Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du vendredi 27 septembre 2019 à 13h30

Résumé de la réunion

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  • compensation
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La réunion

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Présidence

La commission entend M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, et M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2020.

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Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue à messieurs Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, et Olivier Dussopt, respectivement ministre de l'économie et des finances, ministre de l'action et des comptes publics et secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Je tiens à remercier ceux qui ont pu se rendre disponibles ce vendredi pour cette audition qui marque le début de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2020.

Avant de commencer, je souhaite au nom de l'ensemble de notre commission rendre un hommage affectueux à Jacques Chirac, qui nous a quittés hier.

En commission des finances, l'examen de la première partie du projet de loi de finances aura lieu le mardi 8 octobre à dix-sept heures quinze et à vingt et une heures ; il se poursuivra le mercredi 9 octobre. Le délai de dépôt des amendements est donc fixé au vendredi 4 octobre à dix-sept heures. En séance publique, la discussion de la première partie commencera le lundi 14 octobre et s'achèvera le lundi 21 octobre par le débat sur le prélèvement au profit de l'Union européenne. Le vote solennel sur la première partie aura lieu le mardi 22 octobre après les questions au Gouvernement.

En commission des finances, l'examen de la seconde partie commencera le mardi 22 octobre et durera jusqu'au vendredi 25 octobre. La commission se saisira ainsi successivement de toutes les missions qui, en séance publique, seront à l'ordre du jour à compter du lundi 28 octobre. Les articles non rattachés seront examinés les mercredi 6 et jeudi 7 novembre en commission, en vue d'un passage en séance publique à partir du jeudi 14 novembre.

Le vote solennel sur l'ensemble du PLF aura lieu le mardi 19 novembre après les questions au Gouvernement.

Sans plus attendre, je cède la parole au ministre de l'économie et des finances.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Je voudrais tout d'abord m'associer à l'hommage du président Woerth à l'endroit du Président de la République Jacques Chirac, disparu hier. Je tiens également à tous vous remercier d'être présents aujourd'hui, car je sais qu'il est compliqué pour les parlementaires d'être un vendredi à l'Assemblée plutôt qu'en circonscription, et vous présente toutes nos excuses pour le décalage de cette séance.

Je suis très heureux de vous présenter, pour la troisième année consécutive, avec le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin et le secrétaire d'État Olivier Dussopt, les grandes orientations du projet de loi de finances.

Je rappellerai en introduction dans quel contexte international, économique et social les choix de ce projet de loi de finances ont été faits. Le contexte économique international se caractérise par un ralentissement marqué de la croissance mondiale et de la croissance européenne qui dure depuis plusieurs mois. D'abord, les tensions commerciales se sont intensifiées et la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis est devenue une réalité. Voilà un an, les États-Unis taxaient environ 50 milliards d'euros d'importations chinoises ; aujourd'hui, ils taxent 520 milliards d'euros, soit la quasi-totalité des biens en provenance de Chine, ce qui a un impact sur la croissance mondiale que nous estimons à 0,5 point de PIB pour 2020. Nous sommes également confrontés à des tensions géopolitiques au Moyen-Orient qui s'accompagnent d'une forte volatilité des cours du pétrole et qui doivent nous mener à accélérer la transition énergétique pour que nous soyons indépendants des cours du pétrole et du prix des énergies fossiles. Enfin, les incertitudes européennes ne se sont pas dissipées : le Brexit sans accord est désormais une possibilité effective.

Notre environnement économique est lui aussi singulier. À la faible croissance s'ajoutent des taux d'inflation faibles, inférieurs à la cible de la Banque centrale européenne (BCE), et des taux d'intérêt infimes, voire négatifs dans certains cas. Nous savons que ces taux resteront bas dans les prochains mois en raison des décisions qui ont été prises par le président de la Réserve fédérale (FED), Jerome Powell, et par le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Nous soutenons ces décisions parce qu'elles nous laissent un délai supplémentaire pour agir et que ce choix responsable nous permet d'éviter une dégradation supplémentaire de notre environnement économique, laquelle aurait pesé directement sur la croissance et sur les emplois. N'oublions pas que cette politique de taux bas nous a permis de renouer avec la croissance après la crise des dettes souveraines et nous permet d'alléger la charge de la dette.

Cela étant, il serait irresponsable de fonder notre politique économique sur le seul outil des taux bas. D'abord, parce qu'ils remonteront un jour ou l'autre ; ensuite, parce que la politique monétaire a montré les limites de son efficacité ; enfin, parce que nous estimons indispensable que la politique budgétaire prenne désormais le relais de la politique monétaire dans les États de la zone euro qui en ont la capacité. Pour le formuler clairement, les États dans la zone euro qui ont des réserves – je pense en particulier à l'Allemagne – doivent investir dès à présent pour soutenir la croissance. La France est en revanche dans une situation très différente : notre endettement a augmenté de 30 points au cours des dix dernières années et notre niveau d'endettement public approche les 100 % du PIB. Il ne serait donc pas responsable d'alourdir la dette française, et ce d'autant moins que nous sommes, je le rappelle, le premier émetteur d'obligations souveraines de la zone euro. La dette est un danger pour notre économie, et un piège pour l'effort de redressement des finances publiques que nous avons engagé depuis deux ans et qu'il faut impérativement poursuivre, ce que d'ailleurs nous faisons dans le présent budget.

Le budget que je présente aujourd'hui est, comme tout instrument budgétaire, le reflet de choix politiques. Je rappellerai donc les choix simples et clairs qui ont été faits pour 2020.

Le premier est la baisse des impôts. Attendue par nos compatriotes depuis des années, elle est indispensable pour maintenir la compétitivité-prix de nos entreprises. Celles-ci bénéficieront dès 2020 de 1 milliard d'euros de baisses d'impôts. L'intégralité des allégements de charges, quel que soit le niveau de salaire, sera maintenue, et il me paraît impératif de le faire, sous peine de dégrader la compétitivité-coût de nos entreprises, ce qui serait un très mauvais signal. Ces allégements seront d'ailleurs renforcés dès la semaine prochaine, puisque le niveau des allégements généraux sera renforcé de 4 points pour les plus bas salaires – entre 1 et 1,6 SMIC. La baisse de l'impôt sur les sociétés se poursuivra et, dès 2020, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, verront leur impôt sur les sociétés baisser, avec une différenciation entre les entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros et les autres. La pente est déjà bien amorcée pour que toutes les entreprises bénéficient en 2022 d'un taux d'impôt sur les sociétés de 25 % qui fera de la France un pays attractif et compétitif par rapport à ses grands voisins européens.

Au total, les impôts baisseront de 13 milliards d'euros pour nos entreprises sur la durée du quinquennat, et de 27 milliards d'euros pour les ménages, soit au total de 40 milliards d'euros. En proportion du PIB, nous serons proches de 1,3 point, au lieu de 1 point prévu, ce qui marque une vraie rupture par rapport à la politique de hausse systématique des taxes et des impôts menée avant 2017.

Le deuxième choix que nous avons fait, en cohérence avec les choix économiques opérés depuis deux ans, est de maintenir une politique d'innovation offensive et une politique de l'offre. Nous avons ainsi décidé de sanctuariser le crédit d'impôt recherche (CIR). Le débat sur ce dispositif est parfaitement légitime, mais les critiques de certains parlementaires ne me paraissent pas fondées. Tout d'abord, ce crédit d'impôt bénéficie principalement, aux deux tiers, aux entreprises de taille intermédiaire et aux PME, et non pas aux plus grandes entreprises. Il est en outre efficace pour soutenir la recherche et développement, car pour un euro public versé, un euro est dépensé dans les activités de recherche et développement privées. Enfin, Gérald Darmanin veille à ce qu'il n'y ait pas de détournement de ce crédit d'impôt par les entreprises, et nous estimons que les risques de fraude sont limités. Pour toutes ces raisons, les paramètres fondamentaux du crédit d'impôt recherche nous paraissent devoir rester inchangés, car ils garantissent à nos entreprises que la France demeure le territoire le plus attractif pour innover au sein de la zone euro. La seule correction nécessaire, comme l'a indiqué la Cour des comptes, porte sur le forfait des dépenses de fonctionnement : nous vous proposons de le baisser de 50 % à 43 % afin qu'il soit plus représentatif des dépenses réelles de fonctionnement liées au crédit d'impôt recherche.

Le troisième choix politique est une constante du quinquennat voulue par le Président de la République, le Premier ministre et la majorité : le travail doit payer, et doit payer mieux. La baisse massive de l'impôt des ménages, en particulier de l'impôt sur le revenu, que détaillera Gérald Darmanin, est un signal très clair dans cette direction. Tous ceux qui ont un salaire, une rémunération, des indemnisations doivent pouvoir vivre dignement de leurs revenus. Toute la politique que nous avons menée depuis deux ans – la suppression des cotisations d'assurance maladie et d'assurance chômage, la revalorisation de la prime d'activité, la suppression du forfait social de 20 % sur les dispositifs d'intéressement, la défiscalisation des heures supplémentaires – et, aujourd'hui, la baisse de l'impôt sur le revenu – ont une seule et même visée : tous ceux qui travaillent en France doivent pouvoir vivre dignement de leur travail. Le message des gilets jaunes a été entendu.

Pour financer ces baisses d'impôts, nous allons réduire un certain nombre de niches fiscales, dont certaines sont sensibles et ont légitimement fait l'objet d'échanges approfondis avec les organisations professionnelles concernées. L'avantage fiscal dont bénéficiait le gazole non routier (GNR) sera ainsi progressivement supprimé, en cohérence avec la politique de transition énergétique. Mais nous avons tenu à agir avec une attention accrue pour les professions concernées et selon un calendrier plus étalé. Les tarifs réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) seront ainsi supprimés non pas en un an mais en trois ans ; la première hausse interviendra non pas au 1er janvier 2020 mais au 1er juillet 2020, ce qui laissera six mois supplémentaires aux fédérations pour s'adapter. Ni les agriculteurs ni le transport ferroviaire ne seront touchés par cette suppression du tarif réduit, qui permettra de dégager à terme 900 millions d'euros. À cette suppression progressive seront évidemment associées des mesures de compensation dont nous avons discuté avec les professionnels concernés. Nous mettrons en place une clause générale de révision des prix, ainsi qu'un suramortissement pour l'acquisition d'un matériel moins polluant, notamment électrique. L'avance versée par l'État aux PME sera portée de 5 à 10 % dans le cadre des marchés publics passés avec les collectivités territoriales et les établissements publics les plus importants. Enfin, les travaux d'entretien des réseaux des collectivités territoriales seront, comme le demandent les fédérations professionnelles depuis très longtemps, éligibles au Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Les autres dispositifs appelés à être réduits sont le mécénat d'entreprise – le taux de défiscalisation passera de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d'euros, à l'exception des dons aux banques alimentaires et aux associations d'aide aux plus démunis – et l'avantage lié à la déduction forfaitaire spécifique, au sujet duquel Gérald Darmanin vous apportera quelques précisions.

Au total, la réduction des niches fiscales et les autres choix inscrits dans ce budget nous permettent de limiter le déficit public à 2,2 % en 2020, chiffre le plus bas depuis vingt ans. La dette sera stabilisée à 98,7 % du PIB et la baisse des prélèvements obligatoires sera de 1,3 point sur l'ensemble du quinquennat au lieu d'1 point prévu.

Ces mesures ayant été présentées, je tiens à rappeler qu'au regard du contexte économique de la zone euro et des incertitudes sur le contexte économique international, il est indispensable que les États membres de la zone euro qui ont les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires investissent davantage. La France a fait sa part du chemin pour répondre aux attentes de ces États membres et de ces pays amis : nous avons engagé depuis plus de deux ans des transformations structurelles de notre économie pour être plus compétitifs. Nous avons, grâce à vous, adopté un texte qui réforme en profondeur la fiscalité du capital, amélioré le fonctionnement du marché du travail, transformé les systèmes de formation et de qualification, réformé l'assurance chômage, et allons maintenant réformer le système de retraite.

Nous avons également fait notre part du chemin dans le rétablissement des finances publiques : nous avons pris des décisions courageuses pour réduire la dépense, que ce soit sur les contrats aidés, sur le logement social ou sur les chambres de commerce et d'industrie. Ces décisions courageuses nous ont permis de sortir de la procédure pour déficit excessif et d'atteindre 2,2 % de déficit public.

Nous avons ainsi tenu parole, respecté nos engagements tant sur les réformes structurelles que sur le redressement des finances publiques. J'aimerais par conséquent que les autres pays européens tiennent les leurs, et fassent preuve de solidarité européenne, en considérant qu'un investissement plus important aujourd'hui sera utile non seulement pour eux mais aussi pour l'ensemble de la zone euro. Nous souhaitons donc que l'Allemagne investisse, investisse maintenant, et permette à la zone euro d'avoir la croissance, la prospérité et les emplois que l'ensemble de nos concitoyens européens sont en droit d'attendre.

Tels sont les éléments que je voulais vous présenter avant de répondre à vos questions. Je laisse à présent la parole au ministre de l'action et des comptes publics.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Je suis heureux de vous retrouver pour vous présenter avec Bruno Le Maire et Olivier Dussopt ce troisième budget, que je résumerai en trois points. Premièrement, le budget pour 2020 prévoit la baisse massive et historique des impôts, à la fois pour les ménages et pour les entreprises : cette baisse représente 40 milliards d'euros pour l'ensemble du quinquennat, 27 milliards d'euros en faveur des ménages et 13 milliards en faveur des entreprises, ce qui est sans précédent. Deuxièmement, nous avons le niveau de déficit le plus bas depuis vingt ans. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, la Cour des comptes, dont vous avez auditionné le Premier président, prévoyait 3,4 % de déficit en 2017 ; entre 2019 et 2020, le déficit public a baissé de plus de 20 milliards d'euros. Par rapport aux 100 milliards d'euros de déficit de l'État prévus dans la loi de finances initiale pour 2019, nous sommes à 11 milliards de moins en exécution. Ce très bon résultat démontre que les chiffres que nous vous proposons sont sincères, et qu'il importe de tenir compte tout autant de l'exécution que des prévisions budgétaires. Troisièmement, les promesses faites par le Président de la République dans son programme et au lendemain du grand débat national sont tenues ; j'y reviendrai dans quelques instants.

J'aimerais me concentrer tout d'abord sur la baisse des impôts pour l'année 2020. À l'issue du vote de la première partie du PLF, qui contient les mesures de baisse de l'impôt sur le revenu, consigne sera donnée à la direction générale des finances publiques (DGFIP) d'appliquer les taux différenciés de prélèvement à la source dès le mois de janvier, au lieu d'attendre le mois d'octobre. Ce sont donc 95 % des personnes redevables à l'impôt sur le revenu, 17 millions de foyers fiscaux, qui seront concernés par cette baisse, et les 12 millions de foyers fiscaux qui relèvent de la première tranche du barème bénéficieront, grâce au passage du taux de 14 à 11 %, d'un gain de pouvoir d'achat de 350 euros en moyenne. La discussion de cette mesure sera un moment important de l'examen du projet de loi de finances.

La suppression programmée de la taxe d'habitation sera effective pour 80 % des contribuables dans le PLF pour 2020, et représente pour cette seule année 3,7 milliards d'euros. Rappelons que la taxe d'habitation représente pour le Gouvernement un effort fiscal de 18 milliards d'euros sur le quinquennat ; lorsqu'elle aura été totalement supprimée, le gain moyen de pouvoir d'achat sera de 723 euros par foyer.

Nous reconduisons dans le cadre du PLF et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 les dispositifs des heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées et de la prime exceptionnelle dite « prime Macron », ainsi que les baisses de cotisations consenties lors des deux premières années du quinquennat. Monsieur le ministre de l'économie et des finances ayant évoqué la baisse d'impôts pour les entreprises, je n'y reviendrai pas.

J'en viens aux chiffres macroéconomiques du budget pour 2020. La baisse de la dépense publique est une réalité : celle-ci est passée de 55 % du PIB à notre arrivée à 53,4 % du PIB, ce qui correspond à une baisse de 40 milliards d'euros, et sa trajectoire est désormais celle d'une baisse continue. Au cours des trois premières années du quinquennat, la dépense publique a évolué de 0,4 % en moyenne, contre 0,9 % lors du quinquennat précédent, et 1,3 % sur celui qui l'a précédé, marqué, il est vrai, par la crise économique. Autrement dit, toutes administrations publiques confondues, nous faisons respectivement deux fois et trois fois mieux…

Je l'ai déjà évoqué, le déficit public a baissé, passant de 3,4 à 2,2 % du PIB. La dette publique s'est quant à elle stabilisée et a même très légèrement baissé, de 0,1 %, en tenant compte de la dette de la SNCF et d'une baisse historique des prélèvements obligatoires.

