Le chantier de la procédure civile sera conduit par M. Nicolas Molfessis, professeur des universités, et Mme Frédérique Agostini, présidente du tribunal de grande instance de Melun.
Je ferai d'abord une réponse d'ensemble à plusieurs d'entre vous. Une importante réforme de l'appel vient d'entrer en vigueur au 1er septembre 2017. Cette réforme est issue de la réflexion sur la justice du XXIe siècle et comporte plusieurs dispositions de simplification et de modernisation, destinées à alléger la charge des greffes et à maîtriser le cours de l'instance. En dépit – ou du fait – de cette réforme, le paysage de la procédure civile en première instance est extrêmement divers. Même si cette procédure obéit à des principes communs – comme le principe constitutionnel du contradictoire –, elle différera selon qu'on se trouve devant les juridictions commerciales, sociales ou civiles, aussi bien au stade de l'introduction de l'instance que dans la procédure suivie. Ces multiples disparités nuisent à la lisibilité du droit et à la compréhension de notre institution. C'est pourquoi nous engageons aujourd'hui une nouvelle réflexion. C'est d'autant plus indispensable qu'on ne peut pas ne pas avoir en ligne de mire la question de la prévisibilité et de l'open data des décisions de justice – que l'on peut craindre, critiquer ou refuser mais qui viendra très rapidement bouleverser la manière dont est rendue la justice.
Mme Degois et M. Tourret m'ont interrogée concernant le pourvoi en cassation. Je ne compte pas rouvrir ce chantier maintenant. Le faire nous entraînerait dans de nombreux débats et risquerait de paralyser notre réflexion sur la première instance et, à la marge, sur celle de l'ouverture de l'appel. Les questions du filtrage des pourvois en cassation et du positionnement de la Cour de cassation sont légitimes : je ne les éluderai pas, mais je ne les traiterai pas cette année car je souhaite que les chantiers que j'ai ouverts aboutissent.
Monsieur Gauvain, vous avez évoqué la longueur des délais de procédure et les recours abusifs, proposé l'institution d'un droit de timbre et soulevé la question de la conciliation. L'objet du chantier de simplification de la procédure civile est bien entendu d'améliorer les délais de traitement des dossiers. Pour ce faire, nous souhaitons engager une réflexion sur la déjudiciarisation de certains dossiers. Lorsque je me suis rendue à Nantes avec le Premier ministre et que des magistrats ont évoqué l'extrême longueur des délais, en particulier devant les juges aux affaires familiales, la question de la déjudiciarisation a été posée, notamment dans le domaine des tutelles où le juge intervient sans que cela soit nécessaire à tous les stades de la procédure. Il y a des dossiers qui, comme cela a été fait pour le divorce par consentement mutuel, peuvent être déjudiciarisés. Je ne souhaite pas réintroduire un droit de timbre : j'en connais les avantages ; j'en mesure également les inconvénients et le sens politique. Je suis d'accord avec vous, monsieur Pradié, les décisions que nous prenons ont parfois un sens politique. En revanche, je souhaite réfléchir à la conciliation et aux procédures de médiation. Nous verrons s'il faut parfois rendre obligatoires ces procédures pour diminuer le nombre de recours contentieux.
Vous avez raison, madame Obono : quand on réfléchit à ce qu'est la justice, on ne peut faire abstraction de la politique. Le travail que je souhaite conduire sera très concret mais n'outrepassera pas les règles constitutionnelles que nous devons impérativement respecter. Je veillerai bien évidemment à ce que la simplification de la procédure pénale ne remette pas en cause les garanties procédurales dont bénéficient les justiciables.
Vous avez évoqué le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Ce n'est pas le sujet aujourd'hui, mais je connais la teneur des débats sur ce texte. Je sais très bien qu'en traitant non pas des infractions mais des comportements susceptibles d'induire des infractions qui n'ont pas encore été commises, on développe une nouvelle manière d'appréhender ces infractions. Je mesure l'intérêt du débat théorique sur ce sujet, mais je me situe, moi, dans une approche plus pragmatique, considérant que la sécurité est un élément important de la justice. De plus, des contrôles seront effectués à plusieurs niveaux. La loi que vous avez adoptée soumet notamment les mesures d'assignation à résidence et de perquisition à des critères et à des conditions précises. Ces mesures font aussi l'objet d'un contrôle préalable du juge judiciaire dans certains cas et d'un contrôle a posteriori du juge administratif dans tous les cas. Le texte prévoit également que dans deux ans, le Parlement pourra de nouveau intervenir à ce sujet. Dans ces conditions, il me semble que ce texte pouvait être adopté à une large majorité.
Monsieur Mazars, vous avez souligné l'archaïsme de nos règles procédurales que vous m'incitez à simplifier. C'est précisément l'objet du travail que nous allons conduire. Nous envisageons deux grands types de procédures : une procédure avec avocat et une autre, sans. M. Molfessis m'a demandé s'il ne fallait pas aussi réfléchir à une procédure numérique. Je ne sais pas encore s'il y aura une distinction à établir, mais la question est ouverte.
M. Houlié a abordé un sujet brûlant sur lequel je ne me prononcerai pas. J'aurai suffisamment d'autres problèmes à traiter. La postulation est une question très sensible. Elle a été bouleversée par la loi Macron. Je ne souhaite pas changer la règle à ce stade, estimant que la profession d'avocat va devoir évoluer en profondeur. Je mesure les craintes et le besoin d'accompagnement des avocats mais cette profession ne fera pas l'économie d'une telle évolution face au numérique, à la simplification des procédures et à la numérisation du ministère de la justice.
Madame Vichnievsky, vous avez évoqué la possibilité de limiter le recours aux moyens nouveaux. Comme je le disais en préambule, on vient juste de modifier les règles de l'appel. Je ne souhaite donc pas faire évoluer le droit en ce domaine cette année, même si je partage à titre personnel vos préoccupations. Je pense que ces dernières pourraient faire partie de notre réflexion plus globale sur les pourvois en cassation.
Madame Louis, je suis tout à fait favorable au développement des modes alternatifs de règlement des litiges et à une réflexion sur les délais d'exécution des décisions de justice.
Vous avez évoqué le divorce par consentement mutuel, monsieur Questel, mais je ne suis pas sûre d'avoir compris votre question.