Merci pour vos questions riches et variées. Je vais tout d'abord répondre aux questions sur les négociations internationales et la COP23. Réussir l'Accord de Paris relève d'une responsabilité collective, celle de l'ensemble des pays signataires de cet accord. Il revient donc à l'ensemble des pays, chacun à son niveau, de mettre en oeuvre sans attendre les stratégies et les actions nationales à la hauteur du défi.
La mise en oeuvre de l'Accord de Paris nécessite un ensemble de règles communes et efficaces et des institutions qui fonctionnent. C'est pourquoi nous devons achever l'ensemble des décisions d'application couvrant tous les sujets du programme de travail lors de la COP24 à la fin de l'année 2018.
Cela signifie que la COP23 constitue une étape décisive sur cette voie. Nous attendons de la COP23 des progrès substantiels, le but étant de disposer d'une base solide pour achever les discussions en 2018 et éviter ainsi qu'elles ne s'éternisent.
À la COP23, les discussions devraient passer d'un débat conceptuel à une rédaction plus spécifique. Toutes les parties devraient élaborer des options concrètes sous forme d'éléments de texte sur chaque sujet.
Pour travailler au long de l'année 2018 en vue d'aboutir à la COP24 et à l'adoption de règles de mise en oeuvre, nous devons utiliser notre temps à bon escient, en particulier pendant toutes les séances de négociations et les réunions qui sont prévues en 2018. En effet, il nous reste très peu de temps avant la COP24. Il faut donc faire des progrès importants sur les textes lors des sessions formelles avec l'aide active des présidents et des facilitateurs.
Le maintien de l'équilibre qui a été trouvé lors de l'Accord de Paris est essentiel pour conclure les décisions qui vont être adoptées au moment de la COP24. La mise en oeuvre de cet accord doit également permettre de soutenir les mesures d'adaptation et d'atténuation, en particulier dans les pays les plus pauvres et les pays les plus vulnérables.
La présidence fidjienne a proposé l'élaboration d'une feuille de route pour définir un calendrier de travail clair pour 2018 : nous pensons que c'est une bonne idée, à condition de ne pas passer trop de temps à négocier cette feuille de route.
Quant au sommet sur le climat qui aura lieu à Paris le 12 décembre prochain, qui se place donc entre la COP23 et la COP24, il a été décidé par le Président de la République, à la suite de la décision des États-Unis de se retirer de l'Accord de Paris. Il aura lieu deux ans, jour pour jour, après celui-ci. Ce sommet ne va pas interférer avec les négociations de la COP mais travailler à la mise en oeuvre de l'Accord de Paris. Nous entendons mobiliser la société civile, des entreprises, des ONG, des citoyens, des banques, l'enjeu de ce sommet étant d'accélérer le « verdissement » de la finance. Nous travaillons, avec plusieurs autres ministères, pour préparer ce sommet en identifiant des projets concrets susceptibles de faire appel à des financements et à des partenariats innovants, pour mettre en oeuvre l'Accord de Paris et le rendre irréversible. Investir plus et mieux, tel est l'objet de ce sommet.
Sur la question des perturbateurs endocriniens dans les pesticides, la France prend acte du vote du Parlement européen sur la définition de ces substances et souhaite l'interdiction, dès que possible, des pesticides qui en contiennent. Elle a demandé à la Commission européenne de présenter, dans les plus brefs délais, un nouveau texte prenant en compte les inquiétudes exprimées par le Parlement européen, et donc un texte qui ne prévoirait aucune exemption. Les enjeux de santé sont de mieux en mieux connus, notamment grâce aux travaux de l'OMS, mais il n'est pas seulement question de santé publique : le défi est à la fois scientifique, réglementaire, technologique – pour identifier des substituts sûrs et efficaces –, sanitaire et social. Les enjeux financiers, les coûts liés à l'exposition des populations à ces substances, y sont estimés par certaines études à 150 milliards d'euros par an en Europe. Il y a, enfin, un enjeu de crédibilité, que beaucoup d'entre vous ont souligné.