La sincérité des documents budgétaires reste la marque de fabrique du Gouvernement : nous n'avons pour l'instant pris aucun décret d'avance sur les deux projets de loi de finances que nous avons présentés, ce qui marque notre respect de l'autorisation parlementaire – ce n'était pas arrivé depuis l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le taux de mise en réserve des crédits est toujours de 3 %. Là encore, notre exigence de sincérité nous a conduits à ne geler que les crédits qui pouvaient l'être, en particulier à exclure du gel la prime d'activité, jusqu'alors gelée chaque année.

Nous avons également poursuivi la simplification et fait droit aux demandes du Parlement en ce sens : d'une part, une quinzaine de petites taxes seront supprimées à la suite du vote de la résolution déposée par monsieur Laurent Saint-Martin, et, d'autre part, conformément à l'amendement de madame Bénédicte Peyrol, un « jaune » budgétaire regroupant toutes les dépenses ayant un impact sur l'environnement sera annexé au budget, en attendant le budget vert de 2021.

En ce qui concerne les dépenses, des hausses de crédits importantes ont été allouées au secteur régalien – singulièrement les ministères des armées, de la justice et de l'intérieur – au retour à l'emploi avec 4 milliards d'euros pour la revalorisation de la prime d'activité entre 2018 et la fin du quinquennat, à la formation, à l'urgence écologique – le budget du ministère de l'écologie est celui qui, proportionnellement, connaît la plus forte augmentation, de 3 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat dont 800 millions d'euros pour la seule année 2020 –, à l'éducation et à la recherche.

Pour finir, ce budget reflète nombre de transformations importantes. L'unification du recouvrement, qui passe notamment par un nouveau partage des tâches entre la DGFIP et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), sera un moment important de notre débat et devrait grandement simplifier la vie des entreprises comme les démarches des contribuables. La lutte contre la fraude fiscale est renforcée par une disposition très importante relative au paiement de la TVA par les plateformes électroniques et par la clarification des règles de domiciliation fiscale des dirigeants des grandes entreprises françaises, mesure annoncée par le Président de la République lors du grand débat national. Je dois évidemment mentionner également la réforme de la fiscalité locale, un point très important de notre budget que je laisserai à Olivier Dussopt le soin de développer.

La mise en oeuvre, à compter de 2023, de la facturation électronique entre les entreprises pour lutter contre la fraude à la TVA, les transformations du ministère du logement, notamment la contemporanéisation des aides personnalisées au logement (APL), qui devrait entrer en vigueur dès le mois de janvier, la transformation en deux ans du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime, les économies et transformations en matière d'audiovisuel public, la baisse des crédits alloués à Bercy, notamment au ministère de l'action et des comptes publics à la suite de la modernisation que nous avons engagée, sont autant de mesures de nature à compléter utilement le budget que nous vous présentons aujourd'hui.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

J'ajouterai pour ma part quelques mots sur la réforme, importante, de la fiscalité locale. Son déploiement requiert un climat de confiance, confiance qui elle-même s'appuie sur le respect des engagements pris. C'est la raison pour laquelle vous constaterez que ce projet de loi de finances confirme la trajectoire prévue : le volume global des dotations aux collectivités locales est ainsi maintenu et les concours financiers aux collectivités augmentent de 600 millions d'euros par rapport à 2019 en s'établissant à 48,9 milliards d'euros. Sur ces 600 millions d'euros, une partie – 500 millions – est liée à la dynamique de la TVA, qui a fait progresser la fraction de TVA affectée aux régions ainsi que le FCTVA dans un contexte de reprise de l'investissement des collectivités.

La péréquation augmente au même rythme que les années précédentes, à hauteur de 220 millions d'euros, dont 90 millions pour chacune des deux principales dotations, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR). Les crédits d'investissement en faveur des collectivités locales sont en outre maintenus, et représentent au total 9 milliards d'euros. Le soutien à l'investissement local, notamment au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), s'élève à 2 milliards d'euros, comme les années précédentes. Ce maintien est la contrepartie du respect par les collectivités territoriales de l'engagement de maîtrise des dépenses de fonctionnement.

Pour ce qui concerne la fiscalité locale, la réforme présentée respecte les engagements pris par le Président de la République devant le Congrès des maires : faire en sorte que la compensation prenne la forme d'une ressource à la fois juste, avec une compensation à l'euro près, dynamique et pérenne. Nous avons fait le choix de compenser la perte de recettes des intercommunalités par l'affectation d'une fraction de TVA et nous proposons que celle-ci soit calculée sur la base des valeurs locatives de 2020 à laquelle serait appliqué le taux de 2017, comme prévu dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Nous avons fait le choix de compenser la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements, qui sera désormais affectée aux communes, par une fraction de TVA calculée sur la base des valeurs locatives de 2020, mais en appliquant le taux de 2019, car les départements ne pouvaient pas anticiper lors du vote de la loi de programmation que le produit de cette taxe ne leur serait plus affecté. Enfin, les communes se verront affecter le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties que percevaient jusqu'alors les départements. Évidemment, même si le montant global au niveau national est à peu près le même, nous avons dû prévoir un système de coefficient correcteur pour que les communes soient toutes compensées à l'euro près, car le montant de la taxe foncière perçue par un département sur le territoire d'une commune n'est pas toujours équivalent à celui de la taxe d'habitation que celle-ci percevait.

Le modèle que nous vous proposons a plusieurs avantages.

Premièrement, il est évolutif dans la mesure où les compensations tiendront compte de l'évolution des bases et des taux.

Deuxièmement, il est porté uniquement par un dispositif fiscal en compte d'avances ; nous n'avons recours à aucun système de dotation de compensation. Nous savons que les compensations sous forme de dotation ou d'allocation ont généralement une fâcheuse tendance à s'effriter dans le temps ; à l'inverse, nous garantissons un système pérenne. Comme les compensations sous forme d'allocation existent depuis près de quarante ans, nous pouvons dresser la liste des allocations de compensation qui deviennent avec le temps de mauvaises allocations de compensation.

Troisièmement, il permet d'être dynamique en s'appuyant sur les valeurs locatives.

Nous avons voulu éviter un écueil, en tout cas la reproduction d'un système qui nous paraît peu efficace dans le temps : celui du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) qui, s'il a permis la compensation en début de période, ne tient pas compte de l'évolution de la richesse des territoires et des collectivités concernées. Nous avons également voulu un système simple avec une forme de prélèvement à la source sur les communes surcompensées pour financer la compensation aux communes sous-compensées. Je précise qu'à chaque fois qu'une commune aura une surcompensation, avec un montant de taxe foncière du département supérieur d'au plus 10 000 euros par rapport au montant de taxe d'habitation qu'elle percevait, nous n'appliquerons pas de coefficient correcteur : la commune conservera cette différence. Cela concerne 7 000 communes de moins de 1 000 habitants – dans ces petites collectivités, vous le savez, une recette fiscale supplémentaire de quelques milliers d'euros peut représenter une vraie modification substantielle pour leur budget et leur capacité à faire.

Le système est donc équilibré et durable. Nous avons prévu une clause de revoyure tous les trois ans, de manière à avoir le temps de reprendre un certain nombre de choses si nécessaire.

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Messieurs les ministres, je vous remercie.

Nous ne sommes pas dans un jeu de rôle, mais dans une confrontation démocratique de nos visions des choses. Et pour ma part, je ferai une lecture un peu différente du texte que vous nous présentez.

J'ai rêvé que vous modifiiez le titre de votre document… Au lieu de « Baisser les impôts et préparer l'avenir », vous auriez dû l'appeler « Baisser la dépense, baisser les impôts, préparer l'avenir ». Nous aurions ainsi eu un sujet d'accord avec vous. Mais ce n'est pas ce que vous faites.

J'ai fait une lecture de ce budget en trois dimensions, en trois D : sur les déficits, sur la dette et sur la dépense.

Monsieur Darmanin, vous nous expliquez que ce sera le plus faible déficit depuis dix ou vingt ans. En réalité, ce sera la plus faible baisse du déficit depuis dix ans : si l'on regarde le déficit structurel, entre 2019 et 2020, la baisse est nulle ; et si l'on prend le déficit nominal, elle n'est que de 0,1 point. En dix ans, on n'aura connu qu'une seule fois une aussi faible baisse, à hauteur de 0,1 point ; elle a toujours été plus forte. Certes, vous me répondrez que l'on partait de plus haut. Sans doute. Mais nous conserverons un déficit plus de deux fois supérieur à la moyenne de la zone euro. Ce n'est donc pas un budget qui réduit les déficits. Il stabilise le déficit français alors que la plupart des autres pays ont bel et bien su réduire le leur.

En 2020, notre déficit budgétaire, pour ce qui relève du seul État, atteindra environ 93 milliards d'euros. Vous nous dites qu'il sera moins élevé qu'en 2019 et même moins élevé que les prévisions pour 2019 ; il n'en reste pas moins à des niveaux abyssaux. Lorsque vous avez pris les rênes du Gouvernement en 2017, le déficit de l'État était de 67,7 milliards ; autrement dit, il a augmenté de 25 milliards en trois ans. Vous vous défendez en expliquant que c'est parce qu'on a concentré absolument tout sur l'État, que la sécurité sociale et les collectivités locales vont mieux. Mais c'est vous qui avez fait ce choix de compenser ce que vous faisiez supporter à la sécurité sociale et aux collectivités locales.

Quant à la dette publique, elle se stabilise, certes, mais à un très haut niveau, alors que d'autres pays la réduisent et portent leur effort sur cette réduction. Entre la dette allemande et la dette française, l'écart est de quarante points de PIB : pour revenir au niveau de l'Allemagne – et ainsi respecter les critères de Maastricht –, il nous faudrait fournir un effort de 1 000 milliards d'euros, soit plus de trois fois la dette de l'Autriche. Je pense qu'à terme ces différences pèseront de façon considérable sur la compétitivité de notre pays.

Quant à la dépense publique, vous l'avez refroidie au fur et à mesure dans une période de croissance. Car s'il y a des menaces, des risques de crise économique, il n'y a pas de crise économique. Certes, il y a une crise sociale, que je ne mésestime pas et qui appelle des réponses, mais elle est sous-jacente en France depuis toujours. La dépense publique augmente un peu moins vite qu'auparavant mais elle continue de progresser. L'écart en termes de dépenses publiques est de 20 milliards d'euros entre 2019 et 2020.

Je trouverais normal, comme une grande partie de l'opposition, que le Gouvernement affiche clairement un plan de réduction de la dépense publique. Mais vous ne le faites pas.

Par ailleurs, vous basculez assez brutalement d'une politique de l'offre, que vous assumiez bien et qui était menée à juste titre, à une politique de la demande. Vous injectez du pouvoir d'achat financé par la dette, faute de pouvoir faire appel à d'autres types de financement. Vous recyclez ainsi les économies liées à la baisse des taux d'intérêt et à l'augmentation mécanique par la croissance de la fiscalité ; ce n'est pas une bonne chose. Il faut, au contraire, même dans des situations aussi difficiles socialement, continuer à croire à la compétitivité de nos entreprises qui elles seules distribuent le pouvoir d'achat.

En 2019, l'augmentation du pouvoir d'achat de 2,3 % est due essentiellement à la hausse des salaires et de la masse salariale, et non aux mesures budgétaires.

Enfin, si nous sommes à bout de souffle pour ce qui est de la politique budgétaire, nous le sommes tout autant en ce qui concerne la politique monétaire : il arrivera bien un jour où les banques centrales cesseront d'injecter de l'argent quasiment gratuit. Nos marges de manoeuvre ne cessent de se réduire. Au fond, tout cela procède d'une vision à court terme.

Un mot sur l'impôt sur le revenu. J'ai l'impression qu'il y a un effet d'optique dans cette affaire, monsieur Darmanin. Vous dites baisser l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros ; j'étais favorable à une telle baisse, je ne peux qu'y souscrire ; à ceci près que le prélèvement à la source a un effet mécanique qui fait que les Français vont payer davantage d'impôts qu'auparavant, dans la mesure où ils sont désormais taxés sur un revenu contemporain. Certes, vous indexez le barème, mais sans compenser exactement. Par ailleurs, les revenus exceptionnels de l'année 2018 ont été taxés en 2019, en même temps que les revenus 2019. Tout cela vous rapporte sans doute près de 2,5 milliards. Autrement dit, vous reprenez au préalable quasiment la moitié de la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros. C'est beaucoup.

S'agissant des finances locales, j'ai l'impression que vous cherchez à savoir qui va boucher le trou de la baisse de la taxe d'habitation. On compense pour la commune, puis pour le département en recourant à l'État. Et qu'y a-t-il derrière l'État ? Juste de la TVA, qu'il faudra bien compenser, à un moment donné, pour l'État lui-même.

La lecture que je fais du budget est exacte, mais inquiétante. C'est un budget de dépenses alors que nous aurions vraiment eu besoin d'un budget d'investissements.

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Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de faire écho aux propos que vous avez tenus au début de notre réunion et de saluer à mon tour la mémoire de l'ancien Président de la République, Jacques Chirac. Il faut saluer avant tout un homme qui a eu le courage de reconnaître la responsabilité de la France dans l'Holocauste. Il s'agit d'histoire et de vérité, de quelque chose d'important pour toutes et tous.

Contrairement à ce que je viens d'entendre, et même si nous partagions tout à l'heure des interrogations communes sur la nécessité d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques, je trouve que le projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui est porteur de bonnes nouvelles. Le déficit public baisse, tout comme les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires pour la troisième année consécutive, ce qui est inédit. Grâce notamment aux efforts déployés dans le budget de 2019 en matière de pouvoir d'achat, et qui se poursuivent d'ailleurs avec force en 2020, la croissance française résiste bien mieux que celle de nos partenaires à la dégradation du climat économique mondial : il suffit pour s'en convaincre de considérer les chiffres présentés tout à l'heure par le Haut Conseil des finances publiques sur la situation de nos voisins européens. Le cas de l'Allemagne ne laisse pas d'inquiéter : comme l'a dit tout à l'heure M. Bruno Le Maire, elle n'a pas pris à temps le virage de l'investissement.

Le plus spectaculaire, c'est que ce projet de budget continue de mettre en oeuvre le programme présidentiel du début du quinquennat, par exemple la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime forfaitaire, ce dont je me félicite. Le cap reste fidèle aux engagements : j'en veux pour preuve la suppression de la taxe d'habitation qui nous a été présentée à l'instant, dans le cadre d'une refonte ambitieuse des finances locales. On peut toujours nous critiquer, mais une telle ambition n'est pas chose fréquente.

En outre, la réduction de l'impôt sur le revenu permet de rendre 5 milliards d'euros aux ménages, et grâce à la mise en place réussie du prélèvement à la source, – du reste, je ne comprends pas comment certains peuvent poursuivre un raisonnement aussi hostile sur le prélèvement à la source – les Français pourront constater cette baisse de leur impôt dès le début de l'année 2020 sur leur fiche de paie.

J'en viens à quelques questions.

Les soubassements macroéconomiques du projet de loi de finances pour 2020 sont considérés, suivant la sémantique du HCFP, comme « probables », « plausibles », « raisonnables », ce qui équivaut à un certain satisfecit. Cela étant, des incertitudes demeurent, liées aux événements internationaux récents ou à venir. Êtes-vous assurés de la solidité de vos hypothèses pour 2020, qu'il s'agisse du prix du Brent ou des exportations françaises ? Et pour ce qui est des potentielles répercussions d'un Brexit dur, le président du HCFP citait la Banque d'Angleterre et indiquait que son impact sur la croissance française pourrait être de 1 % plutôt que de 0,5 %… J'aimerais vous entendre sur ce sujet.

S'agissant des entreprises, l'impôt sur les sociétés va bel et bien baisser en 2020 pour toutes les entreprises : toutes les entreprises paieront moins d'impôts qu'en 2019. En agglomérant l'impact budgétaire de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés et des autres mesures touchant les entreprises, à combien évaluez-vous l'impact global pour les entreprises en 2020 et à l'horizon 2022 ?

Pour ce qui est de la fiscalité énergétique, je vous remercie, Monsieur le ministre de l'économie et des finances, d'avoir détaillé de façon extrêmement précise tout ce qui relève du verdissement de la fiscalité et de l'action publique. Quelles mesures seront prises dans ce projet de loi en direction des secteurs qui nécessitent une certaine adaptabilité ? Je pense notamment au suramortissement proposé dans un certain nombre de branches qu'il me semble intéressant de connaître.

