutalement. Elle se dit qu'elle est en train de tout perdre, qu'après avoir perdu son conjoint, elle risque de perdre ses dernières possibilités de mener à bien un projet de famille.
Il s'agit simplement de réfléchir aux conditions qui lui permettraient de mener à bien son projet. Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir y réfléchir.
L'amendement no 2534 est retiré.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 2138 .
En plus de fournir le thème de sa prochaine question à M. Bazin, il tend à élargir le dispositif de la reconnaissance conjointe anticipée à tous les couples de femmes qui recourront à l'AMP sans intervention d'un tiers donneur.
Depuis le début de ce débat, l'existence de certaines familles, notamment transparentales, a été largement niée. Pour autant, la loi, telle qu'elle est écrite à ce jour, n'interdit pas l'utilisation des gamètes disponibles au sein des couples de femmes. Peut-être le Gouvernement, ou certains d'entre nous, souhaitent-ils inscrire un principe eugéniste dans la loi en posant une telle interdiction ; il n'en reste pas moins que le droit actuel permet aux couples de femmes qui disposent de spermatozoïdes et d'ovocytes de recourir à l'AMP dans les mêmes conditions que 96 % des couples hétérosexuels, c'est-à-dire sans tiers donneur.
Mme la garde des sceaux évoquait plus tôt certains cas dont la Cour de cassation a été saisie : s'ils soulèvent des problèmes de filiation dans le cadre de couples trans ayant procréé de manière charnelle, c'est uniquement parce que jusqu'à présent, l'AMP était interdite aux couples de femmes.
Nous avons la responsabilité d'anticiper les cas visés par mon amendement, car ils se présenteront inévitablement à l'avenir, et dans des proportions de moins en moins marginales. Longtemps, l'État a imposé une politique de stérilisation aux personnes trans, en contrepartie de leur changement de sexe à l'état-civil – pratique pour laquelle la France a été condamnée il y a quelques années.
De fait, plusieurs générations de personnes trans ont renoncé à avoir des enfants. Or les études menées à l'étranger, notamment en Belgique, révèlent que 54 % des hommes trans interrogés ont le projet de devenir parent, que 40 % des femmes trans vivant en Europe occidentale éprouvent le désir d'avoir un enfant, et que 36 % des femmes trans, qu'elles soient bisexuelles ou lesbiennes, envisagent d'utiliser leur propre sperme.
Si nous ne prévoyons pas de règles spécifiques d'établissement de la filiation pour ces cas – certes marginaux, mais qui existent – , nous risquons d'encourager les CECOS à mener une politique eugéniste en incitant les femmes à recourir à un tiers donneur.
Les situations que vous avez rapidement décrites sont pour le moins compliquées…
Sourires.
Sourires.
Si je comprends bien, monsieur Gérard, votre amendement a pour objet d'ouvrir l'AMP à des couples de femmes dont l'une était antérieurement un homme et a changé de sexe à l'état civil, tout en conservant son appareil reproductif masculin ou en ayant conservé ses gamètes. La situation inverse peut d'ailleurs se présenter.
En définitive, c'est bien la filiation transgenre que vous souhaitez introduire par le biais de cet amendement. Le Gouvernement a déjà eu l'occasion d'exprimer sa position à ce sujet : les personnes ayant mené une procédure de changement de sexe doivent être traitées comme telles, selon leur sexe à l'état civil. Mais peut-être n'ai-je pas bien compris la teneur de votre amendement, monsieur le député.
J'essaierai d'être aussi clair que possible. L'article 1er du projet de loi a ouvert l'AMP à toutes les femmes et à tous les couples de femmes.
Par ailleurs, le texte prévoit l'utilisation des gamètes disponibles au sein des couples. Je me suis contenté d'en tirer toutes les conséquences possibles pour certaines dispositions que j'entendais inscrire dans le dur de la loi, mais cela m'a valu une résistance récurrente de cette assemblée. Pourtant, à aucun moment la loi ne dit explicitement qu'un couple de femmes ne peut pas utiliser les gamètes dont elle dispose, au même titre qu'un couple hétérosexuel.
Un couple de femmes trans qui procrée de manière charnelle aura accès à l'AMP avec tiers donneur, et le dispositif de la reconnaissance conjointe anticipée fonctionnera pleinement. Mais qu'en sera-t-il pour les couples de femmes qui utiliseront les gamètes disponibles en leur sein ? La France n'a pas de raison de s'opposer à cette pratique, et, si elle le faisait, la CEDH ne tarderait pas à trancher sur ce point.
Mon amendement vise donc à ouvrir la reconnaissance conjointe anticipée à ces couples, même en l'absence de tiers donneur. La double filiation pourra ainsi être établie pour les deux mères, qu'il y ait ou non tiers donneur.
Ces cas sont certes très particuliers, mais la loi doit les couvrir puisqu'il s'agit de projets parentaux portés par deux femmes à l'état civil recourant à l'AMP. Alors que les couples recourant à un tiers donneur verront s'appliquer la reconnaissance conjointe anticipée, ceux qui utiliseront les gamètes disponibles en leur sein en seront exclus. Ce n'est pas moi qui y vois un eugénisme, mais la CEDH : la France peut-elle refuser à un couple d'utiliser les gamètes dont il dispose, au motif qu'il est constitué de deux femmes à l'état civil ? Une telle interdiction nous exposerait à de réelles difficultés vis-à-vis de la CEDH.
Je m'efforce de suivre vos arguments et de rester à la page, pour pouvoir en parler avec mes enfants et leurs amis le dimanche,
Rires
mais pouvez-vous m'expliquer, monsieur Gérard, ce qu'est un couple « transparental » ? Quelles en sont les combinaisons possibles ? Peut-il s'agir de deux femmes dont l'une est transgenre, notion que j'ai intégrée, et l'autre cisgenre, bien que je ne sache trop ce que cela signifie ?
Aidez-nous à nous mettre à la page, car nous sommes complètement perdus ! Concrètement, à quoi correspondent ces cas ? Nous ne faisons pas ici de la théorie : nous parlons de la réalité. Puisque vous avez introduit la notion de genre dans la loi, nous en voyons surgir de multiples développements, sous l'ombre tutélaire de la CEDH qui entend nous imposer des évolutions du droit au nom de l'égalité. Voilà ce qui se produit actuellement. Ces sujets étant éminemment sérieux, je réitère ma question : concrètement, qu'est-ce qu'un couple « transparental » ?
Lorsque la commission spéciale a débattu de la réception des ovules de la partenaire, la ROPA, un certain nombre d'entre nous – y compris le Gouvernement – se sont opposés à cette technique. Manifestement, M. Gérard cherche à contourner ce refus. Puisqu'on l'a fait sortir par la porte, il essaye de rentrer par la fenêtre ! En réalité, cet amendement use d'un subterfuge pour tenter d'introduire dans la loi le principe de la ROPA pour les couples de femmes. Ce n'est ni plus ni moins que cela – du moins, c'est l'interprétation que j'en fais. C'est la raison pour laquelle je suis farouchement hostile à cet amendement.
