Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mercredi 18 octobre 2017 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Le chantier d'amélioration et de simplification de la procédure pénale sera conduit par MM. Jacques Baume, procureur général honoraire, ancienne membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), auteur d'un rapport sur la procédure pénale en juillet 2014, et Frank Natali, avocat au barreau de l'Essonne et ancien bâtonnier. En faisant travailler ce binôme, nous disposerons de précieux éléments venus du terrain.

Nous souhaitons disposer d'une procédure simplifiée, pour que la justice soit mieux et plus vite rendue, mais également d'une procédure garante des droits de chacun. Ancien membre du Conseil constitutionnel, je sais pertinemment que nous devons respecter les grands principes constitutionnels. Toutefois, des améliorations puissantes sont envisageables grâce à diverses simplifications.

Monsieur Masson, cela aboutira-t-il à une réforme du code de procédure pénale ? La réponse est bien évidemment positive. Le code ne sera pour autant pas intégralement réécrit. Hier, devant vos collègues du Sénat, j'ai défendu un projet de loi de ratification dans le domaine du droit des contrats. J'espère pouvoir le défendre prochainement devant vous, mais il a fallu plus de dix ans pour réécrire une partie substantielle de ce droit. Je ne suis pas dans cette optique, car je souhaite que nous travaillions efficacement, concrètement, mais plus rapidement. Seuls seront révisés les articles ou les alinéas dont la modification permettra de faire avancer la simplification de la procédure.

Madame Lorho, si vous me le permettez, je répondrai à votre question sur les places de prison lors de nos échanges sur le dernier chantier évoqué par Mme la Présidente.

L'amélioration de la place de la victime dans la procédure est, à mon sens, essentielle. J'ai engagé ce travail avec la déléguée interministérielle à l'aide aux victimes. Nous aurons très prochainement l'occasion de vous faire des propositions concrètes. Un comité interministériel d'aide aux victimes se tiendra par ailleurs le 12 novembre sous la présidence du Premier ministre, au cours duquel j'annoncerai différentes mesures.

Vous m'avez interpellée sur le lien de confiance envers la justice. C'est une question extrêmement délicate. Vous avez également soulevé la problématique de la mise en accusation de certains hommes ou femmes politiques. Ces questions relèveront pour partie de la révision constitutionnelle que j'ai annoncée. Dans ce cadre, nous travaillerons d'une part sur le statut des magistrats du parquet, mais également, à nouveau, sur la réforme du CSM. Il faudra que nous en rediscutions ensemble.

Monsieur Breton, je vous l'ai dit, je recherche des voies concrètes d'amélioration. Je ne reviendrai donc pas sur le secret de l'instruction, qui fait partie des grands principes de notre procédure pénale.

Madame Untermaier, vous avez évoqué le travail réalisé dans le cadre du vote de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Je n'en ignore rien. Bien au contraire, nous nous appuyons sur ces dispositions, nous aurons l'occasion d'y revenir. Je ne souhaite ni supprimer des peines existantes, ni en créer de nouvelles, notre arsenal étant suffisamment puissant.

Dans le cadre de la lutte contre la récidive, la justice restaurative m'intéresse beaucoup. Des expériences intéressantes sont menées en la matière dans certains établissements pénitentiaires – je pense notamment à Val-de-Reuil. Un colloque fera très prochainement le point sur ce sujet, avec la présence de scientifiques. Je ne sais pas si je pourrai m'y rendre, mais je suis très attentive à cette problématique.

Concernant notre site internet, je rêve qu'un jour « justice.fr » soit aussi efficace que « impôts.gouv.fr », dans un autre registre. Dès l'année prochaine, sur la base d'un identifiant, les justiciables pourront suivre en temps réel et de manière dématérialisée leur procédure sur justice.fr. Mais notre ambition en la matière va bien au-delà.

Quand déposerai-je le projet de loi sur la procédure pénale ? Comme je l'ai précisé, nous souhaitons que vous l'examiniez au printemps. Je crois que nous disposons d'un ou de deux créneaux législatifs, le premier pour le projet de loi réformant la procédure pénale et le second pour le projet de loi de programmation. J'ai une préférence pour deux textes distincts, mais nous aviserons en fonction des créneaux disponibles.

Madame Vichnievsky, vous avez évoqué un sujet qui me préoccupe beaucoup : la question des voies de recours, qui est finalement celle de la puissance du juge de première instance et de la manière dont la décision peut, ou non, être contestée. Ce sujet sera débattu dans le cadre de la concertation engagée. Des évolutions sont déjà intervenues. Vous savez que l'appel peut actuellement être limité s'agissant des peines correctionnelles. Faut-il prévoir cette limitation s'agissant des procès d'assises ? La question est ouverte, j'espère que nous y apporterons la meilleure réponse.

Monsieur Viala, vous m'avez interrogé sur le rôle des OPJ et la désaffection pour ces postes, qui serait liée aux lourdeurs des différentes procédures auxquelles les policiers doivent faire face. Certains d'entre vous étaient à l'instant à l'Élysée. Ils ont entendu le discours du Président de la République aux forces de sécurité intérieure. Indépendamment des réformes concernant ces forces, qui ne font pas partie de mon domaine de compétences, le Président de la République a été très clair : je dois conduire la réforme de la procédure pénale en lien extrêmement étroit avec mon collègue Gérard Collomb.

De nombreuses réunions ont eu lieu entre nos différents services. Hier, j'ai directement travaillé avec M. Gérard Collomb sur les questions très ouvertes qui vont être transmises aux magistrats et, bien entendu, aux personnels de police et de gendarmerie, sur la première phase de la procédure pénale, autour de l'enquête. Nous étudierons ensuite ensemble les remontées du terrain et c'est évidemment ensemble que nous verrons de quelle manière nous pouvons simplifier ce premier temps de la procédure pénale.

Nos relations avec le ministre de l'intérieur sont empreintes à la fois de confiance, de volonté de travailler ensemble de manière extrêmement fluide, et de la certitude que chacun est porteur des singularités liées à son champ de compétences. Il n'y a ni confusion, ni hostilité. C'est, me semble-t-il, la manière dont on doit travailler. J'espère et je souhaite profondément que cela produira les effets attendus.

Monsieur Bernalicis, je vous rejoins concernant les moyens. Je n'ai jamais dit que nous n'avions pas besoin de moyens supplémentaires. D'ailleurs, le Gouvernement a fait de la justice une priorité. Il nous a donné ces moyens : mon budget augmentera de 4 %, pour atteindre près de 7 milliards d'euros en 2018. La somme est loin d'être négligeable, notamment en comparaison du gel budgétaire de cet été, qui portait uniquement, je vous le rappelle, sur 160 millions d'euros de crédits non engagés.

Le Gouvernement a également mis en place une nouvelle procédure budgétaire. Désormais, les crédits gelés le seront à moindre hauteur. Par ailleurs, j'espère qu'ils ne seront pas annulés. En tout état de cause, ce budget nous permettra, cette année et surtout les années suivantes, de déployer un programme ambitieux. Pour autant, je l'ai dit et le maintiens : cela ne doit en aucun cas nous empêcher de réfléchir à d'autres moyens de fonctionner.

Monsieur Paris, pourriez-vous me rappeler votre question ?

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