Monsieur le président, le niveau des déficits doit s'apprécier au regard des progrès de notre richesse nationale et donc de notre croissance. Je reconnais bien volontiers que la dépense publique augmentera en volume de 0,7 % en 2019 et 2020 ; mais la croissance augmentera de 1,4 % en 2019 et nous avons prévu qu'elle augmenterait de 1,3 % en 2020. Tant et si bien que notre objectif de réduction du ratio dépense publiquerichesse nationale devrait être de 2,7 points en 2022, autrement dit tout près de l'objectif de 3 points que nous avons fixé.
Faut-il aller plus loin sur la dépense publique ? Faut-il identifier, comme l'a proposé Émilie Cariou, de nouveaux secteurs de baisse de la dépense publique ? Ma réponse est oui, et je vous invite à faire cet exercice. Il est indispensable, dans les années qu'il nous reste avant la fin de ce quinquennat, que nous identifiions ensemble les nouveaux objets de baisse de la dépense publique afin d'être à même d'engager cette baisse de manière responsable et concertée, en travaillant avec les organismes publics, les établissements publics, les ministères ou les collectivités qui pourraient être concernés. C'est un exercice utile et même nécessaire. Ceux qui pensent que nous allons laisser de côté cette ambition sur la dépense publique se trompent. Au contraire, nous devons être capables de faire, à la fin du quinquennat, ce que nous avons été capables de faire au début de ce même quinquennat, c'est-à-dire des baisses structurelles de dépenses publiques de manière concertée et responsable. Par exemple, nous n'avons pas supprimé d'un coup la taxe affectée aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), nous n'avons pas récupéré brutalement un demi-milliard d'euros ; nous avons engagé une transformation structurelle, notamment en modifiant le statut des personnels et en autorisant les CCI à percevoir des prestations rémunérées de la part des entreprises. C'est en identifiant les champs, en travaillant avec les acteurs et en faisant des réformes de structure que l'on parviendra à baisser la dépense publique. Je souhaite vraiment que nous fassions ensemble ce travail.
C'est ce qui nous permettra également d'aller plus loin sur la dette. Je n'ai pas changé de position sur la dette. J'entends bien tous ceux qui nous expliquent qu'avec des taux d'intérêt négatifs on pourrait faire exploser la dette à 105 %, 110 % ou 115 % de la richesse nationale : je ne partage pas cet avis. Je pense que la dette reste un piège et un poison. Elle a augmenté de trente points au cours des dix dernières années : voilà la réalité. Nous avons trouvé une dette à plus de 90 % ; nous la stabilisons à la baisse. Peut-on faire mieux ? Oui, certainement. Je rappelle que nous avons prévu d'affecter les recettes de cessions d'actifs publics au désendettement du pays. Tous ceux qui s'opposent à la cession des actifs publics s'opposent donc au désendettement. Et certains ne cessent de répéter qu'il faut désendetter, mais lorsque je leur propose d'affecter des cessions d'actifs publics au désendettement, ils votent contre ! Je demande seulement un peu de cohérence. Mais je partage l'avis selon lequel il y a nécessité de réduire la dette.
C'est vrai, l'Allemagne fait mieux que nous en termes de finances publiques, mais elle fait moins bien en termes de croissance. Au bout du compte, c'est à l'aune de la prospérité qu'elle apporte aux citoyens que l'on juge une politique publique : je préfère avoir une croissance de 1,4 % plutôt qu'être au bord de la récession. Notre politique économique doit être jugée au vu de ses résultats : une croissance solide, un investissement qui se tient, une confiance des ménages qui, pour la première fois, se redresse, certes timidement, une compétitivité des entreprises qui se rétablit. En revanche, il me paraît indispensable d'avoir une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone euro, notamment entre l'Allemagne et la France. Le prochain conseil des ministres franco-allemand, à la mi-octobre, doit être l'occasion de nous entendre, une bonne fois pour toutes, sur nos stratégies économiques respectives. Les deux principales économies de la zone euro doivent avoir des stratégies économiques beaucoup mieux coordonnées. Je me réjouis que mes deux homologues, le vice-chancelier, Olaf Scholz, et le ministre de l'économie, Peter Altmayer, aient accepté pour la première fois il y a une semaine, lors du Conseil économique franco-allemand, de parler de stratégie d'investissements, de stratégie de croissance, tant il est vrai que nous avons besoin d'une stratégie de croissance commune, franco-allemande, pour éviter la récession dans la zone euro et garantir un niveau de croissance plus élevé qu'aujourd'hui.
S'agissant de la politique de l'offre, vous vous faites l'écho de propos tenus par le MEDEF. Je crois sincèrement que ses critiques, et notamment sa dénonciation d'un prétendu abandon de la politique de l'offre sont dénuées de tout fondement. Ou alors il faudra expliquer aux Français pourquoi nous avons accepté de baisser l'impôt sur les sociétés en 2020, y compris pour les grandes entreprises, si ce n'est pour améliorer la compétitivité et l'offre française. Nous avons fait le choix, courageux, de ne pas toucher au crédit d'impôt recherche. Je sais bien que beaucoup proposent, arguments à l'appui, de récupérer 300, 400 ou 500 millions d'euros sur les plus de 6 milliards d'euros de crédit impôt recherche, estimant qu'il faut faire le calcul d'une manière différente de celle, retenue actuellement, au niveau du groupe. Nous avons refusé d'entrer dans cette logique-là, par souci de préserver la politique de l'offre et de garantir la compétitivité des entreprises. Nous avons mis en place un dispositif de suramortissement, un fonds pour l'innovation de rupture financé, lui aussi, par les cessions d'actifs, notamment celle de la Française des Jeux, qui aura lieu d'ici à la fin de l'année et qui vise à améliorer la compétitivité et l'offre française en nous permettant de financer des technologies de rupture. C'est la politique de l'offre.
Enfin, certains oublient un peu vite ce qui a été décidé dans la loi PACTE – le MEDEF a la mémoire courte sur ces sujets-là.
Nous avons accepté de modifier le calcul des seuils. Nous avons permis qu'un chercheur puisse désormais travailler 50 % de son temps dans une entreprise contre 20 % auparavant. Nous avons modifié certaines règles de calcul fiscal, nous avons développé l'intéressement, la participation, l'actionnariat salarié. Depuis deux ans, ce Gouvernement a développé une politique de l'offre, et il continuera à le faire.