Pour ce qui est de la dépense publique, les indicateurs montrent qu'elle est maîtrisée en 2019, et qu'elle devrait l'être également en 2020, même si le schéma d'emplois proposé pour 2020 est neutre. Quelles sont les perspectives en matière d'emplois publics pour les années ultérieures, tant pour l'État que pour les collectivités territoriales ?

S'agissant des dispositions d'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, je remarque que leur coût a été chiffré à 3 milliards d'euros en 2019 et à 3,8 milliards en 2020… J'aimerais comprendre la raison de cette augmentation.

Je me félicite évidemment de la poursuite du travail sur la suppression des taxes à faible rendement. Nous avons fait ce travail en commun dès le début de la législature. Je rappelle que le Parlement a adopté une résolution en ce sens. La loi de finances pour 2019 a supprimé vingt-six taxes, et le projet de loi pour 2020 propose d'en supprimer encore une vingtaine. C'est une simplification très opportune pour la fiscalité. Puisqu'il s'agit d'un allégement d'impôt pour les personnes concernées, pouvez-vous nous en présenter le montant pour 2019 et 2020 ? Pouvez-vous nous garantir que les affectataires de ces taxes qui seront supprimées en 2020 seront compensés par des dotations budgétaires équivalentes, ou à défaut nous indiquer ceux qui ne feront pas l'objet d'une compensation et pourquoi ?

Un article dédié aux dépenses fiscales prévoit d'en supprimer certaines et d'en borner d'autres dans le temps. Je ne peux que me réjouir de cette initiative qui fait écho à l'édition 2019 du rapport d'application de la loi fiscale (RALF) dans lequel j'ai consacré un développement à ce sujet. Il est prévu un programme pluriannuel d'évaluation des dépenses fiscales. Quelles seront les modalités d'association du Parlement à l'élaboration et l'exécution de ce programme ?

Tout à l'heure, j'ai lu avec Mme Émilie Cariou un curieux article sur le régime fiscal de la dotation SNCF à SNCF Réseau. Je souhaiterais avoir des explications sur la façon dont certaines choses seront contrôlées s'agissant du futur statut de la SNCF. Je suis encore traumatisé par une réunion à laquelle j'ai assisté hier, au cours de laquelle SNCF Réseau a indiqué que le Gouvernement pouvait lui demander ce qu'il voulait, mais que, de toute façon, c'était eux qui décidaient, y compris en matière de fermeture de lignes. Il y a pour le moins de quoi être surpris d'entendre un directeur régional de SNCF Réseau tenir de tels propos, au moment même où un préfet de région annonce une dotation supplémentaire de l'État de 10 millions d'euros pour sauver des lignes… Où en est-on ? Peut-on faire en sorte que cette entreprise se remette à écouter les pouvoirs publics – au sens large du terme s'entend, alors qu'elle semble ne plus écouter même le Gouvernement ?

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Monsieur le président, le niveau des déficits doit s'apprécier au regard des progrès de notre richesse nationale et donc de notre croissance. Je reconnais bien volontiers que la dépense publique augmentera en volume de 0,7 % en 2019 et 2020 ; mais la croissance augmentera de 1,4 % en 2019 et nous avons prévu qu'elle augmenterait de 1,3 % en 2020. Tant et si bien que notre objectif de réduction du ratio dépense publiquerichesse nationale devrait être de 2,7 points en 2022, autrement dit tout près de l'objectif de 3 points que nous avons fixé.

Faut-il aller plus loin sur la dépense publique ? Faut-il identifier, comme l'a proposé Émilie Cariou, de nouveaux secteurs de baisse de la dépense publique ? Ma réponse est oui, et je vous invite à faire cet exercice. Il est indispensable, dans les années qu'il nous reste avant la fin de ce quinquennat, que nous identifiions ensemble les nouveaux objets de baisse de la dépense publique afin d'être à même d'engager cette baisse de manière responsable et concertée, en travaillant avec les organismes publics, les établissements publics, les ministères ou les collectivités qui pourraient être concernés. C'est un exercice utile et même nécessaire. Ceux qui pensent que nous allons laisser de côté cette ambition sur la dépense publique se trompent. Au contraire, nous devons être capables de faire, à la fin du quinquennat, ce que nous avons été capables de faire au début de ce même quinquennat, c'est-à-dire des baisses structurelles de dépenses publiques de manière concertée et responsable. Par exemple, nous n'avons pas supprimé d'un coup la taxe affectée aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), nous n'avons pas récupéré brutalement un demi-milliard d'euros ; nous avons engagé une transformation structurelle, notamment en modifiant le statut des personnels et en autorisant les CCI à percevoir des prestations rémunérées de la part des entreprises. C'est en identifiant les champs, en travaillant avec les acteurs et en faisant des réformes de structure que l'on parviendra à baisser la dépense publique. Je souhaite vraiment que nous fassions ensemble ce travail.

C'est ce qui nous permettra également d'aller plus loin sur la dette. Je n'ai pas changé de position sur la dette. J'entends bien tous ceux qui nous expliquent qu'avec des taux d'intérêt négatifs on pourrait faire exploser la dette à 105 %, 110 % ou 115 % de la richesse nationale : je ne partage pas cet avis. Je pense que la dette reste un piège et un poison. Elle a augmenté de trente points au cours des dix dernières années : voilà la réalité. Nous avons trouvé une dette à plus de 90 % ; nous la stabilisons à la baisse. Peut-on faire mieux ? Oui, certainement. Je rappelle que nous avons prévu d'affecter les recettes de cessions d'actifs publics au désendettement du pays. Tous ceux qui s'opposent à la cession des actifs publics s'opposent donc au désendettement. Et certains ne cessent de répéter qu'il faut désendetter, mais lorsque je leur propose d'affecter des cessions d'actifs publics au désendettement, ils votent contre ! Je demande seulement un peu de cohérence. Mais je partage l'avis selon lequel il y a nécessité de réduire la dette.

C'est vrai, l'Allemagne fait mieux que nous en termes de finances publiques, mais elle fait moins bien en termes de croissance. Au bout du compte, c'est à l'aune de la prospérité qu'elle apporte aux citoyens que l'on juge une politique publique : je préfère avoir une croissance de 1,4 % plutôt qu'être au bord de la récession. Notre politique économique doit être jugée au vu de ses résultats : une croissance solide, un investissement qui se tient, une confiance des ménages qui, pour la première fois, se redresse, certes timidement, une compétitivité des entreprises qui se rétablit. En revanche, il me paraît indispensable d'avoir une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone euro, notamment entre l'Allemagne et la France. Le prochain conseil des ministres franco-allemand, à la mi-octobre, doit être l'occasion de nous entendre, une bonne fois pour toutes, sur nos stratégies économiques respectives. Les deux principales économies de la zone euro doivent avoir des stratégies économiques beaucoup mieux coordonnées. Je me réjouis que mes deux homologues, le vice-chancelier, Olaf Scholz, et le ministre de l'économie, Peter Altmayer, aient accepté pour la première fois il y a une semaine, lors du Conseil économique franco-allemand, de parler de stratégie d'investissements, de stratégie de croissance, tant il est vrai que nous avons besoin d'une stratégie de croissance commune, franco-allemande, pour éviter la récession dans la zone euro et garantir un niveau de croissance plus élevé qu'aujourd'hui.

S'agissant de la politique de l'offre, vous vous faites l'écho de propos tenus par le MEDEF. Je crois sincèrement que ses critiques, et notamment sa dénonciation d'un prétendu abandon de la politique de l'offre sont dénuées de tout fondement. Ou alors il faudra expliquer aux Français pourquoi nous avons accepté de baisser l'impôt sur les sociétés en 2020, y compris pour les grandes entreprises, si ce n'est pour améliorer la compétitivité et l'offre française. Nous avons fait le choix, courageux, de ne pas toucher au crédit d'impôt recherche. Je sais bien que beaucoup proposent, arguments à l'appui, de récupérer 300, 400 ou 500 millions d'euros sur les plus de 6 milliards d'euros de crédit impôt recherche, estimant qu'il faut faire le calcul d'une manière différente de celle, retenue actuellement, au niveau du groupe. Nous avons refusé d'entrer dans cette logique-là, par souci de préserver la politique de l'offre et de garantir la compétitivité des entreprises. Nous avons mis en place un dispositif de suramortissement, un fonds pour l'innovation de rupture financé, lui aussi, par les cessions d'actifs, notamment celle de la Française des Jeux, qui aura lieu d'ici à la fin de l'année et qui vise à améliorer la compétitivité et l'offre française en nous permettant de financer des technologies de rupture. C'est la politique de l'offre.

Enfin, certains oublient un peu vite ce qui a été décidé dans la loi PACTE – le MEDEF a la mémoire courte sur ces sujets-là.

Nous avons accepté de modifier le calcul des seuils. Nous avons permis qu'un chercheur puisse désormais travailler 50 % de son temps dans une entreprise contre 20 % auparavant. Nous avons modifié certaines règles de calcul fiscal, nous avons développé l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié. Depuis deux ans, ce Gouvernement a développé une politique de l'offre, et il continuera à le faire.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

S'agissant de la suppression des taxes à faible rendement, nous avons prévu de budgétiser 23 millions d'euros dans le projet de budget pour 2020 afin de garantir leur compensation intégrale – on notera qu'une partie de ces petites taxes relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale – 93 millions en 2021 et 95 millions en 2022. Le débat parlementaire permettra peut-être de décider d'autres suppressions de taxes : c'est ce que nous avions fait l'année dernière en acceptant un certain nombre de propositions du Parlement, notamment faites par vous, monsieur le rapporteur général.

La question de la programmation des finances publiques s'est évidemment posée au Gouvernement. Nous présenterons un projet de loi de programmation des finances publiques au printemps, sans doute au mois de mars ou d'avril 2020 : il apparaît assez conforme à l'idée de la sincérité budgétaire d'attendre le printemps pour revoir la trajectoire des finances publiques, pour deux raisons essentielles. Premièrement, il nous faut connaître précisément l'influence du Brexit sur notre économie ; les chiffres évoqués par le HCFP, à supposer qu'ils soient avérés, ce que nous ne pensons pas, remettraient en cause une trajectoire si jamais nous avions à présenter notre programmation des finances publiques aujourd'hui. La deuxième raison concerne le débat à venir sur les retraites dont nous connaissons le montant important dans le fonctionnement de notre dépense publique : 340 milliards d'euros, 14 % du PIB, 28 % de la dépense publique. Si nous avions présenté maintenant un projet de loi de programmation des finances publiques, nous aurions sans doute eu un débat intéressant, mais il aurait dû être modifié dès le mois de novembre ou de décembre en raison du Brexit, puis de la réforme des retraites qui sera discutée l'année prochaine. En tout état de cause, il y aura bien une loi de programmation des finances publiques ; je crois savoir que le Premier ministre vous a écrit à ce propos, monsieur le rapporteur général, ainsi qu'à M. le président de la commission des finances.

S'agissant de votre question sur les heures supplémentaires, la différence relève du passage au prélèvement à la source. Les 3 milliards en 2019 se décomposent en 2 milliards d'exonérations sociales et 1 milliard d'exonérations fiscales. Les 3,8 milliards de 2020 se décomposent en 2 milliards d'exonérations sociales et 1,8 milliard d'exonérations fiscales. La différence d'exonération fiscale vient du prélèvement à la source qui permet d'anticiper le gain pour nos concitoyens. D'ailleurs, M. le président Woerth et une partie de ceux qui siègent à la droite de cette commission gagneraient à se féliciter de la réussite du prélèvement à la source et à avouer qu'ils ont eu tort de le décrire à maintes reprises comme une catastrophe absolue pour les Français. Les enquêtes des instituts de sondage comme les réactions des contribuables montrent combien ces derniers jugent le prélèvement à la source facile, efficace, cohérent et de nature à faire entrer notre pays dans la modernité, à l'instar de pratiquement tous les pays occidentaux : nous étions le seul, avec la Suisse – laquelle pratique une fiscalité différente – à ne pas l'avoir institué. Ce dispositif rend, à leurs dires, un grand service à nos concitoyens, puisque l'impôt s'adapte à leur vie. C'est une grande réussite de l'administration fiscale, et cela a conduit à une transformation du pays en tout point satisfaisante.

Si votre groupe politique a eu tort, me semble-t-il, M. le président, de s'opposer d'emblée à cette réforme avec tant de véhémence, vous auriez tort de chercher à vous rattraper ainsi… J'ai du mal à suivre votre raisonnement : si les revenus augmentent, c'est parce que la politique économique du Gouvernement fonctionne ; si les gens bénéficient d'une augmentation de revenus, il est logique que l'impôt sur le revenu s'accroisse. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que l'impôt sur le revenu, depuis sa création, est par principe proportionné au niveau des revenus, avec des barèmes, des tranches : plus vous gagnez d'argent, plus vous payez d'impôt. L'impôt étant devenu contemporain, l'effet d'une hausse des revenus est immédiat, et non plus décalé d'un an ; mais cela vaut aussi en cas de baisse de revenus : lorsque nos compatriotes perdent leur emploi, des demi-parts fiscales ou des revenus, par exemple lorsqu'ils prennent leur retraite – ils sont 400 000 à 500 000 dans ce cas chaque année –, nous leur évitons ainsi bien des ennuis fiscaux. Par ailleurs, le prélèvement à la source va permettre d'améliorer le recouvrement, en procurant à l'État 2 milliards de recettes supplémentaires : 1 milliard, à titre exceptionnel, correspondant à l'effacement de l'année « blanche » 2018, et 1 milliard consécutivement à l'amélioration du recouvrement, hors produit des contrôles fiscaux. Sans doute constatera-t-on l'année prochaine, dans la loi de règlement, que ce dernier chiffre excédera 1 milliard, grâce aux effets de ces contrôles. S'il y a bien une appréciation positive à faire des PLF 2018 et 2019, c'est la réussite du prélèvement à la source, qu'on doit notamment à l'administration fiscale, mais aussi aux parlementaires, qui ont bien voulu l'accompagner et l'améliorer – je pense notamment, mais pas seulement, à Mme Cendra Motin.

S'agissant du Brexit, M. le rapporteur général, il est difficile de prévoir l'avenir, de connaître exactement la nature des liens – juridiques, frontaliers – qui nous lieront à nos amis britanniques. Ce qui est certain, c'est que nous sommes prêts à accompagner les entreprises françaises. Je vous rappelle qu'elles ne sont que 100 000 – même si ce chiffre n'est pas négligeable – à importer ou exporter des produits avec la Grande-Bretagne. Demain, à défaut d'accord, nous aurons avec ce pays les mêmes rapports que ceux que nous entretenons avec l'Afrique du Sud, État avec lequel nous avons des échanges, mais pas de liens juridiques et douaniers particuliers. Nous aurons toujours un tunnel, des ports, singulièrement celui de Calais ; le problème essentiel créé par le Brexit – et la clé d'une transition réussie – consistera, pour les 100 000 entreprises françaises, à s'habituer à cette relation internationale. Cela étant, je rappelle que 80 % des containers et des camions qui arrivent en France par le tunnel ou par le port de Calais – qui est le port essentiel – ne sont pas français et transportent des marchandises produites par des PME non françaises. J'ai donc du mal à concevoir que le Brexit puisse avoir une incidence aussi forte que d'aucuns le disent sur l'économie française. Nous aurions évidemment tous préféré garder un lien juridique et douanier avec la Grande-Bretagne, ce qui aurait sans doute eu des effets plus favorables sur l'économie – à plus forte raison si un Brexit dur devait survenir. Toutefois, nous ne sommes pas à l'abri de surprises : chacun aura compris que les affaires politiques se passent parfois de façon originale chez nos amis britanniques… Nous observerons l'évolution de la situation avec attention.

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Sans vouloir lancer le débat, je ne relaie les propos de personne, cher Bruno Le Maire, sur la politique de l'offre et de la demande : je vous ai simplement fait part de ma conviction. Cela étant, si le Gouvernement peut soumettre à la Commission et au Parlement un plan de réduction de la dépense ou une revue générale de la dépense publique, tant mieux. Nous le souhaiterions, nous pourrions y travailler, en confrontant nos opinions et nos options. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Je ne vois pas comment on éviterait un débat, à nouveau, sur la retraite ou les effectifs : on ne peut que s'étonner de constater une baisse de quarante-sept effectifs de l'État – on aura bientôt les noms des personnes concernées en annexe !