Le travail sur ce sujet est d'abord européen. La France a plaidé sans relâche pour qu'une définition exigeante soit arrêtée par l'Union européenne, ce qui n'a pas encore abouti. Or, c'est la condition préalable à une interdiction de ces substances. Il y a urgence à agir. La France demande donc aussi qu'un nouveau règlement, ambitieux et rigoureux, soit adopté, et est prête à travailler avec la Commission et les autres États membres pour accélérer la mise en oeuvre d'une stratégie globale. Il faut proposer en priorité de nouvelles règles pour les secteurs du jouet, des cosmétiques et des emballages alimentaires, car le secteur agricole n'est pas seul concerné : on trouve les perturbateurs endocriniens dans notre environnement quotidien. Plusieurs autres États membres soutiennent les demandes de la France.
Au niveau national, plusieurs actions sont poursuivies ou engagées. Tout d'abord, celle de renforcer considérablement l'information du grand public, pour que les citoyens puissent prendre des décisions éclairées. Un site Internet sera créé, une campagne de communication sera menée et une « journée nationale » sera organisée sur ce thème en 2018.
Ensuite, avec d'autres ministères, nous travaillons sur un étiquetage pour signaler la présence des perturbateurs endocriniens dans les produits de grande consommation. C'est fondamental. Nous voulons aussi que soit publiée la liste des pesticides qui en contiennent.
La stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, qui a été lancée en 2014, fait actuellement l'objet d'une évaluation. Nous allons lancer une plus large concertation, notamment avec l'ANSES, dans le but d'encadrer ces substances en conformité avec les règlements européens REACH et CLP.
Enfin, cette question sera intégrée dans la future stratégie de santé. Le Groupe Santé-Environnement se réunira très prochainement.
En ce qui concerne la qualité de l'air, je partage votre souci d'information du grand public. Là aussi, c'est essentiel, et il faut impliquer encore plus les parties prenantes au stade de la mise en oeuvre. À cet égard, la troisième « Journée nationale sur la qualité de l'air », le 20 septembre dernier, a été un succès, beaucoup d'acteurs locaux s'étant impliqués.
Sur le fond, beaucoup de mesures ont été prises par le Gouvernement qui vont permettre d'améliorer la qualité de l'air. Un dialogue a été engagé avec la Commission européenne sur la réduction de l'ensemble de nos émissions polluantes, y compris les émissions de dioxyde de carbone. Le 10 mai dernier a été adopté un Plan national de Réduction des Émissions de Polluants Atmosphériques (PREPA), dont la mise en oeuvre permettra une réduction significative de tous ces polluants. Ce plan va être complété, d'ici mars 2018, par des feuilles de route opérationnelles, pour définir des actions concrètes à court terme.
À plus long terme, des actions sont prévues dans le cadre du Plan Climat annoncé par le ministre d'État Nicolas Hulot le 6 juillet dernier, notamment s'agissant de la fiscalité du diesel, point fondamental, et l'objectif de mettre fin à la vente de véhicules émettant des gaz à effet de serre d'ici 2040. Les constructeurs automobiles se mobilisent et c'est une étape essentielle.
Pour répondre aux questions sur le CETA, effectivement ce traité manque d'ambition quant à l'encadrement de son impact sur le climat. Certaines dispositions font défaut, en cohérence notamment avec l'Accord de Paris sur le climat. C'est pourquoi nous avons l'intention d'être très vigilants, dans son application, sur les questions de santé et sur la pleine application du principe de précaution. Le Président de la République a souhaité la mise en place d'un comité d'experts. Ces dernières semaines, des concertations ont été engagées sur la base des conclusions de ce comité, avec un double objectif : apporter des réponses aux préoccupations exprimées sur le CETA et faire en sorte que les futurs accords bilatéraux reflètent parfaitement le niveau d'exigence climatique et les choix collectifs européens et français en matière d'alimentation, de santé et d'environnement.
