Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 18 octobre 2017 à 16h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Mme la Secrétaire d'État, vous faites partie de la fameuse société civile que voulait promouvoir le candidat Macron pendant la campagne présidentielle. Votre riche expérience dans le secteur privé vous sera sûrement utile dans vos fonctions ministérielles et sera utile à votre ministre de tutelle. Je pense notamment aux responsabilités liées au développement durable et à la responsabilité sociale et environnementale que vous avez exercées au sein du groupe Veolia, sur le plan international.

Le ministère de la Transition écologique et solidaire est, par l'ambition et les dossiers qu'il porte, une cible privilégiée des lobbies. Nous l'avons déjà vu à plusieurs reprises, par exemple, lors de l'examen du projet de loi mettant fin à la recherche et l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Nous avons senti tout le poids de ces groupes de pression, jusque dans l'hémicycle et ici même, en commission, pour infléchir la loi dans leur sens et l'affaiblir. Le pantouflage, recrutement de hauts fonctionnaires ou de membres de cabinets ministériels, est utilisé par les grands groupes privés pour faire valoir plus facilement leurs vues auprès des politiques et de l'administration. Dans votre cas, à l'inverse, pensez-vous que votre connaissance du secteur privé peut être utile au gouvernement pour faire prévaloir l'intérêt général et déjouer les stratégies de lobbying, notamment sur les dossiers à venir du glyphosate et du code minier ?

Ma deuxième question portera également sur un de vos domaines de compétences : le secteur de l'eau. Permettez-moi de rappeler à la Commission du développement durable quelques chiffres effarants. 2,8 millions de Français sont aujourd'hui exposés à la consommation d'eau polluée par des pesticides, des nitrates ou du plomb provenant souvent d'activités agricoles ou industrielles. 92 % des cours d'eau sont pollués. La charge du financement de la dépollution incombe à 87 % aux consommateurs et seulement 6 % de cette charge est supportée par les agro-exploitants, comme le soulignait un rapport de la Cour des comptes paru il y a à peine deux ans. Nous sommes dans le système paradoxal du « pollué-payeur » !

Dans le même temps, le stress hydrique devient un problème régulier, quasi-quotidien, dans plusieurs régions du pays. À la demande du groupe La France insoumise, une mission d'information sur la ressource en eau va être mise en place au sein de la commission. En préalable des travaux qui seront menés, je vous pose la question suivante : quelle est votre feuille de route concernant la gestion des eaux en France et qu'envisagez-vous quant à la préservation de cette ressource indispensable, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualificatif ?

Ma troisième question porte sur un tout autre sujet : le CETA et le mécanisme d'arbitrage qui entrera en vigueur s'il est ratifié par la représentation nationale. Cette justice commerciale privée sera habilitée à rendre des décisions lourdes et à sanctionner des États souverains. De nombreuses décisions rendues par des juridictions similaires vont manifestement contre l'intérêt général. Ainsi, au Canada, ce mécanisme a permis un recours d'Ethyl Corporation, grand producteur américain, contre l'interdiction d'un additif toxique utilisé dans l'essence. En Uruguay et en Australie, la société Philipp Morris attaque les mesures anti-tabac mises en place par les gouvernements. Comment obtenir des garanties sur la conformité de ces mécanismes d'arbitrage avec nos objectifs de politique publique, notamment en matière d'environnement et de santé ?

J'espère que vous pourrez répondre à ces questions en toute transparence et sans tabou, comme vous l'avez souligné au début de votre propos. Je vous remercie.

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