Enfin, nous n'avons pas remis en cause les aspects techniques du prélèvement à la source : voilà dix ans que l'administration le prépare. Ce n'est pas le sujet. En revanche, je voudrais que vous chiffriez l'effet d'assiette, car un revenu contemporain est plus élevé, par principe, et fait augmenter l'impôt payé par le contribuable par rapport à ce qu'il aurait acquitté dans l'ancien système – cela se vérifie également pour les revenus exceptionnels. C'est une réalité purement mécanique.

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Messieurs les ministres, je vous remercie, au nom du groupe La République en marche, pour la présentation de ce projet de loi de finances. Notre majorité tient sa ligne originelle constituée par le programme présidentiel de 2017 : recréer de l'activité économique, développer l'emploi et, ainsi, consolider nos solidarités. Cette année, nous continuons à investir substantiellement au profit des ménages des classes moyennes, en redonnant plus de progressivité à la fiscalité directe via l'impôt sur le revenu. Nous l'allégeons de 5 milliards d'euros, après un grand débat national où la majorité aura apporté tout son soutien à cette mesure.

Monsieur le président, je ne comprends absolument pas votre réflexion sur l'impôt sur le revenu. À la fin, il y a quand même une régularisation : on déclare bien un revenu. On ne peut pas laisser croire que quelqu'un paye plus d'impôt sur le revenu qu'il ne le doit. Je ne partage donc pas votre analyse.

Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, vous avez précisé les critères de domiciliation fiscale des dirigeants des grandes entreprises pour tenir compte des annonces du Président de la République. Nous saluons cette mesure, qui se traduit par la modification de l'article 4 B du code général des impôts.

Nous n'oublions évidemment pas les entreprises. Depuis le début du quinquennat, nous soutenons une politique destinée à renforcer l'économie, en agissant tout autant sur des facteurs structurels, tels la législation du travail, la formation professionnelle ou la réglementation économique – comme l'illustre la loi PACTE – que sur les allégements de prélèvements, à l'image des baisses de charges pesant sur les salaires ou de la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés. Comment faire en sorte que les entreprises mobilisent les allégements de charges et les avantages qui leur sont consentis au travers de ces diverses mesures – loi PACTE, outils fiscaux, prime annuelle – pour prendre part à l'effort en faveur des salaires, en augmentant, dans leurs différentes composantes, les rémunérations qu'elles versent, afin, notamment, que le salaire net des actifs progresse lui aussi ? Comment avoir enfin un engagement clair des entreprises en ce sens ?

Enfin, je tiens à saluer les transpositions de directives opérées par le PLF. Il s'agit de textes assez techniques mais très importants, comme la directive TVA, qui va assainir le règlement de la TVA par les plateformes, ou la directive ATAD (Anti Tax Avoidance Directive), qui porte notamment sur les structures hybrides. Ces dispositions n'étant pas chiffrées, pourriez-vous nous donner une estimation des effets attendus de ces mesures ? Ceux-ci seront-ils lissés ? La directive sur les structures hybrides produira-t-elle ses effets dès la première année ?

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Messieurs les ministres, si j'avais à qualifier le budget que vous venez de nous présenter, je dirais que c'est un budget de renoncement, pour plusieurs raisons. D'abord, vous faites le choix de la dette et du déficit pour financer la dépense publique. Vous avez parlé d'engagements, mais où sont passés ceux du début de 2018, lorsque vous annonciez un déficit de 0,9 % du PIB en 2020 ?

Aujourd'hui, ce ne sont plus 0,9 % mais bien 2,2 % que vous nous annoncez pour 2020. Vous avez affirmé, monsieur Le Maire, que la dette était un danger, un piège, un poison. Reste que, du début de l'année 2017 au 30 juin 2019 – date des derniers chiffres connus –, celle-ci aura augmenté de quasiment 200 milliards d'euros, soit de 9 %.

Ensuite, vous nous proposez une baisse de l'impôt sur le revenu qui s'apparente, pour l'essentiel, à un jeu de dupes. Si la baisse de l'impôt sur le revenu que nous avons longtemps réclamée, au sein du groupe Les Républicains, a enfin été prise en compte – ce qui, je le reconnais objectivement, est une bonne chose – le total de 9 milliards de réductions d'impôt que vous nous annoncez est illusoire. En effet, vous vous félicitez d'une baisse de la CSG pour les retraités modestes, alors qu'elle ne représente en fait qu'une petite compensation de la hausse massive que vous aviez décidée en 2018. De la même manière, la réindexation des petites retraites n'a rien d'un cadeau : elle ne permet même pas de compenser entièrement la désindexation brutale que vous avez appliquée au 1er janvier 2019. Par ailleurs, avec le prélèvement à la source, en 2020, les Français vont payer un impôt sur le revenu supérieur à ce qu'ils auraient acquitté s'il n'y avait pas eu de prélèvement à la source, par le simple fait, vous ne pouvez le nier, que les revenus de 2020 seront supérieurs à ceux de 2019. Sans parler des classes moyennes, qui ne profiteront pas des mesures de baisse des impôts citées précédemment : la suppression de la taxe d'habitation a été repoussée, pour ces catégories, à 2023. Plus inquiétant encore, elles ne seront plus éligibles au crédit d'impôt pour la transition énergétique.

Enfin, certains vont peut-être payer le prix fort de vos mesures – les chambres d'agriculture, par exemple. En tout cas, je suis très inquiète en découvrant des orientations et des décisions qui vous conduisent à quasiment abandonner les territoires ruraux : il n'est qu'à voir l'évolution des crédits budgétaires de la mission Agriculture, qui seront passés de 4,2 milliards en 2017 à 2,9 milliards en 2022 – alors que nos agriculteurs ont besoin des politiques publiques –, ou de ceux de l'importante mission Cohésion des territoires : 19,4 milliards en 2017, 17 milliards en 2022. Comment, messieurs les ministres, pouvez-vous prétendre soutenir les territoires ruraux, compte tenu de l'évolution budgétaire de ces missions ?

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À mes yeux, ce projet de loi de finances va dans le bon sens. Il confirme les mesures adoptées en début de quinquennat, qui, globalement, fonctionnent, ainsi que celles décidées en fin d'année 2018 pour plus de solidarité – la prime d'activité notamment et les primes en général, ainsi que les heures supplémentaires. Le projet de loi engage également une baisse de l'impôt sur le revenu, ce qui devrait vous réjouir, monsieur le président, puisque vous aviez proposé cette mesure, me semble-t-il, dans le cadre d'une proposition de loi. On vous avait répondu l'époque qu'on espérait l'intégrer dans cette loi de finances : c'est chose faite. Cela va, là encore, dans le bon sens. Le texte confirme également la baisse de l'impôt sur les sociétés, qu'il faut également saluer. Nous sommes enfin rassurés quant à la compensation de la suppression de la taxe d'habitation pour les collectivités territoriales. Alors que beaucoup a été dit à ce sujet – dont un certain nombre de chimères –, l'exonération de 80 % a été intégralement compensée, et même au-delà, du fait de l'augmentation des valeurs locatives. Ce projet de loi de finances confirme donc, à mes yeux, un certain nombre de mesures et renforce la solidarité entre les Français.

Cela étant, je relève quand même un petit oubli. Sans vouloir me focaliser sur les valeurs locatives, j'observe qu'un pan de l'économie – qui avait été dans une certaine mesure stigmatisé – est un peu laissé de côté : je veux parler de l'immobilier, frappé par l'impôt sur la fortune immobilière. Il faudrait réfléchir à une réforme globale de la fiscalité immobilière, sans se limiter aux problèmes de plus-values et de revenus fonciers. Car c'est une fiscalité qui lie les personnes aux territoires, qui renvoie au développement durable, à la solidarité entre les générations.

Émilie Cariou évoquait une disposition intéressante de votre texte, relative à la résidence fiscale des dirigeants de grandes entreprises. Dominique David, Éric Coquerel et moi-même avons rédigé un rapport sur l'impôt universel, dont il ressort que ce mécanisme est difficile à mettre en place dans notre système fiscal. Cela étant, nous envisageons de déposer des amendements sur la notion de résidence fiscale. Pourrait-on travailler sur ce concept, sur une forme de solidarité par l'impôt, telle qu'on peut la connaître dans d'autres pays ?

Enfin, nous remettrons sur le tapis – je l'assume – l'exit tax, qui ne me semble pas une bonne mesure, en ce qu'elle porte atteinte, en particulier, à la solidarité fiscale.

En tout état de cause, on peut se féliciter des réformes engagées. Le prélèvement à la source est une réussite. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous présenter les effets de cette réforme, notamment quant à l'immédiateté des gains de pouvoir d'achat ?

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Merci, messieurs les ministres, de cette présentation. À l'instar de mes collègues, je me félicite de la poursuite de la sincérisation du budget et des efforts de baisse des impôts pour les particuliers comme les entreprises.

Le président du Haut Conseil des finances publiques nous disait que le budget de l'État comportait encore quelques sous-budgétisations, notamment pour les opérations extérieures (OPEX) et les opérations intérieures (OPINT). Pouvez-vous nous donner le delta manquant ? Monsieur Didier Migaud a également appelé notre attention sur le niveau du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Il estime que ce prélèvement pourrait connaître une augmentation assez significative en 2020. J'aimerais avoir aussi votre avis sur ce sujet.

Comment avez-vous pris en compte, dans ce budget, la compensation pour les collectivités de la scolarisation des enfants dès trois ans ? Le décret d'application n'étant pas encore publié, les communes commencent à préparer leur budget 2020 sans savoir à quoi elles devront s'en tenir à partir de septembre, notamment s'agissant de la compensation pour la scolarisation des enfants dès trois ans dans les écoles privées.

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Monsieur le ministre, nous prenons acte du choix gouvernemental de laisser filer l'endettement, avec la recherche d'une relance par la consommation des ménages. Cela se plaide, même si cela soulève le problème de la trajectoire, bien sûr, puisqu'un solde de 2,2 %, ce n'est pas la même chose qu'un solde de 1,6 % ; nous avons conscience de la fragilité des choses, de l'incertitude conjoncturelle quant au niveau de la croissance future – 1,3 %, ce n'est déjà pas terrible –, de l'évolution à attendre des taux d'intérêt, de la croissance mondiale, du coût des énergies fossiles, des effets du Brexit. Face à cette situation, sur un plan général, sans nous ériger en donneurs de leçons, nous pensons qu'il faut aller toujours plus vers l'investissement productif et donner la priorité à l'effet de levier – je pense notamment aux infrastructures et aux énergies renouvelables, qui ont les retours sur investissements les plus directs.

Je me permettrai trois remarques plus ponctuelles.

Premièrement, vous ne touchez pas à la taxe carbone, alors qu'il y a là une mesure efficace de diminution des gaz à effet de serre.

Deuxièmement, la transformation du CITE en prime et son recentrage vers les ménages les plus modestes va dans le bon sens, bien sûr, même s'il conviendrait d'investir toujours plus en faveur de la transition énergétique.

Troisièmement, se pose le problème de l'équilibre de la fiscalité locale, avec la suppression de la taxe d'habitation. Cet impôt local avait sa logique : il était normal que les personnes qui bénéficient de services en couvrent les coûts. On se heurte aujourd'hui à des difficultés, puisque la part de TVA qui fait l'objet d'une dévolution n'est dynamique que dans la mesure où elle est soutenue par la croissance économique. En toute hypothèse, nous voyons mal l'opportunité d'une telle réforme.

Niveau d'endettement proche de 100 %, niveau de prélèvements obligatoires élevé, difficultés extrêmes à baisser les dépenses : tout cela ressemble à une quadrature du cercle qui nécessitera pédagogie, courage politique et clairvoyance dans les choix fondamentaux.

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Messieurs les ministres, je pense, moi aussi, que vous faites dans l'inédit. Jamais, me semble-t-il, gouvernement de la Ve République n'aura autant accru les inégalités, affaibli la solidarité, fait faire une mauvaise affaire économique au pays.

D'abord, vous accroissez les inégalités. En effet, vous vous réjouissez de la baisse des impôts, mais j'observe qu'elle favorise surtout, toujours, les plus riches. Fin 2020, la disparition de l'ISF aura coûté 10 milliards, l'application de la flat tax 5 milliards, la baisse de l'impôt sur les sociétés 15,5 milliards. Au total, ce sont 30 milliards qui vont renforcer la dette : moins de recettes, c'est aussi plus de dette. En revanche, on observe que les niches fiscales ne seront quasiment pas touchées : elles diminueront de seulement 600 millions sur les 100 milliards qu'elles coûtent au pays – et je ne parle pas du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont le coût s'élève à 40 milliards. Vous allez aggraver ce problème en baissant le seul impôt redistributif – l'impôt sur le revenu –, sans toucher à la TVA ni aux impôts les plus injustes. Plus de la moitié des Français – 57 % – ne bénéficieront pas de la baisse d'impôts. Par ailleurs, vous supprimez la taxe d'habitation pour les 20 % les plus riches : vous leur faites ainsi un nouveau cadeau, tout en faisant souffrir les communes.

Pourquoi cela affaiblit-il la solidarité ? Vous vous vantez de baisser les dépenses publiques à hauteur de 40 milliards. En réalité, vous augmentez les dépenses régaliennes qui encadrent la société – vous parlez même, dans votre dossier de presse, de « réarmement régalien » de la société –, mais au détriment de tous les autres ministères et de toutes les dépenses qui financent la solidarité, la justice, l'égalité. Je ne prendrai qu'un exemple, totalement aberrant : le ministère de la transition écologique et solidaire va encore souffrir, puisque 1 073 équivalents temps plein y seront supprimés. Vous nous dites que ça n'a pas de rapport avec la politique écologique mais je vais vous citer un chiffre, en lien avec l'incendie de Lubrizol : savez-vous, chers collègues, que, depuis quinze ans, on dénombre moitié moins d'inspections de sites dans notre pays, du fait des baisses d'effectifs ? Or on va continuer à baisser, à hauteur de 0,5 %, les effectifs de la direction générale de la prévention des risques, qui est en charge des inspections, sans même parler des opérateurs publics. Cet exemple montre que votre politique n'a rien d'écologique. Vous diminuez encore l'aide personnalisée au logement (APL). Les plus défavorisés des Français constatent non seulement que la fiscalité est toujours plus injuste et que les solidarités sont toujours plus affaiblies mais ils perçoivent aussi, souvent, des prestations sociales moins élevées.

Il s'agit, enfin, d'une mauvaise affaire économique – ma collègue Sabine Rubin développera cette analyse. Mais vous ne pouvez pas soutenir, monsieur Bruno Le Maire, que c'est à cause de ses restrictions budgétaires que l'Allemagne n'a pas de croissance, sans en tirer les conséquences sur ce que nous faisons nous-mêmes. Vous avez beau jeu d'expliquer que notre cas serait très différent de celui de l'Allemagne : en réalité ces politiques macroéconomiques, qui sont toujours les mêmes, auront exactement les mêmes effets pour la France. Lorsqu'on a la chance d'avoir des taux d'intérêt négatifs, c'est l'occasion – à plus forte raison lorsque s'exprime l'exigence climatique – de se tourner vers des investissements en faveur de la transition énergétique. Emprunter dans ce contexte peut, paradoxalement, faire diminuer la dette.

Monsieur le président Éric Woerth, vous disiez tout à l'heure qu'il n'y a pas encore de crise économique, qu'il y a peut-être des signaux, des inquiétudes, mais qu'elle n'est pas là. Une crise économique – je pense que nous serons d'accord sur ce point – n'est pas un phénomène naturel : elle a une origine. Par conséquent, il serait peut-être temps de modifier la politique économique qui leur donne naissance. Je vous rappelle que la dernière crise s'est traduite par une explosion de la dette de l'État de quasiment 400 milliards, puisqu'il a fallu renflouer les banques sous Nicolas Sarkozy. Et c'est nous tous qui avons payé.

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Messieurs les ministres, ce budget est, pour nous, celui des faux-semblants et « l'acte II » annoncé – pour faire moderne – s'apparente plutôt à un slogan publicitaire qu'à un véritable changement de cap. Si nous devions employer, à notre tour, un slogan, nous dirions : « budget des riches, acte III » – j'aurais pu dire « président des riches, acte III ».