L'amendement de M. Gérard vise à couvrir des situations comparables à celles dont la Cour de cassation a été saisie, après un arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier : une personne trans revendiquait le statut de mère, sachant qu'elle avait recouru à ses « gamètes masculins » – j'essaie d'expliquer les choses aussi scientifiquement que possible, puisqu'on s'attire les foudres des réseaux sociaux, en particulier sur Twitter, dès qu'on prononce certains mots… Nous parlons bien ici d'une personne transgenre qui, devenue femme, revendique sa qualité de mère, alors que ses gamètes masculins ont servi à concevoir un enfant au sein de son couple. Cela revient à privilégier la volonté par rapport à la réalité biologique – seuls mots capables de qualifier cette réalité.
Si l'amendement de M. Gérard est susceptible de résoudre cette situation, il ouvre la voie à d'autres difficultés : demain, toute personne ayant contribué à faire naître un enfant avec ses gamètes, qu'ils soient masculins ou féminins, et ayant changé d'état civil – homme devenu femme, ou femme devenue homme – , pourrait revendiquer une qualité de mère, voire de père. Cela ferait voler en éclat le droit français de la filiation, ni plus ni moins.
J'essaie de vous suivre, monsieur Gérard. Lorsqu'on utilise le sperme d'un homme devenu femme, l'homme a disparu du point de vue de l'état civil. Cela correspondrait même, dans une certaine mesure, à de l'AMP post-mortem.
En toute cohérence, puisque l'état civil prévaut à vos yeux, ne faudrait-il pas limiter l'autoconservation des gamètes, de sorte que leur utilisation soit cohérente avec l'état civil de la personne concernée ?
Monsieur Gérard, vous faites référence au nouveau chapitre V que nous créons dans le code civil, intitulé « De l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ». Or votre amendement se rapporte à des couples qui n'auront pas besoin de l'intervention d'un tiers donneur.
Sans même entrer dans un débat de fond, votre proposition introduirait dans le code civil une contradiction qui n'est pas souhaitable. Il n'y a pas lieu d'inscrire une disposition relative à l'AMP sans tiers donneur dans un chapitre consacré à l'AMP avec tiers donneur. Demande de retrait, donc.
Mêmes observations que Mme la rapporteure : l'amendement se rapporte à une situation extrêmement particulière. De notre point de vue, l'accès à la filiation pour deux femmes à l'état civil ne peut résulter que d'une PMA avec tiers donneur ou d'une adoption. Dans la situation que vous évoquez, monsieur Gérard, un couple de femmes à l'état civil effectue une PMA sans tiers donneur. Seule l'adoption permet alors d'établir la filiation.
Monsieur Hetzel, je vous rappelle que la ROPA se rapporte exclusivement à la réception d'ovocytes. Vous n'avez donc pas lieu de l'invoquer s'agissant de spermatozoïdes. Gardons-nous de toute confusion : l'amendement porte sur le cas particulier d'un couple de femmes menant à bien un projet parental à partir des ovocytes de la femme cisgenre et des spermatozoïdes de la femme transgenre préalablement conservés. Ces cas sont aujourd'hui marginaux, mais le seront de moins en moins à l'avenir.
Quant à l'affaire au sujet de laquelle la cour d'appel de Montpellier s'est prononcée, elle concerne une situation différente, de procréation charnelle.
En l'espèce, vous imposez au couple de femmes considéré de recourir à un tiers donneur ou à l'adoption pour établir sa filiation. Cela introduit une différence de traitement entre les couples hétérosexuels et homosexuels ; différence certes marginale, mais qui mérite considération.
Quoi qu'il en soit, j'entends les arguments de la rapporteure et reverrai mon texte en vue de la deuxième lecture. Je retire donc l'amendement.
Ces débats sont extrêmement intéressants car ils portent au grand jour toutes les questions soulevées par le projet de loi, depuis la PMA post-mortem jusqu'à la ROPA ou aux transgenres.
Peut-être notre assemblée fait-elle preuve d'une certaine résistance, mais si l'opposition n'avait pas pris ses responsabilités au sujet de la PMA post-mortem et de la ROPA, ces dispositions auraient été adoptées par la majorité. Bien que nous y ayons fait échec aujourd'hui, ces questions continueront de se poser demain. Qu'en sera-t-il, alors ? Le projet de loi ne nous prémunit pas contre une résurgence de ces sujets dérangeants et troublants.
Nous devons être animés par l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est d'avoir une claire connaissance des éléments établissant sa filiation. Se débarrasser de la branche paternelle de la filiation, comme vous le faites, ouvre des hypothèses toutes plus dérangeantes les unes que les autres.
L'amendement no 2138 est retiré.
Au préalable je voudrais vous féliciter, madame la présidente, pour votre première présidence de séance – et je dis cela en prenant sur le temps de parole qui m'est imparti !
Sourires.
L'amendement no 1654 vise à supprimer la filiation par reconnaissance conjointe devant notaire pour rétablir le recours à l'adoption plénière.
L'amendement no 2172 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1589 , 1216 , 170 , 439 , 441 , 167 , 442 , 1218 , 310 , 2150 et 1486 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 170 et 439 sont identiques, de même que les amendements nos 167 et 442 .
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 1589 .
Je veux tout d'abord remercier vivement Mme la garde des sceaux et Mme la rapporteure pour leur écoute et pour leur travail, qui a permis de sécuriser la filiation de l'enfant à l'égard de ses deux mères, et de le faire en abolissant toute hiérarchie entre ces dernières et en réduisant les disparités entre les couples hétérosexuels et homosexuels, ce qui aboutit à ce nouveau système que l'on appelle la reconnaissance conjointe anticipée.
Nous sommes heureux de ce résultat, mais nous l'aurions été plus encore si le dispositif avait été identique pour les couples hétérosexuels. Chez les uns comme chez les autres couples, la PMA avec tiers donneur permet la concrétisation du projet parental. Il serait donc bon que la reconnaissance anticipée conjointe soit également offerte aux couples hétérosexuels.
Nous connaissons votre désir de non-modification substantielle des modalités proposées aux couples homme-femme, mais la modification serait presque imperceptible. En revanche, il y aurait une plus grande homogénéité entre les deux types de couples.
Certes, il s'agit d'un projet de loi de bioéthique et non d'un projet de loi portant sur la filiation, mais nous devons tirer dès maintenant les conclusions des deux modifications majeures apportées par le texte. Premièrement, les couples de femmes sont autant qualifiés pour une PMA que les couples hétérosexuels. Deuxièmement, l'intérêt supérieur de l'enfant est d'accéder, s'il le souhaite, à ses origines, plutôt que de vivre dans le secret ou le mensonge. Sans rien imposer aux parents, il serait bon qu'il y ait une acceptation du fait qu'un donneur a existé et que les enfants, si les parents le souhaitent, puissent en être informés. La reconnaissance conjointe anticipée le faciliterait.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1216 .
Je n'ai pas dit qu'il l'était, j'ai indiqué qu'il s'agissait d'une discussion commune.
Je propose en effet tout le contraire de ce que vient de proposer mon collègue Touraine !
Au préalable, je tiens à dire que la comparaison que j'ai faite tout à l'heure, et qui ne visait qu'à illustrer mon raisonnement, n'était pas appropriée. Je ne voulais choquer personne et je retire mes propos. Il importe d'être respectueux de chacun, quel que soit son parcours de vie.
L'amendement no 1216 tend à rédiger les alinéas 21 à 23 en ces termes :
« La filiation de l'enfant issu d'une assistance médicale à la procréation est établie à l'égard de la femme qui accouche conformément à l'article 311-25 du code civil.
