Intervention de Bruno le Maire

Réunion du vendredi 27 septembre 2019 à 13h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je voudrais tout d'abord m'associer à l'hommage du président Woerth à l'endroit du Président de la République Jacques Chirac, disparu hier. Je tiens également à tous vous remercier d'être présents aujourd'hui, car je sais qu'il est compliqué pour les parlementaires d'être un vendredi à l'Assemblée plutôt qu'en circonscription, et vous présente toutes nos excuses pour le décalage de cette séance.

Je suis très heureux de vous présenter, pour la troisième année consécutive, avec le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin et le secrétaire d'État Olivier Dussopt, les grandes orientations du projet de loi de finances.

Je rappellerai en introduction dans quel contexte international, économique et social les choix de ce projet de loi de finances ont été faits. Le contexte économique international se caractérise par un ralentissement marqué de la croissance mondiale et de la croissance européenne qui dure depuis plusieurs mois. D'abord, les tensions commerciales se sont intensifiées et la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis est devenue une réalité. Voilà un an, les États-Unis taxaient environ 50 milliards d'euros d'importations chinoises ; aujourd'hui, ils taxent 520 milliards d'euros, soit la quasi-totalité des biens en provenance de Chine, ce qui a un impact sur la croissance mondiale que nous estimons à 0,5 point de PIB pour 2020. Nous sommes également confrontés à des tensions géopolitiques au Moyen-Orient qui s'accompagnent d'une forte volatilité des cours du pétrole et qui doivent nous mener à accélérer la transition énergétique pour que nous soyons indépendants des cours du pétrole et du prix des énergies fossiles. Enfin, les incertitudes européennes ne se sont pas dissipées : le Brexit sans accord est désormais une possibilité effective.

Notre environnement économique est lui aussi singulier. À la faible croissance s'ajoutent des taux d'inflation faibles, inférieurs à la cible de la Banque centrale européenne (BCE), et des taux d'intérêt infimes, voire négatifs dans certains cas. Nous savons que ces taux resteront bas dans les prochains mois en raison des décisions qui ont été prises par le président de la Réserve fédérale (FED), Jerome Powell, et par le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Nous soutenons ces décisions parce qu'elles nous laissent un délai supplémentaire pour agir et que ce choix responsable nous permet d'éviter une dégradation supplémentaire de notre environnement économique, laquelle aurait pesé directement sur la croissance et sur les emplois. N'oublions pas que cette politique de taux bas nous a permis de renouer avec la croissance après la crise des dettes souveraines et nous permet d'alléger la charge de la dette.

Cela étant, il serait irresponsable de fonder notre politique économique sur le seul outil des taux bas. D'abord, parce qu'ils remonteront un jour ou l'autre ; ensuite, parce que la politique monétaire a montré les limites de son efficacité ; enfin, parce que nous estimons indispensable que la politique budgétaire prenne désormais le relais de la politique monétaire dans les États de la zone euro qui en ont la capacité. Pour le formuler clairement, les États dans la zone euro qui ont des réserves – je pense en particulier à l'Allemagne – doivent investir dès à présent pour soutenir la croissance. La France est en revanche dans une situation très différente : notre endettement a augmenté de 30 points au cours des dix dernières années et notre niveau d'endettement public approche les 100 % du PIB. Il ne serait donc pas responsable d'alourdir la dette française, et ce d'autant moins que nous sommes, je le rappelle, le premier émetteur d'obligations souveraines de la zone euro. La dette est un danger pour notre économie, et un piège pour l'effort de redressement des finances publiques que nous avons engagé depuis deux ans et qu'il faut impérativement poursuivre, ce que d'ailleurs nous faisons dans le présent budget.

Le budget que je présente aujourd'hui est, comme tout instrument budgétaire, le reflet de choix politiques. Je rappellerai donc les choix simples et clairs qui ont été faits pour 2020.