D'abord, vous présentez la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards comme une mesure de pouvoir d'achat qui profitera au plus grand nombre. Cela a été dit tout à l'heure, mais je tiens à le rappeler : 50 % des Français ne paient pas l'impôt sur le revenu. En clair, les classes populaires, les précaires, les pensionnés percevant de petites retraites, les jeunes, les travailleurs pauvres, pour ne citer qu'eux, ne seront pas concernés par cette mesure. Certes, une partie des classes moyennes en bénéficiera mais, quand on regarde les choses dans le détail, sur la base des données de LexImpact, on s'aperçoit que les effets de cette mesure vont bien au-delà. Par exemple, un célibataire percevant 6 500 euros nets par mois paiera moins d'impôts. Est-il juste de procéder à une telle baisse en l'absence de nouvelles mesures de financement ? Pourquoi, par exemple, ne pas augmenter le taux marginal de l'impôt sur le revenu à 46, 47 ou 48 %, ou ne pas instaurer de nouvelles tranches pour obtenir un véritable impôt progressif, plus juste ?

Comme je le disais, les mesures de financement sont absentes : je pense aux niches fiscales des entreprises, sur lesquelles vous jouez bien entendu « petit bras », quand bien même le Président de la République s'était engagé à les réduire à l'issue du grand débat. Seuls quelque 600 millions d'euros seront rabotés en 2020 sur 100 milliards de niches fiscales, soit 0,6 %. Les marges de manoeuvre existent, mais exigent sans doute du courage politique, par exemple s'agissant du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ou du crédit impôt recherche. Qu'on se le dise, votre boussole politique reste la même et est largement partagée ici, certains trouvant même que ça ne va pas assez loin et pas assez vite : baisse des impôts, baisse des dépenses publiques, avec un État rabougri et des politiques publiques sans moyens et donc sans ambition face aux immenses défis qui nous font face : social, climatique, agricole, territorial.

Je veux aussi souligner, cela a été dit tout à l'heure, la baisse des moyens consacrés à l'agriculture et à la cohésion des territoires, qui montre sans doute un désintérêt ou pour le moins une méconnaissance des territoires ruraux que l'on dit oubliés. Le crédit d'impôt transition énergétique l'illustre bien : pour le transformer en prime et en faire bénéficier les ménages modestes, il vous aura fallu deux ans, quand il a suffi de trois mois pour faire sauter l'ISF. Pire, le CITE est passé de 1,6 milliard à 800 millions, montant largement insuffisant pour engager la rénovation énergétique dans notre pays. Et, cerise sur le gâteau – cela a été dit aussi –, cela s'accompagne de la suppression de 1 000 emplois au ministère de la transition écologique et solidaire !

Vous entendez maintenir la baisse de l'impôt sur les sociétés. Son taux est trop élevé, pas assez compétitif, nous dites-vous. Or, vous le savez, l'assiette de cet impôt est largement percée par les niches fiscales. En conséquence, son rendement est l'un des plus faibles de l'OCDE. Contrairement à vos engagements, vous baissez le taux sans toucher à l'assiette, c'est donc le jackpot pour les grands groupes. In fine, la baisse de l'IS en 2020 représentera trois fois le montant du CITE.

La réforme des finances locales, quant à elle, s'annonce comme un big bang qui va distendre toujours plus le lien entre les citoyens et leurs élus et fragilisera l'autonomie des collectivités.

Au lieu de combattre ce qui mine nos sociétés, à savoir la compétition du tous contre tous, l'individualisme, la financiarisation et le repli sur soi, ce budget appuie sur l'accélérateur de nos maux. En conclusion, vous servez plus un système qu'un projet, et c'est regrettable.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Je voudrais d'abord répondre aux questions du rapporteur général, dans le prolongement de la présentation du ministre de l'action et des comptes publics. Notre évaluation de l'effet du Brexit est de l'ordre de 0,2 point de PIB. Elle est donc moins catastrophique que certains calculs du FMI ou l'OCDE, qui l'estiment à 0,5 point de PIB. En tout état de cause, si le Royaume-Uni n'est pas le principal client des États européens, ceux-ci font partie de ses principaux clients… C'est donc bien le Royaume-Uni qui sera la première victime du Brexit.

S'agissant du pétrole, sujet majeur, le prix du baril a augmenté de 15 % le lundi 16 septembre, atteignant 69 dollars en clôture, avant de redescendre très rapidement à 62 dollars, ce qui demeure à peu près son prix actuel. Pour construire nos scénarios, nous gelons traditionnellement le cours du pétrole sur une période suffisamment longue, comme le font, par exemple, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en raison de la volatilité des prix. Néanmoins, il est évident que les troubles actuels en Arabie Saoudite et dans l'ensemble de la région du Golfe persique sont une véritable menace sur le prix du pétrole et des hydrocarbures, qui doit nous inciter à devenir plus rapidement indépendant des énergies fossiles.

S'agissant du suramortissement relatif au gazole non routier (GNR), je vous confirme que nous prévoyons ce dispositif pour tout type de véhicule électrique, notamment dans les zones de montagne, auxquelles je vous sais très attaché – conformément aux engagements que nous avons pris dans le cadre de la suppression de cette niche fiscale.

Monsieur le président, je vous redis que je suis prêt à ce que nous regardions ensemble quelles dépenses publiques nous sommes à même de réduire de manière structurelle, comme nous l'avons fait dans le passé, avec les compensations nécessaires, y compris juridiques. J'espère simplement que l'opposition, si elle participe à ce travail, aura le courage de voter les baisses de dépenses : nous nous sentons parfois bien seuls quand il faut passer du discours aux actes… Je tiens à la disposition de chacun les votes exprimés sur les mesures de réduction des dépenses publiques que nous avons prises depuis deux ans. Cela n'a rien d'un travail ponctuel, monsieur le président : les mesures concernant les chambres de commerce et d'industrie, les contrats aidés ou le logement social, pour ne citer que celles-ci, s'inscrivent dans le cadre de politiques structurelles de réduction des dépenses publiques. Encore une fois, cela paraît très facile lorsqu'on en parle en commission des finances ; c'est autrement plus difficile quand il s'agit de les présenter devant les professionnels ou les Français concernés.

Madame Cariou, je vous confirme que la prime exceptionnelle sera reconduite en 2020. Elle a très bien fonctionné : 2,2 milliards d'euros ont été versés, un salarié sur quatre en a bénéficié, à hauteur de 450 euros en moyenne. Mais je voudrais profiter de cette audition devant la commission des finances pour rappeler que cette prime ne pourra être reconduite par les entreprises qui souhaiteraient le faire que dans le cadre d'un accord d'intéressement. Le forfait social à 20 % sur l'intéressement n'existe plus et la rédaction des accords d'intéressement a été simplifiée. Il n'y a donc plus aucune raison de ne pas signer un accord de ce type ; j'espère que les entreprises, notamment les PME, suivront le mouvement et en signeront.

Madame Louwagie, je ne partage évidemment pas votre avis sur le budget et la manière dont vous l'avez qualifié. Je tiens à redire que nous tenons la dépense publique et que la dette est stabilisée à la baisse alors qu'elle avait fortement augmenté au cours des dernières années. Vous nous reprochez de ne pas dépenser suffisamment pour les territoires ruraux – vous connaissez mon attachement à leur égard ; nous sommes d'ailleurs élus dans des départements qui sont proches –, mais vous voyez bien la contradiction qu'il y a à tenir de tels propos tout en réclamant une baisse de la dépense publique.

Monsieur Mattei, vous avez fait un certain nombre de propositions concernant la résidence fiscale. Je suis prêt à ce que nous regardions vos travaux sur la question, bien entendu. Je rappelle néanmoins un principe fondamental : la résidence fiscale, comme son nom l'indique, dépend du lieu de résidence et non pas de la nationalité. Nous devons veiller à conserver ce principe. Quant à l'exit tax, nous l'avons déjà modifiée ; je ne crois pas qu'il soit bon pour l'attractivité du pays d'y revenir encore.

Monsieur Castellani, nous avons pris l'engagement de ne pas rétablir l'augmentation de la taxe carbone en 2020 ; nous ne le ferons donc pas. Il sera très intéressant de voir ce que nous diront les citoyens tirés au sort pour participer à la convention citoyenne sur le climat. Quoi qu'il en soit, j'ai une certitude : s'il y a une taxe carbone qu'il faut mettre en place le plus vite possible, c'est la taxe carbone aux frontières. Il me semble d'ailleurs que cela dépasse les clivages partisans. Quand on voit la manière dont la baisse des émissions de CO2 en France est – hélas ! – compensée par l'importation de produits étrangers, qui sont source de carbone émis, on se dit que la seule façon de lutter contre le phénomène et d'avoir un bilan carbone satisfaisant est de mettre en place une taxe carbone aux frontières ; j'espère que nous trouverons rapidement un accord sur cette question au niveau européen.

Monsieur Coquerel, je ne vous répondrai pas très longuement car je suis évidemment en désaccord complet avec votre appréciation – tout comme le sont les faits, d'ailleurs. En effet, s'il y a bien un pays, parmi tous les pays développés, qui réussit, grâce à son système de redistribution, à réduire les inégalités, c'est la France.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Il vaudrait donc mieux être fier d'un pays capable de réduire les inégalités comme nous le faisons, par un système largement redistributif. Pour moi, le vrai problème de la France réside non pas dans la redistribution des richesses, mais dans le fait que nous ne créons plus assez de richesses. Quand on observe l'évolution au cours des dix dernières années, la chose est frappante : par rapport à d'autres pays, notamment l'Allemagne, nous créons en proportion moins de richesses pour nos concitoyens, et donc nous appauvrissons relativement le pays. Notre politique consiste justement à contribuer à recréer plus de richesses pour tous les citoyens, de façon à ce que chacun se porte mieux. Quant à la comparaison entre l'Allemagne et la France, je vous répondrai que l'Allemagne a fait des réformes structurelles, notamment avec le chancelier Schröder. Elle était l'homme malade de l'Europe ; elle est devenue la première économie de la zone euro, et même la première économie européenne. Nous étions devenus à notre tour l'homme malade de l'Europe ; nous sommes en train de réussir économiquement, et je pense que la France peut devenir la première économie de l'Europe, à échéance de quelques années, si nous poursuivons dans cette voie.

Monsieur Dufrègne, je veux simplement vous dire que notre seule boussole politique, c'est la justice ; mais la justice, c'est aussi de créer des richesses pour tous, et c'est bien là l'objectif de notre politique. Nous avons maintenu un certain nombre de politiques sociales et même augmenté des prestations – la prime d'activité, l'allocation aux adultes handicapés, le minimum vieillesse – mais, en même temps, nous voulons que le travail paie davantage. À cet égard, la baisse de l'impôt sur le revenu va profiter très largement aux classes moyennes, à des personnes dont les revenus ne sont absolument pas extravagants. Il nous semble que c'est une affaire de justice que de permettre à toutes les classes moyennes de vivre au mieux de leur travail.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

En ce qui concerne le ministère de l'agriculture et la cohésion des territoires, c'est étonnant : madame Louwagie arrive, dans la même phrase, à nous reprocher de ne pas baisser la dépense et à dénoncer des baisses de dépenses à ses yeux scandaleuses… Il n'est pas très simple de vous suivre, madame Louwagie ! En regardant plus précisément les budgets, vous vous apercevrez que vous vous êtes trompée par deux fois.

En matière d'agriculture, d'abord – puisque vous avez évoqué le monde rural –, s'il y a effectivement une baisse de un milliard, elle ne porte pas sur les moyens du ministère de l'agriculture : elle s'explique tout simplement par le fait que nous avons mieux géré les dossiers de la PAC. L'apurement des dossiers de la PAC représentait en effet presque un milliard d'euros, du fait d'une mauvaise distribution par le gouvernement précédent. Nous avons, à cet égard, réalisé un très important travail de sincérisation du budget. On ne peut donc pas dire qu'il y aura un milliard en moins pour les agriculteurs : il y aura un milliard en moins à rembourser à l'Union européenne, qui nous reprochait d'avoir mal distribué les subventions de la PAC. Il n'y a donc pas de problème particulier pour le ministère de l'agriculture et pour le monde rural. En revanche, la question qui se posera pour le ministère de l'agriculture dans le budget – mais il ne s'agit pas là d'économies budgétaires – concernera la restructuration du réseau ; j'imagine qu'il y aura un débat parlementaire important sur ce point. En effet, facialement, il y a une diminution de 45 millions d'euros dans le budget, mais la somme est compensée par la baisse de certains prélèvements obligatoires. Je vous serais donc reconnaissant de ne pas colporter l'idée selon laquelle le budget de l'agriculture subirait une coupe claire de un milliard – même si, par ailleurs, on a pu comprendre que vous souhaitiez une telle baisse de la dépense publique.

En matière de cohésion des territoires, ensuite, les crédits que vous évoquez se rapportent au ministère du logement. Il s'agit de poursuivre les transformations très importantes engagées lors de notre première année de mandat, notamment avec la réduction de loyer de solidarité (RLS) – réforme que vous n'avez d'ailleurs pas soutenue –, qui modifient profondément la manière dont on appréhende le logement, singulièrement le logement social.

À ce propos, je voudrais dire à monsieur Coquerel qu'il a proféré une contre-vérité absolue : il n'y a pas de baisse des APL. Leur contemporanéisation vise à s'adapter à la vie des gens : quand vous rencontrez des difficultés sociales, votre montant d'aides augmente ; si votre niveau de vie s'améliore, vous ne touchez plus les APL. C'est d'autant plus important que lorsqu'une famille modeste a besoin de financer la location d'un logement étudiant, par exemple, elle doit attendre plusieurs mois, parfois même une année, avant de toucher les APL, alors qu'elle n'en a pas forcément les moyens, tandis que des étudiants qui sortent de leur école et commencent à travailler, parfois même en touchant des rémunérations très élevées, continuent à bénéficier des APL pendant quelques mois, voire pendant un an. Ce n'est pas là ce qui s'appelle de la justice sociale, monsieur Coquerel.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Ne dites donc pas qu'il y a une baisse des APL. Au contraire, c'est une belle réforme que le Gouvernement a menée et va mener.

En ce qui concerne la sincérisation des crédits des OPEX, il y a encore un peu de marge de progression, bien sûr, mais c'est justement ce que planifie la loi de programmation militaire. En outre, je vous rappelle que 1,1 milliard d'euros seront budgétisés en 2020, contre 450 millions d'euros en 2017. Autrement dit, les OPEX sont de moins en moins payées en interministériel. Certes, il reste encore quelques marges, effectivement, mais nous les réduisons de 200 à 300 millions d'euros chaque année.

Vous avez également soutenu, monsieur Coquerel, l'idée selon laquelle les baisses d'impôt prévues ne concerneraient que les plus riches. Je ne sais pas si, selon vous, une personne célibataire gagnant 1 600 euros par mois, et relevant donc de la première tranche de l'impôt sur le revenu, est un riche. Si c'est ce que vous pensez, nous n'avons pas, en effet, la même conception de la bourgeoisie et de la richesse. Ces personnes vont bénéficier d'une baisse d'impôts ; je pense que c'est une bonne chose.

En ce qui concerne la taxe d'habitation, je ne sais pas où vous avez vu que sa suppression pour les 20 % les plus riches avait lieu maintenant : dans le budget 2020, ce sont au contraire les 80 % de Français qui gagnent moins de 2 500 euros par mois qui bénéficient de la baisse, pour un montant total de 4 milliards – ce qui, du reste, correspond tout à fait à ce que nous souhaitions, c'est-à-dire apporter une réponse aux demandes des classes populaires et des classes moyennes. Cette réalité n'est pas tout à fait celle que vous décriviez dans votre démonstration.

Plusieurs autres sujets ont été évoqués, notamment les effets du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et son efficacité au regard d'autres politiques publiques. Nous pourrons bientôt la mesurer lorsqu'il sera question de la contemporanéisation des crédits d'impôt, notamment ceux qui sont destinés aux personnes âgées ou dépendantes, mais aussi des niveaux de ressources. Le prélèvement à la source va permettre également de mener le travail – important – sur le revenu universel d'activité (RUA) dont sont chargées mesdames Buzyn et Dubos. Nous aurons donc l'occasion de voir en quoi la contemporanéisation découlant du prélèvement à la source permettra de procéder à ces améliorations.

En ce qui concerne le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES), je ne peux pas laisser dire qu'il y aurait une destruction de ses emplois et que son budget baisserait. Pour commencer, le budget augmente de 800 millions. Si vous regardez bien les données, vous voyez qu'il y a une reconfiguration de l'affectation des agents publics dans les services de l'État. À cet égard, la grande réforme que nous menons consiste à placer les agents publics sous l'autorité du préfet, au lieu de les affecter dans telle ou telle administration ; cela répond, me semble-t-il, à une demande de tous les élus. De ce fait, le nombre d'emplois relevant du ministère de l'intérieur augmente et celui d'autres ministères diminue. À côté de cela se pose la question des opérateurs qui dépendent du MTES. Certains ont été fusionnés – c'est le cas de l'Agence française pour la biodiversité –, ce qui entraîne, évidemment, des économies d'échelle. Et puis, pour un opérateur tel que Météo France, par exemple, le fonctionnement n'est plus celui d'il y a quinze ou vingt ans : ainsi, l'achat du supercalculateur, outre le fait qu'il permet d'améliorer les prévisions, conduit à économiser un certain nombre d'emplois. Plus généralement, l'écologie, c'est de l'investissement, et assez peu des dépenses de fonctionnement, effectivement – en tout cas, on peut l'espérer.

