Je vais y venir, monsieur Lambert.
Aujourd'hui, le délai est de quarante et un jours. Le débat que nous avons aujourd'hui a déjà eu lieu dans l'hémicycle en 2010, lorsque le texte sur les ordonnances de protection a été débattu. Il est parfois utile de se souvenir de ce que furent les débats parlementaires. À l'époque, plusieurs collègues avaient à l'esprit de fixer clairement dans la loi un délai, mais d'autres collègues de diverses sensibilités politiques ainsi que le Gouvernement avaient considéré qu'il ne fallait pas le faire et que mieux valait privilégier la formule : « dans les meilleurs délais ».
Aujourd'hui, nous sommes capables d'établir un constat : en 2014, le délai de délivrance des ordonnances de protection était de vingt-cinq jours ; en 2019, il est de plus de quarante et un jours. Or le délai de 2014 ne répondait déjà plus à l'intention du législateur : lorsqu'il s'agit de la vie d'une femme, « meilleurs délais » ne signifie pas vingt-cinq jours, et encore moins quarante et un jours.
Avant toute chose, nous avons donc voulu réduire ce délai à six jours, non de manière arbitraire, mais parce que – nous sommes d'accord sur ce point – passer d'un mois et demi à six jours constitue déjà une révolution. En l'état actuel de son organisation, et des moyens qui lui sont dévolus, la justice est capable de tenir ce délai. Ces six jours permettent également le respect du principe du contradictoire : en 144 heures, il est possible de suivre toutes les étapes de la procédure nécessaire pour que l'ordonnance soit délivrée dans de bonnes conditions, et donc inattaquable.
Vous avez raison, monsieur le député, de dire que le droit français prévoit des procédures beaucoup plus rapides : quarante-huit heures pour le référé liberté, soixante-douze heures – parfois moins – pour, en droit commercial, interdire la publication d'un livre tombant sous le coup de la loi. Ce que la République est capable de faire dans ces cas de figure, elle doit être capable, au minimum, de le faire pour protéger la vie des femmes.
Nous avons choisi ce délai de six jours parce qu'il nous semble, aujourd'hui, le plus accessible. Nous aurions pu opter pour soixante-douze heures ; mais en l'espèce, l'organisation de notre pays, de notre justice, n'est pas adaptée à un traitement de cette procédure en soixante-douze heures.
Pour parler clairement, les Espagnols le font parce qu'ils ont une juridiction spécialisée, qui rend possible un délai de soixante-douze heures. Nous n'avons pas de juridiction équivalente ; notre mode d'organisation est différent ; c'est pourquoi le délai de six jours est, à l'évidence, le plus raisonnable, même si je sais qu'il peut déjà paraître préoccupant. Il n'en constitue pas moins une avancée considérable.
Pour terminer, je voudrais aborder une question qui nous a légitimement été posée en commission : que se passera-t-il si ce délai n'est pas tenu ? En matière de référé liberté, tous les magistrats de ce pays tiennent les délais. On n'imagine pas que, dans leur cabinet, ils ne fassent pas en sorte de traiter les urgences comme elles doivent l'être, et de se répartir les missions pour mener la procédure à son terme en six jours, si la loi fixe ce délai.
Dans le cas où un magistrat ne répondrait pas à l'exigence impérative de la loi, la procédure ne sera pas nulle. Ce point important a déjà été soulevé : en matière civile, il n'y a pas de cause de nullité si les choses ne sont pas clairement indiquées. Le seul risque serait que la victime se retourne contre l'État et engage la responsabilité de celui-ci ; permettez-moi de vous dire que je ne vois aucun inconvénient à cela, si la République n'est pas capable de respecter les objectifs qu'elle s'est donnés par la loi. Sur le fond, nous savons que ce délai peut être tenu.
Nous avons fixé cette règle en tentant de trouver la meilleure rédaction possible. Il nous fallait trouver la date à laquelle le délai de six jours commencerait à courir. Notre idée initiale était de la fixer au jour de la saisine du juge aux affaires familiales : cette solution avait le mérite de la clarté. Néanmoins, pour faire en sorte que les dossiers examinés par les juges aux affaires familiales soient complets, nous pensons qu'il vaut mieux partir de la date de délivrance, de connaissance, de la date d'audience ; cela nous a paru plus simple à cet égard.
Cependant, ce choix entraîne une imprécision, car il n'existe pas actuellement d'acte de procédure visant à délivrer la date d'audience. Ce problème n'est pas impossible à résoudre : le code de procédure civile peut être amené, par la voie réglementaire, à préciser que la date d'audience sera désormais fixée par un acte, lequel permettra de faire courir le délai de six jours.
En résumé, ce délai de six jours est une évolution radicale, et sûrement tout aussi essentielle que le bracelet anti-rapprochement, dans cette proposition de loi. Les points que nous venons d'examiner nous permettent de nous assurer qu'il est tenable ; la navette parlementaire fera le reste. Si nous parvenons à cette évolution, nous aurons considérablement fait progresser la cause des femmes.