Intervention de Éric Coquerel

Réunion du vendredi 27 septembre 2019 à 13h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Messieurs les ministres, je pense, moi aussi, que vous faites dans l'inédit. Jamais, me semble-t-il, gouvernement de la Ve République n'aura autant accru les inégalités, affaibli la solidarité, fait faire une mauvaise affaire économique au pays.

D'abord, vous accroissez les inégalités. En effet, vous vous réjouissez de la baisse des impôts, mais j'observe qu'elle favorise surtout, toujours, les plus riches. Fin 2020, la disparition de l'ISF aura coûté 10 milliards, l'application de la flat tax 5 milliards, la baisse de l'impôt sur les sociétés 15,5 milliards. Au total, ce sont 30 milliards qui vont renforcer la dette : moins de recettes, c'est aussi plus de dette. En revanche, on observe que les niches fiscales ne seront quasiment pas touchées : elles diminueront de seulement 600 millions sur les 100 milliards qu'elles coûtent au pays – et je ne parle pas du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont le coût s'élève à 40 milliards. Vous allez aggraver ce problème en baissant le seul impôt redistributif – l'impôt sur le revenu –, sans toucher à la TVA ni aux impôts les plus injustes. Plus de la moitié des Français – 57 % – ne bénéficieront pas de la baisse d'impôts. Par ailleurs, vous supprimez la taxe d'habitation pour les 20 % les plus riches : vous leur faites ainsi un nouveau cadeau, tout en faisant souffrir les communes.

Pourquoi cela affaiblit-il la solidarité ? Vous vous vantez de baisser les dépenses publiques à hauteur de 40 milliards. En réalité, vous augmentez les dépenses régaliennes qui encadrent la société – vous parlez même, dans votre dossier de presse, de « réarmement régalien » de la société –, mais au détriment de tous les autres ministères et de toutes les dépenses qui financent la solidarité, la justice, l'égalité. Je ne prendrai qu'un exemple, totalement aberrant : le ministère de la transition écologique et solidaire va encore souffrir, puisque 1 073 équivalents temps plein y seront supprimés. Vous nous dites que ça n'a pas de rapport avec la politique écologique mais je vais vous citer un chiffre, en lien avec l'incendie de Lubrizol : savez-vous, chers collègues, que, depuis quinze ans, on dénombre moitié moins d'inspections de sites dans notre pays, du fait des baisses d'effectifs ? Or on va continuer à baisser, à hauteur de 0,5 %, les effectifs de la direction générale de la prévention des risques, qui est en charge des inspections, sans même parler des opérateurs publics. Cet exemple montre que votre politique n'a rien d'écologique. Vous diminuez encore l'aide personnalisée au logement (APL). Les plus défavorisés des Français constatent non seulement que la fiscalité est toujours plus injuste et que les solidarités sont toujours plus affaiblies mais ils perçoivent aussi, souvent, des prestations sociales moins élevées.

Il s'agit, enfin, d'une mauvaise affaire économique – ma collègue Sabine Rubin développera cette analyse. Mais vous ne pouvez pas soutenir, monsieur Bruno Le Maire, que c'est à cause de ses restrictions budgétaires que l'Allemagne n'a pas de croissance, sans en tirer les conséquences sur ce que nous faisons nous-mêmes. Vous avez beau jeu d'expliquer que notre cas serait très différent de celui de l'Allemagne : en réalité ces politiques macroéconomiques, qui sont toujours les mêmes, auront exactement les mêmes effets pour la France. Lorsqu'on a la chance d'avoir des taux d'intérêt négatifs, c'est l'occasion – à plus forte raison lorsque s'exprime l'exigence climatique – de se tourner vers des investissements en faveur de la transition énergétique. Emprunter dans ce contexte peut, paradoxalement, faire diminuer la dette.

Monsieur le président Éric Woerth, vous disiez tout à l'heure qu'il n'y a pas encore de crise économique, qu'il y a peut-être des signaux, des inquiétudes, mais qu'elle n'est pas là. Une crise économique – je pense que nous serons d'accord sur ce point – n'est pas un phénomène naturel : elle a une origine. Par conséquent, il serait peut-être temps de modifier la politique économique qui leur donne naissance. Je vous rappelle que la dernière crise s'est traduite par une explosion de la dette de l'État de quasiment 400 milliards, puisqu'il a fallu renflouer les banques sous Nicolas Sarkozy. Et c'est nous tous qui avons payé.

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