L'examen du texte en commission mixte paritaire, il y a deux semaines, a confirmé l'unité de vue au sein du Parlement sur la nécessité de réformer la loi Bichet. Les sénateurs comme les députés de la plupart des groupes politiques ont confirmé l'urgence et la nécessité d'adapter la distribution de la presse à l'époque que nous traversons, après que le secteur a été largement bouleversé par les développements numériques, par la multiplication des titres, qui saturent le réseau, ainsi que par l'évolution des pratiques de lecture. On peut se réjouir de ce constat partagé et, surtout, se féliciter du travail accompli pour déboucher sur un texte moderne, très équilibré – tout en étant ambitieux – et désormais indispensable à l'avenir d'une profession.
Chaque année, c'est en effet un millier de marchands de presse qui ferment, qui abdiquent, épuisés par les horaires de travail, étranglés par l'irrégularité des revenus, harassés par la masse d'imprimés qui déferlent des camions tous les matins : plus de 4 000 titres qu'ils ne peuvent pas refuser, même s'ils saturent les linéaires de leur commerce.
Dès lors, comment affirmer que la loi Bichet, qui régit la distribution de la presse depuis plus de soixante-dix ans, est toujours adaptée ? Bien sûr, ce texte emblématique a permis d'organiser la pluralité de l'information et l'égalité entre les éditeurs dans le contexte de l'après-guerre. Avec ce cadre unique au monde, la presse française est devenue accessible partout et à tous, et ce n'est pas le moindre des mérites du nouveau texte que de réaffirmer les principes fondateurs hérités du Conseil national de la Résistance – comme quoi on peut obtenir un modèle plus efficient tout en maintenant les orientations qui garantissent, depuis 1947, la distribution libre et impartiale de la presse sur l'ensemble du territoire.
Le texte réaffirme donc les fondamentaux de la loi Bichet, notamment l'obligation de se constituer en coopérative pour les éditeurs qui souhaitent se grouper afin de distribuer leurs titres. Contrairement à ce qu'affirment certains commentateurs qui ne distinguent pas un quotidien national réalisé par des journalistes d'une revue d'astrologie, par exemple, il garantit la continuité de la distribution de la presse en laissant aux deux principales messageries, Presstalis et MLP, un temps d'adaptation avant d'autoriser l'arrivée éventuelle de nouveaux acteurs – un temps d'adaptation raisonnable qui s'étend jusqu'au 1er janvier 2023, date de la fin du plan de redressement de Presstalis.
Surtout, le texte donne aux marchands de journaux davantage de latitude pour choisir les publications qu'ils reçoivent. Peut-être est-ce son plus grand mérite : il redonne de l'intérêt à ce métier et préserve le réseau de ces 23 000 professionnels. Cette liberté accrue permettra également de limiter les invendus, dont le coût environnemental ne cesse de gonfler.
En tout cas, la presse d'information politique et générale, dont la valeur constitutionnelle est toujours reconnue, conservera son droit d'accès absolu au réseau de distribution. Là encore, le texte réaffirme un des principes fondateurs de la loi Bichet.
S'il donne ainsi plus de liberté aux acteurs de la filière, il n'omet pas d'unifier et de renforcer la régulation du secteur pour prévenir les dérives et sanctionner les excès. Supprimant les deux organes existants, il confie la régulation à l'ARCEP, dont les compétences techniques, juridiques et économiques sont reconnues.
Enfin, il étend la garantie du pluralisme à la diffusion numérique, puisqu'il prévoit que les éditeurs de titres IPG auront un droit d'accès aux kiosques numériques, tout en imposant des obligations de transparence fortes sur les choix des agrégateurs d'informations.
En définitive, il s'agit d'un texte très équilibré, qui a été proposé, abordé et débattu dans un esprit minutieux, exigeant et positif, aussi bien au Sénat qu'ici même ; un texte qui exprime notre soutien unanime et univoque à tous les acteurs du secteur de la presse ; un texte que le groupe La République en marche votera donc avec beaucoup de conviction.