Mme Magnier a évoqué la loi Blanquer, dont l'article 17 prévoit effectivement une compensation pour les communes. En 2021 – car le remboursement a lieu l'année suivante –, 100 millions d'euros seront inscrits, pour le public et le privé. On verra bien si cela suffit. Quoi qu'il en soit, ce chiffre est conforme à celui qui figurait dans l'étude d'impact. Au total, pour le ministère de l'éducation nationale, la compensation relative aux écoles s'élève à 1 milliard d'euros.

Je laisse à M. Dussopt le soin de répondre en ce qui concerne la fiscalité locale.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Je voudrais commencer par rappeler que le coût pour l'État de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers a été intégré dans la loi de programmation des finances publiques ; nous avions documenté les trajectoires et les économies à réaliser pour y parvenir – car nous n'avons ni créé d'impôt nouveau ni augmenté les impôts existants pour financer la mesure : tout au contraire, nous les baissons. La prochaine loi de programmation sera l'occasion notamment de détailler les économies que nous prévoyons pour financer la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % de foyers qui continuent à la payer. Ces derniers la verront diminuer d'un tiers en 2021, des deux tiers en 2022, et la verront totalement disparaître en 2023.

À cet égard, plusieurs aspects méritent d'être soulignés. D'abord, les 20 % de foyers qui continuent à payer la taxe d'habitation ne sauraient être nécessairement considérés comme étant les plus riches. Nous parlons en effet, entre autres, de personnes célibataires dont le revenu fiscal de référence est de 27 000 euros par an, ce qui relativise grandement les choses. Ensuite, le mécanisme de compensation prévu pour les collectivités territoriales respecte le principe d'autonomie financière de ces dernières. Nous suivons à la lettre la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui considère que les allocations de compensation, comme les dégrèvements, participent à l'autonomie financière des collectivités. Le fait d'affecter des recettes fiscales à la compensation, comme nous le prévoyons, est encore plus respectueux de ce principe.

Enfin, en réponse à Jean-Paul Mattei, qui, nous le savons, a des propositions à faire concernant la révision des valeurs locatives – il préférerait notamment que l'on prenne en compte les valeurs vénales –, j'ai eu l'occasion de dire hier devant le Comité des finances locales que la révision générale des valeurs locatives pour les locaux d'habitation ne débuterait pas avant la fin de la suppression définitive de la taxe d'habitation. D'une part, il s'agit là, sur le plan technique, d'un chantier extrêmement lourd ; or, en matière de réforme fiscale, nous en avons un autre à mener au préalable. D'autre part, nous ne voulons absolument pas que certains puissent nourrir une confusion quant à un lien éventuel entre la révision générale des valeurs locatives et le financement par l'État de la suppression de la taxe d'habitation, alors qu'il n'y en a aucun. Nous avons donc un peu de temps devant nous pour examiner toutes les propositions faites par monsieur Mattei.

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La question du début du chantier est importante, mais celle de sa fin l'est tout autant…

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Messieurs les ministres, merci pour cette présentation. Premièrement, je tiens à souligner que les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, pour laquelle je suis rapporteure spéciale, augmentent très sensiblement – de 1,6 milliard d'euros – par rapport à ceux de 2019, à format comparable. C'est effectivement la concrétisation de notre volonté de donner plus de pouvoir d'achat aux Français. Je salue la continuité de l'effort. J'insiste également sur la nécessité d'évaluer et de piloter les principales dépenses fiscales de cette mission, qui représentent plus de 10 milliards d'euros. J'ai adressé des questionnaires budgétaires assez précis à cet égard ; j'espère que j'aurai le plus grand nombre d'éléments de réponse possible.

Deuxièmement, s'agissant de la réforme du financement des collectivités territoriales, vous avez insisté, monsieur le secrétaire d'État, sur le fait que l'autonomie de ces dernières était garantie. Je tiens à saluer également l'outil technique mis en oeuvre : il permettra de faire en sorte que les recettes des collectivités soient dynamiques – les attentes en la matière étaient très fortes.

Troisièmement, et sans surprise, je voudrais vous interroger sur les chambres de commerce et d'industrie (CCI). La réforme de leur modèle se poursuit. Le projet de loi de finances pour 2020 entérine une nouvelle baisse de la taxe qui leur est affectée. Or, nous le savons tous, le réseau des CCI fait des efforts extrêmement importants, remarquables, hors norme même pour se réformer, et il me semble qu'elles ont besoin d'un soutien pour financer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Peut-être serait-il judicieux d'envisager de revoir le prélèvement dit France Télécom, qui tombe dans les caisses de l'État. Cela donnerait un peu d'air aux CCI et leur permettrait de continuer à se reformer.

Enfin, j'ai cru comprendre que le dispositif de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise (NACRE) évoluait. J'aurais donc souhaité savoir quelles sont les évolutions envisagées.

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Je rejoins complètement les propos de Véronique Louwagie sur votre manque de courage. En effet, il y a des recettes supplémentaires, les taux d'intérêt ont diminué et, d'après ce que dit le Haut Conseil des finances publiques, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne pourrait être sous-évalué ; or, malgré cela, on constate une dérive de 20 milliards d'euros entre le solde public nominal prévu par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et celui qui figure dans le projet de loi de finances que vous nous présentez… Ce n'est pas totalement anodin.

Vous écrivez dans l'exposé général des motifs que l'évolution des recettes de l'État « traduit des baisses d'impôts massives ». J'ai bien noté, évidemment, la baisse de l'impôt sur le revenu pour les classes moyennes, dont vous évaluez le coût à 5 milliards d'euros ; à ceci près que le produit de l'impôt sur le revenu progresse de 3 milliards entre la prévision révisée pour 2019 et le projet de loi de finances pour 2020. Telle est la réalité – mais peut-être allez-vous me dire que c'est lié aux 10 %… Quoi qu'il en soit, j'aimerais que, s'agissant de l'impôt sur le revenu, on ait le détail, à savoir les effets des mesures exceptionnelles et du prélèvement à la source, parce que la masse globale qui nous est donnée ne me semble pas vouloir dire grand-chose. Et puis, l'évolution à la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) entre 2019 et 2020 me pose elle aussi problème : elle est de près de 1,5 milliard. Ne revenons pas sur un sujet douloureux, n'ouvrons pas une nouvelle crise dans l'ensemble de nos territoires. La France ne peut pas se le permettre.

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Permettez-moi de saluer en toute honnêteté un budget qui, je crois, correspond parfaitement aux enjeux auxquels notre pays est confronté, à ce que vivent les Français dans leur quotidien. Ainsi, il permet une augmentation du pouvoir d'achat de ceux des Français qui en ont le plus besoin : vous l'avez démontré notamment à propos des retraités – ceux qui touchent de petites retraites bénéficieront de baisses importantes de l'impôt sur le revenu –, mais aussi pour les actifs, avec la revalorisation de la prime d'activité et l'exonération sociale et fiscale sur les heures supplémentaires. Ce sont des signaux importants pour les territoires fragiles ; or c'est bien la vocation de l'État que d'apporter un soutien aux populations et aux territoires les plus fragiles. En ce qui concerne d'ailleurs les territoires et le budget consacré à leur cohésion, madame Louwagie, les crédits des transports – pour lesquels je suis rapporteure spéciale – n'ont jamais autant augmenté, vous le savez aussi bien que moi. On rouvre même des canaux, ce qui est totalement inédit. La politique conduite en faveur des territoires est donc particulièrement ambitieuse, et ce pour l'ensemble des lignes budgétaires.

Par ailleurs, monsieur le ministre de l'économie, je voulais vous interroger sur l'industrie. La baisse de l'impôt sur les sociétés va bien sûr bénéficier à nos industries. L'an dernier, vous aviez lancé le suramortissement en faveur de la robotique ; je voulais savoir s'il était reconduit dans le projet de budget pour 2020 et si vous aviez d'ores et déjà pu évaluer son efficacité. Vous avez également décidé, sur la base de mes recommandations, d'octroyer un budget stable aux centres techniques industriels, ce dont je vous remercie ; vous envisagez aussi un déplafonnement de la taxe fiscale affectée, en fonction bien sûr de la capacité des structures à démontrer leurs performances. Enfin, vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, le Fonds pour l'innovation de rupture, censé être abondé par la cession de participations dans la Française des jeux et dans le groupe ADP. Pourriez-vous nous en dire davantage sur cet abondement, sachant que nous n'aurons pas la partie venant d'ADP à court terme ?

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Je voudrais tout d'abord vous demander d'excuser l'absence de monsieur de Courson : il ne peut être présent pour la présentation du budget, ce qui est une première en vingt-cinq ans.

Pour le reste, je voudrais noter quelques motifs de satisfaction. Vous revenez notamment au taux de 5,5 % pour la TVA sur les logements sociaux ; c'est très bien. Nous avions annoncé, à l'époque, que le fait de le faire passer à 10 % aurait des conséquences dramatiques sur la construction de logements : nous y sommes, puisque 2019 sera une année des plus mauvaises dans ce domaine, et 2020 s'annonce elle aussi très mauvaise. L'économie en ressentira les conséquences.

En ce qui concerne la fiscalité locale, j'entends bien ce que vous dites, mais il va quand même falloir regarder avec beaucoup de précision ce qui est proposé, car le risque est que les communes les plus défavorisées, celles qui comptent le plus de logements sociaux, voient effectivement une baisse de la taxe d'habitation, mais sans bénéficier du transfert de la taxe sur le foncier bâti, car la quasi-totalité fait l'objet d'exonérations, d'abattements et de dégrèvements divers – c'est surtout vrai pour les communes ayant accueilli des projets de renouvellement urbain, puisqu'elles ont construit des logements neufs et que l'exonération dure vingt-cinq ans. Je comprends le mécanisme de compensation qui est envisagé, mais les communes en question ont été habituées depuis trop longtemps à ne pas bénéficier des compensations mises en oeuvre. Je rappelle que, tous les ans, avec la baisse des variables d'ajustement, elles perdent des compensations, exonérations, abattements et dégrèvements divers sur les impôts locaux.

Je voudrais donc que l'on ait quelques garanties ; la meilleure manière de nous en donner serait de proposer des simulations. En effet, si l'article 5, consacré à la réforme de fiscalité locale, est très intéressant et remplit un certain nombre de pages – nous aurons besoin de quelques jours pour essayer de le décrypter –, les simulations sont préférables, car elles permettent de savoir exactement qui gagne, qui perd et comment on compense ; sans ces éléments, on va dans l'inconnu. Certes, nous disposons d'un an, puisque l'application de la réforme ne sera pas immédiate, mais il faut vraiment mettre en place un groupe de travail pour bien comprendre ce qui va être fait. Cela dit, on pourrait prendre une autre décision : pourquoi ne pas instiller un peu de péréquation dans le mécanisme de redistribution ? La compensation à l'euro près pour les collectivités locales en général, c'est très bien, mais quel intérêt y a-t-il à redonner de la fiscalité à des communes très riches ?

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Tout d'abord, je salue ce budget qui sera conforme à ce qui était attendu, à savoir un budget de baisse des impôts, un budget du pouvoir d'achat, qui reflète bien la politique budgétaire sérieuse que nous menons depuis le début du quinquennat. Pour autant, j'ai plusieurs interrogations, que je vous soumets.

La première concerne l'alignement sur trois ans de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR) sur celle qui s'applique au gazole. Sans revenir sur le dispositif, je me dois de dire que certaines PME de mon département, contrairement aux grands groupes du bâtiment, ne seront pas en mesure de reporter ces augmentations dans leurs contrats, ce qui fera peser sur elles jusqu'à 250 000 euros de taxes supplémentaires. Est-il donc envisagé un ciblage de cette réforme de la fiscalité sur le GNR afin d'en réduire la portée pour les PME modestes de nos territoires ? Par ailleurs, comptez-vous flécher une partie de la suppression de cette niche fiscale vers la transition écologique ?

Ma seconde interrogation concerne les CCI et les chambres d'agriculture. Je ne reviendrai pas sur les CCI ; Mme Dupont vous en a déjà parlé. En ce qui concerne les chambres d'agriculture, même s'il est vrai que certains efforts peuvent être faits, elles n'ont pas du tout la même souplesse que les CCI au regard de la restructuration qui est demandée. Afin de ne pas pénaliser les chambres d'agriculture vertueuses et de ne pas appliquer de manière systématique une baisse de 15 % du budget, alors même que nous leur demandons d'accompagner encore plus les agriculteurs dans la transition écologique, avez-vous envisagé une péréquation ?

Enfin, en ce qui concerne mon rapport spécial sur la mission Travail et emploi, dans la mesure où nous ne pouvons pas pénaliser l'insertion par l'activité économique, les missions locales et la garantie jeunes, Pôle emploi et sa nécessaire implication dans la réforme de l'assurance chômage, les entreprises adaptées et l'inclusion des personnes en situation de handicap, et les collectivités locales avec les contrats parcours emploi compétences (PEC), quelles solutions pourrions-nous trouver au niveau du budget de l'État pour compenser l'annonce de l'abandon de la suppression des exonérations pour les services à la personne ?

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Ce budget se caractérise à la fois par de fausses promesses et de vrais renoncements. « Nous promettons ce que nous savons tenir », déclarait le Président de la République lui-même ; il serait bon de suivre cet adage. Il y a quelques mois encore, messieurs les ministres, vous affirmiez dans un journal national que nous allions retrouver un excédent budgétaire en 2022. On voit bien que ce n'est pas le cas. Fausses promesses sur les déficits ; fausses promesses également sur la dette.

Un mot au sujet de la baisse des impôts : je ne remets pas en cause la baisse de l'impôt sur le revenu, mais chacun sait qu'une baisse d'impôt qui n'est pas financée par une maîtrise ou une réduction de la dépense publique conduit à une augmentation de la dette, et donc, par la suite, à de nouveaux impôts. Deuxièmement, comme cela a déjà été dit, il y aura aussi un effet de translation sur les impôts locaux. Troisièmement, les prélèvements obligatoires sur les entreprises augmentent. À cet égard, il faudra faire la part des choses : certains disent que les prélèvements baisseront de un milliard, quand d'autres estiment au contraire qu'ils augmenteront, du fait de la fin – au moins pour partie – de la déduction sur le gazole non routier, du ralentissement de la baisse de l'IS ou encore de la déduction forfaitaire spécifique. On le voit : la baisse des impôts sans la baisse de la dépense publique, c'est forcément une chimère.

En ce qui concerne les renoncements que j'évoquais, ils concernent justement la dépense publique, et ils sont dus non pas au mouvement des gilets jaunes, mais à un manque de courage politique. Dire ce n'est pas faire, fanfaronner ce n'est pas agir, et les chiffres montrent bien le gouffre qui existe, malheureusement, entre les paroles et les actes. C'est vrai en ce qui concerne la fonction publique – les 47 postes supprimés en sont un symbole – ; ce sera certainement vrai demain, malheureusement, à propos des retraites. Du fait de ce renoncement à faire des réformes structurelles, vous êtes contraints à des tours de passe-passe budgétaires.

Mais surtout, et ce sera l'objet de ma question, il y a une incohérence, que monsieur Migaud a soulignée ce matin, entre le projet de loi de finances présenté ici et la loi de programmation des finances publiques. Comment, dans ces conditions, redonner de la confiance aux investisseurs, sachant que les deux mamelles de la confiance sont la stabilité et la lisibilité des finances publiques ? On voit bien que ces conditions ne sont plus remplies par la trajectoire actuelle.