« Si l'autre membre du couple est un homme marié avec la mère, la filiation est établie par la présomption de paternité.
« Dans les autres cas, la filiation s'établit par une adoption plénière si les conditions sont réunies. »
Il s'agit d'une proposition cohérente avec les positions que nous défendons depuis le début de l'examen du texte.
Il va dans le même sens que celui de notre collègue Bazin.
Madame la présidente, je tiens quand même à vous faire part de mon étonnement que l'amendement de M. Touraine soit en discussion commune avec les nôtres. Comment apporter une réponse commune à des amendements aussi différents ? Cela va compliquer la discussion. Nous n'avons déjà pas le temps d'approfondir à cause temps programmé, et l'on voit bien qu'il y a un bricolage du droit de la filiation avec des réponses plutôt bancales. Si, au surplus, des amendements aussi différents que ceux-ci sont mis en discussion commune, cela va devenir vraiment très compliqué !
Je veux revenir rapidement sur l'amendement de notre collègue Touraine. Son objectif est d'étendre la reconnaissance conjointe anticipée à tous les couples ayant recours à une PMA avec tiers donneur. Ce faisant, il vise donc en réalité à remettre en cause l'édifice conçu par le Gouvernement.
Notre approche est assez différente : nous considérons qu'il existe aujourd'hui un vecteur approprié qui permet une reconnaissance. Ce que nous préconisons, lorsqu'on a affaire à un couple de femmes, c'est de recourir à l'adoption plénière, qui est un vecteur juridique parfaitement adapté. Cela éviterait de toucher à l'édifice de la filiation, comme le Gouvernement est en train de le faire.
Vous gardez la parole, monsieur Hetzel, pour soutenir l'amendement no 441 .
Il est défendu, madame la présidente – pour cause de temps législatif programmé.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1218 .
Sourires.
Je propose en effet de substituer à l'alinéa 21 les deux alinéas suivants :
« Pour les couples de femmes, la filiation est établie à l'égard de la femme qui accouche.
« La deuxième femme du couple peut procéder à l'adoption, par déclaration anticipée avant la naissance, adoption qui sera transmise ».
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 310 .
Cet amendement vise à faire une contre-proposition. Je propose en effet de réintroduire la référence à la femme qui accouche et de rédiger ainsi l'alinéa 21 : « Pour les couples de femmes, la filiation est établie, à l'égard de celle qui accouche, par l'indication de son nom sur l'acte de naissance mentionné à l'article 57 et, à l'égard de l'autre, sur le fondement de l'acte mentionné à l'article 342-10 », c'est-à-dire sur la base de la reconnaissance.
Cet amendement me semble avoir le mérite de la cohérence, puisqu'il prend en considération la femme qui accouche, ce qui, vous le savez, est pour nous un point essentiel. Contrairement à M. Touraine, non seulement nous ne voulons pas effacer cette référence pour les couples hétérosexuels qui ont recours à l'AMP avec tiers donneur, mais nous voulons au contraire la réintroduire pour les couples de femmes, puisque le Gouvernement l'a fait purement et simplement disparaître entre la première et la deuxième version du texte.
Dans sa première mouture, en effet, voici ce que disait le texte : « La filiation est établie à l'égard de la femme qui accouche et de l'autre femme, toutes deux désignées dans la déclaration anticipée de volonté ». Sous la pression des associations, vous avez reculé, acceptant que disparaisse la mention de la femme qui accouche.
Dans la deuxième mouture du texte, non seulement il n'y a plus de titre VII bis, puisque vous réintroduisez la filiation dans le titre VII, mais vous faites purement et simplement disparaître toute mention de la femme qui accouche : « Pour les couples de femmes, la filiation est établie, à l'égard de chacune d'elles, par la reconnaissance qu'elles ont faite conjointement devant le notaire lors du recueil du consentement mentionné à l'article 342-10. »
Pour nous, une telle formulation n'est pas acceptable. Elle ne l'est pas parce qu'elle fait disparaître la filiation fondée sur la biologie. On assiste, depuis le début de la discussion de ce projet de loi, à une espèce de diabolisation de la biologie. Je rappelle que pour Irène Théry, la filiation biologique est un mythe : c'est une vision contre laquelle nous nous inscrivons en faux avec la dernière énergie.
Mme Agnès Thill applaudit.
La femme qui accouche est la mère : cela doit être dit dans le texte. Que vous le gommiez est pour nous insupportable.
D'ailleurs, si l'on devait retenir deux phrases de ce débat, ce serait « Il ne suffit pas d'accoucher pour être mère », propos tenus par Mme la garde des sceaux, et « Il n'y a pas de droit de l'enfant à avoir un père », ce qu'a déclaré M. le rapporteur Touraine. Dans votre obsession de satisfaire les associations militantes, vous avez omis de voir que cela avait heurté l'immense majorité des Français. Je suis persuadée que si l'on faisait un sondage pour savoir s'ils sont d'accord avec ces deux affirmations, ils y seraient très largement opposés.
C'est pourquoi je vous invite, madame la garde des sceaux, madame la rapporteure, à émettre un avis favorable sur l'amendement no 310 , qui rétablit la mère qui accouche dans son droit légitime et sa filiation biologique, tout en sécurisant la filiation de l'autre femme, ce qui est votre souci – et ce souci, nous pouvons le comprendre car, même si nous sommes résolument opposés à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, nous ne sommes pas insensibles aux situations humaines que vous avez évoquées. Il faut adopter cet amendement, chers collègues !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit aussi.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 2150 .
Je crois que nous atteignons là le climax de notre débat. Je ne pensais pas, madame Genevard, que vous seriez à ce point tentatrice !
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous avons là deux options, et si la vôtre, madame Genevard, est l'exact opposé de celle que je vais défendre à présent, elle ressemble beaucoup à celle que nous avions présentée ce matin – il est dommage que vous n'ayez pas été présente. Il s'agissait d'étendre le champ du titre VII du code civil aux couples de femmes, tout en sanctuarisant le principe « mater semper certa est ».
L'amendement que je propose n'est pas très différent de celui de M. Touraine. Dans la mesure où je trouve le dispositif gouvernemental adopté à l'issue de l'examen en commission extrêmement novateur, il s'agirait de l'étendre à tous les couples ayant recours à un tiers donneur. Nous avons là l'occasion de révolutionner la filiation. Il ne tient qu'à nous de le faire !
Encore une fois, j'entends les objectifs de Mme Genevard et les partage en partie, mais si nous adoptions cet amendement ou celui de M. Touraine, nous ferions un grand pas vers la modernité.
L'amendement no 1486 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Avant de donner la parole à Mme la rapporteure, je tiens à préciser que cette discussion commune vise à ce que chacun puisse s'exprimer. En effet, dans la mesure où la plupart des amendements ici regroupés sont incompatibles, l'adoption de l'un d'eux ferait tomber les autres.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
Incompatibles, c'est le mot ! Ces amendements reflètent en effet des points de vue vraiment très différents. Vous me permettrez donc de les commenter l'un après l'autre.
À travers l'amendement no 1589 , vous proposez, monsieur Touraine – reprenant en cela ce qui dans l'avant-projet de loi s'intitulait « Déclaration anticipée de volonté pour tous » – une « reconnaissance conjointe pour tous », et de l'étendre aux couples hétérosexuels et aux familles hétéroparentales à venir.
