Madame la ministre, je souhaiterais avoir votre avis sur la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, dont j'ai été le rapporteur. Cette loi est importante puisque c'était la première fois depuis 1808 que l'on modifiait le régime de prescription pénale. Son application pose un certain nombre de questions. À la demande du Sénat, un « délai butoir » de douze ans en matière délictuelle a été fixé à l'exercice des poursuite en cas de report du point de départ du délai de prescription de l'action publique des infractions occultes et dissimulées. Il est de trente ans en matière criminelle. Quelles conséquences doit-on en tirer pour les dossiers en cours ? En particulier, en matière délictuelle, un procès s'arrête-t-il immédiatement à partir du moment où l'on atteint ces douze ans ?
Ainsi, pour ne prendre que le dossier de l'amiante – qui concerne notamment ma circonscription –, il a été ouvert en 1998, n'est toujours pas clos, et l'on s'oriente vraisemblablement vers un non-lieu, selon les derniers échos dans la presse. Quoi qu'il en soit – non-lieu ou renvoi devant le tribunal correctionnel –, cela fait près de dix-huit ans que le dossier est en cours d'instruction ! Comment, dans cet exemple, appliquer les règles de prescription telles qu'issues de la loi du 27 janvier 2017 ?
Avec mon collègue Georges Fenech, nous avions rencontré le pôle des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris sur ces questions. Tous, notamment le juge Renaud Van Ruymbeke, nous avaient fait part de l'incidence des nullités sur les délais de jugement. Ne doit-on pas arrêter de traiter séparément les nullités et renvoyer globalement, au fond, l'ensemble des nullités ? Faute de quoi, les procès sont reportés à des dates extrêmement éloignées, surtout lorsque sont mis en cause d'anciens ministres – la Cour de justice de la République peut alors être compétente.
Cette question des nullités pollue notre droit pénal. Certes, le droit pénal et le droit de la procédure pénale préservent les libertés, mais, à partir du moment où la date d'un procès n'est toujours pas fixée au bout de quinze ans, où est la liberté des victimes ?