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Comme l'a annoncé Éric Coquerel, je vais évoquer la question de la dette, plus spécifiquement celle de l'endettement public pour un investissement utile. Je vous ai bien entendu, monsieur Le Maire : deux fois, trois fois même, vous avez dit qu'il n'était pas possible pour la France d'emprunter, mais que c'était possible pour l'Allemagne. Je vous le dis en toute franchise : je ne comprends pas votre prise de position, et ce pour plusieurs raisons. Nous avons auditionné dernièrement M. Philippe Martin, président délégué du Conseil d'analyse économique, qui a confirmé que le taux actuel, de – 0,21 % à 10 ans, au regard de la croissance prévue, permettait à la France de soutenir cette dette, et qu'il la ferait peut-être même diminuer à long terme. Il n'est pas le seul à tenir ce discours : Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, a indiqué que, selon lui, les taux resteraient bas pendant dix ans, voire plus ; il ajoute qu'il est donc crucial que les gouvernements ajustent leur politique budgétaire à ce nouveau contexte. Jean Pisani-Ferry, ancien commissaire général à la stratégie et à la prospective, qui fut également le directeur du pôle programme de monsieur Macron, dit la même chose. Monsieur Sarkozy lui-même a déclaré au Point : « je suis étonné de constater que les débats économiques aujourd'hui n'intègrent pas un événement majeur et inédit : la valeur de l'argent, qui est devenue négative ». Je sais que vous n'êtes pas d'accord, mais dites-nous pourquoi vous en restez à votre vision comptable.

Par ailleurs, à la suite de nos échanges, vous avez évoqué une taxe carbone aux frontières. Mais alors, pourquoi avoir fait ratifier le CETA ?

Ensuite, vous avez répondu à mon collègue et camarade Éric Coquerel que non, il n'y avait pas de problème en matière d'inégalités. Mais si : de nombreux chiffres montrent que les riches sont de plus en plus riches en France et que les inégalités augmentent. Une étude récente de l'INSEE montre même que le patrimoine global a doublé depuis trente ans mais que celui des 20 % les moins dotés a diminué. Comment expliquez-vous donc toutes ces données ? Quant aux APL, monsieur Darmanin, je réaffirme qu'une baisse de 1,2 milliard d'euros, cela représente moins d'aides pour le logement.

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Dans ce budget, on constate que les impôts baissent mais qu'en même temps les recettes augmentent, puisque le déficit public, rapporté au PIB, diminue. Pouvez-vous nous expliquer cette situation en apparence paradoxale, mais qui ne l'est pas tant que cela ?

Par ailleurs, dans une démarche de sincérisation, depuis que nous sommes en responsabilité, nous avons abaissé à 3 % le taux de mise en réserve des crédits. Avez-vous un retour d'expérience concernant cette mesure ? A-t-elle amélioré le management des gestionnaires de programme, davantage responsabilisés ?

Pour finir, je rappellerai à madame Louwagie qu'il existe un plan national en faveur des territoires ruraux, qui a retenu 173 des 200 propositions que comptait le rapport « Ruralités : une ambition à partager », que j'ai eu le plaisir de rédiger.

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Je souhaite revenir très rapidement sur la question de la dépense publique.

Madame Louwagie ne s'est pas contredite tout à l'heure : s'il faut baisser la dépense publique, c'est aussi pour abonder, dans une certaine mesure, des crédits d'interventions et d'actions.

Vous venez de faire état, cher Daniel Labaronne, de deux cents mesures pour les territoires ruraux. Mais hier soir, les responsables nationaux d'un grand syndicat agricole m'ont dit qu'ils n'ont pas vu grand-chose des 5 milliards du plan d'investissement visant à accompagner la transition de l'agriculture : 240 millions seulement auraient été engagés, me semble-t-il. Il y a d'un côté les mots, de l'autre la réalité. Et cela pose encore une fois la question de la baisse de la dépense publique, comme Éric Woerth l'a dit tout à l'heure.

Messieurs les ministres, je voudrais vous interroger sur deux grands sujets, en commençant par ces 47 suppressions nettes d'emplois de l'État et des opérateurs. Le Président de la République s'était engagé à supprimer 120 000 postes, dont 50 000 relevant du périmètre de l'État. Depuis deux exercices budgétaires, nous en sommes je crois à 4 000 suppressions, peut-être un peu plus – disons 9 000 en cumulant les années. Cette année, nous en ferons exactement 47… Nous sommes très loin du compte. Malgré tout ce que vous dites, et qui peut d'ailleurs tout à fait se justifier, pourquoi avez-vous abandonné cette partie du travail, qui est nécessaire et qui aurait ouvert des marges de manoeuvre supplémentaires ?

Deuxième question, sur la réforme des retraites, tous les opérateurs, tous les analystes, tous les économistes disent, grossièrement, qu'un âge de départ à 64 ou 65 ans, comme dans d'autres pays, entraînerait une économie de 20 à 22 milliards pour les dépenses publiques – à quelques centaines de millions près. Il semble que le Gouvernement envisage plutôt un âge pivot de 64 ans ou un peu plus : irez-vous dans ce sens-là, cet âge pivot se transformera-t-il en âge de départ et, le cas échéant, irez-vous jusqu'à proposer 65 ans ?

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L'année 2019 a été fondamentale dans la lutte contre la fraude fiscale et en faveur d'une juste imposition.

Ce fut la première année de l'application de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, dont les premiers résultats de règlements réels des contentieux sont très encourageants. Je citerai, entre autres, les accords avec Google avec un recouvrement de près de un milliard d'euros et avec L'Oréal pour un montant de 320 millions, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement d'aller au bout des procédures engagées et de faire toujours mieux respecter la loi, même par les puissants.

Ce fut également l'année de la création du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF), nouveau bras armé de la lutte contre la fraude fiscale, qui donne de nouveaux moyens, sur le terrain, pour traquer les fraudeurs.

Ce fut aussi l'année de la création d'une taxe sur les services numériques, dite taxe GAFA, qui a permis d'ouvrir une discussion sur le plan européen, puis au niveau mondial, à l'occasion du G7, sur la nécessité d'avancer dans la taxation des nouvelles formes d'économie numérique.

Elle a également permis de renforcer la coopération internationale avec la signature, cet été, d'un accord d'échange de données fiscales avec le Panama, tristement célèbre depuis l'affaire des « Panama Papers », afin de lutter contre l'évasion fiscale.

Ce budget place 2020 dans la continuité de 2019. Il témoigne une nouvelle fois de la volonté de ce Gouvernement et de cette majorité de lutter contre toutes les formes de fraudes fiscales en s'attaquant à celle sur la TVA, qui est à l'origine du plus grand nombre de contentieux en France.

Du montage financier international complexe à la numérisation des factures des TPE et des PME, quels moyens votre ministère consacrera-t-il à cette lutte et comment envisagez-vous d'accompagner le monde économique dans cette entreprise ?

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Monsieur le ministre Le Maire, vous avez commencé votre propos en évoquant la nécessaire évolution de la politique budgétaire allemande, qui est en effet essentielle. Brillant germaniste et fin connaisseur des élites allemandes, vous êtes personnellement le mieux placé en la matière. Qu'en est-il donc de cette perspective ? Il fut un temps, dans l'histoire de France, où l'on avait dit : « L'Allemagne paiera ». Maintenant, nous disons : « L'Allemagne dépensera »… Le problème, c'est que l'Allemagne n'a jamais payé. Dépensera-t-elle donc ?

Vous dites, en outre, que vous abandonnez la taxe carbone. Je n'ai aucune raison d'en douter avec ce budget, mais cette décision sera-t-elle maintenue jusqu'au terme du mandat ? Je suis inquiet car certains discours – je pense à celui de la Cour des comptes – insistent sur l'intérêt de cette taxe. Autant d'arguments que vous pourrez réutiliser demain, ce qui est inquiétant.

Troisième question. Avec la crise, l'augmentation des prix de l'énergie touche les entreprises et les particuliers : qu'avez-vous en magasin pour réagir, pour atténuer le problème, pour éviter que nos concitoyens ne s'y heurtent comme il y a quelques mois ?

Quatrième question. Cela a été dit par notre collègue Pupponi : un vrai problème se posera dans le domaine de l'immobilier, de la construction. Interrogez les maires : le nombre de permis de construire diminue. Que peut-on faire ? Je suis très inquiet à l'idée de voir disparaître le prêt à taux zéro dans la plus grande partie du territoire alors qu'il conditionnait la plupart des primo-accessions à la propriété.

Cinquième question, à monsieur Darmanin. L'année blanche a suscité des recettes exceptionnelles compte tenu d'un certain nombre de revenus exceptionnels. Quel en est très précisément le montant ?

Sixième question. La taxe d'habitation est supprimée. Les propriétaires, qui sont majoritaires sur 80 % de notre territoire, craignent une répercussion sur le foncier. Pouvez-vous les rassurer ?

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Monsieur Le Maire, vous témoignez avec une certaine constance, y compris dans votre propos introductif, de votre attachement à ce que le pays investisse et mise sur l'innovation, sur l'économie de la connaissance, sur l'enseignement supérieur et la recherche.

Or, depuis quelques années, les structures de financement des établissements d'enseignement supérieur et, en particulier, des grandes écoles ont été substantiellement modifiées, notamment avec la baisse de la taxe d'apprentissage ou l'effondrement des financements consulaires. Ils ont donc créé des chaires, des fondations, pour capter de nouveaux financements, en particulier pour favoriser leur ouverture sociale.

La réforme du mécénat laisse penser que les grandes entreprises concernées réduiront leurs dons de l'ordre de 20 %, dans l'hypothèse où elles souhaiteraient maintenir une dépense nette constante. Grossièrement, le coût net, pour une grande entreprise qui donne aujourd'hui 5 millions, s'élève à 2 millions ; demain, il suffira qu'elle en donne 4 pour qu'il se situe au même niveau.

Je ne vous le cacherai pas : je crains que ces grandes entreprises ne maintiennent leurs dons envers leurs propres fondations au détriment, peut-être, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Pouvez-vous atténuer une telle crainte ?

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Madame Stella Dupont, j'ai parfaitement conscience de l'effort considérable réalisé par les CCI et de l'importance de la réforme à laquelle vous avez très largement contribué. Je suis ouvert pour que nous discutions de la solution que vous proposez, sur le prélèvement dit France Télécom, qui représente un peu moins de 30 millions par an. Un problème se pose toutefois : nous financerions une dépense ponctuelle par la suppression pérenne d'une taxe. Regardons néanmoins ensemble ce qu'il est possible de faire, je suis ouvert à la discussion.

S'agissant de l'Aide à la création ou à la reprise d'une entreprise (NACRE), le ministre de l'action et des comptes publics vous répondra.

En ce qui concerne les recettes issues de la TICPE, madame Dalloz, faisons attention aux chiffres, parce qu'ils sont trompeurs. La hausse affichée dans le document vise les recettes affectées au budget général de l'État à la suite de la suppression du compte d'affectation spéciale Transition énergétique, mais elle ne correspond pas à une hausse de la fiscalité. La seule hausse, de ce point de vue-là, est celle de 2 centimes pour les poids lourds afin de financer les infrastructures de transport moins consommatrices d'énergie.

S'agissant de la TICPE flottante, si telle était votre idée, je répète mon opposition : son coût serait en effet considérable car la baisse de 3 centimes du prix d'un litre de carburant coûterait un milliard, ce qui rend le rapport coût-efficacité peu favorable.

Le suramortissement robot, madame Cattelot, s'appliquera pendant trois ans et sera encore ouvert en 2020. Il n'est pas possible pour l'heure d'en évaluer l'efficacité mais nous le ferons à terme. Les précédentes mesures de suramortissement avaient très bien fonctionné. Je profite de cette audition pour demander à toutes les entreprises d'en profiter : le retard en matière de robotisation peut entraîner la destruction d'emplois et de valeur.

S'agissant du gazole non routier (GNR), madame Verdier-Jouclas, nous sommes très attentifs aux PME et avons pris des mesures spécifiques pour celles qui travaillent dans le secteur frigorifique mais, aussi, pour les infrastructures portuaires et d'extraction. Nous avons veillé à protéger un certain nombre de secteurs et nous veillerons à ce que les PME soient le mieux possible accompagnées.

La confiance des investisseurs, monsieur Abad, est bien là. Deux éléments le prouvent : premièrement, nous sommes le pays le plus attractif pour les investissements étrangers – ce n'est pas nous qui le disons mais les instituts étrangers ; deuxièmement, nous avons émis pour la première fois une obligation avec un coupon à 0 %, ce qui prouve bien que la confiance des investisseurs est au rendez-vous et que nous parvenons à financer notre dette.

Mme Rubin me demande pourquoi nous ne nous endettons pas davantage. Pour une raison très simple : notre dette s'élève à 2 375 milliards et s'approche des 100 % du PIB. Je le répète : à mes yeux, il serait déraisonnable d'endetter davantage le pays. Notre politique vise à tenir compte des taux d'intérêt faibles ou négatifs en stabilisant la dette et en ralentissant le rythme de sa réduction. Nous ne parviendrons pas à la réduire de cinq points de PIB d'ici à 2022 mais la trajectoire doit demeurer à la baisse. Sinon, nous ferions reporter sur nos enfants le risque d'un relèvement des taux d'intérêt. Il serait absolument irresponsable de la part du ministre de l'économie et des finances de dire qu'il va augmenter la dette et que, lorsque les taux d'intérêt remonteront, lorsque la charge de la dette augmentera de 3, 4, 5 ou 6 milliards d'euros et que nous ne serons plus là pour payer, ce sont nos enfants qui devront s'en charger à notre place.

En revanche, d'autres pays qui, au cours des dernières années, ont réduit leur dette – c'est le cas de l'Allemagne – disposent aujourd'hui des réserves budgétaires nécessaires pour investir davantage.

La question de la réforme des retraites, monsieur Forissier, étant un peu loin du budget, je me permets exceptionnellement de ne pas y répondre. Je rappelle qu'un débat est en cours ; laissons-le aller jusqu'à son terme.

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L'échéance du débat se situe tout de même en 2020…

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Je vous remercie, cher Marc Le Fur pour les propos très aimables que vous avez tenus à mon endroit s'agissant de la relation franco-allemande. L'attachement qui est le mien à ce pays permet de parler avec beaucoup de franchise et je peux vous dire également avec la même franchise, car c'est ma conviction profonde, que les choses vont bouger en Allemagne. Olaf Scholz et Peter Altmaier, respectivement ministre des finances et ministre de l'économie, ont accepté pour la première fois de parler de stratégie d'investissements. Nous discutons, à tous les niveaux, de ce sujet ; le patronat allemand s'est prononcé pour une augmentation de la dépense publique le plus rapidement possible ; nous avons un rendez-vous important, mi-octobre, avec le conseil des ministres franco-allemand, entre la Chancelière allemande, le Président de la République et les ministres concernés. Je crois donc que les choses bougeront en Allemagne — même si je ne peux pas vous dire quand — car la prise de conscience de la nécessité d'investir davantage est bien là.

La taxe carbone, quant à elle, ne sera évidemment pas rétablie en 2020. Je souhaite, premièrement, que nous soyons capables d'instaurer une taxe carbone aux frontières le plus rapidement possible, deuxièmement, que la convention citoyenne pour le climat formule des propositions. J'ai une seule certitude : si nous voulons les faire payer pour le climat, les Français doivent bénéficier d'une compensation à l'euro près. En effet, ils n'accepteront pas une augmentation de taxes ou d'impôts qui ne serait pas intégralement compensée. Ils sont prêts à payer plus pour le climat, à ce que les comportements vertueux soient valorisés et à pénaliser ceux qui ne le sont pas ; mais à une condition : une compensation systématique. Certains pays, comme la Suède, y parviennent ; je ne vois pas pourquoi nous ne saurions pas faire preuve d'imagination.

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Une augmentation de la taxe carbone est donc possible en 2021 ou en 2022.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Je vous répète que nous allons attendre les propositions de la convention citoyenne pour le climat et que nous agirons en fonction de celles-ci.

Enfin, monsieur Le Vigoureux, je suis profondément convaincu que le défi français est aujourd'hui éducatif, qu'il vise l'innovation et la recherche. La grande question est de savoir si, au XXIe siècle, nous voulons que la France reste dans le camp des pays vainqueurs, de ceux qui maîtrisent l'intelligence artificielle, le stockage des données et des énergies renouvelables, toutes les technologies nouvelles, ou si elle se retrouvera dans le camp des pays qui les achèteront à la Chine ou aux États-Unis.

Il faut donc investir plus encore car, contrairement à ce qu'il m'arrive de lire, nous avons pris du retard en matière d'innovation et nous sommes face à un certain nombre de défis : le volume de la recherche privée n'est pas suffisant parce que nos entreprises n'étaient pas suffisamment profitables. En rétablissant leur profitabilité, on doit rétablir leur capacité d'innovation.

Par ailleurs, nous sommes confrontés à un vrai problème, que nous comptons résoudre dans le cadre du pacte productif : les liens entre recherche et développement industriel sont insuffisamment étroits – en gros, on fait de la recherche, mais on ne s'intéresse pas au développement industriel qui suivra derrière. Ce lien doit donc être resserré.