La commission est défavorable à cet amendement, notamment parce que nous ne voulons pas établir de différenciation dans l'acte de naissance ; c'est pourquoi la déclaration anticipée de volonté pour tous, puis la déclaration anticipée de volonté avaient été rejetées et que nous avons privilégié une reconnaissance conjointe. Le mécanisme juridique qui accompagne cette reconnaissance conjointe afin de sécuriser les deux femmes n'est pas nécessaire pour un couple hétérosexuel, puisque la filiation est déjà très largement établie par le titre VII du code civil. Je pense donc qu'une telle disposition n'a pas sa place ici.
Concernant l'amendement no 1216 , ce qui me semble curieux, c'est qu'un hétérosexuel célibataire qui recourt à l'AMP devrait adopter ses propres enfants. Volontairement ou non, vous faites sauter la filiation, reconnue en l'état du droit, pour un couple hétérosexuel non marié.
C'est pourquoi je n'abrogeais pas les dispositions visées du chapitre Ier…
Vous établiriez dans le code civil une distinction qui n'existe pas aujourd'hui entre les hétérosexuels qui recourent à l'AMP, selon qu'ils sont mariés ou pas. De toute manière, l'adoption n'est pas l'option retenue. L'avis de la commission est donc défavorable.
Les amendements nos 170 et 439 tendent à établir la filiation avec l'autre membre du couple par une adoption plénière ; si celui-ci est le père biologique de l'enfant, le lien de filiation est établi classiquement, en vertu du titre VII du code civil. Cela reviendrait à évacuer les hommes de l'AMP hétérosexuelle : avis défavorable, non seulement pour l'adoption, mais au regard des conséquences pour l'AMP en général. Le problème d'un tiers donneur dans une AMP hétérosexuelle tient en effet à ce que, pour la filiation, le père n'est pas le père biologique, le géniteur. En cette matière, je ne m'aventurerais pas à revenir sur la loi de 1994. Pour cette raison, l'avis est très défavorable.
Avis défavorable également pour l'amendement no 441 , qui a également trait à la filiation par adoption.
Les amendements identiques nos 167 et 442 visent, eux aussi, à réécrire la loi de 1994 : vous proposez d'appliquer le titre VII du code civil, relativement à la vraisemblance biologique – reconnaissance ou présomption de paternité pour un couple hétérosexuel, adoption pour une filiation homoparentale. Ce dispositif ferait sauter l'article 311-20 du code civil, qui, depuis 1994, sécurise les familles hétéroparentales dans le cadre d'une procédure d'AMP avec tiers donneur. Ce ne serait pas opportun, même si je comprends votre demande sur les couples de femmes. Avis défavorable.
L'amendement no 1218 …
Sourires.
Même si nous ne sommes pas d'accord, je veux saluer le sérieux avec lequel nos collègues ont travaillé à des solutions alternatives : vous proposez beaucoup de choses ! L'adoption par déclaration anticipée, avant la naissance, existe en effet dans d'autres pays ; ce n'est pas le cas de la France…
Cela fera peut-être partie des propositions ; mais vous vous doutez bien qu'on ne peut pas faire évoluer incidemment tout le droit de l'adoption dans le cadre d'un projet de loi relatif à la bioéthique. Ici, c'est du droit de l'adoption qu'il est question, et non plus du projet parental ni de la filiation ab initio qui en découle. En revanche, Mme la ministre nous a annoncé tout à l'heure qu'une mission d'information parlementaire se pencherait sur le sujet, en vue de formuler des propositions : vous pourrez lui soumettre cette idée. Aujourd'hui, ce n'est pas le moment.
Nous avons beaucoup discuté de l'amendement no 310 : je sais à quel point vous y tenez, madame Genevard. Vous proposez de conserver le dispositif de l'article 311-20 du code civil, transféré dans l'article 342-10, pour les couples de femmes comme pour les couples hétérosexuels ; mais que la reconnaissance conjointe ne produise d'effet qu'envers la deuxième femme, puisque celle qui accouche est déjà mère par le fait de cet accouchement.
Toutefois, l'article 311-25 fait découler la maternité, non de l'accouchement, mais du fait que le nom de la mère apparaît dans l'acte de naissance.
Le mécanisme de la reconnaissance conjointe a été choisi en raison de la sécurité juridique qu'il apporte aux deux mères. Elles deviennent mères en même temps, avec un régime de responsabilité ab initio. Par conséquent, là encore, l'avis de la commission est défavorable.
Au sujet de l'amendement no 2150 , vous ne m'en voudrez pas, monsieur Gérard, de ne pas reprendre tout l'argumentaire : il reprend, dans une rédaction différente, celui de M. Touraine. L'avis est donc le même : défavorable.
Avis défavorable, enfin, sur l'amendement no 1486 .
Je ne reprendrai pas les arguments développés par Mme la rapporteure, puisque je suis entièrement d'accord avec elle. J'apporterai seulement quelques précisions.
Concernant l'amendement no 1589 de M. Touraine, l'hypothèse de la DAV – déclaration anticipée de volonté – pour tous, en tout cas d'un même mode de reconnaissance pour tous les couples ayant recours à l'AMP, a été explorée. En l'absence de solution évidente, il nous fallait choisir entre les divers équilibres envisagés : nous nous sommes interrogés sur cette possibilité, nous l'avons soumise au Conseil d'État et, suivant en cela l'avis qu'il a rendu, nous ne l'avons pas retenue.
Tout d'abord, cette solution modifiait le droit de la filiation pour les couples hétérosexuels, auquel nous ne voulions pas toucher. Ensuite, nous avons considéré qu'elle risquait d'introduire, dans les familles hétérosexuelles, une distinction entre les enfants nés par voie biologique et par AMP ; et qu'enfin, il appartenait à ces familles de choisir le moment auquel elles révéleraient à ces enfants leurs origines – origines auxquelles ils pourront désormais accéder, selon la disposition que vous avez votée en ce sens. La solution que vous proposiez a donc été écartée en toute conscience, et dans le respect de ceux qui soutiennent d'autres options.
À l'amendement no 1216 , je répondrai que, comme l'a souligné Mme la rapporteure, son écriture donnerait lieu à un recul du droit, puisqu'on peut en déduire qu'un homme non marié devrait adopter son enfant ; il serait évidemment difficile pour nous d'y souscrire.
Concernant l'amendement no 310 , je ferai remarquer, après Mme la rapporteure, que l'article 311-25 du code civil ne fait pas mention de la femme qui accouche ; et ne pas en faire mention ne revient en aucun cas à nier la réalité physiologique, la nécessité de l'accouchement.
En outre, madame Genevard, votre amendement vise à établir la filiation sur le fondement de l'acte mentionné par l'article 342-10 ; or j'ai précisé à plusieurs reprises que cet article, qui a trait au consentement à la PMA, ne peut servir à fonder la filiation.
Pour en revenir au fond de votre amendement, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, ne nie pas la réalité biologique ; dans le cas précis d'un couple de femmes qui recourt à une PMA avec tiers donneur, il ne peut y avoir de filiation sans accouchement. L'accouchement, je l'ai dit à plusieurs reprises, est la condition sine qua non : cela relève du bon sens. La femme qui accouche est évidemment mère.