Le premier est la baisse des impôts. Attendue par nos compatriotes depuis des années, elle est indispensable pour maintenir la compétitivité-prix de nos entreprises. Celles-ci bénéficieront dès 2020 de 1 milliard d'euros de baisses d'impôts. L'intégralité des allégements de charges, quel que soit le niveau de salaire, sera maintenue, et il me paraît impératif de le faire, sous peine de dégrader la compétitivité-coût de nos entreprises, ce qui serait un très mauvais signal. Ces allégements seront d'ailleurs renforcés dès la semaine prochaine, puisque le niveau des allégements généraux sera renforcé de 4 points pour les plus bas salaires – entre 1 et 1,6 SMIC. La baisse de l'impôt sur les sociétés se poursuivra et, dès 2020, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, verront leur impôt sur les sociétés baisser, avec une différenciation entre les entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros et les autres. La pente est déjà bien amorcée pour que toutes les entreprises bénéficient en 2022 d'un taux d'impôt sur les sociétés de 25 % qui fera de la France un pays attractif et compétitif par rapport à ses grands voisins européens.

Au total, les impôts baisseront de 13 milliards d'euros pour nos entreprises sur la durée du quinquennat, et de 27 milliards d'euros pour les ménages, soit au total de 40 milliards d'euros. En proportion du PIB, nous serons proches de 1,3 point, au lieu de 1 point prévu, ce qui marque une vraie rupture par rapport à la politique de hausse systématique des taxes et des impôts menée avant 2017.

Le deuxième choix que nous avons fait, en cohérence avec les choix économiques opérés depuis deux ans, est de maintenir une politique d'innovation offensive et une politique de l'offre. Nous avons ainsi décidé de sanctuariser le crédit d'impôt recherche (CIR). Le débat sur ce dispositif est parfaitement légitime, mais les critiques de certains parlementaires ne me paraissent pas fondées. Tout d'abord, ce crédit d'impôt bénéficie principalement, aux deux tiers, aux entreprises de taille intermédiaire et aux PME, et non pas aux plus grandes entreprises. Il est en outre efficace pour soutenir la recherche et développement, car pour un euro public versé, un euro est dépensé dans les activités de recherche et développement privées. Enfin, Gérald Darmanin veille à ce qu'il n'y ait pas de détournement de ce crédit d'impôt par les entreprises, et nous estimons que les risques de fraude sont limités. Pour toutes ces raisons, les paramètres fondamentaux du crédit d'impôt recherche nous paraissent devoir rester inchangés, car ils garantissent à nos entreprises que la France demeure le territoire le plus attractif pour innover au sein de la zone euro. La seule correction nécessaire, comme l'a indiqué la Cour des comptes, porte sur le forfait des dépenses de fonctionnement : nous vous proposons de le baisser de 50 % à 43 % afin qu'il soit plus représentatif des dépenses réelles de fonctionnement liées au crédit d'impôt recherche.

Le troisième choix politique est une constante du quinquennat voulue par le Président de la République, le Premier ministre et la majorité : le travail doit payer, et doit payer mieux. La baisse massive de l'impôt des ménages, en particulier de l'impôt sur le revenu, que détaillera Gérald Darmanin, est un signal très clair dans cette direction. Tous ceux qui ont un salaire, une rémunération, des indemnisations doivent pouvoir vivre dignement de leurs revenus. Toute la politique que nous avons menée depuis deux ans – la suppression des cotisations d'assurance maladie et d'assurance chômage, la revalorisation de la prime d'activité, la suppression du forfait social de 20 % sur les dispositifs d'intéressement, la défiscalisation des heures supplémentaires – et, aujourd'hui, la baisse de l'impôt sur le revenu – ont une seule et même visée : tous ceux qui travaillent en France doivent pouvoir vivre dignement de leur travail. Le message des gilets jaunes a été entendu.