Le comité d'experts a identifié plusieurs points de vigilance et émis des recommandations, mais il n'a pas identifié de risques dirimants dans les dispositions qui sont entrées en application provisoire le 21 septembre dernier. Il n'a pas identifié d'élément qui conduirait à remettre en cause la signature de la France. Ce sont les modalités de mise en oeuvre qui sont déterminantes, et sur lesquelles nous travaillons. La France va effectuer, au sein de l'Union européenne, et en liaison avec le Canada, un suivi de la mise en oeuvre pour s'assurer que celle-ci sera parfaitement conforme aux standards européens dans les domaines de la santé et de l'environnement.
Les mesures concrètes d'application du CETA, et les leçons à en tirer pour les accords futurs, figureront dans le plan d'action qui sera annoncé par le Premier ministre le 25 octobre. Ce plan d'action comportera trois axes, en ce qui concerne le climat, la santé et l'environnement :
Le premier sera, dans la mise en oeuvre du CETA, la transparence et l'implication de l'ensemble des parties prenantes dans les différents comités de suivi, au niveau national et au niveau européen. Les parlementaires européens et français seront également impliqués, et informés le mieux possible : c'est une priorité pour nous. Par ailleurs, nous mettrons en oeuvre des contrôles inopinés pour assurer un suivi vigilant des travaux du comité sur les normes phytosanitaires et pour vérifier que les produits canadiens arrivant en Europe respectent bien le principe crucial selon lequel tout produit qui entre dans l'Union européenne doit respecter les règles du marché intérieur européen.
Le deuxième axe sera la recherche d'engagements européens et internationaux pour sécuriser les impacts potentiels du CETA sur le climat et l'environnement, notamment en matière d'importation d'hydrocarbures, de non-opposabilité des engagements climatiques auprès des tribunaux d'arbitrage, et de traçabilité et d'étiquetage des produits alimentaires.
Le troisième axe structurant concerne les futurs accords bilatéraux de libre-échange : il faut renforcer la transparence et l'association des parlements à toutes les étapes de la négociation, et exiger de la Commission européenne qu'elle produise, en amont, des études d'impact environnemental et climatique. Dans le cadre du dialogue engagé par la Commission européenne sur le renforcement des chapitres « Développement durable », nous demandons que ces dispositions deviennent contraignantes et opposables dans le règlement des différends.
Concernant le glyphosate, il s'agit d'une question importante à laquelle nous portons la plus grande attention et sur laquelle nous travaillons en liaison étroite, notamment avec le ministère de l'Agriculture. Le glyphosate est la substance active herbicide la plus utilisée en France et dans le monde. Environ 8 500 tonnes de glyphosate ont été mises sur le marché en 2016 ce qui représente environ 30 % du tonnage d'herbicide vendu.
Il est important de bien avoir en tête le contexte ainsi que les enjeux à venir. Cette substance, utilisée depuis de nombreuses années, bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché accordée par la Commission européenne, autorisation qui prend fin le 15 décembre 2017 et dont la prolongation nécessitera un vote, le 25 octobre prochain. Ce vote intervient dans un contexte de très fortes inquiétudes face aux potentiels dangers du glyphosate, que reflètent aujourd'hui vos questions : risques environnementaux, notamment pour les riverains des cultures où cette substance est pulvérisée, pour la santé humaine en ce qui concerne les travailleurs exposés, pour les consommateurs et l'ensemble de l'écosystème.