Mais nous avons veillé à ce que la double filiation – en même temps, pour les deux mères – ne puisse être établie que par reconnaissance conjointe, mutuellement établie devant notaire. C'est à nos yeux la clé de voûte du système : l'égalité entre les deux mères, qui le deviennent au même moment, à la naissance de l'enfant. Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable à votre amendement.
Merci, madame la garde des sceaux, de cette réponse très complète. L'article 311-25 du code civil, s'il ne mentionne pas la femme qui accouche, dit néanmoins ceci : « La filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant. » Cet acte de naissance procède d'un certificat d'accouchement, auquel il est donc lié.
J'aimerais que ceux qui nous écoutent comprennent ce qui est en jeu, ce qui est soumis à l'approbation des députés – ou à leur désapprobation, en ce qui me concerne. Le futur article 342-11 du code civil, aux termes actuels du projet de loi, dispose : « Pour les couples de femmes, la filiation est établie, à l'égard de chacune d'elles, par la reconnaissance qu'elles ont faite conjointement devant le notaire lors du recueil du consentement mentionné à l'article 342-10. »
On voit donc bien que la filiation est établie, dans les conditions visées, pour chacune des deux femmes, y compris pour celle qui accouche !
Cela signifie que deux conditions doivent être remplies pour la femme qui accouche : l'accouchement et la mention sur l'acte notarié. Pour l'autre femme, au contraire, une seule condition est exigible, celle d'être mentionnée sur l'acte notarié. Vous conviendrez qu'il est aberrant d'imposer à la femme qui accouche une double condition pour être la mère. Nous ne pouvons que nous rebeller contre votre affirmation selon laquelle l'accouchement fonde le dispositif. Je ne reprendrai pas les arguments qui font la spécificité de la mère qui accouche. J'en profite pour préciser à mes collègues qui ont vécu l'adoption et que mes propos ont pu heurter que je n'ai jamais considéré que seule la mère qui accouche est la vraie mère. La mère qui adopte est une mère à part entière, que les choses soient claires. Mon intention n'était pas de blesser les femmes qui ont pu vivre un parcours d'adoption assez difficile.
Revenons à la mère qui accouche. Vous insistez, madame la garde des sceaux, sur la dimension conjointe de la démarche, qui vous semble essentielle en ce qu'elle scelle l'égalité des femmes au sein du couple.
Elle sécurise.
Au passage, vous avez beau clamer que ce n'est pas un projet de loi pour établir l'égalité des droits, on en revient toujours à cette question au sein du couple. Elle est essentielle. Nous constatons, pour notre part, l'éviction de la femme qui accouche alors qu'elle doit conserver une absolue spécificité. C'est l'objet de cet amendement. Je sais que nous ne nous entendrons pas à ce sujet, mais chacun doit réaliser que ce texte vise à nier la particularité de la femme qui accouche. Nous ne pouvons pas l'accepter.
Mme Agnès Thill applaudit.
Dans le droit actuel, les couples hétérosexuels qui recourent à la PMA avec tiers donneur relèvent de la section 3 du chapitre 1er, consacré aux dispositions générales, du titre VII du code civil. Vous abrogez cette section pour renvoyer les couples hétérosexuels avec tiers donneur vers un nouveau chapitre qui concernera les couples de femmes.
Le droit actuel repose, dans un souci de cohérence, sur une imitation de la procréation naturelle, en essayant de rapprocher la filiation biologique de la filiation juridique. Hélas, vous portez atteinte à ce principe en intégrant les couples hétérosexuels au nouveau chapitre. Il ressort clairement des réponses que vous avez apportées à nos amendements que le renvoi vers ce nouveau chapitre emportera des conséquences pour tous les couples hétérosexuels. Nous ne l'acceptons pas.
Imaginez que la rédaction de ce chapitre soit bancale : que se passera-t-il devant les tribunaux où seront renvoyées, comme vous l'avez rappelé, madame la garde des sceaux, les cas les plus complexes ? La situation des couples hétérosexuels pourrait en être déstabilisée. Votre projet inabouti m'inquiète pour le devenir des enfants. Prenez le cas de deux femmes mariées. La reconnaissance en mariage ne joue pas.
Un vrai problème sémantique se pose. Qu'est-ce qu'un couple ? La question se pose, d'un point de vue juridique. Elle se posera avec plus d'acuité encore, demain. Je vous invite à faire preuve de prudence pour stabiliser la filiation de nombreux enfants.
Je voudrais revenir à ces amendements dont nous avons fini par comprendre pourquoi ils étaient en discussion commune avec celui de notre collègue, Mme Genevard, qui pose la bonne question. Madame la garde des sceaux, vous avez déclaré en commission spéciale que l'accouchement ne ferait pas la filiation pour la femme qui accouche au sein d'un couple de femmes. Si l'accouchement demeure une condition, il ne serait plus suffisant. C'est ce que vous avez dit avant de vous apercevoir de l'émoi que provoquaient vos propos dans la société, notamment auprès de toutes les femmes qui savent qu'elles sont devenues mères en accouchant.
Vous avez ensuite affirmé que la femme qui accouche est mère, bien évidemment, mais est-elle mère parce qu'elle accouche ? Non. Elle l'est du fait de la reconnaissance. L'accouchement déclenche la réalité du consentement et de la reconnaissance en ce qu'il permet d'établir la filiation en termes chronologiques, mais la mère qui accouche ne deviendra pas mère pour cette raison. Cela, il faut l'expliquer très clairement. Bien sûr, la femme qui accouche continuera à être mère. Toutefois, contrairement aux autres femmes, elle ne deviendra pas complètement mère par l'accouchement, mais par une reconnaissance conjointe.
Nous en venons au second point, votre obsession de l'égalité entre les deux mères. Il ne s'agit pas d'égalité, en vérité, mais d'identité, de négation de la différence. Peu importe que l'une soit mère par accouchement et l'autre par intention, cela ne devrait pas les empêcher d'avoir les mêmes droits et devoirs. Dans la réalité, on sait combien des liens peuvent se créer au cours de la grossesse entre la mère qui porte l'enfant et ce dernier. On sait aussi tout ce que l'accouchement signifie. Qu'on décide, en droit, que l'accouchement n'ouvre pas de droits supplémentaires, pourquoi pas ? Toutefois, il ne s'agira plus alors seulement d'égalité, mais d'identité. Vous ne parvenez pas à articuler l'égalité et les différences. Vous niez donc la différence.
Il faut aller plus loin. Pourquoi ne pas imposer cette égalité, cette identité, au sein de tous les couples ? Aujourd'hui, l'établissement de la filiation est différent selon qu'on est une femme ou un homme au sein d'un couple hétérosexuel, ce qui ne pose, soit dit entre nous, aucun problème, sauf pour les militants qui finiront un jour par vous demander d'aller plus loin. Ils ont déjà commencé, d'ailleurs, à vous réclamer le même dispositif de reconnaissance pour tout le monde. Nous nous dirigeons dans cette direction, celle qui niera tout aspect, non pas biologique, mais corporel. Je ne parle pas des gamètes mais du corps, de l'accouchement. La dimension corporelle finira pas être gommée de la filiation, qui ne dépendra plus que de la volonté.
