Messieurs les ministres, ce budget est, pour nous, celui des faux-semblants et « l'acte II » annoncé – pour faire moderne – s'apparente plutôt à un slogan publicitaire qu'à un véritable changement de cap. Si nous devions employer, à notre tour, un slogan, nous dirions : « budget des riches, acte III » – j'aurais pu dire « président des riches, acte III ».
D'abord, vous présentez la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards comme une mesure de pouvoir d'achat qui profitera au plus grand nombre. Cela a été dit tout à l'heure, mais je tiens à le rappeler : 50 % des Français ne paient pas l'impôt sur le revenu. En clair, les classes populaires, les précaires, les pensionnés percevant de petites retraites, les jeunes, les travailleurs pauvres, pour ne citer qu'eux, ne seront pas concernés par cette mesure. Certes, une partie des classes moyennes en bénéficiera mais, quand on regarde les choses dans le détail, sur la base des données de LexImpact, on s'aperçoit que les effets de cette mesure vont bien au-delà. Par exemple, un célibataire percevant 6 500 euros nets par mois paiera moins d'impôts. Est-il juste de procéder à une telle baisse en l'absence de nouvelles mesures de financement ? Pourquoi, par exemple, ne pas augmenter le taux marginal de l'impôt sur le revenu à 46, 47 ou 48 %, ou ne pas instaurer de nouvelles tranches pour obtenir un véritable impôt progressif, plus juste ?
Comme je le disais, les mesures de financement sont absentes : je pense aux niches fiscales des entreprises, sur lesquelles vous jouez bien entendu « petit bras », quand bien même le Président de la République s'était engagé à les réduire à l'issue du grand débat. Seuls quelque 600 millions d'euros seront rabotés en 2020 sur 100 milliards de niches fiscales, soit 0,6 %. Les marges de manoeuvre existent, mais exigent sans doute du courage politique, par exemple s'agissant du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ou du crédit impôt recherche. Qu'on se le dise, votre boussole politique reste la même et est largement partagée ici, certains trouvant même que ça ne va pas assez loin et pas assez vite : baisse des impôts, baisse des dépenses publiques, avec un État rabougri et des politiques publiques sans moyens et donc sans ambition face aux immenses défis qui nous font face : social, climatique, agricole, territorial.
Je veux aussi souligner, cela a été dit tout à l'heure, la baisse des moyens consacrés à l'agriculture et à la cohésion des territoires, qui montre sans doute un désintérêt ou pour le moins une méconnaissance des territoires ruraux que l'on dit oubliés. Le crédit d'impôt transition énergétique l'illustre bien : pour le transformer en prime et en faire bénéficier les ménages modestes, il vous aura fallu deux ans, quand il a suffi de trois mois pour faire sauter l'ISF. Pire, le CITE est passé de 1,6 milliard à 800 millions, montant largement insuffisant pour engager la rénovation énergétique dans notre pays. Et, cerise sur le gâteau – cela a été dit aussi –, cela s'accompagne de la suppression de 1 000 emplois au ministère de la transition écologique et solidaire !
Vous entendez maintenir la baisse de l'impôt sur les sociétés. Son taux est trop élevé, pas assez compétitif, nous dites-vous. Or, vous le savez, l'assiette de cet impôt est largement percée par les niches fiscales. En conséquence, son rendement est l'un des plus faibles de l'OCDE. Contrairement à vos engagements, vous baissez le taux sans toucher à l'assiette, c'est donc le jackpot pour les grands groupes. In fine, la baisse de l'IS en 2020 représentera trois fois le montant du CITE.
La réforme des finances locales, quant à elle, s'annonce comme un big bang qui va distendre toujours plus le lien entre les citoyens et leurs élus et fragilisera l'autonomie des collectivités.
Au lieu de combattre ce qui mine nos sociétés, à savoir la compétition du tous contre tous, l'individualisme, la financiarisation et le repli sur soi, ce budget appuie sur l'accélérateur de nos maux. En conclusion, vous servez plus un système qu'un projet, et c'est regrettable.