Le débat quant à la nature cancérigène du glyphosate et sur les préparations à base de glyphosate et d'autres co-formulants toxiques est particulièrement d'actualité. Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) l'a classifié en mars 2015 comme une substance cancérigène probable, le 20 mars 2015. Parallèlement, les deux agences européennes compétentes notamment dans le cadre d'une nouvelle autorisation de mise sur le marché, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), n'ont pas reconnu au glyphosate un caractère cancérigène. Ces différences d'appréciation entre organismes, outre des méthodes différentes dans l'élaboration des études, soulignent également la complexité de la question. Au niveau national, l'ANSES a été saisie, et a, elle-même, saisi un groupe d'experts. Selon ces experts, les divergences s'expliquent principalement par des critères de sélection des études retenues et la méthodologie de niveau de preuve final sans pour autant que soit tranché le caractère cancérigène ou non de la substance. Ces conclusions, comme vous l'avez souligné Monsieur le député, posent des questions multiples et fondamentales, celles de la méthodologie des études, de la nature et la crédibilité des études retenues ainsi que de la transparence et de l'indépendance des experts dans le contexte que vous connaissez tous du scandale des Monsanto Papers. C'est ce sur quoi nous souhaitons véritablement agir.
Au niveau national, le glyphosate et ses préparations à base de tallowamine ont été retirés du marché. L'issue du vote à la proposition de la Commission européenne est profondément incertaine. J'ai eu de nombreux échanges à ce sujet avec mes homologues européens qui l'ont confirmé. Le ministre d'État, M. Nicolas Hulot, et moi-même, avons sur ce dossier une position ferme : c'est le principe de précaution qui doit s'appliquer eu égard au faisceau de présomptions qui existe quant à la dangerosité de cette substance sur la santé humaine et les écosystèmes. Parce qu'il existe des doutes, nous ne prendrons aucun risque. Le 25 octobre prochain, nous voterons donc « non » à la proposition de la Commission européenne de renouveler, pour 10 ans, l'approbation de l'utilisation du glyphosate. La France précisera que la réintroduction, à court ou long terme, du glyphosate n'est pas envisageable. Nous allons également réitérer une demande de réforme des mécanismes d'évaluation. Cette demande d'évolution du dispositif d'expertise des agences européennes a été portée devant le Conseil européen du 13 octobre dernier. La France a été soutenue par 7 États membres, dont l'Allemagne, le Danemark, la Suède et l'Italie. J'ai particulièrement soutenu et porté cette initiative auprès de mes homologues européens car il est nécessaire d'avancer sur cette question.
Nous souhaitons que les données utilisées par les agences chargées de l'évaluation, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), soient accessibles aux parlementaires qui en font la demande sans que ne leur soit opposé le droit de la propriété intellectuelle ou le secret des affaires. La transparence est l'une de nos priorités. Nous avons également proposé que les substances pour lesquelles un doute subsiste puissent faire l'objet d'études indépendantes comme cela existe déjà aux États-Unis. Sur le modèle américain, nous souhaitons la mise en place d'un fonds pour financer des études indépendantes sur des substances ou des produits sujets à controverse. En l'absence de consensus le 25 octobre, il y aura un autre vote et nous proposerons une trajectoire alternative crédible à une sortie programmée du glyphosate. Je tiens également à préciser que le Premier ministre a chargé les ministres de la Transition écologique et solidaire et le ministre de l'Agriculture de réfléchir à un plan d'action pour une sortie programmée du glyphosate, plan sur lequel nous travaillons.
Madame Auconie, concernant vos questions sur la politique de l'eau, même si cette question n'est pas dans mon champ de compétence direct, eu égard à son importance, je vais vous donner les quelques éléments de réponse dont je dispose. La France participera activement à la journée de l'eau organisée le 10 novembre prochain au sein de la COP23. La protection des ressources, question cruciale, est par ailleurs traitée dans le cadre des États généraux de l'Agriculture. Sur le plan financier, il s'agit de hiérarchiser les interventions vers des actions de prévention tout en renforçant les moyens financiers disponibles : une réflexion dans ce domaine est engagée sur la base du principe pollueur-payeur en vue de diversifier les ressources financières potentielles. Je serai heureuse de poursuivre cette discussion avec vous à l'issue de la réunion si nécessaire.