Vous répondrez que le texte ne prévoit rien de tel, mais, si vous fondez votre raisonnement sur le principe d'égalité et d'identité au sein d'un couple, pourquoi ne pas l'appliquer au couple entre un homme et une femme ? Pourquoi réservez-vous ce dispositif « discriminant », différent, aux couples de femmes ? Dites clairement quelle est votre conception de la filiation ! Nous en avons une, établie, et qui présente au moins le mérite de la cohérence et de la solidité. Vous évoluez vers une notion, pour reprendre les termes du rapport de M. Touraine, de procréation sans sexe. Le cheminement ne date pas d'hier, porté par différents courants philosophiques. Soit vous en êtes complice, soit vous y résistez. Là est l'enjeu. L'accouchement fera-t-il d'une femme, une mère ? Certaines continueront à le devenir par cette voie, d'autres non.
Vous constatez vous-mêmes que vous finissez par vous heurter à des limites assez importantes. L'extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules vous mène paradoxalement dans une direction assez curieuse puisque, pour la femme seule, l'accouchement vaudrait filiation. Mater semper certa est. En revanche, cette condition ne suffira plus pour la femme qui accouche au sein d'un couple. L'accouchement ne lui donnera pas ce droit à la filiation, ce qui est incroyable. Qui plus est, vous avancez l'argument de l'égalité, alors que, dans certains cas, l'accouchement vaudra filiation et dans d'autres, non. Nous nous retrouvons face à une invention assez monstrueuse de votre projet de loi.
Je finis par ne plus comprendre les positions des uns et des autres. Nos collègues du groupe Les Républicains me semblaient plutôt réservés face à la PMA pour les couples de femmes, voire hostiles, seuls quelques députés, assez marginaux, s'y montrant favorables. Et voilà que vous vous faites les avocats d'une cause défendue par les couples de femmes elles-mêmes. Dans ces conditions, pourquoi n'avez-vous pas voté mon amendement qui visait à établir un exact parallélisme des formes avec les couples hétérosexuels qui recourent à la PMA ? C'est ce que vous demandez ! Vous souhaitez qu'il y ait une reconnaissance par l'accouchement d'une des deux mères et que la seconde mère puisse être reconnue comme telle par sa volonté, ce qui correspond exactement à l'amendement que nous avons déposé tout à l'heure. Vous ne l'avez pas voté. C'est regrettable, mais je suis ravi que les associations de femmes qui se battent pour obtenir d'être traitées de la même manière que les couples hétérosexuels qui recourent à la PMA aient trouvé aujourd'hui à travers vous de nouveaux défenseurs.
Madame la garde des sceaux, vous tentez de tenir sur une ligne de crête à travers les dispositifs de la filiation pour les couples de femmes. D'ailleurs, même si le texte dispose clairement que la filiation est établie à l'égard de chacune d'entre elles par la reconnaissance, vous précisez toujours que l'accouchement est une condition non suffisante mais indispensable. Je crois que ce sont les termes que vous avez employés en commission spéciale. Il existe une réalité corporelle, ou biologique, selon le terme que vous préférez, qui ne peut être niée. La fragilité de cette ligne de crête permet à des collègues comme Jean-Louis Touraine, dont on salue la constance philosophique, de s'engouffrer dans les interstices pour promouvoir la notion de procréation sans sexe et finalement de filiation sans sexe. En ce sens, l'amendement de M. Gérard est plus clair dans sa rédaction et son esprit. C'est imposer aux couples hétérosexuels ayant recours à l'AMP avec tiers donneur un acte de reconnaissance anticipé qui nie totalement la réalité biologique pour la mère et la vraisemblance pour le père, puisque la seule déclaration anticipée créerait le lien de filiation.
Pardonnez-moi d'être caricatural durant deux minutes, mais je tiens à vous démonter la fragilité de ces dispositifs et les contentieux qui ne manqueront pas de naître puisque ce champ ne couvre pas la totalité des situations. Nous l'avons constaté au travers de nos amendements, sans compter les difficultés qui peuvent surgir au sein d'un couple de femmes comme au sein de tout couple.
Ne négligeons pas, par ailleurs, le risque d'inconstitutionnalité du texte au regard de la situation de la femme seule qui a recours à la PMA avec tiers donneur et pour qui l'accouchement vaudra filiation, non le projet parental. À situations égales du point de vue de la femme, le traitement juridique sera différencié. Peut-être le Conseil constitutionnel sera-t-il amené à se prononcer sur ce point.
Je reviens à mon raisonnement que je caricature à dessein pour mettre en évidence la fragilité d'un dispositif qui s'appuierait sur le seul projet parental et ferait primer l'expression de la volonté.
Peut-être Jean-Louis Touraine y a-t-il pensé, dans sa logique de procréation et de filiation déconnectées de tout caractère sexuel. Imaginons que la reconnaissance anticipée le soit, non du caractère de mère et de père, mais de la parentalité.
Et, pour être caricatural jusqu'au bout, on peut imaginer que cette reconnaissance anticipée de parentalité permettra demain, dans un couple hétérosexuel ayant eu recours à l'AMP, au père de revendiquer le statut de mère et à la mère le statut de père. Et l'on finira par imposer la même chose aux couples ayant suivi la voie charnelle de procréation.
Nous aurons complètement déconnecté la filiation de toute réalité ou vraisemblance biologique. Certes, on pourra me rétorquer que les schémas que j'imagine ne sont absolument pas réels aujourd'hui.
Néanmoins, ce dispositif est fragilisé, je le répète, parce qu'il ne parvient pas à mettre juridiquement les deux mères sur un pied d'égalité. Cette égalité existe dans les faits, bien sûr, et dans le statut de mère qu'elles ont toutes les deux, mais pas dans le droit de la filiation.
Je souhaiterais poser une question à Mme la garde des sceaux. Dans le cas où un couple hétérosexuel a recours à l'AMP, les choses sont claires : la mère est celle qui accouche et le père est celui qui reconnaît l'enfant. Dans le cas d'une femme seule, la déclaration à l'état civil reconnaît la mère qui a accouché comme étant la mère. Mais, dans le cas d'un couple de femmes, que faudra-t-il inscrire à l'état civil ? Qu'est-ce qui distinguera la femme qui a accouché de l'autre ? Je ne cherche pas ici à discriminer ou à hiérarchiser ; les réalités biologiques sont simplement différentes.
Vous-même, madame la ministre, vous nous avez répondu en commission que la première mère serait vraisemblablement celle qui accouche.
La première mère désignée sur l'acte d'état civil !
Vous admettez donc qu'il y a une différence. Pourtant, dans deux cents ans, quand les généalogistes travailleront sur l'état civil de 2020 – une fois que cette loi aura été adoptée – , qu'est-ce qui distinguera la filiation biologique de l'autre ? Rien ! Vos circulaires n'auront aucun effet. Je réitère donc ma question : qu'est-il prévu à l'état civil ?
Nous abordons ici un point crucial : dans ce débat, on semble considérer par défaut que le tiers est un donneur de spermatozoïdes. Les amendements déposés par M. Touraine et par moi-même visent au contraire à ouvrir cette reconnaissance conjointe de filiation à l'ensemble des couples – y compris aux couples hétérosexuels – afin de couvrir les cas de don d'ovocyte ou de don d'embryon pour lesquels, convenez-en, le lien de filiation biologique avec la mère est extrêmement ténu, tandis que la filiation biologique avec le père est très claire.