Pour financer ces baisses d'impôts, nous allons réduire un certain nombre de niches fiscales, dont certaines sont sensibles et ont légitimement fait l'objet d'échanges approfondis avec les organisations professionnelles concernées. L'avantage fiscal dont bénéficiait le gazole non routier (GNR) sera ainsi progressivement supprimé, en cohérence avec la politique de transition énergétique. Mais nous avons tenu à agir avec une attention accrue pour les professions concernées et selon un calendrier plus étalé. Les tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) seront ainsi supprimés non pas en un an mais en trois ans ; la première hausse interviendra non pas au 1er janvier 2020 mais au 1er juillet 2020, ce qui laissera six mois supplémentaires aux fédérations pour s'adapter. Ni les agriculteurs ni le transport ferroviaire ne seront touchés par cette suppression du tarif réduit, qui permettra de dégager à terme 900 millions d'euros. À cette suppression progressive seront évidemment associées des mesures de compensation dont nous avons discuté avec les professionnels concernés. Nous mettrons en place une clause générale de révision des prix, ainsi qu'un suramortissement pour l'acquisition d'un matériel moins polluant, notamment électrique. L'avance versée par l'État aux PME sera portée de 5 à 10 % dans le cadre des marchés publics passés avec les collectivités territoriales et les établissements publics les plus importants. Enfin, les travaux d'entretien des réseaux des collectivités territoriales seront, comme le demandent les fédérations professionnelles depuis très longtemps, éligibles au Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Les autres dispositifs appelés à être réduits sont le mécénat d'entreprise – le taux de défiscalisation passera de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d'euros, à l'exception des dons aux banques alimentaires et aux associations d'aide aux plus démunis – et l'avantage lié à la déduction forfaitaire spécifique, au sujet duquel Gérald Darmanin vous apportera quelques précisions.

Au total, la réduction des niches fiscales et les autres choix inscrits dans ce budget nous permettent de limiter le déficit public à 2,2 % en 2020, chiffre le plus bas depuis vingt ans. La dette sera stabilisée à 98,7 % du PIB et la baisse des prélèvements obligatoires sera de 1,3 point sur l'ensemble du quinquennat au lieu d'1 point prévu.

Ces mesures ayant été présentées, je tiens à rappeler qu'au regard du contexte économique de la zone euro et des incertitudes sur le contexte économique international, il est indispensable que les États membres de la zone euro qui ont les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires investissent davantage. La France a fait sa part du chemin pour répondre aux attentes de ces États membres et de ces pays amis : nous avons engagé depuis plus de deux ans des transformations structurelles de notre économie pour être plus compétitifs. Nous avons, grâce à vous, adopté un texte qui réforme en profondeur la fiscalité du capital, amélioré le fonctionnement du marché du travail, transformé les systèmes de formation et de qualification, réformé l'assurance chômage, et allons maintenant réformer le système de retraite.

Nous avons également fait notre part du chemin dans le rétablissement des finances publiques : nous avons pris des décisions courageuses pour réduire la dépense, que ce soit sur les contrats aidés, sur le logement social ou sur les chambres de commerce et d'industrie. Ces décisions courageuses nous ont permis de sortir de la procédure pour déficit excessif et d'atteindre 2,2 % de déficit public.

Nous avons ainsi tenu parole, respecté nos engagements tant sur les réformes structurelles que sur le redressement des finances publiques. J'aimerais par conséquent que les autres pays européens tiennent les leurs, et fassent preuve de solidarité européenne, en considérant qu'un investissement plus important aujourd'hui sera utile non seulement pour eux mais aussi pour l'ensemble de la zone euro. Nous souhaitons donc que l'Allemagne investisse, investisse maintenant, et permette à la zone euro d'avoir la croissance, la prospérité et les emplois que l'ensemble de nos concitoyens européens sont en droit d'attendre.

Tels sont les éléments que je voulais vous présenter avant de répondre à vos questions. Je laisse à présent la parole au ministre de l'action et des comptes publics.

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