S'agissant des dons, je rappelle que nous avons baissé et allons baisser l'impôt sur les sociétés : il s'établira à 25 % en 2022, ce qui compensera la réduction des exonérations applicables aux dons des entreprises.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

En ce qui concerne la fraude fiscale, Madame Motin, je me réjouis de la décision prise ce jour même par le Conseil constitutionnel, qui a validé, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, la loi que nous avons, si j'ose dire, soutenue ensemble – je salue d'ailleurs sa rapporteure, Émilie Cariou : le desserrage voire la suppression du verrou de Bercy a en effet été jugé conforme à la Constitution.

Je rappelle qu'au premier semestre, la hausse des dossiers transmis à la justice est de 85 % par rapport à l'année dernière. Les crédits consacrés au data naming ont augmenté, la direction générale des finances publiques bénéficiant dans ce budget de plus de 65 millions. C'est important puisque cela paiera sa dette numérique et améliorera les contrôles.

Je rappelle également l'augmentation des vérifications générales et particulières, la mise en place du partenariat fiscal et l'entrée en application de nombreuses dispositions concernant les réseaux sociaux, dont nous aurons sans doute l'occasion de reparler.

J'évoque la question avec plaisir : l'exécution budgétaire montrera que l'année 2019 est celle qui aura rapporté le plus, en termes de règlements de contentieux et de lutte contre la fraude fiscale, sous forme non pas de notifications mais bien de sommes recouvrées dans les caisses de l'État. Il faut y voir le résultat des actions menées par plusieurs gouvernements successifs. Nous attendons également pour la fin du mois de novembre le rapport de la Cour des comptes sur l'évaluation de la fraude ; nous avons déjà eu l'occasion d'échanger avec elle. Je crois, pour ma part, qu'il ne s'agit pas tant d'obtenir des moyens supplémentaires ou d'accroître le nombre de dispositifs législatifs que d'appliquer les nombreux outils dont nous disposons déjà.

Je souhaite maintenant répondre aux questions de mesdames Dalloz et Louwagie et de monsieur Le Fur sur l'impôt à la source.

De deux choses l'une : ou bien l'on considère qu'il faut à tout prix lui tordre le cou et que, faute d'y être parvenu techniquement, on cherche désormais à faire croire que les prélèvements ont augmenté – auquel cas on est dans un débat politique et rationnellement insoluble ; ou bien, comme l'a fait monsieur le Fur, on s'interroge légitimement sur les montants ainsi collectés.

Nous aurons l'occasion d'en reparler mais il faut d'ores et déjà être clair. L'augmentation de l'assiette, en raison de l'augmentation des revenus de ceux qui paient l'impôt, s'élève à un milliard, comme nous l'avions prévu. Le recouvrement s'est amélioré de un milliard, correspondant grosso modo au point et demi supplémentaire qui a fait passer le taux de recouvrement de 97 % à 98,5 %.

Les modulations des taux à la baisse, conséquence de la baisse de revenus de certains de nos compatriotes, représentent 1,4 milliard d'euros. Je tiens donc à tordre le cou à l'idée selon laquelle l'impôt aurait augmenté pour nos concitoyens, puisque le nombre de ceux qui paient moins d'impôts est supérieur à ceux qui en paient plus. Et c'est plus juste : ceux qui gagnent plus paient plus d'impôt, ceux qui gagnent moins en paient moins – et ce en temps réel et non après un an de décalage.

La prise en compte des changements de situation personnelle et de la demi-part fiscale, des décès, des naissances et des divorces, représente une diminution de 1,2 milliard et les revenus exceptionnels, dans le cadre du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR), 2,2 milliards.

Au total, le gain est proche de 2 milliards, comme j'ai eu l'occasion de le dire dans les médias.

Si l'on se concentre sur la seule assiette, sans tenir compte des revenus exceptionnels et des changements de situation, ceux qui gagnent plus paient plus d'impôts – c'est le principe de l'impôt sur le revenu, en lien avec le montant des revenus – et ceux qui gagnent moins paient moins.

Bien entendu, le barème est revalorisé chaque année, nous en parlons depuis que les projets de loi de finances sont présentés devant le Parlement. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans l'hémicycle si vous le souhaitez.

La suppression ou, en tout cas, la non-augmentation de la taxe carbone n'est quant à elle pas remise en cause, mais madame Dalloz s'est interrogée sur la différence de recettes de plus de un milliard. Outre l'augmentation vraisemblable de la consommation, je rappelle la hausse du carburant de 2 centimes pour les poids lourds — laquelle n'est pas affectée au budget de l'État mais à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, la route payant la route, en accord avec la profession.

Monsieur le secrétaire d'État Jean-Baptiste Djebarri a rencontré les professionnels du secteur la semaine dernière et les a reçus cette semaine également. L'Inspection générale des finances mènera quant à elle une mission avec le ministère de la transition écologique et des transports pour étudier la contemporanéisation du remboursement de trésorerie.

Nous regardons s'il est possible de faire pour les routiers ce que nous avons fait pour les agriculteurs avec le GNR : pas de remboursement en décalage. Je rappelle à ceux qui ne comprendraient pas bien le mécanisme qu'il n'y a pas deux pompes, une pompe pour les professionnels de la route – taxis, chauffeurs routiers, agriculteurs – et une autre pour les autres citoyens : tout le monde se sert à la même pompe et ce n'est qu'ensuite qu'interviennent les mécanismes de remboursement de trésorerie. Les agriculteurs ont été longtemps pénalisés mais ce n'est plus le cas : ils bénéficient aujourd'hui de cartes spécifiques. Nous sommes donc parvenus à mettre en place, pour les agriculteurs, une avance de trésorerie qui s'appliquera au 1er janvier ; c'est un point très important. Pour les chauffeurs routiers, la contemporanéisation pose évidemment un problème de trésorerie pour l'État ; c'est un effort qu'il faudra faire. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

La question du gel de crédits a été évoquée par un de vos collègues. En deux ans, nous n'avons pas fait de décret d'avance, ce qui montre que nous avons réussi à tenir et à responsabiliser nos gestionnaires. D'ailleurs, nous avons tiré un certain nombre de conclusions des débats un peu bizarres, il faut bien l'avouer, qui se sont déroulés à la fin de l'examen budgétaire de l'année dernière, notamment sur ce rajout de 100 millions de crédits pour la mission Outre-mer – pour laquelle on constate finalement une sous-exécution de 150 millions d'euros, ce qui n'était sans doute pas très utile budgétairement. Nous devons en tirer les conséquences.

Monsieur Forissier, le Gouvernement s'était engagé, à la suite de la campagne du Président de la République, à supprimer 50 000 postes dans la fonction publique d'État. Il en supprimera 27 000.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Je veux bien que vous mesuriez à partir du thermomètre qui vous est propre, monsieur Le Fur, mais le Président de la République s'est bel et bien engagé à supprimer 50 000 postes dans la fonction publique d'État et, par ailleurs, à en créer dans l'armée, dans la police. Au total, il y aura 27 000 suppressions et 17 000 créations d'emplois. Le solde sera donc d'environ 10 500 postes supprimés pour l'ensemble du quinquennat. Je précise que sur les 27 000, plus de 10 000 relèvent de mon ministère. Et je vous encourage à tenir, comme moi, le carnet du « petit rapporteur » : j'observe que les mêmes parlementaires qui me demandent de respecter la suppression de 50 000 postes sont les premiers à m'écrire pour que l'on ne touche pas aux trésoreries de leur département.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Nous aurons l'occasion d'en rediscuter très largement dans l'hémicycle. Ce n'est pas vous que je visais, madame la députée, mais peut-être certains députés bretons qui auraient tendance à s'opposer au prélèvement à la source ! (Sourires.) Mais l'amitié que je porte à Marc Le Fur m'impose d'écouter ses revendications de terrain. Reste qu'il faut parfois savoir connecter le discours tenu en circonscription et son langage national…

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J'accepte les réductions d'effectifs ! Ce n'est pas la question !

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Puisque vous m'avez demandé ce qui s'est passé, monsieur le député Forissier : nous avons pris acte du Grand débat national – nous le ferons avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Nous avons lu l'avis du Haut Conseil des finances publiques, nous avons entendu le Premier président de la Cour des comptes : s'il n'y a effectivement pas de compatibilité constatée, notamment, entre l'ajustement structurel ou les effectifs et la LPFP, cette compatibilité est patente avec la crise sociale que la France a connue, avec le Grand débat et les mesures prises par le Président de la République. D'où la LPFP qui sera présentée au printemps prochain. C'est aussi comme cela que l'on fait de la politique, qu'elle soit saluée ou critiquée en fonction du bord auquel on appartient.

Une question a été posée sur les dépenses et les recettes. Le PIB augmente bien entendu plus rapidement que nos dépenses.

Monsieur Le Fur, nous avons maintenu l'intégralité du prêt à taux zéro dans les zones tendues et nous l'avons supprimé dans les zones non tendues pour arrêter l'artificialisation des sols.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Il importe également de noter, monsieur le député, que nous avons créé une nouvelle niche fiscale, le dispositif Denormandie, qui permet de rénover, notamment, l'habitat ancien ou dégradé.

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Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics

Nous voulons également un budget écologique. Les documents que j'ai remis à l'ensemble de la représentation nationale montrent que 75 % des dépenses de l'État défavorables à l'écologie relèvent des niches fiscales – GNR, taxe carbone non-appliquée, parfois logement… Il faut donc adapter notre politique du logement aux objectifs écologiques, nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler.

Enfin, avant que M. Dussopt apporte un certain nombre de compléments sur les questions de fiscalité et de dotation locales, je précise que, s'agissant de l'ACRE, nous nous alignons sur la promesse du Président de la République afin d'éviter les abus : pas de taxe ni de charge pendant une année. Les autoentrepreneurs ont bénéficié d'un effet d'aubaine par rapport aux indépendants, lesquels protestaient beaucoup en voyant de nombreuses personnes se déclarer sous le statut d'autoentrepreneur alors qu'elles auraient dû se déclarer en tant qu'indépendants : le système a été en quelque sorte dévoyé. Il y aura donc toujours l'année blanche, mais nous en resterons là.

Enfin, madame Verdier-Jouclas, les 320 millions d'euros qui permettraient de compenser l'annonce de l'abandon de la suppression des exonérations pour les services à la personne représentent 2 % des 12,270 milliards de budget relevant du ministère de madame Pénicaud, qui comprend des politiques publiques importantes. En l'état, il est difficile de faire des coupes budgétaires qui ne seraient pas contraires à la politique que nous menons ; j'en ai parlé avec elle, mais nous avons souhaité maintenir dans le PLF la mesure qui, si j'ose dire, a été retirée au banc par le Premier ministre. Nous la supprimerons par le biais d'un amendement gouvernemental soit en commission, si vous le décidez, soit en séance publique – le Premier ministre ayant demandé à la ministre du travail de réfléchir aux économies possibles par ailleurs.

Je rappelle qu'il ne s'agit pas tout à fait de 320 millions d'euros toutes administrations publiques (APU) comprises puisque, tous effets de compensation et de retour aux exonérations de droit commun pris en compte, le solde est plutôt de 110 millions, ce qui est déjà beaucoup. Nous aurons l'occasion d'en reparler avec la ministre du travail.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Madame Dupont, Monsieur Le Fur et Monsieur Pupponi m'ont interrogé sur la fiscalité locale.

Monsieur Le Fur, vous avez évoqué la crainte des propriétaires. Celle-ci n'a pas lieu d'être, car le transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties, à partir de 2021, des départements vers les communes ne se traduira pas par une explosion de son montant. De fait, ce transfert ne s'accompagne ni d'une modification des valeurs locatives, ni d'un changement des politiques de taux – sauf décision légitime de communes compétentes en la matière. Par ailleurs, nous garantissons, pour celles des communes qui pâtiraient d'une sous-compensation dans le cadre de cette mesure, le versement de recettes par l'État au titre du compte d'avances. Nous veillons ainsi à une compensation à l'euro près, de surcroît dynamique pour que les communes n'éprouvent pas le besoin d'user de leur pouvoir de taux. Néanmoins, encore une fois, des communes peuvent faire, légitimement, dans le cadre de leurs compétences, le choix d'une hausse ou d'une baisse de la taxe foncière – dont elles auront la maîtrise quasi-totale, puisque seules les intercommunalités en garderont par ailleurs une fraction. Elles sont libres de mener la politique fiscale de leur choix en la matière, même si l'on observe plutôt une tendance à la modération.

Monsieur Pupponi, la nature des bases des communes populaires comprenant de nombreux logements sociaux est neutralisée lors du calcul de la compensation, puisque le coefficient correcteur que nous proposons s'applique non pas aux bases mais au produit, de sorte qu'il permet de garantir à l'euro près une compensation du produit de la taxe d'habitation pour les communes concernées. Là où nous pouvons vous rejoindre – mais vous connaissez comme moi, voire mieux que moi, la complexité du sujet –, c'est que nous n'introduisons pas, en plus de cette compensation intégrale et dynamique, le mécanisme de péréquation que vous appelez de vos voeux. En effet, résoudre le problème de la compensation à l'euro près par un dispositif aussi simple que possible, pérenne et durable, est suffisamment compliqué pour que nous n'y ajoutions pas un système de péréquation. Le Président de la République comme le Premier ministre se sont dits ouverts à une réflexion sur la question des dotations. Certes, nous savons, pour l'avoir vu en 2016 et précédemment, que la réforme des critères de répartition de la DGF est une entreprise extrêmement complexe. Mais cela ne doit pas nous dissuader d'y réfléchir.

J'ajoute, en ce qui concerne la péréquation, que nous allons mettre à profit l'année 2020 pour travailler avec vous à un dispositif qui permette de neutraliser, soit par une modification des critères de calcul, soit par une neutralisation pure et simple, l'effet qu'aurait la modification des assiettes et du panier fiscal des collectivités sur le calcul du potentiel fiscal. Il s'agit d'éviter que ce transfert de recettes, juste et à l'euro près, ait des conséquences indirectes sur les modalités de calcul des dotations de péréquation à n + 2, comme nous avions pu le constater en 2018 lorsque le potentiel fiscal avait été affecté par le changement de périmètre des intercommunalités. Si nous parvenons à modifier les critères de calcul pour aboutir à un système plus juste, tant mieux ; si nous n'y parvenons pas, le PLF 2021 sera l'occasion de neutraliser cet effet de bord.

S'agissant des variables d'ajustement, la compensation par le compte d'avances en recettes fiscales est une véritable garantie, puisqu'il n'est pas intégré de recettes fiscales dans les variables d'ajustement telles qu'on les connaît aujourd'hui. En outre, nous pouvons constater, depuis maintenant quatre exercices budgétaires, un véritable progrès en la matière, puisque le montant des variables, qui était de 589 millions en 2017 – ce qui avait des conséquences très importantes sur la prévisibilité des dotations – a été ramené à un peu moins de 300 millions en 2018, puis à 160 millions l'année dernière. Cette année, le montant des mesures gagées s'élèvera à 120 millions, dont seulement 75 millions sont inscrits en variables d'ajustement. On peut considérer que c'est encore 75 millions de trop, mais c'est une bonne chose pour les collectivités que les variables d'ajustement soient aussi faibles dans le total des concours financiers de l'État.

Par ailleurs, le coefficient correcteur, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir au cours des débats, permet non seulement d'assurer une compensation dynamique mais aussi et surtout d'éviter les inconvénients du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), qui se traduisait par une inscription durable soit d'un bénéfice soit d'un coût pour la collectivité, sans tenir compte de l'évolution des valeurs locatives.

Enfin, je tiens à vous informer qu'à partir de la semaine prochaine, l'ensemble des directions départementales des finances publiques seront à la disposition des élus pour leur fournir, commune par commune, les simulations que vous appelez de vos voeux. Une précision de méthode toutefois : ces simulations seront effectuées sur la base des valeurs locatives actuelles alors que la compensation versée en 2021 sera calculée sur la base des valeurs locatives de 2020, qui ne peuvent, par définition, être dès à présent connues. Quoi qu'il en soit, chacun pourra ainsi y voir beaucoup plus clair.

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Messieurs les ministres, je vous remercie. Nous aurons l'occasion de reparler de tous ces sujets d'ici au 20 décembre.

Membres présents ou excusés

Réunion du vendredi 27 septembre 2019 à 13 heures 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Nicolas Forissier, M. Joël Giraud, Mme Olivia Gregoire, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. Daniel Labaronne, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

Excusés. - M. François André, M. Fabrice Brun, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Christophe Jerretie, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier

Assistait également à la réunion. - M. Jacques Marilossian

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