Dans le cas d'un don d'ovocyte, l'adage mater semper certa est n'est que partiellement vrai : certes, la mère désignée à l'état civil est celle qui accouche, mais elle n'a pas de lien biologique avec l'enfant. Ouvrir la reconnaissance conjointe à tous me semble être la solution la plus englobante et la plus claire, puisqu'elle tient compte des cas où le tiers donneur n'est pas un homme, mais une femme qui a fourni un ovocyte ou un couple qui a fourni un embryon.
Mme la garde des sceaux vient de rappeler une précision importante : c'est bien le certificat d'accouchement qui déclenche la procédure d'établissement de la filiation à l'égard de la mère. Nous devrions retravailler la rédaction de l'article 4 d'ici à la deuxième lecture de manière à indiquer que la double filiation s'établit sur cette reconnaissance conjointe sans laisser croire qu'on peut se passer du certificat d'accouchement pour autant. Il faudrait préciser que l'établissement de la filiation se fait sur présentation du certificat d'accouchement et de la reconnaissance anticipée faite auprès du notaire.
L'amendement no 441 n'est pas adopté.
L'amendement no 185 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1220 .
L'amendement no 1220 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1219 .
L'amendement no 1219 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1658 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, pour soutenir l'amendement no 2094 .
Tel Sisyphe, condamné à pousser une pierre au sommet d'une montagne d'où elle finit toujours par retomber, après les rejets successifs de mes amendements visant à trouver une solution pour les familles homoparentales dans lesquelles la filiation des enfants n'est pas complète, je propose cette fois-ci un dispositif transitoire.
Ainsi, pendant une durée d'un an à compter de la promulgation de la loi, les deux mères pourront déclarer conjointement devant le notaire leur volonté de devenir parents de l'enfant issu d'une AMP. Cette déclaration emportera les mêmes effets que la reconnaissance conjointe.
Certes, nous touchons un peu à la filiation. Mais comprenez que mes amendements ne sont qu'une tentative de réponse au fait que ce projet de loi crée une inégalité entre les enfants selon leur date de naissance, ce qui me semble parfaitement inacceptable et injustifié. Les enfants conçus selon le même mode doivent être couverts par la même protection et disposer des mêmes droits et des mêmes devoirs, avec une égalité parfaite. Je souhaite que la parole de ces familles qui vivent aujourd'hui dans la plus grande instabilité soit enfin entendue.
Je comprends et partage vos préoccupations sur ce sujet, chère collègue. Cela étant, comme je l'ai expliqué tout à l'heure à M. Lachaud, le caractère rétroactif de cette déclaration pose quelques difficultés. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 2094 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2095 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2460 de Mme Coralie Dubost, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement no 2460 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 667 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1491 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1836 .
Ce temps législatif programmé est pénible ! Nous ne pouvons pas défendre nos amendements.
En supprimant l'alinéa 31 – vous voyez que j'essaye de vous suivre, malgré les contraintes du temps législatif programmé – , vous supprimeriez de nombreuses garanties juridiques apportées par la reconnaissance conjointe. Avis défavorable.
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l'amendement no 2561 .
Nous avons déjà évoqué ce sujet après les travaux en commission spéciale, puisque cet amendement a été déposé à la suite de l'adoption de la nouvelle rédaction de l'article 4.
Il me semble que la sécurité juridique que nous avons souhaité apporter aux couples de femmes à travers la reconnaissance conjointe est mise à mal par la dernière phrase de l'alinéa 31, qui stipule : « Toutefois, la filiation établie par la reconnaissance conjointe ne peut être portée dans l'acte de naissance tant que la filiation déjà établie à l'égard d'un tiers, par présomption, reconnaissance volontaire ou adoption plénière, n'a pas été contestée en justice. » Or il me semblait que l'avantage de la reconnaissance conjointe ab initio était précisément de protéger les femmes du couple entre elles et à l'égard d'un tiers, par rapport au régime de responsabilité déjà existant dans le cadre du consentement au don. Cette dernière phrase affaiblit donc bien à mes yeux la force juridique de la reconnaissance conjointe. C'est pourquoi l'amendement vise à la supprimer.
Je souhaite parler à la fois de l'amendement no 2561 et de l'amendement no 2592 , qui est également de Mme Dubost, bien qu'ils ne soient pas en discussion commune.
L'alinéa 31 vise des cas très particuliers et relativement rares, dans lesquels une filiation paternelle a pu être mentionnée sur l'acte de naissance de l'enfant, parce que la reconnaissance conjointe n'a pas été produite devant l'officier d'état civil. Il est rare, il est vrai, que, lorsqu'un couple a établi une reconnaissance conjointe parce qu'il porte un projet parental, il ne la produise pas devant l'officier d'état civil pour établir la double filiation – laquelle a fait l'objet de tous nos débats. Nous sommes dans une situation particulière : il s'agit ici de cas de fraude ou de cas de séparation d'un couple.
Dans les deux cas, si une filiation paternelle a été établie auparavant, la mère d'intention ne peut faire reconnaître sa maternité qu'après avoir contesté la filiation paternelle, en établissant que l'enfant est bien issu d'une AMP. Puisqu'on fait beaucoup de latin, après le principe déjà évoqué : « Mater semper certa est », je formulerai à mon tour un autre principe : « Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans » – « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». C'est logique : si l'on ne présente pas la reconnaissance conjointe, il faudra d'abord contester la filiation paternelle et établir, je le répète, que l'enfant est bien issu d'une AMP. Tel est le sens de l'alinéa 31, qu'il me semble important de conserver.
Cet alinéa est nécessaire, en effet, parce que, en précisant que toute personne qui revendique une filiation, alors qu'une autre filiation est déjà établie, doit d'abord contester celle qui a été légalement établie pour pouvoir faire reconnaître la sienne, il permet, notamment, d'apporter une garantie contre le risque de pluriparentalité, qui a déjà été évoqué, tout en garantissant à l'enfant la vérité de sa filiation. Soit l'homme qui l'a reconnu est le véritable père, parce que l'enfant n'est pas issu de l'AMP, et il restera le père ; soit il ne l'est pas, parce que l'enfant est bien issu de l'AMP et, dans ce cas, la filiation de la seconde mère sera établie.
Je ne suis donc pas favorable à l'amendement no 2561 , qui vise à supprimer la dernière phrase de l'alinéa 31 de l'article 4. Toutefois, comme je suis favorable à l'amendement no 2592 , je vous demanderai de retirer le no 2561.
Comme il s'agit d'un nouveau régime de responsabilité, je souhaite la plus grande clarté possible. Nous sommes bien d'accord : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. » Si un couple de femmes ne vient pas délibérément présenter la reconnaissance conjointe, tant pis pour elles ! Ce cas ne présente aucune difficulté.
Le cas que je vise est différent : c'est celui d'un homme qui, alors qu'une reconnaissance conjointe a été établie concomitamment à un consentement de don dans le cadre d'une PMA, aurait fait établir une reconnaissance prénatale et précéderait les mères devant l'officier d'état civil avec le document. L'officier d'état civil pourra alors établir, du moins en théorie, la filiation par le père. Me confirmez-vous que la reconnaissance conjointe prévaudra, sans passer par le juge, même si l'officier d'état civil a déjà inscrit la reconnaissance paternelle ?
Oui. Il me semble que la reconnaissance conjointe fera alors écran.
Si la reconnaissance conjointe fait écran, même postérieurement, à la reconnaissance de l'homme, je retire l'amendement.
L'amendement no 2561 est retiré.
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l'amendement no 2592 .
Il vise une nouvelle rédaction de la dernière phrase de l'alinéa 31, en vue de lever toute ambiguïté sur le caractère prééminent de la reconnaissance.
Comme je l'ai déjà déclaré, je suis favorable à cet amendement.
L'amendement no 2592 est retiré.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1222 .
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1223 .
L'amendement no 1223 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 1676 .
En cohérence avec l'article 371-1 du code civil, qui stipule que l'autorité parentale appartient aux « parents » jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant, il est proposé d'adopter la même dénomination au premier alinéa de l'article 372, qui fait lui aussi référence à l'autorité parentale.
L'amendement no 1676 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2469 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 2470 .
Il a pour objet, comme celui de Mme de Vaucouleurs, mais sans être rédigé de la même façon, de clarifier l'exercice de l'autorité parentale par les deux mères.
L'amendement me semble satisfait. Toutefois, je ne suis pas défavorable à l'ajout de cette précision. Donc, avis favorable.
Sourires.
L'amendement no 2470 est adopté.
Sur l'article 4, je suis saisie par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 2471 de Mme Coralie Dubost est un amendement de coordination.
L'amendement no 2471 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 321 .
L'amendement no 321 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 329 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 32
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 25
Contre 7
L'article 4, amendé, est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 183 , 202 , 451 , 2567 rectifié et 2578 rectifié , portant article additionnel après l'article 4 et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 183 , 202 , 451 et 2567 rectifié sont identiques.
L'amendement no 183 de M. Xavier Breton est défendu.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 202 .
Il vise à inscrire l'indisponibilité du corps humain dans le code civil. Vous m'avez objecté en commission, madame la garde des sceaux ou madame la ministre des solidarités et de la santé, que ce principe est déjà énoncé. Si je reviens sur le sujet, c'est qu'il ne figure pas explicitement au nombre des principes fondamentaux de la bioéthique, ce qui permet à d'aucuns de déduire qu'il n'existe pas.
C'est un point sur lequel je souhaite obtenir des explications plus fournies qu'en commission spéciale.
Simplement défendu, en raison du temps programmé, madame la présidente.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 2567 rectifié .
Identique aux précédents, l'amendement vise à inscrire dans le marbre du code civil le principe éthique d'indisponibilité du corps humain. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant !
L'amendement no 2578 rectifié de M. Pascal Brindeau est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je tiens à vous rassurer, plusieurs principes existent déjà dans le code civil : le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes, le principe de non-patrimonialité du corps humain, la nullité de toutes les conventions portant sur la gestation pour autrui. L'indisponibilité du corps humain, elle, a été consacrée en 1991 dans un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation. Cela est suffisant, car le principe est complètement assuré par les autres dispositions du code civil, qui garantissent qu'il n'y aura ni mise à disposition ni commercialisation du corps. Cela devrait être de nature à vous rassurer.
Nous avons déjà eu cette discussion en commission, nous y sommes longuement revenus lors des débats à l'article 1er – chaque fois qu'il a fallu rappeler qu'il n'y aurait pas de dévoiement, que la gratuité et la non-patrimonialité seraient assurées : je vous demande donc de retirer ces amendements. À défaut, l'avis sera défavorable.
Madame Genevard, vous proposez d'inscrire dans le code civil le principe d'indisponibilité du corps humain. Je vous ai indiqué en commission que ce principe n'existait pas, mais que d'autres principes l'assuraient : d'une part, le principe d'indisponibilité de l'état des personnes ; d'autre part, des principes relatifs au corps humain.
Le premier implique notamment l'impossibilité de changer son état civil de sa propre volonté. En principe, il faut une décision de l'autorité publique – un juge, le plus souvent – pour permettre la modification d'un élément de l'état civil, qu'il s'agisse du nom, du prénom, de l'état matrimonial ou du sexe.
Concernant le corps humain, comme la rapporteure l'a dit, le code civil consacre quatre principes : le droit au respect du corps humain, qui ne cesse pas avec la mort – c'est l'article 16-2 – , son inviolabilité – c'est l'article 16-1 – , son intégrité – c'est l'article 16-3, qui précise par ailleurs qu'il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale, et avec le consentement de l'intéressé – et sa non-patrimonialité – c'est l'article 16-5, qui indique que « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ». J'insiste sur ce point, puisque nous reparlerons de la GPA.
En revanche, la loi ne consacre effectivement pas le principe d'indisponibilité du corps humain ; à vrai dire, je pense qu'il n'est pas souhaitable que ce soit le cas. En effet, je crois que cela entraînerait des difficultés, car, dès lors qu'il n'est pas porté atteinte aux principes fondamentaux que je viens de rappeler, le corps humain reste relativement disponible : il obéit à notre volonté, et c'est d'ailleurs une garantie individuelle pour chacun. Il pourrait en outre être dangereux de porter atteinte à cette disponibilité, qui fonde, par exemple, le droit à l'interruption volontaire de grossesse, l'IVG, c'est-à-dire celui des femmes à disposer de leur corps. Il faut donc mesurer les implications qu'aurait l'inscription d'un tel principe dans le code.
Vous avez cité, madame Genevard, une décision de la Cour de cassation datant de 1991. Celle-ci est intervenue avant les premières lois de bioéthique qui, en 1994, ont précisément consacré les principes que j'ai précédemment indiqués. Le législateur d'alors n'a pas reconnu le principe de l'indisponibilité du corps humain ; il ne l'a pas davantage fait en 2004 ; il ne l'a toujours pas fait en 2011. Aujourd'hui, la Cour de cassation n'y fait plus référence, et distingue bien, conformément à ce qui figure dans le code civil, l'indisponibilité de l'état des personnes, d'une part, et l'ensemble des principes éthiques qui s'attachent au corps humain, d'autre part. Voici les raisons pour lesquelles je ne souhaite pas que ce principe soit inscrit dans le code civil.
Je vous remercie pour votre réponse, madame la garde des sceaux. Je maintiens néanmoins mon amendement.
Les amendements identiques nos 183 , 202 , 451 et 2567 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement no 2578 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 2313 .
Malgré les contraintes et le carcan dans lequel nous place la procédure de temps législatif programmé, cet amendement d'Arnaud Viala, que j'ai cosigné, mérite une brève explication. Son intitulé et son dispositif sont extrêmement simples et sobres : « La gestation pour autrui est interdite. »
À la faveur du débat sur les enjeux bioéthiques, le groupe LR souhaite réaffirmer haut et fort son refus absolu de la gestation pour autrui, au nom du respect de la dignité et du principe de non-marchandisation du corps de la femme. Nous craignons que plusieurs verrous juridiques sautent si des principes comme celui-ci ne sont pas clairement inscrits dans les textes de loi de la République.
Ces principes sont déjà écrits dans les textes de loi de la République – ce sont les articles 16-5 et 16-7 du code civil, dont les dispositions sont rendues d'ordre public par l'article 16-9. « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle », affirme l'article 16-7. Cela veut bien dire que la gestation pour autrui est impossible en France. Je peux vous garantir que cette ligne rouge est immuable, elle reste inscrite dans le code. Je demande donc le retrait de votre amendement. Sinon, l'avis sera défavorable.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra